M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le plafond des crédits de paiement de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » pour 2019, corrigé des mesures de périmètre, serait de 2,84 milliards d’euros. Ces crédits affichent une hausse de 3 % par rapport à 2018, pour peu, toutefois, qu’ils soient correctement exécutés, leur exécution en 2017 ayant, par exemple, donné lieu à des reports de charges sur 2018. Avec des écarts non négligeables par rapport aux plafonds, la loi de programmation pluriannuelle n’est pas respectée.
Le programme 307, « Administration territoriale », couvre le principal vecteur de l’action directe de l’État dans les territoires avec le réseau préfectoral. Il n’empêche que ce programme, de loin le plus important de la mission, atteste du lent et durable désengagement de l’État des territoires, puisque, sur dix ans, l’administration préfectorale a perdu, en moyenne, plus de 11 % – parfois plus à certains endroits – de ses personnels.
Dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération du quinquennat précédent, le Gouvernement s’est efforcé depuis plusieurs années, selon la formule habituelle, de recentrer les missions du réseau préfectoral sur des tâches supposées stratégiques : contrôle de légalité, conseil aux collectivités locales, coordination des politiques. Force est de constater, en pratique, de moins en moins d’accompagnement et de plus en plus de contrôle.
D’autres structures devaient alors servir à accueillir les services publics dans les territoires, qu’il s’agisse des maisons de service au public pour les opérateurs du service public – CAF, CPAM, URSSAF, Pôle emploi – et des maisons de l’État pour les services de proximité de l’État – directions départementales des territoires, des finances publiques, agences régionales de santé. Or, malgré le développement de ces structures, le maintien d’un niveau équivalent de services est souvent incertain.
En 2019, une baisse de 200 équivalents temps plein est prévue sur l’ensemble de la mission, principalement concentrée sur le programme 307. Cette baisse est inférieure à celle de l’année précédente, mais intervient dans un contexte marqué par un désengagement des préfectures de leur mission de guichet, notamment de la délivrance de titres sécurisés, et par une charge importante liée à l’accueil des étrangers. Cela peut justifier ce que j’appellerai les « maugréements », sans être pour autant le seul fait de ronchons !
Une des conséquences de cette baisse est l’augmentation du nombre de sous-préfectures dotées de moins de 10 emplois, passant de 58 à 76. Il est vrai que le réseau des sous-préfectures s’étiole, étant presque à l’état de quasi-léthargie.
Le redéploiement prévu des activités des préfectures vers des tâches plus « stratégiques » s’est heurté à des difficultés, notamment en raison du poids pris par le traitement des demandes de cartes grises, sur lequel a porté, de façon fort opportune, le travail du rapporteur spécial Jacques Genest et qui a parfois conduit au recrutement exceptionnel d’agents non titulaires. Il en est résulté que les emplois redéployables ont été moins importants que prévu, et les futures réductions d’effectifs ne laissent pas présager d’amélioration. On peut donc, à juste titre, s’interroger sur la doctrine territoriale de l’État.
Le programme 116, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », connaît une hausse globale de ses crédits, mais celle-ci est principalement liée à une augmentation des crédits de personnel de l’administration centrale. Il est notable que ce programme est largement un « réservoir » de crédits, qui peuvent être affectés à d’autres missions, ce qui peut engendrer des problèmes d’identification de leur destination finale. Le rapporteur spécial a relevé en commission qu’il s’agissait d’un cas d’information budgétaire « particulièrement défectueuse ».
Je note également que le fonds interministériel de prévention de la délinquance verra ses moyens diminuer par rapport à l’année précédente.
