M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de cette proposition de loi.
Je conclurai en répondant à Mme Sylvie Goy-Chavent sur trois points précis.
S’agissant, tout d’abord, de la conduite sans permis ou avec de faux permis, l’action répressive des services de police et de gendarmerie est menée à plein régime. Vous savez que nos gendarmes et nos policiers ont maintenant accès sur leurs tablettes au fichier des permis de conduire afin de vérifier l’usage éventuel de faux documents. Une expérimentation est en cours pour étendre cette utilisation aux polices municipales.
Ensuite, je rappelle – et vous le savez – que le produit de l’investissement dans ces radars est destiné à des aménagements de sécurité routière et qu’une partie du surplus lié à la baisse de la vitesse à 80 kilomètres par heure est fléchée vers des investissements importants en milieu hospitalier, justement pour accueillir les grands blessés de la route.
Enfin, je terminerai en disant que nous entendons la colère de la population, de la même façon que nous entendons aussi la colère sourde des familles de victimes auxquelles nous devons aller annoncer le décès de l’un des leurs sur la route à cause de vitesses excessives. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) C’est aussi une colère qu’il faut savoir entendre !
Encore une fois, le grand débat permettra de discuter de cette mesure. (M. Arnaud de Belenet applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Antoine Lefèvre. Le bon sens va parler !
M. Ladislas Poniatowski. Le bon sens rural !
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en signant les lettres patentes royales de 1552 ordonnant de planter des ormes le long des voiries, Henri II ne se doutait pas que, quelques siècles plus tard, cette décision pourrait être remise en cause pour des questions de sécurité. Il était à l’époque question de préserver les chemins contre le grignotage par les cultures et, plus tard, d’offrir une ombre confortable aux usagers estivaux des routes ou de retenir la poussière soulevée par les véhicules sur les routes qu’on appelait à l’époque « blanches ».
Les premières réglementations concernant le réseau routier se sont donc inscrites dans une pure logique d’aménagement du territoire. L’objectif était alors de répondre aux « besoins de chacun ». Cette ambition routière a eu sa part dans le processus historique d’unification de notre pays.
La préoccupation de sécurité routière est relativement récente. Nous avons d’abord cherché à gagner en vitesse. Pour cela, nos voitures se sont mécanisées, sont devenues plus puissantes, ce qui était alors une fierté nationale. Faut-il rappeler que le premier congrès international de l’automobile de 1900 s’est tenu à Paris ?
En parallèle de ces évolutions technologiques, les Français sont devenus « averses au risque ». Le développement concomitant du secteur de l’assurance en témoigne. Tant et si bien que ce sont plus les motifs de sécurité routière qui menacent aujourd’hui les arbres le long de nos routes que l’invention du goudronnage, de la climatisation, ou le chancre doré.
C’est le même objectif de sécurité routière qui a présidé à la parution du décret du 15 juin 2018 prévoyant l’abaissement de la vitesse maximale de 90 à 80 kilomètres par heure sur 400 000 kilomètres de routes. Depuis l’annonce de cette décision, de nombreux parlementaires ont réfléchi aux moyens de relayer les doléances des citoyens de la « France périphérique », fortement dépendants de leurs voitures.
À l’Assemblée nationale, l’examen d’une proposition de loi de notre collègue député Vincent Descoeur, du Cantal, a cependant coupé l’herbe sous le pied à toute initiative parlementaire. Mme la ministre Jacqueline Gourault avait alors considéré que « la fixation des vitesses maximales autorisées sur les routes est clairement une compétence réglementaire du Premier ministre ».
M. François Bonhomme. Fermez le ban !
M. Jean-Claude Requier. C’est aussi le cas du pouvoir de modulation des autorités locales, également fixé dans la partie réglementaire du code de la route.
La position de l’exécutif a depuis évolué au cours du grand débat national,…
M. François Bonhomme. Bizarre !
M. Jean-Claude Requier. … comme l’attestent les propos tenus l’autre jour par le Président de la République à Souillac, dans le Lot. Nous attendons aujourd’hui des décisions concrètes.
Dans cette attente, la volonté de relayer cette préoccupation de nombre de nos concitoyens a poussé plusieurs membres du groupe du RDSE à cosigner la proposition de loi aujourd’hui présentée par nos collègues centristes.
De notre côté, nous pensons qu’un principe général devrait encadrer la fixation des vitesses maximales pour permettre une meilleure articulation des objectifs de sécurité routière et d’aménagement du territoire. Nous proposerons cette solution dans notre prochain espace réservé.
