Mme la présidente. Mes chers collègues, pardonnez-moi : après la présentation de ces deux amendements identiques, j’ai omis de solliciter l’avis de la commission et du Gouvernement.
Nous reprenons le cours normal de la procédure.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, je partage l’objectif des auteurs de la proposition de loi, qui vient d’être énoncé par Jean-Pierre Grand, à savoir faciliter l’organisation dans les communes de cérémonies d’obsèques civiles. Toutefois, pour toutes les raisons que j’ai évoquées, et je n’ai pas été le seul à le faire, il ne me semble pas utile de légiférer sur le sujet, dès lors que le droit en vigueur permet déjà l’organisation d’obsèques civiles par les communes.
Vous avez évoqué, madame Perol-Dumont, le vade-mecum rédigé par l’Association des maires de France, ainsi qu’un guide des bonnes pratiques en cours d’élaboration par la Direction générale des collectivités locales. Ces outils à disposition des maires permettent d’instaurer un droit souple et susceptible de répondre à nos collègues élus.
Nombre de communes, d’ailleurs, pratiquent déjà ces cérémonies civiles sans que des difficultés particulières nous aient été signalées. Les associations d’élus que j’ai consultées, notamment l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, sont défavorables à toute nouvelle obligation mise à la charge des communes sans compensation financière.
Par ailleurs, monsieur Sueur, il ne s’agit pas du tout ici d’un artifice de procédure. En effet, en vertu de l’article 42 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « La discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l’article 43 ou, à défaut, sur le texte dont l’assemblée a été saisie… » Nous sommes bien en train de discuter du texte qui a été adopté à l’Assemblée nationale, nonobstant le vote de la commission des lois.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Michel Savin. Bonne précision !
M. Loïc Hervé, rapporteur. Ce point a d’ailleurs été précisé en commission, comme une forme de respect due à l’égard des auteurs.
Enfin, j’aimerais que mes propos ne soient pas mal interprétés, car il ne s’agit en aucun cas d’un procès d’intention, mais la présente proposition de loi, si elle est extrêmement intéressante, pose tout de même problème au regard de l’actualité.
M. Michel Savin. Bien sûr !
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je vous invite donc, mes chers collègues, sinon à relativiser les choses, du moins à regarder cette réalité en face. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Laurence Rossignol. Proposez le rétablissement de l’ISF. Ce sera d’actualité, et nous le voterons !
M. Loïc Hervé, rapporteur. La commission émet donc un avis favorable sur ces deux amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Madame la présidente, je ne reviendrai pas sur les questions de procédure parlementaire, qui ne me regardent pas en tant que membre du Gouvernement. J’évoquerai simplement les éléments de fond, que j’ai d’ailleurs déjà exposés à la tribune voilà un instant.
J’essaie d’être le plus cohérent possible, et je le redis publiquement, pour le Journal officiel et pour nous tous : l’intention de cette proposition de loi, telle qu’elle a été imaginée par les députés et telle que vous la reprenez cet après-midi, est intéressante.
M. Patrick Kanner. Votons-la, alors !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur Kanner, laissez-moi terminer !
Voilà bientôt deux mois que je suis ministre chargé des collectivités territoriales. Or j’essaie de tout faire pour favoriser un mouvement de simplification et pour que les libertés locales et la confiance envers les élus soient, sinon la nouvelle doctrine du Gouvernement, du moins la manière dont celui-ci s’y prend avec eux désormais. D’ailleurs, j’ai été un élu local et le suis même encore aujourd’hui.
Comme je le disais hier soir à propos de la proposition de loi de Mme Gatel visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires – nous étions moins nombreux pour débattre de ce texte –, s’il doit y avoir un débat, il faut que l’on fasse des choix clairs. Peut-être d’ailleurs n’y arrivera-t-on pas.
Intellectuellement, deux positions se tiennent. Soit l’on parle de confiance locale, des Girondins, de la décentralisation, et l’on fait confiance aux élus aussi sur cette question funéraire, donc on ne légifère pas. Soit l’on ne fait pas complètement confiance aux élus sur certains aspects et l’on veut de l’égalité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
L’égalité, ce n’est pas un gros mot ! La loi est là aussi pour garantir des principes d’égalité sur le territoire.
M. Pierre-Yves Collombat. Financièrement, on pourrait en reparler !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Avec cette démarche, vous répondez très clairement par la négative à la question de la confiance. Au nom du principe d’égalité, vous défendez de nouvelles obligations, des mesures plus contraignantes, et vous voulez les inscrire dans la loi.
