Mme la présidente. L’amendement n° 23, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans le délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur l’accessibilité des services bancaires de proximité et des moyens de paiement.
Ce rapport comporte notamment des données sur la couverture du territoire en agences bancaires et en distributeurs automatiques de billets ainsi qu’une analyse des prestations alternatives contribuant à la desserte en espèces sur le territoire. Il identifie les difficultés d’accès aux services de paiement auxquels peuvent être confrontés certains territoires. Il décrit également l’évolution de la part du recours aux espèces au sein des moyens de paiement utilisés en France.
Il dresse un bilan des actions engagées par les pouvoirs publics pour améliorer l’accès aux moyens de paiement dans les territoires.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le présent amendement vise à substituer au dispositif prévu à l’article 1er la remise par le Gouvernement d’un rapport présentant des propositions sur l’accessibilité des services bancaires de proximité et des moyens de paiement.
Comme vous le savez, le Gouvernement est très attentif aux difficultés d’accès au cash dans certains territoires – je l’ai déjà indiqué – et aux conséquences que cela peut avoir sur les habitants et le développement de l’économie locale. Cependant, la mesure inscrite dans la proposition de loi, qui ferait reposer sur La Poste et La Banque postale seules la responsabilité de l’accessibilité en tout point du territoire à un DAB, appelle de la part du Gouvernement des réserves, que j’ai rappelées dans mon propos introductif.
Dans ce contexte, il paraît plus opportun d’affiner le constat au moyen d’un rapport spécifique sur l’accessibilité des services bancaires de proximité dans les zones moins densément peuplées – j’ai cité des chiffres de la Banque de France indiquant que seulement 2 % de la population vit à plus de 10 kilomètres d’un DAB. Ce rapport, déjà en cours de rédaction, permettrait de dresser un diagnostic précis sur la couverture du territoire en agences bancaires et en distributeurs automatiques de billets, ainsi qu’une analyse des prestations alternatives contribuant à la desserte en espèces du territoire, afin de faire apparaître les zones blanches.
Il dresserait ensuite un bilan des actions engagées par les pouvoirs publics pour améliorer l’accès aux moyens de paiement dans les territoires et par ses opérateurs, permettant d’envisager le cas échéant des initiatives complémentaires qui répondent à votre questionnement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 4. J’insiste sur le besoin impérieux de l’abondement du FISAC, qui permettrait donc de réimplanter les distributeurs automatiques de billets là où il y en a besoin. Je précise que le FISAC permet de maintenir également 2 000 stations-service de proximité, d’innombrables commerces, et de soutenir aussi des artisans. Vous me permettrez donc d’insister sur ce besoin indispensable.
L’amendement n° 8 vise à introduire un malus pour réduire la rémunération versée aux établissements bancaires, au regard de l’implantation territoriale de leur réseau. Au-delà de cet objectif, cet amendement soulève des difficultés juridiques essentielles : la réfaction proposée n’est pas précisée et les critères permettant d’apprécier l’implantation territoriale ne sont pas définis.
La commission en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 23 du Gouvernement ayant été déposé quelques instants avant le début de la séance, la commission n’a pas eu le temps de l’examiner. À titre personnel, j’émets un avis défavorable.
D’une part, il faut permettre que l’examen de la proposition de loi puisse se dérouler valablement. D’autre part, comme je l’ai indiqué dans mon rapport, la Banque de France conduit actuellement elle-même un rapport en associant l’ensemble du monde bancaire et postal. Madame la secrétaire d’État, quelles que soient les conclusions de ce rapport, qui doit être remis au mois de janvier – votre rapport est prévu sous six mois –, le constat de manque est réel, on le sait, et l’ensemble de nos collègues se sont exprimés à ce sujet. Le Sénat peut dès à présent réfléchir à des solutions, et c’est ce que nous faisons cet après-midi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. La liste nationale mentionnée à l’amendement n° 4 rectifié bis est celle des zones non couvertes par un réseau de communication mobile. La priorité du Gouvernement est de faire disparaître ces zones, ce qui est tout l’enjeu du plan sur le haut débit et le très haut débit, ce plan, pour la partie haut débit, devant être achevé en 2020. Le Gouvernement mène bien une politique volontariste et ambitieuse en matière d’aménagement et, de mon point de vue, cet amendement ne me paraît pas adapté. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 8, je suis l’analyse de Mme la rapporteur et émets un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold, pour explication de vote.