Sans qu’elle soit affaiblie, il faut souligner que la sécurité routière pourrait être plus intelligemment mise en œuvre, en associant mieux les acteurs locaux et en développant des équipements innovants. On sait qu’une grande partie des accidents sont causés par des chaussées défaillantes et qu’ils augmentent considérablement les jours de pluie. Voilà des sujets qui devraient être examinés en priorité pour réussir à passer sous la barre des 2 000 morts par an !
Nous avons entendu les critiques adressées à la disposition précise du texte de Mme Goy-Chavent. La position au sein du groupe n’est d’ailleurs pas unanime. Mais, vous le savez tous, le contournement du domaine réglementaire est souvent un exercice baroque… Certains y verront peut-être de l’« hybris parlementaire ». Nous qui aimons l’histoire, nous préférons y voir la conséquence directe du parlementarisme rationalisé. (Sourires.)
Cependant, la distinction entre le domaine de la loi et celui du règlement n’est pas des plus évidentes, surtout lorsqu’il s’agit de défendre des intérêts les plus primaires. Cette frontière est même parfois incompréhensible, y compris pour des hommes de loi. Comment expliquer que l’on trouve aujourd’hui dans la partie législative du code de la route des dispositions précises relatives à l’équipement en pneus adaptés en zone de montagne, au poids des véhicules ou à l’émission de substances polluantes, mais rien sur les limites de vitesse ?
Dans ce contexte, la position majoritaire au sein du groupe est donc la suivante : si le Gouvernement propose des évolutions par décret, comme il s’y est engagé, nous le soutiendrons ; si le Parlement propose une disposition destinée à le pousser à prendre ces modifications, nous la voterons !
Réduire la durée de récupération d’un point de permis perdu à la suite d’un dépassement de vitesse n’est pas la solution parfaite, mais notre choix se réduit aujourd’hui à deux propositions bancales : soit l’abaissement de la vitesse sur toutes les routes de France, quelle que soit leur dangerosité ; soit l’atténuation de la sanction lorsque l’on déroge à cet abaissement. Faute de mieux, la majorité du groupe du RDSE choisira la seconde solution, tandis que le vote de cinq de mes autres collègues sera avant tout guidé par le souci de la clarté juridique. Ils sont en quelque sorte, madame l’auteur de la proposition de loi, sentimentalement pour le texte, mais juridiquement contre. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Fouché applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je voudrais m’associer aux propos qui ont été tenus sur les critères restrictifs de recevabilité des amendements au regard de la distinction entre les domaines législatif et réglementaire. En vertu de quoi, l’un des amendements que j’ai déposés sur ce texte sera examiné ultérieurement, éventuellement dans le cadre du projet de loi d’orientation des mobilités. Mais, compte tenu de son importance, je voudrais l’évoquer ici.
Monsieur le secrétaire d’État, la société d’autoroutes SANEF vient d’instaurer, à la barrière de Boulay-Moselle, un système entièrement nouveau de péage, en indiquant qu’elle avait l’intention de le généraliser partout. Or ce nouveau système est tout à fait scandaleux. Le but affiché par la SANEF est que les gens puissent passer au péage sans s’arrêter. Pourtant, les abonnés peuvent déjà passer au péage sans s’arrêter.
Sous couvert de laisser passer les gens sans s’arrêter, la SANEF instaure un système qui supprime la possibilité pour les autres usagers de l’autoroute de payer au guichet, comme c’est le cas normalement. Ceux qui ne seront pas abonnés à ce nouveau système seront donc obligés de stopper dix ou vingt mètres plus loin leur voiture à un petit kiosque, de sortir de celle-ci – imaginez quand il pleut ou quand il neige ! –, de faire la queue – parce que, bien entendu, la SANEF s’arrangera en ce sens pour dissuader les gens de refuser ce système d’abonnement –, de prendre un ticket, de retourner à leur voiture, de repartir.
Arrivés chez eux, les automobilistes seront obligés de payer par internet – parce qu’il n’y aura pas de possibilité de paiement sur place – ou par téléphone en indiquant leur numéro de carte bancaire. Un usager venant par exemple de Metz et sortant au péage de Boulay, au lieu de payer 1,50 euro et de gagner deux minutes en prenant l’autoroute, sera obligé de sortir de sa voiture, ce qui lui fera perdre un temps fou. En plus, rentré, chez lui, il devra encore bricoler sur son ordinateur ou téléphoner je ne sais où pour payer. Il perdra donc tout l’intérêt de l’autoroute.
