Mme Catherine Conconne. Je reviens !
Je souhaite mettre à l’aise mes collègues de La Réunion. Leur auto-flagellation m’a rendue triste, mais bon, chacun connaît et assume son territoire. Je respecte.
Je veux bien croire qu’il existe une pathologie particulière à La Réunion, les Réunionnais eux-mêmes ayant dit ici ce soir qu’elle augmentait de manière exponentielle. Je suis allée une seule fois à La Réunion, j’y suis restée quatre jours, je n’y ai pas bu une goutte de rhum,…
M. Bruno Sido. Vous avez eu tort, il est bon !
Mme Catherine Conconne. … je ne connais donc pas la question du rhum à La Réunion.
Deux pays dans l’Atlantique sont de gros producteurs de rhum. J’aime bien sortir du « vrac outre-mer » et jouer la différenciation. La Réunion n’est pas la Martinique. De même, la Polynésie n’est pas la Martinique. On a voulu mettre dans le même sac informe tous les bronzés de la République, mais, pour ma part, je suis martiniquaise, et non outre-mérienne ou ultramarine. Mes particularités sont celles de la Martinique. Elles sont proches de celles de la Guadeloupe, qui ressemblent aux nôtres.
Cet amendement vise à prévoir que La Réunion puisse choisir un délai de six ans et la Martinique, un délai de dix ans. Il s’agit d’un amendement de repli visant à mettre tout le monde à l’aise.
La Martinique et la Guadeloupe font le bonheur de la France avec la Route du Rhum – n’est-ce pas, mon ami Victorin Lurel ? Sous cette appellation courent les plus grands navigateurs du monde, en particulier les Français, pour rejoindre les plus beaux pays du monde de l’autre côté de l’Atlantique. On fait la fête au nom du rhum, on fait du commerce au nom du rhum !
Que l’on accorde donc à ces deux pays, dont le rhum, production d’excellence, est exporté dans plus d’une centaine de pays, dix années pour lisser leur fiscalité !
M. le président. L’amendement n° 259 rectifié bis, présenté par M. Lurel, Mmes Jasmin et Conconne, MM. Antiste et J. Bigot, Mme Conway-Mouret, M. Lalande, Mme G. Jourda, M. Lozach et Mme Ghali, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l’article :
I. – À compter du 1er janvier 2020, à l’article L. 758-1 du code de la sécurité sociale, le montant : « 0,04 euro » est remplacé par le montant : « 0,078 euro ».
II. – À compter du 1er janvier 2021, à l’article L. 758-1 du même code, le montant : « 0,078 euro » est remplacé par le montant : « 0,117 euro ».
III. – À compter du 1er janvier 2022, à l’article L. 758-1 du même code, le montant : « 0,117 euro » est remplacé par le montant : « 0,155 euro ».
IV. – À compter du 1er janvier 2023, à l’article L. 758-1 du même code, le montant : « 0,155 euro » est remplacé par le montant : « 0,194 euro ».
V. – À compter du 1er janvier 2024, à l’article L. 758-1 du même code, le montant : « 0,194 euro » est remplacé par le montant : « 0,232 euro ».
VI. – À compter du 1er janvier 2025, l’article L. 758-1 du même code est abrogé.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement prévoyant un délai de six ans, avec une année d’amorçage, doit-il être présenté à cet instant ?
M. le président. Oui, cher collègue.
M. Victorin Lurel. Il sera mis aux voix séparément ?
M. le président. Oui, sauf si un amendement voté au préalable le faisait tomber.
M. Victorin Lurel. Vous comprenez ma gêne, alors que je demandais, avec mes collègues, un délai de dix ans…
Madame la ministre, j’y insiste : un fonds dédié sera-t-il bien consacré aux actions de prévention et à la lutte contre l’alcoolisme et les différentes pathologies résultant de la consommation d’alcool ? Pour le moment, on ne le sait pas très bien. J’ai cru comprendre qu’une sous-section serait créée au sein de je ne sais quel fonds de financement. Nous aimerions avoir des assurances à cet égard.
