M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour la réplique. Vous disposez de cinquante-cinq secondes, mon cher collègue.
M. Arnaud Bazin. Il y avait 20 millions d’éléphants d’Afrique à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle ; il en reste peut-être 300 000 aujourd’hui : ces chiffres donnent la mesure de l’urgence. Je retiens de votre réponse, dont je vous remercie, madame la secrétaire d’État, l’engagement ferme de notre pays pour mettre fin à une activité, le trafic d’ivoire, que vous avez qualifiée d’intolérable et de criminelle.
Vous l’avez souligné, une organisation internationale criminelle est à l’œuvre derrière tout cela. Le trafic des animaux sauvages à l’échelle mondiale est l’un des trafics qui rapportent le plus et qui coûtent le moins en termes de répression pénale. Il faut vraiment que l’Europe frappe un grand coup. Vous avez annoncé l’échéance de 2020 ; nous avons donc un an pour aboutir, et vous pouvez compter sur notre soutien ferme pour y parvenir.
continuité écologique
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, auteur de la question n° 357, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Élisabeth Doineau. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur les problèmes posés par l’application stricte de la directive-cadre sur l’eau, la DCE, adoptée par le Parlement européen le 23 octobre 2000.
En application de la DCE, les décisions préfectorales conduisent trop souvent à la destruction de sites, sans étude d’impact et, le plus souvent, sans avis des conseils départementaux.
Les retenues et réservoirs, les canaux et les biefs sont considérés comme zones humides selon la convention de Ramsar. Ils répondent également à la définition des zones humides dans la loi française. Pourtant, les opérations de continuité écologique se déroulent sans inventaire complet de la biodiversité de ces zones humides et, par conséquent, sans évaluation du bilan global et de l’impact sur les oiseaux, les amphibiens et les végétaux.
Par ailleurs, l’énergie hydroélectrique est la plus propre et la moins coûteuse des énergies renouvelables. Considérant que 90 % des sites déjà en place ne produisent pas à l’heure actuelle, il existe donc un potentiel de croissance important.
Dans une logique économique et écologique, il semble que l’équipement des sites existants serait préférable à la destruction de tous les ouvrages – moulins, forges, étangs, anciennes usines hydroélectriques ou barrages – au nom de la continuité écologique.
Madame la secrétaire d’État, pensez-vous faire évoluer les pratiques pour que l’ensemble du vivant aquatique soit pris en considération dans les opérations affectant le milieu ? Comment entendez-vous simplifier la conduite des projets hydroélectriques et garantir que les nécessaires mesures de protection écologique restent proportionnées aux impacts observés ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Doineau, François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, ne pouvait malheureusement être présent ; il m’a chargée de vous répondre à sa place.
Vous appelez son attention sur les problèmes posés par l’application stricte de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre réglementaire pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.
Je tiens à vous le dire tout de suite, la conciliation des enjeux liés aux transitions écologique et énergétique est possible. C’est d’ailleurs tout l’objet des politiques publiques menées par le ministère de la transition écologique et solidaire ; c’est aussi la vision que porte la France au niveau européen.
D’une part, la restauration du bon état des cours d’eau est essentielle à la reconquête de la biodiversité. D’autre part, l’hydroélectricité est une énergie renouvelable essentielle. Dans la mesure où son potentiel en France est déjà bien exploité, la priorité est donc désormais d’optimiser les installations existantes, sur le plan de la production et de la puissance de pointe.
Il faut donc équiper les ouvrages de turbines aux endroits adaptés, limiter les impacts, décloisonner les rivières et restaurer des habitats naturels dans d’autres secteurs. De nombreux territoires s’y emploient avec succès, bien que la conciliation locale reste complexe à atteindre.
Ainsi, le Comité national de l’eau a travaillé pendant plusieurs mois en associant toutes les parties prenantes à l’élaboration d’un plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique, porté par notre ministère, en lien avec le ministère de la culture pour la partie patrimoniale.
