M. le président. Avant de mettre successivement aux voix l’ensemble de chacun des deux textes adoptés par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au rapporteur de la commission, pour sept minutes, puis au Gouvernement, et, enfin, à un représentant par groupe, pour cinq minutes, ainsi qu’à un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe, pour trois minutes.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Jacky Deromedi, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 17 janvier dernier, la commission des lois a adopté la proposition de loi et la proposition de loi organique relatives à la représentation des Français de l’étranger.
Ces textes sont issus d’un rapport d’information conjoint de Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte ; ils s’inspirent également des préconisations de l’Assemblée des Français de l’étranger.
La procédure de législation en commission a une nouvelle fois démontré toute son efficacité : lors de nos travaux, nous avons échangé pendant plus de deux heures sur ces textes, et nous avons débouché sur un résultat qui me semble consensuel. Je tiens d’ailleurs à remercier M. le secrétaire d’État, ainsi que mes collègues représentant les Français de l’étranger, de la richesse de nos échanges.
La loi du 22 juillet 2013 a profondément modifié la représentation des Français établis hors de France, sur l’initiative de notre collègue Hélène Conway-Mouret, alors ministre déléguée chargée des Français de l’étranger.
Cette loi a réformé l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, qui se réunit deux fois par an à Paris, mais a également créé les conseils consulaires, des instances de proximité qui se réunissent à l’échelle des ambassades et des consulats. En pratique, les conseils consulaires et l’AFE remplissent une mission essentiellement consultative et de représentation des Français établis hors de France.
Dans un rapport d’information de 2015, mes collègues Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte ont tiré les premiers enseignements de cette loi. Élus pour la première fois en 2014, les conseillers consulaires sont devenus des interlocuteurs privilégiés pour les Français établis hors de France. Ils souffrent toutefois d’un déficit de notoriété, notamment parce qu’ils exercent des fonctions non décisionnelles et qu’ils rencontrent des difficultés matérielles dans l’exercice de leur mandat.
Dès lors, les textes qui nous sont soumis ajustent le régime de représentation des Français de l’étranger en vue des prochaines élections, celles de 2020, sans en modifier l’équilibre. Ils améliorent les conditions d’exercice des mandats de conseiller consulaire et de membre de l’AFE. Ils sécurisent également les procédures électorales, en tirant les leçons des scrutins de 2014. La proposition de loi institue par exemple une commission centrale de propagande chargée de contrôler la conformité des professions de foi et des bulletins de vote des candidats. De même, elle améliore les conditions dans lesquelles les électeurs peuvent voter à distance en remettant un pli à leur ambassadeur ou à leur consul.
Sur le fond, la commission a renforcé le rôle des conseillers consulaires et des membres de l’AFE, qui s’investissent quotidiennement pour le rayonnement de la France et l’animation de la communauté des Français de l’étranger. Je tiens d’ailleurs, depuis cette tribune, à rendre hommage à l’implication et au travail de ces élus.
Nous avons confié, en commission, la présidence des conseils consulaires à un membre élu. En effet, il est on ne peut plus normal et conforme à nos principes démocratiques qu’un conseil d’élus au suffrage universel soit présidé par un élu, comme l’est l’Assemblée des Français de l’étranger depuis 2014.
Bien entendu, les ambassadeurs ou chefs de poste participeront aux délibérations ou pourront s’y faire représenter. Les élus pourront désormais convoquer les réunions des conseils consulaires et en fixer l’ordre du jour, en étroite concertation, bien sûr, avec les chefs de poste.
De même, nous avons permis aux conseillers consulaires et aux membres de l’AFE employés par une entreprise ou une administration française de bénéficier d’autorisations d’absence, sur le modèle des garanties dont bénéficient les élus locaux. Il s’agit d’une première étape dans la construction d’un véritable statut des élus représentant les Français de l’étranger.
Nous avons également autorisé les conseillers consulaires à arborer l’écharpe tricolore pendant les cérémonies officielles, et nous avons confié au pouvoir réglementaire le soin de définir leur rang dans l’ordre protocolaire.
Enfin, nous avons souhaité que le Gouvernement consulte l’Assemblée des Français de l’étranger lorsqu’il envisage de ne pas mettre en œuvre le vote par internet pour les élections consulaires. Cette modalité de vote constitue, en effet, une garantie essentielle pour nos compatriotes établis hors de France, dont certains habitent à plusieurs centaines de kilomètres des bureaux de vote physiques.