Je pense que, pour le moment, les motifs qui sont invoqués sont légitimes et respectables, mais la solution que vous proposez est un peu brutale. Vous ne donnez pas suffisamment de temps aux entreprises pour s’adapter.
Je voterai donc d’abord en faveur d’une période de transition de dix ans ; si celle-ci ne devait pas recueillir l’assentiment de notre assemblée, je me replierai sur une période de six ans.
M. le président. L’amendement n° 611, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - L’article L. 758–1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 758–1. - En Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, en Martinique, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, le tarif de la cotisation sur les boissons alcooliques, prévu à l’article L. 245–9 pour les rhums, tafias et spiritueux composés à base d’alcool de cru produits et consommés sur place est fixé à :
« 1° 168 euros par hectolitre d’alcool pur à compter du 1er janvier 2020 ;
« 2° 246 euros par hectolitre d’alcool pur à compter du 1er janvier 2021 ;
« 3° 325 euros par hectolitre d’alcool pur à compter du 1er janvier 2022 ;
« 4° 403 euros par hectolitre d’alcool pur à compter du 1er janvier 2023 ;
« 5° 482 euros par hectolitre d’alcool pur à compter du 1er janvier 2024. »
II. - L’article L. 758-1 du code de la sécurité sociale est abrogé à compter du 1er janvier 2025.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis du Gouvernement sur les autres amendements faisant l’objet de la discussion commune.
Mme Agnès Buzyn, ministre. J’indique dès à présent que je demande, au titre de l’article 44 du règlement du Sénat, le vote par priorité de l’amendement du Gouvernement.
Cet amendement vise à étaler sur six ans, à compter de 2020, l’alignement de la cotisation de sécurité sociale pesant sur les boissons alcooliques produites et consommées dans les départements d’outre-mer. Il tend à adapter le calendrier de convergence de la cotisation sur celle qui est applicable en métropole, en tenant compte à la fois des objectifs de santé publique et des nécessités d’adaptation du secteur de production.
Je répondrai maintenant aux interpellations et aux inquiétudes qui se sont exprimées sur notre capacité à travailler sur nos deux jambes en termes de prévention des addictions, notamment des addictions à l’alcool.
Madame Conconne, vous mettez en doute les chiffres que j’ai cités. J’ai évidemment tous les dossiers qui montrent que la consommation d’alcools forts dans les départements d’outre-mer, notamment dans le vôtre, est plus de trois fois supérieure à la moyenne nationale. Ce n’est pas vrai pour le vin, la bière et les autres alcools.
Mme Catherine Conconne. Faux !
Mme Agnès Buzyn, ministre. En outre, en Martinique, 34 % des accidents corporels sont en lien avec l’alcool, contre 10 % en moyenne à l’échelon national.
Vous avez raison, ces chiffres peuvent être stigmatisants, mais ils ne concernent que quelques personnes, et non la totalité de la population.
Cela étant dit, je ne peux pas accepter l’idée, et c’est la preuve du profond respect que je porte aux citoyens de ces territoires, que nous fassions moins bien aujourd’hui en termes de prévention et en matière de santé publique pour nos concitoyens des départements d’outre-mer que pour ceux des territoires métropolitains.
La perte de chances d’un certain nombre de nos concitoyens dans les départements d’outre-mer en raison d’un accès trop facile aux alcools forts me pose problème en tant que ministre de la santé, car je dois être garante de la santé de la totalité des citoyens français. Veiller à faciliter l’accès de l’ensemble des citoyens des départements d’outre-mer aux mesures de prévention me paraît donc être une marque de respect.
Je reviens sur les chiffres que vous avez cités. Certes, la taxation n’est pas le seul levier, le seul axe sur lequel nous pouvons travailler. Vous dites que 80 % des volumes produits sont exportés et que seuls 20 % sont consommés localement. Or la taxation ne vise que la consommation locale, et non l’exportation. La production ne devrait donc être en réalité que très peu touchée. C’est un argument supplémentaire qui démontre que nous prenons uniquement une mesure de santé publique. Il ne s’agit pas de punir les producteurs de rhum puisque 80 % de leur production est exportée.