Ce plan apporte des solutions en matière de coordination des services de l’État, y compris de ses opérateurs, et de concertation avec les parties prenantes. Il comportera des documents d’accompagnement et un centre de ressources pour les services, les collectivités, les hydroélectriciens, les riverains, de façon à mettre en avant des solutions au cas par cas. L’objectif est véritablement de faire du sur-mesure, pour une adaptation maximale aux spécificités des territoires.
Par ailleurs, concernant la protection des zones humides, la convention de Ramsar a adopté une large définition des zones humides, comprenant notamment les marécages et les marais, les prairies humides, les tourbières, les mangroves et autres zones côtières, mais également tous les lacs et cours d’eau.
La politique de restauration de la continuité écologique des cours d’eau n’est donc pas en contradiction avec les objectifs et les engagements pris dans le cadre de la convention de Ramsar. Au contraire, elle contribue à leur mise en œuvre.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, à qui il reste trente-six secondes pour la réplique.
Mme Élisabeth Doineau. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Il est rassurant de savoir que le plan d’action a vocation à traiter les situations au cas par cas. Je partage pleinement cette ambition. L’hydroélectricité est un enjeu majeur pour la promotion de l’énergie propre.
À mon sens, la DCE, trop arbitraire, ne tient pas suffisamment compte des lois de la nature. Les anciens, qui avaient construit ce petit patrimoine hydroélectrique selon une démarche sans doute instinctive, mais ils étaient très attentifs à la nature. On ne saurait envisager de tout détruire.
répercussions des lâchers de ballons sur l’environnement
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, auteur de la question n° 380, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Catherine Deroche. Madame la secrétaire d’État, les manifestations sur la voie publique, au cours desquelles des lâchers de ballons peuvent avoir lieu, sont soumises à déclaration préalable, conformément aux dispositions des articles L. 211-1 et suivants du code de la sécurité intérieure.
En application de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, seul le préfet est compétent pour prendre un arrêté d’interdiction de lâcher de ballons, dans le cadre d’une mesure relative au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. Aucun texte législatif ou réglementaire ne fonde expressément l’autorité administrative à interdire de façon générale et absolue le lâcher de ballons ni à le soumettre à un quelconque régime d’autorisation préalable.
Pourtant, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, les ballons font partie des dix déchets récréatifs le plus fréquemment retrouvés sur le littoral. Des débris de ballon sont ingérés par des dauphins, des tortues ou des oiseaux, entraînant une obstruction de leur appareil digestif, et donc leur mort inéluctable. Au mieux, ils s’accumulent sous forme de microdéchets dans les organismes de nombreuses espèces, ou polluent purement et simplement les mers.
En France, les lâchers de ballons sont réglementés par certaines préfectures. Dans le département d’Ille-et-Vilaine, l’arrêté du 21 novembre 2014 les interdit dans les communes classées Natura 2000, les communes littorales et les communes particulièrement exposées aux feux de forêt, ces ballons pouvant se retrouver ensuite dans les massifs ou le milieu marin, et constituer des déchets éventuellement nocifs pour la faune et la flore.
À Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les Bouches-du-Rhône, les préfets ont aussi pris des mesures d’interdiction liées à des considérations environnementales. Il faut savoir que les matières plastiques représentent aujourd’hui 85 % des déchets trouvés sur les plages travers le monde.
Je souhaiterais savoir si le Gouvernement entend prendre rapidement des dispositions pour préserver l’environnement, notamment dans les départements littoraux ou dans les outre-mer.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Deroche, comme vous le signalez, brisant ainsi un tabou, les ballons de plastique et les fragments qui en sont issus sont une cause importante de dégradation de la biodiversité. Ils défigurent nos paysages et mettent en danger la faune et la flore. Ils comptent effectivement parmi les dix déchets le plus souvent retrouvés sur les littoraux européens.
Ces déchets plastiques causent des dommages irréversibles à la biodiversité. Les impacts environnementaux, notamment marins, ne s’arrêtant pas aux frontières, le ministère de la transition écologique et solidaire porte une véritable ambition de prévention aux niveaux national et européen.
La France a ainsi largement contribué à l’élaboration du projet de directive européenne sur les plastiques à usage unique, qui devrait être adopté d’ici à la fin de l’année. Cela répond à notre ambition, sur le plan national, en matière d’économie circulaire. Nous pensons ainsi que c’est d’abord sur terre, plutôt qu’en mer, qu’il convient de lutter contre la pollution des plastiques.