La décision du Gouvernement d’annuler le recours au vote par internet pour les élections législatives de 2017 et l’absence de concertation préalable ont été particulièrement mal vécues, comme Yves Détraigne et moi-même avons pu l’observer dans un récent rapport d’information.
La proposition de loi et la proposition de loi organique sont le fruit d’un travail pluraliste et consensuel au sein du Sénat. J’encourage désormais le Gouvernement à les inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, afin d’améliorer la représentation de nos compatriotes établis hors de France et de réduire la fracture démocratique qu’ils subissent par rapport à la communauté nationale.
Je vous propose donc, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, d’adopter cette proposition de loi et cette proposition de loi organique ainsi modifiées.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici arrivés, après l’examen de ces textes en commission, aux explications de vote.
La semaine dernière, nous avons travaillé à échanger nos vues, à croiser nos regards, sur la façon dont vit la loi de 2013 – un monument, madame Conway-Mouret –, dont MM. Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte ont pu faire l’évaluation au travers d’un rapport. Cette logique d’évaluation est saine, et je crois qu’elle doit irriguer l’ensemble de nos politiques publiques ; c’est bien naturel.
À partir de là, vous avez proposé un certain nombre d’améliorations, d’ajustements, à cette loi, sans remettre en cause ce qui a fait son succès, le fait d’avoir instauré des élus de proximité, les conseillers consulaires, dont les Français de l’étranger voient au quotidien l’effet de l’action.
Indépendamment de ce travail d’évaluation, toujours utile, le président de la République a souhaité, lorsqu’il s’est exprimé devant l’AFE à l’automne 2017, que Jean-Yves Le Drian et votre serviteur puissent réfléchir aux moyens d’intéresser encore davantage les Français de l’étranger à leur représentation non parlementaire.
Nous avons eu l’occasion d’y travailler avec les parlementaires, les associations, le bureau de l’AFE, et cela pourrait déboucher sur des propositions, peut-être après le grand débat national. Les Français de l’étranger sont fondés à s’emparer de ce grand débat national ; comme l’un des axes de celui-ci est la citoyenneté, il me semblerait utile, intéressant, que nous les écoutions, que nous tendions l’oreille pour entendre leurs suggestions, leurs propositions.
En tout cas, nous avons désormais, grâce à cette proposition de loi, un vecteur juridique intéressant, qui pourrait, le cas échéant, être encore enrichi.
Avant d’aller plus loin sur les pistes de réforme, je veux préciser que ce que l’on a à cœur, c’est de garder la proximité, de conserver ce maillage dense de conseillers consulaires, et d’avoir une plus grande lisibilité. En effet, je l’avoue, au terme de ces consultations – nous avons également consulté les conseillers consulaires par voie électronique, et deux tiers d’entre eux ont répondu –, je trouve intéressante l’idée selon laquelle les conseillers consulaires seraient tous membres de l’Assemblée des Français de l’étranger. En tout état de cause, la lisibilité du dispositif en serait plus grande, cela éviterait les différents étages, si j’ose dire, de conseillers consulaires membres de l’AFE, de conseillers consulaires et de délégués consulaires. Certes, tous sont élus le même jour, mais ils exercent des fonctions différentes.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Exactement !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Dans le cadre de la simplification qu’appellent de leurs vœux nos concitoyens, c’est une réflexion intéressante.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Bravo !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Par ailleurs, il est important de tisser un lien plus fort entre l’Assemblée des Français de l’étranger et les parlementaires. En vertu de la réforme de 2013, les parlementaires ne siègent plus au sein de l’AFE, on le sait, mais on peut peut-être trouver une formule à la fois souple et efficace. Pour ma part, j’imagine cela sous la forme d’une commission permanente des Français de l’étranger, qui réunirait chaque trimestre le bureau de l’AFE et les parlementaires – députés et sénateurs – qui représentent les Français de l’étranger. Ainsi, les travaux de l’AFE trouveraient une caisse de résonance, et, surtout, le Gouvernement lui-même pourrait s’en emparer pour leur donner des débouchés concrets, utiles.
Il s’agit là d’ajustements un peu plus significatifs, mais qui pourront être débattus au cours des prochains mois.
J’en arrive aux propositions d’ajustements adoptées par la commission des lois, sur lesquels je dirai quelques mots.
Il y a des éléments sur lesquels nous convergeons, sur lesquels nous sommes parvenus conjointement à un oui franc et massif. Je pense d’abord aux autorisations d’absence des élus ; nous avons eu un petit débat, mais, compte tenu de ce qui a lieu sur tout le territoire national, il n’est pas absurde de prévoir ce régime pour un certain nombre de catégories. Attention, toutefois, certains élus consulaires, étant employés de droit local, n’y auront pas droit ; cela dit, c’est un pas en avant dans le statut de l’élu.
