M. Gérard Longuet. Le Gouvernement n’en sait rien ! Il fait cela au doigt mouillé !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Normalement, cher Gérard Longuet, il y a des études d’impact ! C’est même obligatoire.
M. Gérard Longuet. Je sais !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On nous parle de 1 milliard d’euros. J’aimerais connaître l’impact secteur par secteur. Les industries extractives, qui devraient prochainement reçues par le Gouvernement, sont, c’est indéniable, fortement consommatrices de gazole non routier. De combien de points de marge ces mines et carrières seront-elles affectées ?
Tout à l’heure, nous avons examiné un amendement dont l’objet comportait une estimation. On nous dit que le secteur du transport frigorifique bénéficiera d’une extension. Dans ce cas, pourquoi pas les autres secteurs ? J’aimerais entendre les explications du Gouvernement avant de me prononcer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. La question porte non sur l’estimation du coût, mais sur la conformité au droit communautaire. La directive prévoit qu’un certain nombre de secteurs peuvent faire l’objet de dérogations, et le secteur frigorifique, contrairement aux industries extractives, en relève.
Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut qu’émettre un avis défavorable sur ces amendements identiques. J’aurai l’occasion de défendre l’amendement n° I-1030, dont l’adoption permettrait, dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, mais aussi, par prolongement, dans le secteur des industries extractives, de répercuter sur les coûts l’augmentation des coûts de production liés à cette fiscalité écologique.
Je le rappelle, ce n’est pas une question de coût. La question porte sur la possibilité de déroger ou non au droit communautaire.
M. Gérard Longuet. C’est vrai de tous les actifs !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’émets donc, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je n’ai rien compris aux explications de M. le secrétaire d’État !
On a parlé des stations de ski, des industries extractives, du transport frigorifique, du bâtiment et des travaux publics… Les uns et les autres se sont exprimés sur ces différents secteurs, qui, jusqu’à présent, étaient tous épargnés et bénéficiaient d’un tarif spécifique sur le gazole non routier.
Voilà que le Gouvernement vient à l’instant de nous proposer un amendement, que nous avons adopté, visant à différer pendant un an au moins la hausse des taxes gazole non routier sur le transport frigorifique. Et l’on nous dit à l’instant qu’il y a un problème de droit communautaire pour les industries extractives…
J’ai du mal à comprendre. En effet, jusqu’à maintenant, l’ensemble de ces secteurs bénéficiaient bien du tarif privilégié.
M. Gérard Longuet. Évidemment ! Il n’y a pas de directive communautaire !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En tout cas, j’ai besoin d’avoir plus d’explications. Peut-être y a-t-il une bonne raison, mais j’aimerais la comprendre.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je vais essayer d’être un peu plus clair, pour que M. le rapporteur général puisse partager l’avis que j’émets au nom du Gouvernement.
Nous pouvons prévoir un système de dérogations, mais, dans ce cas, il faut viser l’intégralité d’un secteur. Les dérogations autorisées par la directive et les règles communautaires ne concernent que des secteurs traités de manière nominative. L’agriculture et le secteur ferroviaire en font partie, ce qui préside aux amendements déposés à l’Assemblée nationale et à ceux que je défends devant vous ce soir. Il peut s’agir également de secteurs considérés comme extrêmement intensifs en matière énergétique. Tel est le cas du transport frigorifique, qui est considéré comme électro-intensif.
Les industries extractives que les amendements déposés visent à faire sortir du champ de l’exonération relèvent du secteur des travaux publics et ne sont pas traitées nominativement ou spécifiquement par les règles communautaires. Quoi que nous puissions, les uns et les autres, en penser, elles ne sont pas considérées comme étant intensives en consommation d’énergie.
Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut être favorable à des amendements visant les industries extractives de manière spécifique.
C’est aussi la raison pour laquelle j’émettrai, plus tard, un avis défavorable sur deux amendements tendant à faire sortir l’intégralité du champ du secteur du bâtiment et des travaux publics, ce qui, d’une part, transformerait le dispositif en aide d’État, et, d’autre part, serait contraire à la trajectoire budgétaire qui est la nôtre.
Mme la présidente. Quel est en définitive l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sagesse négative !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Nous voterons ces amendements identiques. En effet, malgré les explications de M. le secrétaire d’État, cette hausse de 300 % a un impact immédiat et va remettre en cause la compétitivité de ces filières. Il faut vraiment, à un moment donné, prendre en compte cette situation.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je me permets d’insister sur les fondements de l’amendement que j’ai défendu : toutes les informations en notre possession nous amènent à penser que la compétitivité des entreprises concernées serait gravement mise en danger si la disposition envisagée par le Gouvernement était maintenue.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. J’ai été quelque peu étonné de la référence à la directive européenne. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez eu le mérite de nous donner une réponse, laquelle est liée non au gazole non routier, mais à un principe européen tout à fait respectable : la fiscalité doit frapper de la même manière des secteurs d’activité qui sont différents par nature.