En ce qui concerne les ballons, nous prévoyons un marquage obligatoire afin, d’une part, d’informer les consommateurs des risques pour l’environnement, et, d’autre part, d’associer les producteurs de ballons à la prise en charge des coûts associés au nettoyage de ceux qui sont abandonnés dans l’environnement.
Enfin, dans le cadre des négociations encore en cours sur la directive, certains pays, dont la France, ont proposé d’interdire les lâchers intentionnels et récréatifs de ballons en plastique.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique. Vous disposez encore de vingt-deux secondes, ma chère collègue.
Mme Catherine Deroche. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Certains États, comme l’Australie ou les États-Unis, ont pris des mesures d’interdiction. Récemment, un colloque a eu lieu à La Rochelle sur ce sujet, qui n’est pas anecdotique. Les lâchers de ballons ont certes un côté récréatif, mais je pense vraiment qu’il faut aller vers une interdiction totale.
liberté de circulation des lorrains
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 468, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Jean-Marc Todeschini. Ma question porte sur l’enclavement de la Lorraine, à la suite des récentes décisions et annonces du Gouvernement. À côté du volet visible de la politique menée par le Gouvernement, avec l’augmentation des taxes sur le gazole et la suppression de l’ISF, il existe un volet moins médiatique, mais qui affecte directement nos concitoyens, en matière de transports et, plus largement, en termes d’affaiblissement des services publics.
Historiquement, la Lorraine doit à sa position géographique d’être, depuis l’Antiquité, un espace d’échanges et de passages entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud.
Aujourd’hui, de nombreuses problématiques se font jour, car les réseaux de transports sont de moins en moins adaptés à l’augmentation des flux et aux mutations profondes de leur nature, conjuguée à l’impérieuse nécessité de prendre en compte la transition écologique.
Si les Lorrains peuvent saluer la mise en œuvre de la ligne à grande vitesse de Paris à Strasbourg, qui fut longtemps attendue, ils ne peuvent que s’inquiéter des récents développements intervenus dans le domaine des transports. L’abandon du projet de liaison fluviale Moselle-Saône fait perdre l’occasion d’une avancée environnementale notable. En effet, la réalisation de cette infrastructure aurait permis d’éviter la circulation de nombreux camions sur les routes et les autoroutes de l’est de la France. La suppression de la ligne ferroviaire directe entre Metz et Nice contraindra les Lorrains à passer par Paris ou Strasbourg, c’est-à-dire, souvent, à privilégier la voiture, alors que l’utilisation de ce mode de transport et son impact environnemental pouvaient être limités.
À cela s’ajoute la possible mise en place, incohérente et rude pour le porte-monnaie des travailleurs transfrontaliers, d’un péage sur le futur axe de l’A31 bis. Il faut savoir que près de 100 000 Lorrains passent quotidiennement la frontière luxembourgeoise pour se rendre à leur travail. Sans résoudre pour autant ni le problème de l’encombrement de cet axe, puisque le nouveau tracé débouchera sur un entonnoir, ni la question environnementale, le Gouvernement entend le rendre payant pour tous, sans distinction entre les transporteurs poids lourds, les travailleurs transfrontaliers et les utilisateurs occasionnels. C’est une attaque supplémentaire contre le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Au total, les Lorrains ont le sentiment que le Gouvernement va à rebours de l’histoire et de la géographie de leur région, pour finalement enclaver encore un peu plus un espace territorial déjà marqué par les transformations rapides de son tissu économique.
Je vous demande donc, madame la secrétaire d’État, de nous informer clairement des intentions du Gouvernement et de la SNCF quant aux suppressions de trains sur la ligne Metz-Paris, que les Lorrains ont financée, et, de manière générale, sur les mesures qu’il entend prendre afin de renforcer la position stratégique de la Lorraine au cœur de l’Europe et de permettre aux Lorrains de se déplacer librement, dans le respect de leur environnement.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Todeschini, Mme Borne ne pouvant être présente, elle m’a chargée de vous répondre.