En ce qui concerne les mesures d’ordre protocolaire, cela a été évoqué, c’est la voie réglementaire qui est habilitée à agir. Je le dis systématiquement à nos consuls et à nos ambassadeurs, il est important de veiller à ce que les élus puissent prendre toute leur place dans les cérémonies ; nous le répéterons.
Il y a aussi des sujets de simplification, comme les procurations pour les délégataires ; cela me convient très bien.
Cela étant dit, il existe aussi un certain nombre de sujets auxquels il faut encore travailler, avec les députés, avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, mais aussi avec des représentants de l’AFE, qui n’a pas eu, en tant que telle, à se prononcer, alors qu’il serait intéressant d’avoir son avis s’agissant d’éléments qui régissent son fonctionnement.
Ainsi, l’article 1er A de la proposition de loi confie la présidence du conseil consulaire à un élu, ce qui change du modèle actuel, dans lequel le chef de poste préside ce conseil. Je l’ai indiqué à la commission, il me semble qu’il serait utile de creuser la notion de coprésidence, sur laquelle nous pourrions nous retrouver. En effet, la coprésidence a cette vertu : elle oblige les coprésidents à discuter et, par exemple, à arrêter ensemble l’ordre du jour. Cela permet d’éviter de se retrouver face à des contradictions ou à des impasses ; l’un et l’autre travaillent ensemble.
En ce qui concerne le contrat global d’assurance, il convient de s’assurer que le mieux n’est pas l’ennemi du bien. Certains d’entre vous l’ont d’ailleurs signalé, parfois, la négociation individuelle peut présenter plus d’avantages. Regardons cela de près pour trouver une formulation et une pratique qui ne reviennent pas en arrière par rapport à certains acquis individuels.
Il reste également un travail à conduire sur les délais, puisque vous avez souhaité que les personnes dont la candidature a été écartée puissent faire l’objet d’un repêchage ; c’est une idée intéressante, mais il faut que cela soit compatible avec d’autres délais, comme celui de l’information des électeurs. J’attire donc votre attention sur ce point, il y a sûrement une réflexion à mener sur l’article 3 pour qu’il fonctionne bien.
A également été évoquée la mise en place d’une commission centrale de contrôle de la propagande, un peu sur le modèle de ce qui existe à l’échelle de nos départements. J’ai d’abord pensé que vous envisagiez une instance examinant toutes les professions de foi ; cela m’a semblé être un outil un peu lourd. Je comprends maintenant que votre intention est plutôt de régler uniquement les cas posant problème.
M. Christophe-André Frassa. Absolument.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Aussi, si ce mécanisme fonctionnait comme une sorte de cour d’appel, il serait beaucoup plus souple, plus léger, et il pourrait être mis en place sans consommer trop d’équivalents temps plein – pardon d’être concret, pragmatique et d’avoir une vision un peu budgétaire, mais c’est aussi la réalité. Sur le fondement de cette précision – cette instance serait uniquement appelée à se prononcer en cas de litige portant sur l’appréciation, à l’échelon du poste –, alors, ce dispositif peut effectivement s’envisager.
Vous avez aussi soulevé la question du régime des incompatibilités, notamment pour ce qui concerne les consuls honoraires d’autres pays. Lorsque quelqu’un est élu parlementaire de la République française et qu’il exerce ce mandat, il n’est pas bon qu’il cumule cette fonction avec une activité de consul honoraire d’un autre pays, d’une autre puissance.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Bien sûr !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Il conviendrait donc, là aussi, de préciser la rédaction envisagée, car, sur le principe, nous convergions, me semble-t-il.
Enfin, il y a aussi des éléments – plus rares – sur lesquels je suis très réservé et auxquels je suis même, pour l’instant, défavorable. Je pense notamment à la disposition qui octroie le port de l’écharpe à tous les conseillers consulaires. On a filé la métaphore avec les élus locaux français, notamment les conseillers municipaux. Or ceux-ci ne portent pas l’écharpe ; seuls les membres de l’exécutif – les maires et les adjoints – peuvent le faire. Je pense qu’il faut garder ce parallélisme des formes ; il ne serait pas de bonne politique d’y contrevenir. Il existe d’autres façons de distinguer les élus consulaires, et cette idée soulève un certain nombre d’objections qui peuvent susciter l’adhésion.