Toutefois, vous ne nous empêcherez pas de faire notre métier de parlementaire et de constater qu’il y a des suppressions d’exonérations de gazole non routier proprement insupportables.
Certains collègues ont évoqué les carrières. Je n’ai pas pu défendre les ports, chers à M. Édouard Philippe. Ce qui caractérise ce secteur, c’est que, lorsque l’on n’est pas content d’un port français, on se tourne vers un port de la mer du Nord. Autrement dit, nous sommes en train de nous tirer une balle dans le pied en réduisant délibérément la productivité et la compétitivité des ports français.
Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse, dans sa brièveté, laisse à penser que la réponse est à chercher dans une directive européenne. Non ! C’est le choix du Gouvernement de supprimer une exonération qui permettait à des secteurs différents, confrontés à des situations différentes, de vivre. Vous leur imposez brutalement une charge nouvelle. Ne vous réfugiez pas derrière une directive européenne pour faire détester un peu plus l’Europe dans notre pays, alors que, en réalité, la mesure est la conséquence directe d’une volonté d’appliquer une fiscalité brutale et agressive !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Éblé, pour explication de vote.
M. Vincent Éblé. Voici une explication de vote par l’exemple : dans mon département, une entreprise s’est adressée à moi pour m’indiquer que le surcroît de taxation correspond à 14 % de sa masse salariale et représente un choc de compétitivité négatif équivalant à 3,5 CICE.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je veux répondre à M. Longuet. La directive à laquelle je fais référence est la directive 2003-96, qui porte sur les produits énergétiques et qui encadre la définition des secteurs considérés comme intensifs en consommation d’énergie.
J’ai fait ce rappel. J’ai dit pourquoi nous inscrivions nos dérogations dans le cadre de l’application de cette directive. Toutefois, je veux vous rassurer, monsieur le sénateur : loin de moi une quelconque volonté de vous empêcher de faire votre travail de législateur !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je suis très surpris de ce que nous sommes en train de vivre en cet instant. J’ai l’impression que l’on est en train de légiférer au doigt mouillé sur des propositions ! Il n’y a aucune étude d’impact ! Ces amendements sont un catalogue, dont on tourne les pages les unes après les autres. On affirme que tel secteur ne va pas pouvoir supporter le dispositif, mais personne n’imagine ce que deviendront les autres secteurs d’activité. Pour eux, nous aurons la même posture, monsieur le secrétaire d’État.
M. Roger Karoutchi. La même imposture ! (Sourires.)
M. Daniel Gremillet. Expliquez-nous comment les secteurs d’activité de notre pays pourront supporter cette mesure. Vous donnez des chiffres pour les uns, mais l’impact sera le même pour les autres, avec les mêmes conséquences sur l’emploi et la perte d’activité économique !
J’attends de vous, monsieur le secrétaire d’État, des réponses très concrètes, et non une liste, comme vous êtes en train de le faire. Quelle est l’expertise que vous pouvez nous apporter en cet instant précis ?
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Nous évoquons, amendement par amendement, différents secteurs d’activité, avec à chaque fois des conséquences très concrètes et très sérieuses, comme c’est le cas pour les carrières.
Nous voterons, bien sûr, ces amendements identiques, mais ces discussions successives montrent que nous aurions mieux fait, au fond, de voter la suppression de l’article 19.
M. Gérard Longuet. Voilà ! Exactement.
M. Rémi Féraud. En effet, traiter du problème par petits bouts n’est visiblement pas efficient.
M. Gérard Longuet. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je veux soutenir ce qui vient d’être dit.
Nous avons suivi le débat à l’Assemblée nationale et examiné les effets du dispositif sur les PME. Si l’on considère l’ensemble de ces dernières, l’estimation se situe à près de 500 millions d’euros.
Je rejoins également l’intervention précédente : à vouloir découper l’économie en filières spécifiques, il arrive un moment où il est difficile d’évaluer la singularité du dispositif. En revanche, quand on retient l’ensemble du tissu PME, on peut faire une évaluation, qui se situe à environ 500 millions d’euros, soit à peu près 60 % de leurs marges. J’en ai eu une illustration dans une entreprise en Seine-et-Marne : on a là un volume, quelle que soit la nature de la filière et quel que soit le secteur de l’économie.