Enfin, les dépenses d’action sociale du ministère de l’intérieur s’élèvent à 40 millions d’euros environ dans le programme 216. Elles ont effectivement été critiquées par la Cour des comptes dans son rapport public de 2017, qui comprend une partie intitulée L’action sociale au ministère de l’intérieur : une organisation complexe, des risques avérés, une efficacité contestable. La Cour pointe une concentration anormale en région parisienne, ce qui n’étonnera pas la plupart de nos collègues.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l’État », pour l’exercice, par les citoyens, de leurs droits, est une mission essentielle, dont nous allons voter les crédits. Elle présente néanmoins un certain nombre de limites, qui ne sont pas toujours pour nous rassurer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je réitère mes propos : je ne réclame pas de réforme structurelle, mais la renaissance d’une organisation territoriale qui a fait la France. L’ingénierie publique mise en pièces depuis vingt ans pour cause d’entrave à la concurrence y a joué un rôle essentiel.
Souvenez-vous de quelques étapes de cette mise en pièces, qui vient de loin : la loi du 11 décembre 2001 – je ne citerai pas les coupables – portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dite loi MURCEF ; la création, puis la suppression, de l’assistance technique fournie par l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire, l’ATESAT ; les réformes successives décimant les services préfectoraux – ainsi encore, entre 2008 et 2012, les effectifs des directions départementales des territoires, les DDT, et des directions départementales des territoires et de la mer, les DDTM, chargées de l’ATESAT, ont diminué de 30 %.
Cela est d’autant plus fâcheux, comme le souligne l’Association des maires de France, l’AMF, et plus encore l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, que, outre le coût financier de cette privatisation de l’ingénierie publique dans un domaine aussi stratégique, les cabinets privés censés suppléer l’absence de l’État sont eux-mêmes largement absents des territoires. Quand ils sont présents, ils manquent souvent du savoir-faire et de l’expérience des ingénieurs des Ponts ou du Génie rural d’antan.
Certes, les élus ont fait face, se sont organisés. Les départements et les intercommunalités ont créé des services spécialisés, des sociétés d’économie mixte, des sociétés publiques locales, etc. Mais c’est loin d’être le cas partout et les intercommunalités, comme les départements, n’ont aucune obligation en la matière, et toutes ne se sentent pas investies par cette nouvelle mission.
Ces solutions restent généralement le fruit d’initiatives locales dont rien ne garantit la pérennité. De plus, je ne parle pas des risques de tutelle occulte sur les communes que l’existence de tels organismes peut parfois faire courir.
Certes, il arrive, comme je l’ai constaté dans le Doubs que, faute d’alternative départementale ou intercommunale, des préfets maintiennent à la force du poignet un service minimum d’ingénierie en direction des communes rurales. Là encore, il s’agit d’initiatives locales sans garantie de pérennité et qui se limitent essentiellement à l’instruction des dossiers.
Ce qui inquiète le plus, c’est que ces initiatives ne sont pas vraiment dans l’air du temps libéral, comme se charge de le rappeler la Cour des comptes, qui, comme on le sait, se préoccupe uniquement de bonne gestion et n’assure la promotion d’aucune politique, même libérale. Ainsi, dans son rapport thématique de décembre 2017 relatif aux services déconcentrés de l’État, relève-t-elle : « Bien que la mission d’assistance technique fournie par l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire – ATESAT – ait été supprimée, l’État tend paradoxalement à réinventer des missions de même ordre ».
La Cour constate que, dans les DDT et les DDTM, il s’agit « d’“occuper” – oui, occuper – une partie des agents qui géraient précédemment l’ATESAT, soit environ 1400 ETP ». Voilà une dénonciation au nom de la bonne gestion, qui impose la réduction des services territoriaux de l’État et la chasse aux doublons, avec des missions prétendument à la charge, depuis la loi NOTRe, des départements et des intercommunalités.
À la fin du rapport, cependant, la Cour vend la mèche : « Enfin, la conformité de certaines missions de conseil et d’ingénierie territoriale avec le droit européen de la concurrence et des aides de l’État est dans certains cas douteuse, exposant l’État à des risques de contentieux. » Ça, c’est le crime suprême !