Monsieur Magras, vous me demandez de vous prouver que les taxes fonctionnent pour limiter les addictions. Toutes les études de santé publique montrent que la taxation est l’un des leviers, même s’il n’est pas le seul. Elle fonctionne pour le tabac, pour l’alcool évidemment, pour le sucre également, comme on l’a vu après le vote l’année dernière de la taxation du sucre dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. La consommation de sucre est en train de diminuer.
Enfin, je tiens à vous rassurer sur la prévention. Nous faisons un effort particulier en la matière dans les départements d’outre-mer. Le plan « Priorité prévention » présenté par le Gouvernement contient un volet spécifique pour les départements d’outre-mer afin de faire face à certaines de leurs particularités.
Dans le programme 204 de mon ministère, 44 millions d’euros sont prévus pour la prévention dans les départements d’outre-mer. Les crédits du Fonds d’intervention régional utilisé par les ARS pour la prévention vont passer de 47 millions d’euros à 49 millions d’euros. Il faut savoir que les ARS dans les départements d’outre-mer consacrent 23 % de ce fonds aux mesures de prévention, contre 15 % en moyenne pour les ARS de métropole.
Les crédits du Fonds de lutte contre les addictions seront portés de 30 millions d’euros à 100 millions d’euros dans le projet de loi de finances que nous examinerons ensemble dans une semaine ou deux. Ce fonds contient également un volet spécifique pour les départements d’outre-mer. Le produit de l’augmentation des droits ira à ce fonds et sera fléché dans une section spécifique pour l’outre-mer, conformément à ce qui est prévu dans le Livre bleu outre-mer. (Mme Catherine Conconne s’exclame.)
Nous tiendrons évidemment nos engagements, comme vous pourrez le vérifier. Le produit attendu de ces taxes s’élèvera à 30 millions d’euros au terme des six ans. Nous travaillons sur la totalité de la politique de santé publique. Notre amendement vise à aligner la taxation en six ans, à partir de 2020, mais il tient évidemment compte de la nécessité pour ces territoires de s’organiser en termes de filières. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’amendement du Gouvernement prévoit une période transitoire de six ans à partir de 2020 afin d’aligner progressivement la fiscalité outre-mer sur les alcools forts sur celle qui en vigueur dans l’Hexagone. Il uniformise aussi le mode de calcul de cette contribution de sécurité sociale en l’appliquant à un volume d’alcool pur par hectolitre, et non plus à une fraction de la boisson.
Ces deux dispositions me paraissent satisfaisantes. Elles répondent en grande partie aux préoccupations des auteurs des amendements qui ont été déposés.
En accord avec le président Alain Milon et la commission, je demande le retrait de ces amendements, au profit de celui du Gouvernement, qui me semble constituer une synthèse.
J’ai bien entendu ce qu’a dit Mme Conconne, qui souhaite une différenciation. Il est vrai, comme vous le dites, que l’industrie du rhum à la Martinique et en Guadeloupe, dans les îles antillaises de façon générale, est plus développée qu’ailleurs. C’est juste, nous n’allons pas le contester. Il n’en demeure pas moins que les territoires d’outre-mer sont tous touchés par les syndromes que nous avons évoqués.
Mme Catherine Conconne. Non !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. À cet égard, je ne citerai qu’un chiffre. Le syndrome d’alcoolisation fœtale a connu une plus forte progression en Guadeloupe entre 2006 et 2013, selon les données de santé publique, ce que peut nous confirmer Mme la ministre. (Mme la ministre acquiesce.) La préoccupation sanitaire est donc la même partout. Un délai de transition de six ans pour aligner la fiscalité sur l’alcool pur me paraît juste. (M. Victorin Lurel s’exclame.) La commission en a jugé ainsi.
M. le président. J’ai été saisi, par le Gouvernement, conformément à l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, d’une demande de priorité de vote de l’amendement n° 611.
Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité formulée par le Gouvernement ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Je vais donc mettre aux voix l’amendement n° 611.