Pourquoi vouloir autant singulariser, spécifier ? Quand on prend la globalité de notre tissu de PME, qui est un élément de cohésion et d’attractivité de notre pays, les chiffres sont clairs : 500 millions d’euros et 60 % de leur marge. Il fallait donc vraiment supprimer l’article 19 !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai regardé les évaluations préalables de l’article 19. Il est vrai que nous sortons extrêmement déçus de ce débat.
Au départ, le Gouvernement voulait supprimer l’exemption de taxation du gazole non routier, pour un total de 1 milliard d’euros. Puis, le même gouvernement a bien dû reconnaître un certain nombre de problèmes. On a donc commencé par exonérer les transports fluviaux. L’Assemblée nationale, après avoir retiré du dispositif la pêche sur les eaux intérieures, a enlevé toutes les autres activités nautiques, y compris les loisirs sur les lacs.
Certains, ensuite, remarquent qu’il serait ennuyeux que soient affectés les bateaux utilisés pour le besoin des autorités publiques ; alors, on les enlève aussi. Puis c’est le tour du ferroviaire : on le retire également. Enfin, le Gouvernement nous dit qu’il faudrait peut-être faire un geste pour le transport frigorifique…
M. Pascal Savoldelli. Eh oui !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Peu à peu, le Gouvernement prend la mesure concrète de l’impact de cette mesure sur l’industrie et sur les marges des entreprises.
La mesure quelque peu générale que nous proposons vise d’abord à préserver les PME : nous nous concentrons sur elles pour des raisons de solde et de compatibilité avec le régime juridique communautaire.
Il n’en reste pas moins que cet article incarne une mesure conçue très rapidement, dans un esprit de pur rendement. De fait, dans tous ces secteurs, je ne vois pas de substitution possible : je ne connais pas beaucoup de bateaux électriques…
M. Emmanuel Capus. Si, il y en a !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je parle bien des grands bateaux ! De même pour les transports frigorifiques ou les groupes électrogènes. Quant aux tractopelles électriques, hormis celui que j’ai montré à mes collègues de la commission des finances – un jouet de Noël ! –, il n’y en a pas beaucoup. (Sourires.)
M. Julien Bargeton. Il y en a !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est donc une pure mesure de rendement : au nom d’une fiscalité écologique, l’État a cherché à récupérer un milliard d’euros sur le dos du contribuable.
Nous aurions pu, tout à l’heure, adopter l’amendement de suppression de cet article, mais ce débat s’est révélé utile : on prend peu à peu conscience des dégâts que cette mesure va représenter pour la marge des entreprises, ce dont je me réjouis.
Certes, grâce aux amendements adoptés, nous avons à peu près préservé les collectivités, mais on s’aperçoit que ce dispositif a également un impact sur la compétitivité des stations de ski, de l’industrie extractive, des industries frigorifiques, de la chimie, ou encore de la métallurgie. C’est pourquoi j’imagine que, malgré toutes les explications que le Gouvernement vient de nous donner, d’autres amendements seront déposés d’ici à la nouvelle lecture sur l’industrie extractive ou d’autres encore.
C’est donc l’exemple type d’une mesure qui n’a pas été préparée et à laquelle les entreprises ne sont pas préparées. Encore une fois, ce qui est contestable, c’est sa brutalité. On ne peut pas, après avoir connu, durant des dizaines d’années, un différentiel de taxe, qu’il soit justifié ou non, tripler cette taxe du jour au lendemain à l’occasion d’un projet de loi de finances et imposer aux entreprises de s’adapter dès le 1er janvier !
En conclusion, je ne sais que penser de ces amendements. J’ai émis, au nom de la commission, un avis de sagesse négative dans la mesure où les arguments juridiques ne m’ont pas pleinement convaincu.
Je ne suis pas du tout certain que les industries extractives soient faibles consommatrices d’énergie. Cela m’étonnerait : a priori, extraire des matériaux de carrières requiert l’utilisation de gazole, puisqu’il n’y a heureusement plus de mineurs de force en France. Dès lors, cette industrie doit utiliser beaucoup d’énergie non électrique.
Quoi qu’il en soit, les interventions des uns et des autres montrent bien le caractère pour le moins mal préparé de l’article 19.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-707 et I-1015.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° I-97, présenté par M. Chaize, n’est pas soutenu.
L’amendement n° I-853, présenté par M. Bérit-Débat, n’est pas non plus soutenu.