Vous avez bien voulu appeler l’attention du Gouvernement sur trois points distincts concernant les mobilités en Lorraine. Je tiens à vous apporter les précisions suivantes.
S’agissant d’abord du projet fluvial « Moselle-Saône », son coût est hors de portée des financements envisageables, même avec le soutien de l’Union européenne. C’est pour cette raison que le Conseil d’orientation des infrastructures n’a pas examiné ce projet dans son rapport du 1er février 2018 et qu’il n’est pas dans les intentions du Gouvernement de le relancer. Il s’agit d’un projet très coûteux, à la rentabilité incertaine.
Concernant ensuite la pérennité de la liaison TGV Metz-Nice, le pôle d’échanges multimodal de Lyon-Part-Dieu va connaître des travaux importants à compter de 2019, au moins jusqu’en 2023. Cette contrainte a conduit SNCF Mobilités à détourner ou à supprimer certains TGV. La liaison Metz-Nice sera ainsi interrompue en 2019. Après discussion avec les élus locaux, SNCF Mobilités a décidé de mettre en œuvre deux solutions de substitution : d’une part, un des TGV reliant Strasbourg à Marseille et à Nice partira de Nancy ; d’autre part, la SNCF prolongera la liaison TGV Montpellier-Strasbourg jusqu’à Metz, pour renforcer le lien avec l’arc méditerranéen.
Enfin, concernant le secteur nord du projet de l’A31 bis, le débat public organisé en 2015 a permis de montrer que la réalisation d’un contournement de Thionville en tracé neuf était nécessaire pour assurer la fluidité de la circulation. Cet aménagement sera réalisé de manière concomitante avec l’élargissement de l’autoroute A31. C’est afin d’exécuter ces travaux dans un délai raisonnable que le précédent gouvernement avait décidé de mettre cet axe en péage.
Par ailleurs, le projet de l’A31 bis prend en compte les préoccupations environnementales et la nécessité de développer les solutions de transport alternatives à l’usage de la voiture individuelle. Il prévoit ainsi la mise en place d’une voie réservée aux transports en commun entre le nord de Thionville et la frontière luxembourgeoise, afin de faciliter la mise en place d’une offre de transport par cars performante.
J’ajoute que l’État a récemment lancé une concertation avec le public sur le projet de l’A31 bis pour présenter les principales caractéristiques des aménagements envisagés et dialoguer avec l’ensemble des acteurs. Cette concertation, qui prendra fin en février 2019, est un moyen utile pour que chacun puisse faire part de son avis et de ses attentes concernant cette opération.
qualité du système électrique français et mobilisation de l’effacement
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 482, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Jean-Pierre Vial. La qualité du système électrique français a toujours été reconnue. Néanmoins, la presse spécialisée a récemment souligné, fort pertinemment, sa fragilité en période de pointe et les risques de rupture qui apparaissent actuellement.
Cette situation revêt trois paradoxes.
Le premier est que le risque de rupture a augmenté, malgré une baisse de la consommation essentiellement due au déclin de l’industrie.
Le deuxième paradoxe est que ce risque continue d’augmenter en dépit de la mise en place de mécanismes de capacité d’effacement.
Le troisième paradoxe est que les solutions les plus rapides et efficaces à mettre en œuvre, d’un point de vue environnemental, restent marginales malgré les efforts réglementaires, d’une part, et ceux des consommateurs, notamment industriels, d’autre part.
À la sortie de l’hiver 2016, lors d’un déplacement sur un site industriel en Savoie, celui de la société Ferropem, le ministre de l’industrie s’était félicité du rôle joué par l’effacement dans le système électrique. Pourtant, deux ans plus tard, les objectifs sont très loin d’être atteints.
Tel est le cas, notamment, de l’objectif de 5 gigawatts d’effacement inscrit dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE. Le volume d’effacement, qui avait atteint 1 500 mégawatts en 2016, devrait diminuer en 2018 en conséquence de l’abaissement du budget à environ 20 millions d’euros. Or l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, a reconnu que, sans une rémunération comprise entre 30 000 et 60 000 euros par mégawatt et par an, l’objectif de la PPE ne pouvait pas être atteint, alors même que la redevance de capacité payée par les consommateurs, dont les industriels, engendrera une ressource globale de 1,5 milliard d’euros.