M. Pierre-Yves Collombat. Non ! Ce ne serait pas obligatoire !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Les deux visions se respectent. Mais je tiens tout de même à le rappeler, sans faire de politique : lorsque, au nom de l’égalité, le Gouvernement propose telle ou telle mesure contraignante, on lui reproche sur toutes les travées, parfois peut-être à juste titre, d’être jacobin et autoritaire.
M. Pierre-Yves Collombat. Le jacobinisme, ce n’est pas cela !
M. Sébastien Lecornu, ministre. À l’inverse, dès lors que nous nous engageons sur des chemins de simplification, de souplesse, de confiance, pour accroître un tant soit peu l’autonomie du maire, officier d’état civil, pour lui permettre d’agir dans sa commune avec pragmatisme, avec intelligence, avec compréhension, avec humanité,…
Mme Françoise Gatel. Voilà !
M. Sébastien Lecornu, ministre. … on nous répond : non, mieux vaut fixer des dispositions strictes dans la loi.
En prenant un peu distance avec le débat d’aujourd’hui, je respecte totalement cette vision des choses. Mais je me dois d’être cohérent, eu égard à l’action que j’ai entreprise depuis deux mois et que j’espère poursuivre avec vous : il y a un besoin de liberté locale…
M. Michel Savin. Très bien !
M. Sébastien Lecornu, ministre. … et les territoires ont besoin d’oxygène. En conséquence, il ne faut pas inscrire de telles dispositions dans la loi.
Voilà pourquoi j’ai très clairement émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques de suppression. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. François Patriat applaudit également.)
M. Loïc Hervé, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission.
Mme Catherine Di Folco, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur Sueur, en la matière, il n’a pas eu le moindre artifice.
M. Jean-Pierre Sueur. Je n’ai pas dit cela !
Mme Catherine Di Folco, vice-présidente de la commission des lois. Si, vous avez employé ce terme… Or la commission des lois a travaillé de manière tout à fait normale. Elle a examiné un texte venant de l’Assemblée nationale. Au terme de ses travaux, on n’a pas proposé de texte de la commission. C’est donc bien la rédaction de l’Assemblée nationale que nous examinons aujourd’hui.
De plus, permettez-moi de vous rappeler l’article 49 du règlement du Sénat : sont tout d’abord mis aux voix les amendements de suppression, puis viennent les autres amendements, en commençant par ceux dont les dispositions s’écartent le plus du texte.
M. Jean-Pierre Sueur. Bien sûr !
Mme Catherine Di Folco, vice-présidente de la commission des lois. La procédure est donc bien respectée ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Certes ! Vous avez parfaitement raison, madame la vice-présidente. Reste que, en agissant ainsi, vous empêchez le débat !
Mme la présidente. Monsieur Sueur, je vous en prie, vous n’avez pas la parole.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Hier, nous avons débattu longuement de la loi qui, en France, interdit le port du voile dans l’espace public.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous nous avez rappelé que le comité des droits de l’homme de l’ONU s’était exprimé contre ce texte. Vous avez précisé que cet avis n’avait aucune valeur ni aucune conséquence juridique,…
M. François Bonhomme. Et la Cour de cassation ?
M. Pierre Ouzoulias. … mais qu’un vote du Parlement était essentiel pour réaffirmer les valeurs de la laïcité. Nous vous avons suivis sur ce point, pour réaffirmer, selon vos propres termes, les valeurs de la République. Nous avons accepté ce débat fort, relatif à la laïcité, et nous avons voté votre texte.
Madame Duranton, je suis navré de constater que nous n’avons pas la même conception de la laïcité.
La laïcité, ce n’est pas la religion de l’État.
M. Jean-Luc Fichet. Absolument !
M. Pierre Ouzoulias. La laïcité n’a pas de rites spécifiques qu’elle opposerait à ceux de telle ou telle religion. La laïcité, c’est l’organisation des relations entre les citoyens et les citoyennes au sein de la République : cela n’a rien à voir ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)
Je tenais à opérer cette première mise au point.
En outre, chers collègues de la majorité sénatoriale, que vous le vouliez ou non, la République prévoit déjà, en la matière, deux actes fondateurs.
Le premier, c’est le baptême civil, régi par la loi du 20 prairial an II, ou 8 juin 1794.
M. François Bonhomme. Belle date ! En pleine Terreur…
M. Pierre Ouzoulias. À cet égard, les mairies n’ont aucune obligation d’organisation, et je n’ai connaissance d’aucun contentieux : sauf erreur de ma part, aucun citoyen n’a déféré, devant les tribunaux administratifs, un maire qui refusait d’organiser un baptême de cette nature.