La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Plus j’entends parler, plus je me dis qu’on a tout faux. Je n’aime pas le « vrac outre-mer », qui consiste à mettre la Polynésie, La Réunion et les autres territoires dans le même sac. Les chiffres de mon pays, la Martinique, sont comparables à ceux de la Guadeloupe, mais ils ne ressemblent en rien à ceux que vous avez énoncés, madame la ministre. Et je les tiens pourtant de tableaux réalisés par l’ARS de la Martinique ! (Mme Catherine Conconne brandit le document.) Je ne peux pas plus État que ça !
Vous nous parlez ensuite de fonds dédiés à la prévention, madame la ministre. Les statistiques de la Fédération française des spiritueux Repères 2017, non contestées par le Gouvernement, montrent que 0,2 % seulement des sommes collectées va vraiment à la prévention.
Et qu’en est-il de la fiscalisation du vin, dont il semblerait que la consommation n’entraîne aucune pathologie ? Le vin, au même titre que la bière, reste très faiblement taxé. Après les « gilets jaunes », avez-vous peur d’une manifestation des « bidons rouges » ? (Sourires.) Je respecte les viticulteurs, leur travail est difficile et ils font l’honneur de la France à l’étranger, mais le lobby de la viticulture est connu, il a la dent dure, et vous craignez peut-être de voir des litres de vin déversés rue du Faubourg-Saint-Honoré ou devant l’hôtel Matignon !
En revanche, pour nous, qui sommes si loin de la métropole, aucun problème, aucun doute, on conservera la taxation !
Les arguments employés pour justifier cette hausse brutale étalée sur six ans – pourquoi pas sept ans, pourquoi pas huit, pourquoi pas neuf ? – ne tiennent pas la route…
M. le président. Merci de conclure, ma chère collègue !
Mme Catherine Conconne. … et témoignent d’une méconnaissance chronique de nos territoires. Cela me conforte dans l’idée que je suis une citoyenne entièrement à part !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Toutes les interventions montrent qu’un travail doit être mené outre-mer, sans faire pour autant d’amalgame entre les différents territoires. Cette discussion n’est pas nouvelle, et nos débats d’hier et d’aujourd’hui sont importants.
J’entends aussi que la concertation fait défaut et qu’elle doit être renforcée.
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste n’a pas l’habitude d’être particulièrement complaisant avec le Gouvernement, mais, en l’occurrence, il nous semble que sa proposition, qui vise à aligner progressivement la fiscalité sur une période de six ans, à partir de 2020, peut faire consensus. En effet, si je ne m’abuse, mes chers collègues, six plus deux font huit… (Sourires.)
Nous examinons le PLFSS, et l’alcoolisation est un problème national, dans l’Hexagone et en dehors. Il me semble que la proposition gouvernementale permet de répondre à la problématique, sans pour autant stigmatiser certains territoires.
Vous avez raison, la puissance des lobbies est très importante. Je me souviens d’ailleurs d’une discussion, sous un précédent gouvernement, où les défenseurs des alcools produits sur les différents territoires montaient au créneau les uns après les autres…
En l’occurrence, le Gouvernement a entendu les arguments exposés dans cet hémicycle, et c’est pourquoi notre groupe votera en faveur de l’amendement n° 611.
Mme Catherine Deroche et M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous voterons également l’amendement du Gouvernement, même si je veux féliciter Mme Conconne pour sa combativité – en tant qu’élue d’un département qui produit du Calvados, j’ai une certaine solidarité envers les producteurs d’alcools forts.
En 2012, les droits d’accises sur la bière ont augmenté de 160 % en une seule fois, passant de 13,75 euros à 36 euros. Le Gouvernement a raison de vouloir, cette fois, étaler l’augmentation sur plusieurs années. Avons-nous d’ailleurs, madame la ministre, des statistiques sur l’évolution de la consommation de bière depuis que ces droits ont été augmentés ?
Les producteurs de rhum n’ont pas forcément la structure économique des grands brasseurs pour supporter cette hausse des taxes. L’amendement du Gouvernement me semble prudent sur la capacité « d’absorption » de cette augmentation par les producteurs, et c’est pourquoi nous le voterons.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.
M. Guillaume Arnell. Je vous ai écoutée avec attention, madame la ministre. Vos paroles ont l’art de la séduction et vos intentions sont parfaitement louables.