L’origine de cette charge, vous le savez, c’est la directive d’orientation de mars 2016, puis la circulaire de juillet 2018 par laquelle l’État annonçait qu’il allait enfin se préoccuper d’ingénierie territoriale. Le problème, c’est que, depuis, l’Arlésienne territoriale manque toujours à l’appel, les seules actions observées depuis 2016 étant l’affectation à cette mission prioritaire de 25 postes seulement et un inventaire inachevé des moyens en ingénierie actuellement mobilisables par les préfets.
Est-ce donc avoir mauvais esprit de penser que l’annonce de la naissance prochaine d’une agence nationale de la cohésion des territoires,…
M. Laurent Duplomb. Une de plus !
M. Pierre-Yves Collombat. … dont on ignore d’ailleurs comment les actions s’articuleront avec celle des préfectures et des organismes de soutien départementaux existants, est un leurre destiné à faire patienter les élus locaux, avant de devenir un moyen de leur faire payer l’addition ?
M. Laurent Duplomb. Tout à fait !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vous étonnerai pas en vous disant que le groupe CRCE, pour toutes ces raisons et toutes celles que je n’ai pas eu le temps de vous exposer, ne votera pas les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » dans sa version 2019. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » représente 2,84 milliards d’euros, avec trois programmes, comme cela a été rappelé par notre rapporteur spécial : le programme 307, à hauteur de 1,65 milliard d’euros pour l’administration territoriale, le programme 232, avec 207 millions d’euros inscrits pour la vie politique, cultuelle et associative, et le programme 216, fixé à 976 millions d’euros pour la conduite et le pilotage des politiques de l’intérieur.
Dans le programme 307, on notera une perte d’emploi à hauteur de 1 300 ETP entre 2016 et 2018, dans le cadre du programme Préfectures nouvelle génération. On notera néanmoins une complexité certaine de la lecture du budget réservé à l’administration territoriale.
On constatera également une nouvelle baisse des effectifs du réseau préfectoral, avec la perte de 3 357 ETP entre 2007 et 2017. Pour 2019, les suppressions d’emplois prévues touchent principalement l’échelon départemental.
La réforme régionale avec la mise en place des grandes régions suscite des inquiétudes, notamment le risque d’éloignement par rapport aux réalités locales. Nous assistons à des fusions, à des jumelages d’arrondissements depuis 2016. Les élus locaux, les habitants restent toutefois très attachés à nos préfectures et sous-préfectures. Le département que je représente, les Ardennes, est un département frontalier : sa préfecture est à Charleville-Mézières et il a encore la chance de conserver trois sous-préfectures, à Sedan, Rethel et Vouziers.
Les préfets et les sous-préfets restent nos interlocuteurs, comme l’ensemble des personnels et des acteurs de proximité que nous soutenons. Il faut donc les défendre en conservant les moyens humains et en garantissant l’accès à tous à un État de proximité. C’est l’une des recommandations du rapporteur spécial, Jacques Genest.
Les maisons de l’État et les maisons de services au public permettent de préserver toutefois des accueils de proximité pour le compte des opérateurs et entreprises de services publics : La Poste, SNCF, CAF, CPAM, CARSAT, MSA, URSSAF, EDF, GRDF, Pôle emploi, etc.
L’administration préfectorale doit faire face à des missions sensibles, notamment l’accueil des étrangers, missions liées également à la sécurité des personnes et des biens, en partenariat avec nos services de sécurité intérieure, ceux de la gendarmerie nationale, de la police, les sapeurs-pompiers, sans oublier l’administration des douanes dont le rôle est important pour un département frontalier comme le mien.
Par ailleurs, j’évoquerai brièvement la gestion des titres sécurisés. C’est un sujet compliqué que je connais un peu de par la proximité géographique d’une partie de l’ANTS, qui a son siège dans les Ardennes, à Charleville-Mézières. La gestion des titres est une mission importante, car elle a pour objet de répondre aux attentes des usagers, l’ANTS ayant le statut juridique d’établissement public administratif. L’ensemble des usagers expriment des demandes fortes qui sont autant de préoccupations ; il convient de les soutenir efficacement en leur apportant des réponses utiles. Enfin, il faut aussi lutter contre la fraude, cela a été rappelé.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains apportera son soutien aux crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget du ministère de l’intérieur compte parmi les premières priorités du Gouvernement. Ses crédits progressent, à périmètre constant, de 3,4 % dans le projet de loi de finances pour 2019, soit une progression de 575 millions d’euros.