Pour assurer sa sécurité d’approvisionnement, la France abandonne progressivement la seule solution économique et écologique disponible dans un délai court, au profit d’outils thermiques fortement émetteurs de CO2. Leurs émissions augmentent fortement, de plus d’un million de tonnes par an. Ce choix de la France se trouve, de surcroît, à contre-courant de celui de nos voisins européens, qui mobilisent un volume d’effacement largement supérieur. C’est aussi le cas des grands États américains, dont les politiques sont plus anciennes et plus volontaristes.
Lors de sa prise de fonctions, en septembre 2018, M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire a souligné à quel point, selon lui, l’écologie et l’économie pouvaient et devaient se conjuguer.
Le Gouvernement est-il prêt à répondre à l’appel des industriels, dont certains voient la mobilisation de l’effacement comme une question de survie économique ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Vial, votre question porte sur une problématique fondamentale : la sécurité d’approvisionnement en électricité de notre pays et la contribution que peuvent y apporter les consommateurs industriels.
Sachez avant tout, monsieur le sénateur, que la sécurité d’approvisionnement en électricité est une véritable priorité du Gouvernement ; le Président de la République a eu l’occasion de le rappeler récemment encore. Nous veillerons donc à ce qu’elle soit assurée tout au long de la transformation du système électrique que nous allons conduire.
Vous avez raison, les consommateurs, en particulier les industriels, ont un rôle à jouer au regard de cette problématique, d’abord en améliorant l’efficacité de leurs procédés et en investissant dans l’efficacité énergétique – l’État soutient les initiatives dans ce domaine, notamment au travers du dispositif des certificats d’économies d’énergie –, ensuite en consommant mieux, c’est-à-dire en optimisant le moment où ils consomment – nous disposons d’outils réglementaires à cet égard.
La France a joué un rôle pionnier en Europe dans le développement de l’effacement de consommation. D’ailleurs, tous les marchés français de l’électricité sont aujourd’hui ouverts à la participation des effacements.
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
La France dispose, d’après Réseau de transport d’électricité, RTE, de près de 2,7 gigawatts de capacités d’effacement, et l’ensemble des marchés français de l’électricité sont ouverts à la participation des effacements.
Nous disposons d’ailleurs d’un dispositif de soutien dédié à la filière, l’appel d’offres effacement, que nous avons négocié avec la Commission européenne. Cela nous a notamment permis, en 2018, de soutenir financièrement les effacements présentant les meilleurs standards environnementaux. Nous souhaitons par ailleurs améliorer encore l’attractivité de ce dispositif et le simplifier.
Enfin, monsieur le sénateur, j’attire votre attention sur le dispositif d’« interruptibilité » mis en place par l’État. Il permet d’interrompre la consommation sur demande du gestionnaire de réseau de transport pour soutenir les actions des industriels concourant à la sécurité d’approvisionnement.
Ainsi, monsieur le sénateur, vous pouvez constater que nous agissons sur plusieurs leviers pour permettre à la flexibilité de consommation, notamment celle des industriels, de jouer tout son rôle dans le succès de la transition énergétique et de la transformation de notre système électrique, tout en assurant la sécurité d’approvisionnement, priorité du Gouvernement.
réutilisation des eaux usées pour l’irrigation des cultures
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, auteur de la question n° 496, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Françoise Laborde. Le déficit hydrique en France se chiffre en millions de mètres cubes d’eau ; il pourrait se compter en milliards, en période d’étiage, d’ici à 2050.
Conséquence directe de cette carence, le rendement des vignes et des céréales chute de façon drastique. Les acteurs des filières agricoles et environnementales n’ont pas tardé à tester différentes solutions pour pallier ce manque d’eau. L’une d’elles consiste à réutiliser des eaux usées afin d’optimiser la gestion de l’eau et d’anticiper ainsi sa rareté annoncée.