M. Éric Gold. Cela ne vous surprendra pas, je suis totalement contre cet amendement du Gouvernement déposé à la dernière minute et qui n’apporte rien, puisqu’il remet à plus tard toute décision en la matière.
Le Gouvernement n’a pas besoin d’en passer par la loi pour exiger de ses services un rapport. Par ailleurs, la Banque de France est déjà saisie de ce dossier, puisqu’un groupe de travail sur l’accessibilité des espèces, déjà à l’œuvre, devrait rendre ses conclusions au début de l’année 2019.
Vous l’aurez deviné également, je suis contre le recours au FISAC, qui est en voie d’extinction et ne constitue pas, à nos yeux, une solution acceptable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Je formulerai juste une observation complémentaire. Pour connaître des territoires qui sont situés en zone blanche, madame la secrétaire d’État, je peux vous indiquer que nous vous sommes très reconnaissants des efforts consentis en leur faveur. Malgré tout, les habitants font preuve d’une infinie patience et, chacun le sait, l’égalité parfaite entre les habitants des différentes zones n’est pas pour demain. Par ailleurs, l’accès aux services nécessite une bonne couverture.
Il serait vraiment dommage de se priver de l’outil du FISAC, qui est simplement un levier supplémentaire. Et je suis vraiment attachée, comme tous mes collègues, de toute tendance politique, à ce qu’un maximum de territoires soient équipés de DAB de façon pertinente et adaptée. Si l’on veut que la proposition de loi aboutisse et soit efficace, utilisons tous les leviers à notre disposition.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je voudrais revenir sur l’amendement n° 23. Je suis assez surprise, madame la secrétaire d’État, outre la question des délais et de cet amendement de dernière minute déposé par le Gouvernement, que, sur une proposition de loi d’initiative sénatoriale, le Gouvernement propose un amendement qui vise en fait à supprimer le texte et à le remplacer par un simple rapport.
Je sais bien que, aux yeux d’une partie du Gouvernement et de la majorité présidentielle, le Sénat est inutile. Je sais bien que ce n’est pas la première fois – ni la première proposition de loi, quel que soit le groupe qui la dépose – que vous montrez assez peu de respect, pour ne pas dire de mépris, à l’égard du travail effectué ici par les sénateurs, sur quelque travée qu’ils siègent. Je sais bien que, cette semaine, le Président de la République a décidé qu’il était anecdotique d’aller s’exprimer devant le Congrès des maires, et qu’il préférait en recevoir seulement quelques-uns ce soir à l’Élysée, dont certains s’interrogent encore sur la raison pour laquelle ils ont été retenus quand d’autres ne l’ont pas été.
Mais, sur une telle proposition de loi, avec tout ce qui a été dit au nom de tous les groupes sur les enjeux de l’aménagement du territoire et des réponses à apporter – et au-delà de l’aménagement du territoire –, je crois sincèrement, et ce n’est pas de l’humour, madame la secrétaire d’État, que, dans ces territoires ruraux, quand la République s’en va, on sait très bien ce qui s’installe à la place, parce que la nature a horreur du vide !
Alors, on peut décider que, demain, parce qu’il n’y aura plus de services aux populations, ces territoires seront ceux des gens qui se sentiront déclassés, avec tous les excès que l’on peut voir. Mais je crois que, collectivement, aucun de ceux qui sont ici représentés n’y a intérêt.