Pour ce qui a trait au vote électronique, la consultation prévue ferait un peu double emploi avec le fait que l’Assemblée des Français de l’étranger délègue déjà deux ou trois membres au bureau de vote électronique, qui est lui-même appelé à se prononcer sur ce fameux vote par internet. L’AFE est donc déjà, en quelque sorte, amenée à s’exprimer.
En outre, je tiens à vous rassurer pleinement, nous sommes bien déterminés à mettre en place ce vote par internet dès les élections consulaires de 2020. Nous avons renforcé l’équipe du projet, nous y avons dédié un directeur de projet et des ressources humaines supplémentaires, en provenance de la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire, la DFAE, et de la direction des systèmes d’information, la DSI. Nous nous mettons donc en mesure de rendre ce vote possible.
Cela dit, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. La suite des travaux permettra, je crois, d’affiner les textes et de converger ; en tous les cas, c’est le souhait que je forme pour assurer le succès de cette représentation non parlementaire des Français de l’étranger.
Un million huit cent mille de nos compatriotes sont inscrits sur les registres, mais, on le sait, ce sont plus vraisemblablement trois millions de Français qui sont établis hors de France. Il est important que puisse exister ce réseau d’élus locaux totalement mobilisés et que nous fassions montre non seulement de considération, de respect, mais encore du souci de faciliter l’action de ces élus de terrain que sont les conseillers consulaires et les membres de l’AFE.
Je vous remercie, en tout cas, de votre contribution au débat ; que celui-ci se poursuive ! (Mme la rapporteur et Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudissent.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il était jusque-là entendu que l’examen des projets et propositions de loi selon la procédure de législation en commission serait réservé à des textes plutôt techniques, relativement consensuels et, en tout cas, ne demandant pas de longs débats de fond.
Ce fut le cas jusqu’à présent ; la proposition de loi initiale, limitée à des dispositions facilitant l’expression électorale de nos compatriotes établis hors de France, ne posant pas de problème particulier, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste n’avait émis aucune objection à ce qu’elle soit examinée selon la procédure de législation en commission.
La création, par voie d’amendements en fin de réunion, de quatre articles nouveaux sur six a changé la donne. En effet, ces articles nouveaux créent une sorte de statut de l’élu consulaire, doté des prérogatives jusque-là réservées aux maires, alors que, à la différence de ceux-ci, leur rôle est seulement consultatif, qu’ils ne sont pas, comme les maires, agents de l’État – notamment officiers d’état civil –, et qu’ils sont encore moins dotés de pouvoirs de police, ce qui explique largement la nécessité de disposer de signes distinctifs.
L’article 1er D nouveau est particulièrement significatif, puisqu’il autorise les conseillers consulaires à porter les insignes républicains – les modalités pratiques sont renvoyées à un décret en conseil d’État –, notamment l’écharpe tricolore, dans l’exercice de leur mandat, et à faire usage de timbres symbolisant la République dans leurs communications et leur correspondance, alors, je l’ai dit, qu’ils n’ont aucun rôle exécutif, qu’ils ne sont, contrairement aux maires, ni agents de l’État ni dotés de pouvoirs de police.
Les amendements ayant été adoptés par la commission, aucun amendement de suppression ou de modification n’étant possible en seconde lecture en commission et le vote en séance public étant une formalité, l’affaire est donc entendue… Bien joué ! Trop bien joué, toutefois, car c’est le consensus sur les vertus de la législation en commission, en train de s’installer, qui se trouve ainsi remis en cause. L’avenir dira ce qui en résultera…
Ainsi, échaudé, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre une proposition de loi que, dans sa forme initiale, il s’apprêtait à adopter. Dommage !
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux d’abord saluer l’initiative consistant à inscrire à l’ordre du jour ces deux textes – la proposition de loi organique et la proposition de loi – issus du rapport que Christophe-André Frassa et moi-même avions rédigé en 2015. Je salue également le travail du rapporteur, Jacky Deromedi.
Finalement, il en ressort non pas une grande réforme – ce n’était pas l’objectif –, mais la correction d’un certain nombre de petites erreurs que l’on avait pu constater à la suite de la mise en œuvre de la loi de 2013 ; je pense en particulier aux procurations pour les élections à l’AFE, à la vérification des conditions d’éligibilité, aux élections partielles et aux conditions d’organisation de celles-ci.