Si les premiers résultats semblent encourageants en termes de rendements des champs ainsi irrigués, aucun suivi des résidus médicamenteux contenus dans les rejets des stations d’épuration ayant servi à ces irrigations n’a encore été réalisé.
Pourtant, un rapport émanant de l’Académie nationale de pharmacie nous alerte : « Rien dans les cahiers des charges ne spécifie aux stations d’épuration de devoir garantir l’élimination spécifique de molécules ciblées, sachant que les égouts, malheureusement encore appelés tout-à-l’égout, recueillent tout ce que les populations, les établissements de soins, les locaux industriels ou municipaux, les commerces et petites industries peuvent y déverser. »
Ces eaux usées, distinctes des eaux qui sont destinées à la consommation humaine, contiennent des résidus de médicaments antiépileptiques, antidépresseurs ou encore antidouleur, certes en quantité négligeable selon l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Toutefois, cette agence ne se prononce pas sur l’effet cocktail de ces substances médicamenteuses sur la santé.
Dans un rapport d’étude, l’université hébraïque de Jérusalem constate qu’il y a bien migration des contaminants présents dans les eaux usées vers les plantes irriguées et que la compilation des substances chimiques en décuple les effets.
Madame la secrétaire d’État, avant d’envisager de réutiliser les eaux usées provenant des stations d’épuration, sachant que celles-ci ne traitent ni les résidus médicamenteux ni bien d’autres choses encore, il est urgent d’appliquer un principe de précaution et d’interdire pour l’heure cette pratique.
Ma question est la suivante : quelles mesures comptez-vous prendre pour garantir l’élimination de ces substances par les usines de traitement d’eau et éviter ainsi le risque de contamination des plantes irriguées, et donc de la chaîne alimentaire ? Si une crise sanitaire devait survenir, nous ne pourrons pas dire que nous n’étions pas avertis !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Laborde, vous nous interrogez sur un sujet qui, je le sais, vous tient à cœur et sur lequel vous êtes très investie. Le traitement de l’eau est bien un enjeu capital.
Les enjeux de santé et d’environnement sont au cœur de l’action du Gouvernement, qui met en œuvre plusieurs plans et stratégies ayant vocation à réduire les pollutions par les substances chimiques. Je sais que vous les connaissez bien, madame la sénatrice : nous avons eu l’occasion d’échanger sur cette question.
S’agissant des substances chimiques présentes dans les eaux usées traitées, les réglementations européennes et françaises en matière d’assainissement sont en cours de structuration. Elles prévoient que les stations de traitement des eaux usées urbaines soient conçues, dimensionnées et exploitées pour réduire la pollution organique et, le cas échéant, la pollution azotée et phosphorée. Cela permet déjà d’éliminer une grande partie des micropolluants présents dans les eaux usées, parmi lesquels les résidus médicamenteux.
La priorité aujourd’hui est de réduire la pollution en amont. C’est pourquoi, dans son plan micropolluants 2016-2021, le Gouvernement privilégie une approche préventive pour réduire à la source et durablement les émissions de micropolluants.
Il a ainsi été demandé aux collectivités, par une note technique du 12 août 2016, de rechercher certains micropolluants dans les eaux usées traitées et dans les eaux brutes des stations de traitement, d’identifier leurs sources d’émission en amont des stations et d’engager une démarche de réduction.
Lorsque les eaux usées traitées sont réutilisées pour l’irrigation des cultures ou l’arrosage des espaces verts, des exigences supplémentaires sont appliquées pour réduire la présence de micropolluants et les risques d’exposition des sols aux métaux lourds.
Ces questions ont également fait l’objet de travaux spécifiques d’évaluation des risques menés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire.
La France est l’un des cinq pays européens à réglementer la réutilisation des eaux usées traitées. Des discussions sur ce sujet sont en cours au niveau européen, sur la base d’un projet de règlement visant à homogénéiser les règles encadrant l’irrigation agricole.
La France soutient cette démarche, tout en rappelant que la réutilisation des eaux usées traitées doit s’apprécier au regard des enjeux locaux des territoires. Bien sûr, cette démarche ne se substitue pas à la nécessaire sobriété en matière d’utilisation de l’eau.