Le second, c’est le mariage civil. Il ne s’oppose pas au mariage religieux : les deux sont complémentaires,…
M. Loïc Hervé, rapporteur. Non !
Mme Catherine Di Folco, vice-présidente de la commission des lois. Juridiquement, le mariage civil est le seul qui existe !
M. Pierre Ouzoulias. … et, d’ailleurs, dans la plupart des cas, on choisit de célébrer les deux.
Dès lors, ma question est la suivante : puisqu’il existe déjà des baptêmes et des mariages civils, pourquoi ne créerait-on pas une cérémonie d’enterrement selon les mêmes principes ? Expliquez-nous, philosophiquement, ce qui empêcherait de poursuivre la vie du citoyen et de la citoyenne dans le corps social, dans le corps de la République, par cette ultime cérémonie ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Rien, justement !
M. Pierre Ouzoulias. Personnellement, je ne comprends pas. Vous avez tort de vous réfugier derrière des arguments techniques, en invoquant le pouvoir d’organisation des communes. Mieux vaudrait que vous nous répondiez sur le fond. En quoi l’organisation de cette dernière cérémonie pose-t-elle problème,…
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je l’ai dit, en rien !
M. Pierre Ouzoulias. … étant entendu qu’elle s’inscrit dans la lignée du baptême et du mariage civils ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Lorsque j’ai lu pour la première fois cette proposition de loi, présentée par nos collègues socialistes, je me suis posé, comme M. le rapporteur et M. le ministre, toute une série d’interrogations.
Pour rendre ce texte acceptable, ou du moins pour corriger les défauts qui me semblaient les plus flagrants, j’ai déposé quatre amendements, qui sont d’ailleurs inscrits à l’ordre du jour.
Le premier de ces amendements vise à revenir sur l’obligation faite aux communes de mettre gratuitement à disposition une salle pour célébrer les funérailles civiles.
Le deuxième tend à revenir sur la possibilité donnée à aux officiers d’état civil de procéder à de telles cérémonies. Franchement, les intéressés ont bien d’autres choses à faire ! (M. le ministre opine.) M. le rapporteur et M. le ministre l’ont déjà relevé : il faut, à tout le moins, veiller à respecter le principe d’égalité, quant à l’intervention de l’officier d’état civil.
Enfin, les deux derniers amendements visent à compenser financièrement, pour les communes qui organiseraient des funérailles de cette nature, les charges qui en résulteraient.
Faut-il rappeler toutes les nouvelles compétences qui, depuis quelque temps, sont déjà tombées sur le dos des communes ? Je pense au PACS, à l’immatriculation des véhicules, aux modifications d’état civil, comme les divorces, de plus en plus nombreux, les changements de nom et de prénom, y compris dans les cas particuliers.
Mes chers collègues, grâce au Conseil constitutionnel, nous avons échappé au parrainage civil, du moins jusqu’à nouvel ordre : je suis sûr que cette proposition va revenir. Et toutes ces compétences sont assumées à titre gratuit ! Voilà pourquoi il faut, à tout le moins, assurer une compensation financière.
À présent, M. Grand et M. Marc nous proposent de supprimer l’article unique de cette proposition de loi. Vous l’avez compris, en vertu de la règle « qui peut le plus peut le moins », je voterai sans états d’âme ces deux amendements ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Michel Savin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Chers collègues, pourquoi telle ou telle idéologie s’immiscerait-elle dans ce débat ? À mon sens, vous en mettez où l’on n’en a pas besoin.
M. Reichardt vient de le rappeler : depuis des années, les maires doivent assumer des charges de plus en plus nombreuses et de plus en plus lourdes. On leur confie toujours de nouvelles missions – je pense notamment au PACS –, et ils ne cessent de le déplorer.
De plus, avec ce texte, l’on touche à un sujet extrêmement délicat. Si cette proposition de loi n’est pas opportune, c’est tout simplement parce que la ritualisation de la mort n’a pas vocation à être institutionnalisée à l’échelle des mairies.
L’argument économique a déjà été invoqué : cette mesure créerait encore une nouvelle charge. Certes, on nous a opposé un argument juridique, fondé sur l’existence d’un vide législatif. Mais pourquoi opter pour un plein législatif, alors que la pratique existante donne satisfaction à la plupart des personnes ?