L’amendement n° I-37 rectifié, présenté par Mmes Vermeillet et Doineau, MM. Moga et Cuypers, Mme A.M. Bertrand, MM. Médevielle, Cigolotti, Charon et Bonne, Mmes Bories et Gatel, MM. L. Hervé, Laménie et J.M. Boyer et Mme de la Provôté, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 36
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ce régime s’applique de la même manière à l’approvisionnement en carburant des véhicules affectés aux opérations de damage par les entreprises du secteur de la gestion des stations de ski. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Cet amendement, déposé sur l’initiative de notre collègue Sylvie Vermeillet, vise à maintenir l’exonération de TICPE pour le gazole non routier utilisé par les entreprises de domaines skiables pour leurs opérations de damage. Nous souhaitons faire bénéficier ces opérations du taux réduit de TICPE que le présent projet de loi de finances réserve au transport ferroviaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons déjà abordé le problème des stations de ski. Je me suis penché sur leur cas : a priori, même parmi les plus grandes stations, aucune n’emploie plus de 250 salariés permanents. Dès lors, sauf erreur de ma part, ces stations seraient toutes couvertes par le dispositif de l’amendement n° I-616 de la commission.
En effet, cet amendement, que je vous présenterai dans un instant, vise à exonérer de la hausse de fiscalité sur le gazole non routier l’ensemble des PME, qu’elles appartiennent ou non au secteur des stations de ski. Votre amendement, mon cher collègue, serait ainsi satisfait, sous réserve de l’absence de grandes stations employant plus de 250 salariés permanents.
C’est pourquoi je vous saurais gré de bien vouloir retirer votre amendement, au profit de l’amendement n° I-616 de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.
M. Jacques Genest. Comme j’arrive à l’instant dans l’hémicycle, je rappelle que j’ai déposé un amendement visant le déneigement dans les communes rurales…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° I-618 rectifié bis a été adopté !
M. Jacques Genest. Dans ce cas, c’est parfait. Merci !
M. Rachid Temal. Bravo !
Mme la présidente. Monsieur Laménie, l’amendement n° I-37 rectifié est-il maintenu ?
M. Marc Laménie. Au vu des explications de M. le rapporteur général, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° I-37 rectifié est retiré.
L’amendement n° I-616, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
VII-A. - 1° Les petites et moyennes entreprises qui utilisent du gazole et des gaz de pétrole liquéfiés aux fins visées par les b, c et d du 2 de l’article 8 de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité peuvent obtenir, sur demande de leur part, le remboursement d’une fraction de la taxe intérieure de consommation sur le gazole et sur les gaz de pétrole liquéfiés, identifiés, respectivement, à l’indice 22 et aux indices 30 ter, 31 ter et 34 du tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes.
2° Pour les quantités de produits énergétiques acquises à compter du 1er janvier 2019, ce remboursement est calculé en appliquant aux volumes de gazole et de gaz de pétrole liquéfiés utilisés aux fins visées par les b, c et d du 2 de l’article 8 de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 précitée le résultat de la différence entre le tarif applicable à ces mêmes produits en application de l’article 265 du code des douanes en vigueur l’année de l’acquisition des produits, et :
a) 18,82 euros par hectolitre de gazole ;
b) 15,90 euros par centaine de kilogrammes nets de gaz de pétrole liquéfiés.
B.- Le A s’applique aux petites et moyennes entreprises au sens de l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.
C.- Le bénéfice du remboursement est subordonné au respect de l’article 17 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 précité.
VIII. – Les dispositions du VII ne s’appliquent qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû par les entreprises visées au même I au titre de l’impôt sur les sociétés ou, le cas échéant, de l’impôt sur le revenu.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, je vous ai déjà suffisamment parlé de cet amendement pour que vous le connaissiez par cœur ! (Sourires.)
Comme vous le savez, les agriculteurs bénéficient d’un dispositif de remboursement qui fonctionne sans difficulté particulière : ils achètent leur gazole normalement, puis se voient rembourser le différentiel de taxe. Je vous propose tout simplement, au travers de cet amendement, de faire bénéficier les PME, au sens communautaire, d’un dispositif similaire pour le remboursement de la TICPE.
Pourquoi un système de remboursement ? J’ai fait ce choix parce que, dans une station-service, on ne peut avoir qu’un seul prix à la pompe pour tous ; sinon, par définition, c’est la porte ouverte à la fraude. Simplement, les PME bénéficieraient, tout comme les agriculteurs par le biais du fameux « carburant rouge », du remboursement du différentiel de taxe. Il s’agit donc d’un dispositif simple, qui fonctionne déjà pour le secteur agricole.
Sans ce dispositif – j’insiste sur ce point, car les Français doivent savoir ce que cela représente –, une PME verrait tripler le taux de TICPE qu’elle doit acquitter sur le GNR : concrètement, cette taxe passerait de 18,82 centimes à 64,76 centimes par litre.