Les textes apportent aussi un peu plus de flexibilité dans la composition des commissions de contrôle des listes électorales qui sont issues non pas de la loi de 2015, mais de la loi du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales, qui a établi le répertoire électoral unique.
Notons cependant des avancées plus significatives, comme la mise en place, évoquée par M. le secrétaire d’État, d’un président de conseil consulaire élu. Je salue la proposition du Gouvernement de cheminer vers cela à travers la mise en place d’une coprésidence. C’est ce que nous avions fait en 2013 en transformant la vice-présidence de l’AFE en une présidence réelle, avec des élus.
Je pense par ailleurs à l’évolution du rôle des présidents et des vice-présidents de conseil consulaire qui auraient la possibilité de parrainer des candidats à l’élection présidentielle, à l’instar des chefs d’exécutifs locaux que sont les maires, par exemple.
Je regrette que certains amendements, auxquels nous ne sommes pas opposés sur le fond, mais qui relèvent davantage du domaine réglementaire et qui n’ont pas forcément leur place dans les présents textes, conduisent le groupe CRCE à ne pas nous suivre.
La grande réforme, monsieur le secrétaire d’État, sera peut-être pour une prochaine fois.
M. Jean-Yves Leconte. L’année dernière, vous avez lancé une concertation. Toutefois, compte tenu du calendrier et de la tradition républicaine selon laquelle on ne change pas les règles un an avant une élection, j’ai du mal à imaginer comment l’agenda d’une grande réforme pourrait s’intégrer aux exigences liées aux échéances électorales – élections sénatoriales de septembre 2020 et fin des mandats des conseillers consulaires en juin 2020…
Vous vous êtes montré très ouvert lors de nos discussions et j’espère que vous pourrez vous saisir des travaux du Sénat pour faire progresser, non pas cette grande réforme, mais cette évolution des lois en vigueur qui mérite d’être adoptée avant le prochain renouvellement des conseils consulaires.
S’il fallait conduire une grande réforme, nous pourrions avoir des ambitions plus grandes. En 2013, nous avions donné la priorité à la proximité en multipliant à peu près par trois à la fois le nombre d’élus et le nombre de circonscriptions électorales.
Aujourd’hui, je pense qu’il faudrait axer une grande réforme sur les transferts de compétences aux élus, ceux des conseils consulaires et de l’Assemblée des Français de l’étranger.
C’est en leur accordant davantage de compétences que l’on pourra lutter contre l’abstention et donner plus de sens à l’engagement des élus et au vote des citoyens. Je pense en particulier au dispositif de soutien au tissu associatif des Français de l’étranger, le STAFE, aux instructions générales des bourses scolaires, à la politique d’action sociale qui mériteraient d’être plus cadrés qu’aujourd’hui par nos différents élus consulaires et par ceux de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Pourquoi une représentation politique des Français de l’étranger, parlementaire et non parlementaire ? Je crois tout d’abord que nous avons un rôle particulier au Sénat, en tant que représentants des Français de l’étranger.
Aidés par les conseillers consulaires, nous devons essayer de transmettre, en sus des compétences qui se trouvent déjà en France, la voix, les idées du monde, les observations des Français qui vivent ailleurs et qui veulent participer au débat national pour permettre à notre pays de mieux s’adapter aux défis mondiaux.
Nous devons aussi, en lien avec les élus consulaires, défendre les politiques publiques qui nous concernent. Par exemple, nous sommes particulièrement inquiets de l’avenir de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, notamment en raison de ses contraintes budgétaires, de la politique de la Direction générale du Trésor à l’égard des garanties de l’Association nationale des écoles françaises de l’étranger, l’ANEFE, ou des moyens alloués à l’administration consulaire… Nous sommes singulièrement attachés à ces institutions qui font vivre la citoyenneté à l’étranger.
Le groupe socialiste et républicain votera ces deux propositions de loi ordinaire et organique avec pour seul petit regret le fait que la majorité sénatoriale n’ait pas voulu nous suivre pour permettre à l’ensemble des conseillers consulaires de désigner le conseil d’administration de la Caisse des Français de l’étranger, la CFE.
Une grande réforme, consensuelle, a donné plus de pouvoirs au conseil d’administration de la Caisse, dans un acte de confiance à l’égard de ce conseil d’administration, mais je crois qu’il aurait été utile que l’ensemble des conseillers consulaires puisse voter lors du prochain renouvellement de ce même conseil.