Que vous ne soyez pas d’accord avec la proposition de loi, madame la secrétaire d’État, je peux l’entendre, et cela fait partie du débat politique et démocratique qui est nécessaire. Néanmoins, est-il sérieux de venir ainsi avec un amendement qui, excusez-moi cette franchise, vise tout simplement à dire : « Vous êtes bien gentils, mais, en fait, on va vous remettre un rapport pour vous expliquer la vie, mesdames, messieurs les sénateurs, pour que vous sachiez ce qui est nécessaire dans ce pays » ? Je trouve cela un peu déplacé, pour ne pas dire totalement irrespectueux de ce qu’est la chambre des territoires représentant les élus locaux. (Très bien ! et applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Madame la secrétaire d’État, je voudrais rebondir sur votre amendement et revenir sur ce que vous appelez les prestations alternatives.
Tout à l’heure, j’ai regardé les résultats nets des banques. Vous nous avez expliqué le coût des DAB. Je ne serai pas cruel au point de ne citer que le nom de deux banques, mais sachez que, à elles deux, elles enregistrent 7 milliards d’euros de bénéfices nets par an. Quelques DAB peuvent bien être installés sur le territoire sans que cela crée des problèmes à la banque !
Il y a beaucoup plus grave : actuellement, quelles sont les alternatives ? Cela signifie-t-il qu’il y aurait des dépôts d’argent liquide chez les commerçants, voire dans de petites mairies rurales ? Mais, madame la secrétaire d’État, aujourd’hui, on tue quelqu’un pour vingt euros ! Cela veut dire que, si les délinquants – certes, dans le monde rural, il y en a moins qu’ailleurs – connaissent l’existence de dépôts d’argent par-ci par-là, ils vont venir et commettre des agressions.
Quant à nos mairies rurales – moi, j’étais maire urbain, mais j’ai aussi été un élu rural quand j’étais jeune –, elles sont ouvertes une demi-journée ou deux par semaine, pour les plus petites. D’ailleurs, on a tout fait dans les mairies – je dis bien tout ! – justement pour éliminer les liquidités.
Je voudrais que vous fassiez l’économie d’un rapport, madame la secrétaire d’État. Écoutez les sénateurs, et tous les maires qui se réunissent aujourd’hui à Paris pour leur congrès. C’est le bon sens ! Je vous le redis, mettre en dépôt de l’argent liquide chez les petits commerçants dans le monde rural, c’est un appel à la délinquance, c’est une source de problèmes multiples et, pour les commerçants, c’est à mon sens impossible dans la durée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Madame la présidente, je me sens soit en jet lag, soit en décalage horaire. Or je ne fais que revenir de la porte de Versailles, qui est aujourd’hui la porte des territoires de France.
J’ai entendu toute la matinée les maires s’exprimer sur leur volonté positive de porter leur territoire. Et je n’ose imaginer, madame la secrétaire d’État, les réactions qui auraient été les leurs – encore que je ne sache même pas s’ils auraient été capables d’une réaction – quand je vous entends proposer, avec beaucoup de sérieux, la rédaction d’un rapport. Je vous avoue sincèrement, madame la secrétaire d’État, avec beaucoup de respect, mais aussi beaucoup de gravité, que, dans nos territoires, il est urgent aujourd’hui de maintenir de la vie, non seulement pour que les territoires ne meurent pas, mais pour que les gens cessent de se rebeller.
Parmi les communes de 2 000 habitants, j’en connais une, dans mon département d’Ille-et-Vilaine, qui compte 13 commerces et a une fonction de bourg-centre. La banque vient de lui indiquer qu’elle allait fermer le DAB, faute de retraits suffisants et pour des problèmes de sécurité. Cela veut dire que, derrière, ce sont les commerces qui ferment. C’est un cycle infernal !
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement a proposé à de nombreuses collectivités des contractualisations financières. Mais il serait grand temps de proposer également des pactes d’aménagement du territoire et de contractualisation avec les collectivités, à la fois sur les mobilités et les services.
Dernier point, madame la secrétaire d’État, je vous avoue que je ne comprends pas, alors que le Sénat veut aider à construire les territoires et la France, que vous nous répondiez simplement par un rapport. C’est une façon très polie de nous dire que ce sujet qui vous a occupé tout l’après-midi, vous auriez sincèrement préféré l’éviter. Il est vraiment temps de se ressaisir, car il est urgent d’agir et de donner des réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.