Les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » sont eux-mêmes en nette augmentation, de 5,6 %, soit 121 millions d’euros, pour atteindre 2,2 milliards d’euros.
Peut-être moins souvent commentée ou analysée que les autres crédits dont j’ai la charge, cette mission budgétaire est pourtant à mes yeux – et à vous écouter, à vos yeux aussi – tout à fait fondamentale, et ce pour trois raisons, comme cela a été indiqué.
Elle comprend les crédits de l’administration centrale du ministère, indispensables pour venir en soutien et à l’appui de l’activité opérationnelle de nos forces. Elle abrite les crédits destinés au financement de la vie politique et à l’organisation des élections, qui sont si importants pour la vitalité de notre démocratie. Enfin, elle inclut le budget du réseau des préfectures et sous-préfectures. Je sais, pour avoir été élu local, pendant seize ans, d’une sous-préfecture – c’est la plus grande de mon département, mais elle reste une petite sous-préfecture –, combien ces missions sont fondamentales.
C’est tout particulièrement vrai à l’heure où le Premier ministre a souhaité ouvrir le chantier de l’organisation de l’administration territoriale de l’État, dont les préfets sont le cœur. J’y reviendrai en concluant mon propos.
Pour les crédits de l’administration centrale du ministère de l’intérieur, ce budget est résolument celui de la modernisation au bénéfice de toutes les composantes du ministère, dans une logique de transversalité et de mutualisation des ressources. Ces crédits augmentent de manière significative, à hauteur de 9 %, soit d’un peu plus de 40 millions d’euros. Cette augmentation correspond à des projets d’importance, qui sont désormais mûrs pour entrer dans leur phase opérationnelle. Je n’en évoquerai que quelques-uns.
Le premier concerne la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI. Tout d’abord, les travaux d’aménagement nécessaires à l’accueil de 400 postes de travail seront réalisés sur le site de Neuilly en 2019, pour un montant de 20 millions d’euros. Il s’agit d’accompagner la montée en puissance de ce service de renseignement essentiel et, au-delà – c’est l’un des premiers engagements que j’ai pu prendre en tant que ministre de l’intérieur –, la création, plus que jamais d’actualité, d’un site unique pour la DGSI. Au total, 450 millions d’euros y seront consacrés d’ici à 2022. Je souhaite que les premières études soient lancées dès 2019 ; le budget que je vous propose aujourd’hui le permet.
Le deuxième projet que je souhaite évoquer est celui du réseau Radio du futur, annoncé par le Président de la République dans son discours aux forces de sécurité du 18 octobre 2017. Un montant de 22,5 millions d’euros sera mobilisé pour engager la phase opérationnelle de ce projet, dont la réalisation est essentielle pour permettre la sécurisation des grands événements à venir, tels que les jeux Olympiques de 2024. Il figurait d’ailleurs parmi les atouts du dossier de candidature de Paris.
Le troisième projet d’importance est la mise en place d’un plan de renforcement de la sécurité des applications et systèmes d’information du ministère de l’intérieur. La sensibilité des champs d’intervention de mon ministère implique que nous disposions d’un système de protection du meilleur niveau. Sur ce sujet comme sur d’autres, le ministère n’a pas le droit à l’erreur : il y va de la confiance de nos concitoyens dans notre capacité à les protéger. En l’occurrence, il s’agit de données essentielles qui touchent à leur liberté. Il est prévu de consacrer 9,5 millions d’euros à ce plan en 2019.
J’en viens à l’administration territoriale de l’État, sujet que j’aborderai trop rapidement, hélas, car j’ai mesuré l’importance que, comme moi, vous lui accordez.