La présente proposition de loi marque l’attachement de tous à la réforme de 2013 et permet de l’inscrire dans la durée.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. Nous avons maintenant besoin de votre aide, monsieur le secrétaire d’État, pour faire aboutir cette petite réforme qui nous permettrait d’être encore plus au point avant le prochain renouvellement des conseillers consulaires. Nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, lorsqu’il était maire de Londres, Boris Johnson avait pour coutume d’ironiser en se présentant comme le maire de la sixième ville de France, « devant la ville de Bordeaux », comme il le précisait.
Ce fait est toutefois difficile à vérifier, dès lors qu’une partie importante des expatriés français de Londres sont de jeunes gens employés comme commis de cuisine, serveurs ou au pair, et restent peu connus des services consulaires.
Au-delà du clin d’œil, cette anecdote souligne l’importance croissante de la population française expatriée comme phénomène politique et sa perception comme tel dans les différents pays d’expatriation.
Il est vrai que nos concitoyens bénéficient d’un formidable réseau de solidarité internationalement reconnu et établi, s’appuyant sur une série d’ambassades et de services consulaires, le troisième maillage de ce type au monde.
Ce réseau peut être jalousé, à raison. Au fil des siècles, nos consulats sont devenus de véritables petites préfectures au service de nos expatriés. Ils dispensent en outre une précieuse mission d’assistance sanitaire et administrative, facilitant ainsi le rapatriement de Français en difficulté ou le suivi de nos ressortissants incarcérés à travers le monde.
De la même manière, l’expatriation est aujourd’hui largement encouragée, notamment par le biais des volontariats internationaux. Pour soutenir le célèbre adage « les voyages forment la jeunesse », il faut continuer d’encourager ces mouvements tout en réfléchissant aux moyens de faciliter la réintégration des « expats » à leur retour en France.
Très tôt, les autorités françaises ont d’ailleurs pris conscience de l’importante force de projection économique et culturelle que les Français de l’étranger pouvaient constituer – je pense, par exemple, au titre symbolique de « député de la Nation » créé en 1669 dans les colonies françaises.
En revanche, la France a longtemps hésité avant de leur accorder une réelle représentativité au sein du Parlement. Ce fut l’œuvre de la IIIe République, qui leur réserva quelques sièges de sénateurs en 1875. Ce mouvement s’est achevé en 2008, avec l’octroi de sièges à l’Assemblée nationale.
En parallèle, un rôle consultatif a été reconnu aux Français de l’étranger, dans des formes qui ont varié.
L’évolution générale a consisté en une démocratisation de la fonction de conseil auprès des autorités, en remplaçant progressivement les représentants désignés par des représentants élus au sein de l’Assemblée des Français de l’étranger.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit exactement dans cette logique dans la mesure où elle vise à renforcer la représentativité des élus consulaires et, ainsi, à solidifier les outils de la vie politique française hors de France.
Sur le fond, ces dispositions relèvent du bon sens et les membres du groupe du RDSE ne peuvent qu’y souscrire, ces élus consulaires pouvant utilement contribuer au raffermissement du sentiment républicain de nos concitoyens les plus éloignés géographiquement.
Les amendements du rapporteur et de nos autres collègues représentant les Français de l’étranger en confirment d’ailleurs pertinemment l’esprit.
Cependant, malgré l’existence de contraintes particulières pour l’acheminement des suffrages exprimés qui justifient des réajustements – le cas des difficultés rencontrées à Francfort, par exemple, a été largement évoqué en commission –, il est dommage de ne pas avoir adopté un point de vue plus large en considérant la transversalité de la problématique de dématérialisation des procédures de vote.
Il est en effet régulièrement fait état de difficultés liées à la prise en compte de procurations, y compris en France, faute d’une transmission des formulaires en temps et en heure.
La dématérialisation est un mot à la mode dans les relations entre l’administration et les administrés, pour le meilleur et pour le pire. Ne devrait-on pas commencer par dématérialiser ces processus administratifs internes ?
Enfin, on peut également s’interroger sur le calendrier choisi. N’aurait-il pas été pertinent d’intégrer ces évolutions à la réflexion d’ensemble sur nos institutions à laquelle nous invite le grand débat national ?
Comme l’évoque Boris Johnson, les expatriés français sont pour l’essentiel des habitants de métropoles ayant su tirer profit de la mondialisation. Là encore, une approche plus transversale visant à renforcer la représentativité de tous nos concitoyens aurait été plus pertinente au regard du contexte actuel.
Ces quelques réserves exprimées, les membres du groupe du RDSE n’ont pas l’intention de s’opposer à cette initiative, qui rassemble des dispositions pertinentes. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)