M. Patrice Joly. S’agissant de l’amendement n° 23, j’observe une fois encore le Gouvernement, sur une proposition concrète, adopter une posture dilatoire : en ce qui concerne les territoires ruraux, les choses n’apparaissent jamais urgentes.
Nous évoquions ici même, voilà quelques semaines, la question de la téléphonie mobile. La solution est très simple pour améliorer immédiatement la téléphonie mobile ; il s’agit de mettre en œuvre l’itinérance, c’est-à-dire l’obligation, pour les opérateurs, d’ouvrir l’accès, sur certains territoires – si on les définit ainsi –, de l’ensemble de leurs réseaux à tous les abonnés. Nous n’avons pas pu avoir gain de cause à l’époque, sous prétexte que l’on risquait de voir les opérateurs réduire leur investissement. Pourtant, la solution était positive, car immédiatement applicable, et permettait aux territoires ruraux de bénéficier de services nettement améliorés.
Par conséquent, le groupe socialiste et républicain ne pourra pas répondre favorablement à cette suggestion en adoptant cet amendement.
S’agissant de l’amendement n° 8, je rappellerai ici qu’il apparaît nécessaire d’en appeler à la responsabilité sociale, dans sa déclinaison territoriale, des banques, en les incitant à intervenir pour mailler le territoire en agences, mais également en distributeurs de billets de manière satisfaisante. Les territoires ruraux, contrairement à ce que l’on a parfois entendu, paient d’ores et déjà les charges relatives à l’épargne qui est collectée sur les territoires, très largement supérieure aux encours d’emprunts contractés sur les territoires ruraux. On peut dire ainsi que les ruraux eux-mêmes paient d’ores et déjà les frais de fonctionnement de leur agence bancaire, et j’attends que l’on nous démontre le contraire !
Pour ce qui est du FISAC, il pourra être une solution, mais, vous le savez comme moi, ce fonds ne dispose pas aujourd’hui des moyens suffisants pour répondre de manière adéquate à l’ensemble des besoins en vue du maintien du commerce, de l’artisanat et de services sur nos territoires. Au surplus, le FISAC est en voie de disparition, comme cela nous a été annoncé. Et dans la mesure où un financement dédié est prévu, il paraît préférable de conserver la proposition qui figure dans le présent texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Émorine, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Émorine. Madame la secrétaire d’État, pour avoir présidé une commission pendant de nombreuses années et avoir été rapporteur du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, j’estime que l’amendement de dernière minute du Gouvernement, sur lequel Mme le rapporteur a eu la délicatesse, bien que la commission ne l’ait pas examiné, de donner son avis personnel, n’est pas le reflet d’un Parlement qui fonctionne de façon satisfaisante.
Madame la secrétaire d’État, j’ai examiné vos arguments. Si je peux partager ceux qui portent sur le droit européen, il n’en est pas de même lorsque vous avancez qu’il faut attendre les maisons de services au public. Je crois que leur mise en place s’inscrira dans cet esprit, et à ce moment-là, La Poste ou une autre structure pourra être présente dans ces maisons de services au public.
Vous avez aussi évoqué le plan « Action cœur de ville ». En réalité, si vous examinez la question de près, vous vous apercevrez que très peu d’entre elles seront concernées par la suppression d’un distributeur automatique de billets. Ce dispositif s’adresse exclusivement à la ruralité. Par conséquent, ce que je vous suggère, madame la secrétaire d’État, c’est de ne pas attendre un zonage qui sera réalisé par un bel organisme. Ce zonage, il existe. Ce que vous demandent simplement les élus ruraux, madame la secrétaire d’État, c’est un moratoire sur les distributeurs automatiques de billets, comme l’a dit mon collègue Jean-Pierre Grand tout à l’heure. Vous savez, j’ai connu une banque qui a perdu 6 milliards d’euros avec la Grèce ; je crois qu’aujourd’hui elle peut maintenir, au moins dans la ruralité, ces distributeurs automatiques de billets. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je ne voterai pas l’amendement n° 23. Actuellement, il faut essayer de rencontrer les territoires hyper-ruraux. Et il est important de conserver les bourgs-centres ; or, si l’on n’y maintient pas un DAB, les conséquences seront très néfastes pour tous les habitants, mais aussi pour le tourisme.