Avouez que subir, entre le 31 décembre et le 1er janvier, une hausse de 50 centimes par litre, c’est tout de même un peu brutal ! Cela mangerait la marge de ces entreprises. Le Gouvernement en a lui-même cité quelques exemples. Je les reprends, puisqu’il n’y a pas le copyright : les marges seraient rognées, en moyenne, de 2,48 %, de 0,5 % dans l’industrie chimique et de 0,43 % dans l’industrie métallurgique.
Les grands groupes pourront à mon sens supporter une telle charge, en particulier si nous adoptons tout à l’heure, comme je l’espère, l’amendement n° I-735 rectifié de Mme Lamure. En revanche, les PME qui sont soumises à une concurrence internationale ne le pourraient pas.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous propose d’adopter cet amendement. Il est à l’évidence compatible avec le droit communautaire, monsieur le secrétaire d’État, puisque nous respectons la règle de minimis.
Cet amendement important vise en somme à apporter une réponse à la brutalité de cette hausse de fiscalité applicable dès le 1er janvier à toutes les PME, dans l’ensemble des secteurs évoqués par les différents orateurs : ces PME ne pourraient supporter le triplement de cette taxe.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’objectif de M. le rapporteur général, mais propose un chemin différent, au travers de l’amendement n° I-1030 que je présenterai dans un instant.
Nous proposons de permettre l’indexation des contrats de manière à intégrer la hausse des coûts pour les entreprises ; ainsi, elles ne seraient pas les victimes de cette mesure. M. le rapporteur général, pour sa part, demande un dispositif de remboursement par la puissance publique. Pardonnez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je préfère un dispositif plus large et qui ne cible pas seulement les PME.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Cet amendement a un vrai vice, dont les conséquences, très importantes, n’ont pas été suffisamment examinées à mon sens.
Certes, nous espérons qu’il sera rejeté par l’Assemblée nationale. Il n’en reste pas moins que son adoption relève de notre responsabilité. En outre, du fait de mon indépendance vis-à-vis du Gouvernement et de l’Assemblée nationale, j’ai peut-être davantage confiance en eux que d’autres : je n’exclus donc pas que, par hasard, ils décident de conserver dans le texte l’amendement que nous aurons adopté.
M. Jérôme Bascher. Par hasard ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Emmanuel Capus. Pour me faire mieux comprendre, je voudrais utiliser, sinon une parabole – ce n’est pas le lieu –, du moins une image.
On nous demande de choisir entre le petit dernier, que nous choyons, que nous adorons et que nous souhaitons nourrir, et l’adolescent de la famille. L’aîné, lui, a déjà quitté le foyer : il est à l’international, il a créé une énorme entreprise, il est à l’abri.
M. Gérard Longuet. Il peut se casser la figure lui aussi !
M. Emmanuel Capus. Notre deuxième fils, l’adolescent, c’est une entreprise de taille intermédiaire : il a besoin de notre soutien et il appartient encore au foyer France. Cela ne signifie pas qu’il faille cesser nourrir le petit dernier, notre préféré, c’est-à-dire la PME que l’on veut choyer !
M. Jacques Genest. C’est la France laborieuse !
M. Emmanuel Capus. Or on nous demande, au travers de cet amendement, de choisir entre le petit dernier, la PME, et notre deuxième fils, qui est une ETI. De fait, le père de famille que nous sommes ne peut pas choisir entre les deux : nous ne saurions arbitrer entre les PME et les ETI.
Certes, j’avoue avoir moi aussi affirmé en commission qu’il était positif de défendre les PME ; plusieurs d’entre nous ont lancé l’alerte sur l’effet de cette hausse de fiscalité sur ces entreprises.
Cela dit, il ne faut pas pour autant sacrifier les ETI. En exonérant les entreprises comptant jusqu’à 250 salariés, certes, on les favorisera, mais cela se fera au prix d’une concurrence exacerbée et d’une distorsion de concurrence avec les autres entreprises. Je suis moins inquiet pour les grands groupes, qui pourront répercuter ces hausses de coûts, que pour les ETI, qui risquent d’être victimes d’une concurrence invraisemblable. Cela risque d’avoir des conséquences énormes, du point de vue de l’emploi et des parts de marché qu’elles peuvent gagner, pour les entreprises qui comptent entre 250 et 300 salariés.
Je suis désolé de revenir sur ce point, mais cela me paraît constituer une vraie difficulté. Même si je comprends que cet amendement a été déposé pour aller dans le bon sens, ses dispositions me semblent comporter un vice.