Je veux toutefois rappeler trois points.
Premièrement, j’ai eu à défendre ici une décision unilatérale du Gouvernement, qui n’est pourtant pas venu en soutien lors de la suppression du quota de rhum.
Deuxièmement, on a attribué au Vietnam un quota sur les sucres spéciaux, alors que ce pays n’était pas demandeur.
Troisièmement, s’agissant du sucre, il a fallu que Victorin Lurel et moi-même nous battions pour que la teneur en sucre des produits destinés aux outre-mer soit alignée sur celle des produits destinés à la métropole. Nous avons aussi bataillé pour qu’un décret d’application soit pris, sans certitude qu’il le soit à l’heure actuelle.
Cherchez l’erreur, madame la ministre ! Vous battez-vous contre l’obésité, le diabète et l’hypertension quand vous laissez fabriquer sur le territoire national, exclusivement à destination des outre-mer, des produits plus sucrés, au prétexte que nous sommes beaucoup plus sensibles que le reste de la population au sucre ? Pourquoi agir différemment pour le rhum ?
Il doit y avoir une forme de cohérence dans l’action.
S’agissant de la mesure que vous proposez, l’étalement est possible, mais on comprend bien qu’il est préférable d’accepter une durée de transition de sept ou huit ans plutôt que rien du tout !
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. La demande de priorité est de droit, mais j’avais moi-même proposé, dans l’amendement que j’ai soutenu, une durée de six ou sept ans. La ministre nous garantit qu’une sous-section du fonds de prévention sera spécialement consacrée à la lutte contre les addictions. Nonobstant la déception que l’on peut ressentir, je demande à nos collègues de faire confiance au Gouvernement et de voter en faveur de l’amendement n° 611.
Guillaume Arnell l’a rappelé : nous avons dû nous battre au Parlement, et singulièrement au Sénat, pour lutter contre toutes les addictions, y compris le sucre. À l’époque, j’ai eu tous les lobbies du sucre contre moi, j’ai même reçu des tracts chez moi à l’occasion d’une campagne pour les élections régionales.
Aujourd’hui, il n’y a toujours pas de contrôle sur la production locale, le taux de sucre dépasse très largement la moyenne nationale et on a attendu deux ans la parution des décrets et arrêtés interministériels.
Le problème ne concerne pas uniquement l’alcool, mais toutes les substances psychoactives. Il faut vraiment un plan de lutte général.
Enfin, il nous faudra aussi revenir, dans le PLFSS puis le PLF, sur le chlordécone, les organochlorés et les produits phytopharmaceutiques en général, sur lesquels il faut agir au plus vite.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. Notre débat est particulièrement intéressant et permet de rappeler un certain nombre de vérités.
Compte tenu de la demande de priorité formulée par le Gouvernement – la priorité est de droit -, je choisis de retirer l’amendement n° 197 rectifié et de me rallier à la position de la commission.
M. le président. L’amendement n° 197 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Viviane Malet, pour explication de vote.
Mme Viviane Malet. Je voterai l’amendement du Gouvernement. Il me semble nécessaire du point de vue de la santé publique et permet aux acteurs économiques de s’adapter à moyen terme.
En revanche, il ne dit rien du fonds consacré à la lutte contre les addictions présenté dans le Livre bleu outre-mer. Je le déplore, même si vous vous êtes engagée oralement, madame la ministre.
M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.
Mme Nassimah Dindar. Les données sanitaires montrent que les phénomènes d’addiction sont bien réels à La Réunion, avec en particulier un problème d’alcoolisation fœtale. Ce n’est faire injure à personne de le reconnaître, et je le dis en toute amitié à notre collègue.
Les personnes qui sont en situation de précarité risquent davantage de souffrir d’addiction au jeu, à l’alcool ou à d’autres drogues. Pour autant, il n’y a pas de sous-Français, ni de sous-Domiens. Chacun a sa part d’humanité, qu’il boive, qu’il joue, qu’il mange du sucre ou qu’il consomme de la bière.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. En conséquence, l’article 9 bis est ainsi rédigé, et les amendements nos 26 rectifié bis, 243 rectifié ter, 569 rectifié, 116 rectifié, 258 rectifié bis, 328 rectifié et 259 rectifié bis n’ont plus d’objet.