À cet égard, je rejoins les propos de mon collègue Jean-Pierre Grand. Chacun doit pouvoir retirer des espèces chez les commerçants. Toutefois, cela risque d’être dangereux pour eux. Quoi qu’il en soit, cette solution ne permet de retirer que très peu d’argent liquide et, pour favoriser le tourisme en zone rurale, il faudrait que le retrait soit possible à toute heure.
Si l’on veut maintenir la vie dans le monde hyper-rural, aucun rapport n’est nécessaire ; il faut juste savoir si l’on veut aménager le territoire. Dans ce cas, le DAB doit aussi être installé en milieu rural et hyper-rural. Si vous demandez un rapport, un niveau de population sera évidemment fixé comme critère d’installation d’un DAB, ce qui exclura automatiquement les zones hyper-rurales.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. J’ai cosigné avec nombre de mes collègues l’amendement n° 4 rectifié bis qu’a présenté Mme le rapporteur. Ce matin, en commission des finances, nous avons examiné l’ensemble des amendements, sauf celui du Gouvernement. Il est bien embêtant que des amendements arrivent ainsi, car, pour notre façon de fonctionner, ce n’est pas simple.
Par ailleurs, l’objet de l’amendement du Gouvernement comporte un mot qui me peine, ou plus exactement qui me choque : vous parlez de territoires « reculés ». Je trouve ce terme péjoratif, moi qui suis – modestement – géographe de formation. Tous nos territoires, tous nos départements ont leur légitimité. On peut toujours mettre en avant des statistiques en disant que 98 % de la population vit dans un rayon de 10 kilomètres d’un distributeur automatique. Vu de Paris, les ordinateurs peuvent tout faire, mais ils ne font pas tout !
Certes, il y a le problème des distributeurs automatiques de billets, et c’est l’objet du texte, mais combien de petites agences ont fermé sur nos territoires – je ne les citerai pas, car nous restons neutres ?
Il y a quelques années, dans cet hémicycle, on s’était aussi battu, lors de l’examen du texte sur La Poste, à propos de la présence postale. Il est vrai qu’un certain nombre de distributeurs ont été mis en place par La Poste et les bureaux de poste. Malheureusement, chaque commune ne compte pas un bureau de poste, même si l’on y trouve des agences communales postales. Il faut néanmoins s’interroger sur l’utilisation des cartes bancaires, car tous les commerçants ne disposent pas forcément d’un terminal de carte bancaire ; de plus, la connexion ne fonctionne pas partout. Et combien de commerçants ne prennent plus les chèques ? Par conséquent, les modes de paiement deviennent de plus en plus compliqués, il faut le souligner.
Je termine en revenant sur l’objet de l’amendement du Gouvernement. L’expression « territoires reculés » devrait être enlevée, par respect pour tous nos territoires, qui ont chacun leur légitimité – nous les soutenons tous. C’est pourquoi je resterai fidèle à l’amendement n° 4 rectifié bis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour explication de vote.
Mme Vivette Lopez. Tout d’abord, je partage pleinement ce que viennent de dire mes collègues. Ensuite, je rappellerai que de nombreuses études montrent à quel point les communes rurales, pourtant loin d’être aujourd’hui majoritaires en population, pèsent dans la dynamique économique du territoire national, preuve que rien n’est perdu, si l’on utilise les bons leviers.
De quoi ont besoin tous les acteurs ruraux aujourd’hui ? D’un formidable coup de pouce à l’activité, de l’allégement des charges et de la fiscalité, de la simplification drastique des normes et des règlements qui étouffent les PME. Comme l’a dit notre collègue Françoise Gatel, il faut, madame la secrétaire d’État, que vous alliez porte de Versailles, pour écouter le désespoir et le « ras-le-bol » des maires de nos petites communes.