J’y insiste, cette disposition placerait les maires dans une position extrêmement délicate. Si ce texte entrait en vigueur, la notion de « salle adaptable » ne tarderait pas à susciter des contentieux. Les maires devraient s’exprimer, devant les tribunaux, au sujet d’un moment très particulier : la cérémonie célébrée lors d’un décès.
Cette réforme déchaînerait les passions. Elle mettrait les maires dans une position difficile, et pour cause, ils ne sauraient pas comment traiter cette situation. Bref, l’on créerait des difficultés là où il n’y en a pas.
En définitive, cette proposition de loi est surtout marquée par l’air du temps. L’Assemblée nationale a récemment débattu de la fessée. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Oh ! Pas ça !
Mme Catherine Di Folco, vice-présidente de la commission des lois. C’est vrai !
M. François Bonhomme. Aujourd’hui, nous examinons ce texte, qui, en définitive, trahit la saturation des symboles. À tout propos, l’on s’écarte des problèmes juridiques pour s’attacher à des mesures symboliques. Ne nous laissons pas emporter par ce mouvement général, qui est tout à fait dommageable.
La parole est aux maires. Il faut suivre l’esprit girondin, c’est-à-dire faire confiance envers les élus. Or, avec le présent texte, on nous propose tout le contraire ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Mes chers collègues, nous le savons tous : le sujet dont nous débattons cette après-midi est, par définition, extrêmement privé, et il est d’une extrême gravité.
L’intention que traduit le présent texte honore ses auteurs et, plus largement, ceux qui le défendent. Personne sur ces travées ne peut le nier, il s’agit d’un instant tout à fait particulier, qui relève de la vie privée et que certains d’entre nous rattachent à des convictions religieuses ou philosophiques. Mais, à travers cette proposition de loi, peut-on défendre la création d’une « cérémonie républicaine de funérailles », comme l’a dit Pierre Ouzoulias ? J’approuve les propos de M. le ministre : on est bien au-delà de la mise à disposition d’une salle « adaptable ».
Cher Pierre Ouzoulias, pardonnez-moi de le rappeler en ce temple de la laïcité : le baptême est un sacrement religieux éminemment catholique. Mieux vaudrait donc parler de parrainage républicain.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est ce que nous fîmes !
Mme Françoise Gatel. En outre, qu’est-ce qu’une salle « adaptable » aux besoins et aux attentes d’une famille ? Au-delà des situations, qui sont nécessairement particulières, ces circonstances sont extrêmement douloureuses. Les proches du défunt sont dans une situation d’émotivité telle qu’ils risquent de s’en prendre au maire, si celui-ci n’est pas en mesure de mettre une salle à leur disposition.
M. Jean-Pierre Grand. C’est bien là le problème !
Mme Françoise Gatel. Avec un tel texte, nous nous exposons à de très graves risques de contentieux, notamment parce que le mot « adaptable » est indéfinissable.
Plus largement, on ne peut pas demander à la République de gérer notre vie privée. Si la France est une République laïque, il convient d’entendre et de reconnaître que, en dehors de l’enregistrement des actes d’état civil, les événements de la vie privée ne relèvent pas de la République.
Chers collègues, peut-on sincèrement demander à un maire de devenir un prêtre de la République (Protestations sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) et d’officier dans des cérémonies conformes aux aspirations philosophiques de chacun ? (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Monsieur le rapporteur, en faisant allusion aux événements de Strasbourg, vous avez laissé entendre – j’espère que vos propos ont dépassé votre pensée – que nous ne pourrions pas débattre du texte proposé par les élus du groupe socialiste et républicain.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Je n’ai pas dit cela !
M. Patrick Kanner. En suivant cette logique, il faudrait interrompre tous nos travaux ! Or nous devons légiférer, même si, par ces deux amendements, vous avez manifestement décidé de mettre à mort – passez-moi l’expression –…
Mme Catherine Di Folco, vice-présidente de la commission des lois. C’est un peu douteux…
M. Patrick Kanner. … le texte que nous souhaitons tout simplement soumettre au débat, ici même ! (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait, le débat est légitime !
Mme Catherine Di Folco, vice-présidente de la commission des lois. Et nous avons également débattu en commission !
M. Patrick Kanner. Ce que nous voulons, par ce texte, c’est permettre à de très nombreuses familles françaises d’enterrer leurs défunts dans de meilleures conditions qu’aujourd’hui. Vous ne le souhaitez pas, en tout cas pas dans les conditions que nous avons imaginées. Pour notre part, nous étions prêts à prendre en considération les propositions constructives formulées par Alain Richard.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, ces débats s’inscrivent dans le cadre d’une niche du groupe socialiste et républicain. Nous souhaitons pouvoir mener à son terme l’examen de ce texte. Par vos deux amendements, vous entendez nous en empêcher.