Articles additionnels après l’article 9 bis
M. le président. L’amendement n° 460 rectifié bis, présenté par MM. Jomier, Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Jasmin, Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, MM. Fichet, Antiste, J. Bigot et Cabanel, Mme Guillemot, MM. Kerrouche, Magner et Montaugé, Mme S. Robert, M. Tissot, Mme M. Filleul, MM. P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le chapitre Ier du titre III de la première partie du livre premier du code général des impôts, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :
« Chapitre Ier …
« Produits alimentaires à référence alcoolique
« Art. 520 B. – Pour l’application des dispositions du présent code, sont dénommés produits alimentaires à référence alcoolique l’ensemble des produits destinés à la consommation alimentaire dont la composition n’indique pas de produits soumis à la taxe prévue au même article.
« Art. 520 C. I. – Est instituée, à compter du 1er janvier 2019, une taxe sur les produits alimentaires à référence alcoolique, définis à l’article 520 B.
« II. – Sont redevables de cette taxe les personnes produisant, important ou distribuant en France les produits alimentaires à référence alcoolique définis à l’article 520 B.
« III. – La taxe est assise sur le chiffre d’affaires réalisé sur les produits définis à l’article 520 B.
« IV. – Le taux de la taxe est fixé à 5 % du montant mentionné au III.
« V. – La taxe est déclarée et liquidée sur l’annexe à la déclaration des opérations du mois de mars de l’année au titre de laquelle la taxe est due, déposée en application de l’article 287.
« Elle est acquittée au plus tard lors de cette déclaration.
« VI. – La taxe est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée.
« Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
« VII. – Le produit de la taxe est affecté à la branche mentionnée au 1° de l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cet amendement ne prévoit aucune taxation du vin, j’en suis désolé, mais il repose, tout comme l’amendement n° 459 rectifié bis, sur l’analyse de l’émergence d’un marketing publicitaire absolument inacceptable visant les 12-15 ans.
Notre société ne peut tolérer que de jeunes adolescents soient incités à consommer des substances psychoactives. Or, depuis quelques années, un certain marketing incite les jeunes, qui ont naturellement le goût du sucré, à faire progressivement la transition vers l’alcool à travers différents produits qui leur sont proposés.
Cet amendement vise la vente de produits alimentaires à référence alcoolique. On connaît tous les bonbons Pina Colada ou Mojito et les autres substances alimentaires qui contiennent une référence à un produit alcoolique. Elles sont clairement destinées à faire basculer ensuite les jeunes vers une consommation d’alcool.
Je ne peux pas accepter, en termes de santé et de responsabilité des adultes envers la jeunesse, qu’on laisse ce marketing publicitaire se développer. Un amendement de même nature avait été présenté à l’Assemblée nationale, mais son champ était trop large, puisqu’il aurait également inclus, par exemple, une moquette couleur bordeaux…
Nous avons donc retravaillé, en lien avec la commission, pour resserrer l’objet de l’amendement et envoyer un message très clair à ceux qui pensent pouvoir utiliser cette stratégie pour toucher les enfants et les jeunes adolescents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je ne reprendrai pas les excellents développements de notre collègue Bernard Jomier sur le contenu de cet amendement, mais je lui proposerai toutefois, afin de mieux définir le champ des produits concernés, la rédaction suivante pour le nouvel article 520 B du code général des impôts : « Pour l’application des dispositions du présent code, sont dénommés produits alimentaires à référence alcoolique l’ensemble des produits dont la composition n’indique pas de produit mentionné à l’article 401 mais dont l’étiquetage des unités de conditionnement ou l’emballage extérieur comprennent des éléments ou dispositifs qui contribuent à la promotion d’un produit mentionné au même article 401. »
Cette rédaction peut sembler complexe, mais il est nécessaire de définir précisément ces ersatz d’alcool.
Sous réserve de cette modification, je confirme l’avis favorable de la commission.