Ce budget se maintient à 1,2 milliard d’euros – il est, pour être parfaitement précis, en baisse de 8 millions d’euros. Un schéma d’emploi prévoyant la suppression de 200 effectifs sera appliqué ; ce niveau de réduction des effectifs est historiquement bas, et sans commune mesure avec les objectifs affichés à l’époque de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Ce schéma inclut un renfort de 50 personnels au titre des missions nouvelles des préfectures dans le domaine de l’évaluation de la situation des personnes se déclarant mineurs isolés.
Pour les personnels de préfecture, 2019 sera la première année de mise en œuvre du protocole parcours professionnels, carrières et rémunérations. À ce titre, 2,7 millions d’euros de crédits supplémentaires sont prévus. En complément, le projet de loi de finances assure le financement de mesures indemnitaires.
En termes de missions, deux priorités se dégagent, à mon sens, pour les préfectures en 2019 : la prise en charge de la problématique de l’asile et du séjour et l’approfondissement de la réforme de l’organisation territoriale de l’État.
Dans le contexte migratoire que nous connaissons, caractérisé par une hausse très soutenue du nombre des demandes d’asile – il est en progression de 18 % sur les six premiers mois de 2018 par rapport à 2017, après avoir déjà augmenté cette année-là de 32 % par rapport à 2016 –, l’activité des services chargés de l’asile et des étrangers est, pour moi, une préoccupation de premier plan.
Les préfectures et leurs personnels sont toujours en première ligne dans ce domaine, au même titre que les agents de la police aux frontières, la PAF, de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, et de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA. Leur implication a été déterminante pour atteindre l’objectif de tenir le délai cible de trois jours ouvrés pour l’enregistrement des premières demandes d’asile par les guichets uniques pour demandeurs d’asile. De même, l’engagement des personnels de préfecture a contribué à l’augmentation de 26 %, en 2018, du taux de transferts « Dublin » réalisés. Enfin, les personnels de préfecture préparent et appuient la mise en œuvre tant des retours volontaires, dont le nombre a crû de 32 % au cours du premier semestre de 2018, que des éloignements forcés, en augmentation de 14,6 % sur la même période.
En 2019, les priorités s’étendront encore à de nouvelles missions. D’une part, il faudra réussir la mise en place de la contribution de l’État à l’évaluation de la minorité des personnes se déclarant mineurs isolés. C’est un engagement que nous avons pris envers les départements, et nous devons le tenir. D’autre part, il faudra mettre en œuvre les décisions du comité interministériel à l’intégration, qui comportent un important volet de mesures dont l’application sera déconcentrée aux préfets et qui représentent un total de 17 millions d’euros.
Je souhaite vraiment que les missions relatives à l’asile, au séjour et à l’intégration des étrangers soient considérées comme prioritaires, à l’instar des autres missions ainsi qualifiées dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération.
Ces services ont été renforcés : 170 emplois supplémentaires de titulaire ont été affectés aux guichets uniques pour demandeurs d’asile et aux services des étrangers, et 1 200 mois de vacataires ont été mobilisés en 2017 comme en 2018. En complément, j’ai demandé la mise en œuvre d’un plan pour renforcer l’attractivité des services des étrangers des préfectures. J’y tiens beaucoup, parce que je sais la difficulté du travail au quotidien dans ces services. Il est nécessaire de tenir compte de ces spécificités et de se donner les moyens d’agir en conséquence.
En ce qui concerne l’approfondissement de la réforme de l’administration territoriale de l’État, vous le savez, le Premier ministre a ouvert ce chantier au cours de l’été dernier. À mon sens, c’est une chance à la fois pour les préfets, pour le réseau des préfectures et pour celui des sous-préfectures.
En tant que ministre de l’intérieur, je mesure, comme vous, l’importance de la proximité assurée par le réseau des préfectures et des sous-préfectures, dont les 26 000 agents travaillent avec beaucoup d’implication.