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui !
M. Patrick Kanner. Manifestement, une demande de scrutin public va être déposée. Nous désapprouvons cette méthode. Quels que soient les arguments, il faut pouvoir étudier les textes en intégralité : à mon sens, cet usage relève des bonnes manières qui doivent régir les rapports entre les groupes politiques.
Au nom de mon groupe, je regretterai donc que, par votre décision, vous nous empêchiez de mener ce débat dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour explication de vote.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Mes chers collègues, les leçons que j’ai entendues, quant à la confiance qu’il convient d’accorder aux élus locaux, me semblent assez regrettables.
Si nous ne leur faisions pas confiance, nous ne serions pas sur ces travées, de quelque côté que nous siégions ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.) Représentants des territoires, élus par les élus locaux, nous faisons, par principe, confiance aux élus locaux ; d’ailleurs, la plupart d’entre nous ont longtemps été élus dans les collectivités et même responsables d’exécutif local.
Cette précision étant faite, j’en viens au fond du débat. Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous souhaitez manifestement brider le débat, et même l’empêcher, par vos amendements de suppression. Mais pourquoi le présent texte vous inquiète-t-il tant ?
Cher Jean-Pierre Grand, j’ai perçu un certain malaise dans vos propos, lorsque vous avez présenté l’amendement n° 1. Les coûts supplémentaires pour les communes, les débats que ces dispositions pourraient provoquer ne sont que des arguties, et, au fond de vous-même, vous le savez bien : vos arguments ne résisteraient pas aux débats que nous souhaitons mener ensemble, dans cet hémicycle, pour amender cette proposition de loi. D’ailleurs, ce travail irait largement dans le sens que vous souhaitez !
Derrière tous ces propos, il me semble voir autre chose. Je ne voudrais froisser personne. Mais je devine chez certains le refus d’admettre les obsèques non confessionnelles ; le refus d’admettre que la spiritualité n’est pas le propre des religions. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. André Reichardt. Oh là…
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Oui, l’on peut vouloir des obsèques civiles tout respectant une spiritualité, tout en souhaitant un temps de rencontre, un temps d’échange. Ces débats sont derrière nous depuis plus d’un siècle !
M. André Reichardt. C’est ce qui s’appelle être sourd !
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Ne les remettons pas à l’ordre du jour,…
M. Loïc Hervé, rapporteur. Ce n’est pas de notre fait !
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. … et travaillons ensemble pour améliorer ce texte, dans le sens que vous souhaitez ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Huées sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. En l’espace de quelques mois, la droite sénatoriale a progressivement dévoilé ses positions. Elle s’est exprimée au sujet des écoles privées hors contrat.
Mme Françoise Gatel. Excellent texte !
M. Loïc Hervé, rapporteur. Tout à fait, madame Gatel, et cité par le Président de la République !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Puis, lorsque nous avons demandé la création d’une commission d’enquête relative à la pédophilie dans l’Église, elle s’y est opposée. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. François Bonhomme. Allez donc !
Mme Françoise Gatel. Quelle diabolisation !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Aujourd’hui, elle refuse à nos électeurs la possibilité d’organiser des funérailles républicaines.
En arrivant au Sénat, je croyais entrer dans une institution qui défendait bec et ongles la laïcité. Aujourd’hui, chers collègues de la majorité sénatoriale, je découvre le poids de la religion… (Nouvelles protestations, sur les mêmes travées.)
Mme Françoise Gatel. Oh, non !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. … dans l’engagement qui est le vôtre.
Dans cet hémicycle, nous sommes tous des élus locaux. Vous relevez que, dans la pratique, ces obsèques civiles ne posent pas de problème, mais vous refusez qu’elles figurent dans la loi.
M. Loïc Hervé, rapporteur. En effet !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. En outre, monsieur le rapporteur, alors que Paris a été dévasté le 1er décembre dernier, le groupe Les Républicains – nous en avons tous été informés, par la voie d’un courriel émanant de la direction de la séance – décide d’inscrire dans sa future niche, comme l’on dit, une proposition de loi visant à sécuriser les passages à niveau… On appréciera la cohérence !
De même, alors que les « gilets jaunes » s’apprêtaient, samedi dernier, à défiler une nouvelle fois, que faisiez-vous dans cet hémicycle ? Vous votiez l’allégement de l’exit tax.
Vous prétendez…