Les territoires ruraux ne demandent pas l’aumône. L’État se doit d’écouter, d’entendre. Vous dites, madame la secrétaire d’État, que vous écoutez, que vous entendez. Mais il faut agir, et agir vite envers les territoires ruraux, car ces espaces sont remplis d’atouts à développer. Arrêtons de faire des rapports qui viennent remplir les étagères des archives et dont personne ne s’occupe !
Voilà ce que je tenais à vous dire, madame la secrétaire d’État. Pour ma part, je vais suivre notre rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Madame la secrétaire d’État, je voudrais vous dire que votre amendement me met très mal à l’aise… D’habitude, quand nous proposons une disposition de ce type, le Gouvernement nous explique que l’on n’a pas besoin de rapport et qu’il vaut mieux légiférer. Comme il nous dit chaque fois que cela ne sert à rien, je m’étonne un petit peu étonné que l’initiative vienne aujourd’hui de votre bord.
Cela étant, je ne vous poserai qu’une seule question, madame la secrétaire d’État : depuis quand le Gouvernement a-t-il besoin d’une habilitation du Parlement pour s’intéresser à un sujet et établir un rapport ? Je vous remercie par avance de votre réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-François Husson. Mme la secrétaire d’État est convaincue !
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Elle peut donc le retirer ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Madame la présidente, madame la rapporteur, je voudrais d’abord rappeler un point de méthode : il me semble que cette proposition de loi a été déposée le 13 novembre, sans étude d’impact. Je voudrais juste préciser, si vous le permettez, que l’amendement que nous proposons est une façon de maintenir le dialogue avec les sénateurs – je ne voudrais pas qu’il y ait d’ambiguïté sur le sujet –, et de les respecter.
Mme Cécile Cukierman. Pas avec un tel amendement, madame la secrétaire d’État ; un peu de respect !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, il me semble que travailler sur un texte de loi à partir d’une étude d’impact, en sachant précisément de quels montants on parle, combien de DAB il faut installer, voire quelles sont les solutions alternatives, me semble correspondre à une façon assez raisonnable de travailler. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Vous allez avoir du mal !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je réponds à votre question sur le fait de rédiger un rapport plutôt que d’agir. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Oui, nous agissons et nous avons agi beaucoup ces seize derniers mois, je suis heureuse que vous le souligniez. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais il nous arrive d’agir en faisant un diagnostic, et c’est bien cela qui semble manquer aujourd’hui, même si ce diagnostic a été lancé et confié à un organisme très sérieux, à savoir la Banque de France.
Je relève également dans vos diverses interventions que l’articulation du dispositif lui-même soulève beaucoup de questions, que vous avez à juste titre relevées, à propos de la Commission européenne, du fonds qui finance ce dispositif, etc.
Mon dernier point concerne les banques. S’il s’agit bien d’un service public, je crois me souvenir qu’il faut le compenser. Donc, c’est le contribuable qui devrait payer. Et je ne suis pas sûre que, même avec 7 milliards d’euros de profits, ce soit si facile.
M. Jacques Genest. Ce sont toujours les Français qui paient !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. En revanche, je retiens votre proposition, monsieur le sénateur, qui est plutôt d’user de toute notre influence et d’entourer de toute notre sollicitude les établissements en question pour qu’ils soient attentifs aux suppressions de DAB dans les mois à venir.
M. Jean-François Husson. Écoutez les sénateurs : c’est la voix de la sagesse !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Boyer. Les propos de Mme la secrétaire d’État sont assez surprenants ! Aujourd’hui, tout le monde nous parle d’aménagement du territoire, tout le monde nous dit qu’il faut faire attention à la ruralité, il y a des « gilets jaunes », des gens qui manifestent : ce sont des gens des territoires. Ils manifestent, car ils se sentent oubliés. Or, comme l’a dit notre collègue tout à l’heure, il n’y a pas de « territoires reculés » – il est choquant d’entendre une expression comme celle-ci –, comme il n’y a pas de territoires « avancés ».