Dès ma prise de fonctions, j’ai indiqué que le ministère et le réseau des préfectures et des sous-préfectures étaient clairement candidats pour être le pivot de cette réorganisation. Je l’ai annoncé devant la commission : le Premier ministre a accepté que nous menions la fusion des programmes 307 et 333. Souvent évoquée, jamais décidée, cette fusion sera mise en œuvre en 2019. Sur le plan budgétaire, 310 millions d’euros de crédits et 2 000 emplois viendront s’adjoindre au milliard d’euros de crédits et aux plus de 25 000 emplois déjà dédiés à l’administration territoriale dans le budget du ministère.
Évidemment, cette fusion doit se faire en bonne intelligence avec les autres ministères concernés ; il s’agit non pas qu’un ministère prenne le pas sur les autres, mais qu’un chef de file se dégage pour avancer sur ces sujets avec l’ensemble des acteurs, en particulier les élus.
Nous assurerons désormais la gestion des moyens de l’ensemble des administrations déconcentrées de l’État, ainsi que celle de leurs cadres, directeurs départementaux interministériels et secrétaires généraux pour les affaires régionales.
Trois préoccupations majeures guident notre réflexion.
La première, c’est la proximité. Le choix de renforcer l’échelon territorial de la région s’est fait au détriment du niveau départemental. Dès lors, comme l’a dit M. Dallier, nous avons perdu en proximité : nous devons impérativement renforcer celle-ci.
La deuxième préoccupation, c’est l’unité, objectif fondamental qui doit nous rassembler.
La troisième préoccupation, c’est la modularité. En effet, l’unité n’exclut pas la diversité, et de la modularité doivent naître des réflexions sur notre propre organisation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je considère avec sérénité les évolutions qui s’annoncent. Je sais qu’elles n’affaibliront en rien le réseau des sous-préfectures. (M. Pierre-Yves Collombat manifeste son scepticisme.) Elles traduisent, à mon sens, la grande confiance que Gouvernement place, comme vous, dans les préfets et les préfectures.
J’aborderai très rapidement trois sujets complémentaires qui, bien que périphériques, n’en sont pas moins essentiels au regard des politiques publiques que nous menons.
Madame Goulet, la lutte contre la radicalisation est, je le rappelle, financée par les crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, le FIPDR, qui est doté de 72,9 millions d’euros. Cette année, nous avons mis en place le plan national de prévention de la radicalisation. Il comporte neuf nouvelles mesures, pour un budget en hausse de 133 %. Évidemment, nous poursuivrons cet effort.
Au-delà de la dimension budgétaire, ce qui importe, c’est de parvenir à travailler en horizontalité sur ce sujet dans les quartiers prioritaires ciblés, notamment dans les quartiers de reconquête républicaine, en réunissant autour de la table l’ensemble des acteurs : ceux de la sécurité, certes, mais aussi les maires, les représentants du département, de l’école, des mondes du sport et de la culture.
Concernant la lutte contre la fraude documentaire, madame Goulet, monsieur Richard, nous avons créé des équipes dédiées dans les quarante-sept centres d’expertise de ressources et de titres. Pour pouvoir engager des procédures judiciaires, il est en effet nécessaire d’accomplir, au préalable, un vaste travail de caractérisation. (Mme Nathalie Goulet opine.) Il importe que nous puissions nous doter de cet outil d’examen en vue de sanctionner les abus, car les abus tuent l’essentiel, à savoir la solidarité nationale.
Enfin, monsieur Richard, vous avez évoqué la société de confiance, qui est une absolue nécessité. À cet égard, je crois profondément en l’action des préfets, qui va monter en puissance dans les mois qui viennent : ils porteront ce discours de confiance, afin que nous puissions passer de la logique du contrôle – certes nécessaire – à celle de l’appui et de la confiance. J’ai consacré à cette question une grande partie de mon premier discours aux préfets, qui doivent être vus avant tout comme des facilitateurs, des aidants. Il faut faire confiance à l’intelligence territoriale, aux territoires et, en particulier, aux élus qui les représentent. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)