Je dis que c’est scandaleux, et je déplore que le Gouvernement cautionne une telle dérive de la part des sociétés d’autoroutes. C’est véritablement une honte et l’on se moque du monde : prétendre faciliter la vie de l’usager en lui interdisant de payer au guichet, que ce soit par carte ou en espèces, et en l’obligeant à sortir de sa voiture, vous vous rendez compte, c’est à en écœurer les gens !
Petit à petit, la SANEF espère que tout le monde prendra un abonnement au péage.
Mme la présidente. Mon cher collègue, votre temps de parole est écoulé !
M. Jean Louis Masson. J’en ai terminé, madame la présidente.
De toute manière, monsieur le secrétaire d’État, je reviendrai à la charge, parce que, vous le savez, j’ai de la suite dans les idées. J’aimerais bien qu’on s’occupe de ce problème-là.
M. Jean-Pierre Corbisez. C’est hors sujet !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-François Longeot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens avant toute chose à saluer l’initiative de Sylvie Goy-Chavent. Si notre groupe a souhaité que sa proposition de loi soit inscrite aujourd’hui dans notre espace réservé, c’est parce que la problématique qu’elle aborde nous apparaît très importante, qu’elle concerne un grand nombre de nos concitoyens et qu’elle est profondément d’actualité.
Plus largement, cela permet à la Haute Assemblée de débattre d’un sujet qu’elle connaît bien. En effet, les évolutions du code de la route, puisque c’est d’abord de cela qu’il est question cet après-midi, ont toujours fait l’objet d’une attention particulière du Sénat. Sur ces sujets, il a déjà été régulièrement force de proposition.
Les règles du code de la route retiennent particulièrement notre attention pour deux raisons.
La première, c’est parce qu’il est question de sécurité routière et que le nombre de morts sur nos routes reste trop important, même s’il faut se rappeler que, en l’an 2000, nous avions encore près de 8 000 morts par an sur nos routes.
La deuxième raison justifiant un intérêt tout particulier pour cette matière, c’est parce qu’elle concerne quotidiennement une très large partie de nos concitoyens, qu’ils soient automobilistes, motards, cyclistes ou piétons.
Ces règles intéressent tous les Français. Nous savons bien que, dès qu’il est question de les modifier, évidemment, le débat s’enflamme.
Une fois n’est pas coutume, la décision du Gouvernement d’abaisser la vitesse à 80 kilomètres par heure sur les routes secondaires a suscité de vives réactions sur l’ensemble du territoire, en particulier dans les territoires ruraux, les plus pénalisés. En effet, pour beaucoup, et particulièrement pour les habitants de ces territoires, la route est une habitude quotidienne. Certains passent plus d’une heure au volant pour se rendre sur leur lieu de travail le matin – pareillement le soir –, et ce sur les mêmes routes, depuis des années, à la même vitesse : 90 kilomètres par heure.
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est certain !
M. Jean-François Longeot. Or, depuis le 1er juillet dernier, cette limitation de vitesse est réduite sur l’ensemble du réseau secondaire. On comprend ainsi aisément que de nombreux conducteurs ont pu et pourront perdre un point à cette occasion. Un point sur douze, certes, mais il faut actuellement six mois pour le récupérer. C’est d’ailleurs l’objet même de la proposition de loi. Durant cette période, c’est environ 130 jours de travail, donc environ 260 allers et retours, toujours sur les mêmes routes, depuis des années, à la même vitesse.
Le système du permis à points, en vigueur depuis 1992, indexe la gravité des infractions commises sur la sanction en vue d’inciter les conducteurs à réfléchir sur les conséquences de leur comportement sur la route.
Les ruraux sont particulièrement dépendants de leur permis, et la majorité ne peut faire sans. Nous savons tous, mes chers collègues, que, dans de nombreux territoires, il n’existe aucune alternative à la voiture.
M. Antoine Lefèvre. Eh oui ! On n’a pas d’autre choix !
M. Jean-François Longeot. Monsieur le secrétaire d’État, avec tout le respect que je vous dois, vous me permettrez de considérer que votre affirmation selon laquelle le plus grand nombre d’accidents se produisent dans les territoires ruraux est une lapalissade : c’est logique, puisque nous sommes contraints d’utiliser nos véhicules ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.) Dans mon département, pour aller à la rencontre des maires, je ne prends ni le métro, ni le bus, ni le tram !
Il n’existe donc aucune alternative à la voiture. C’est d’ailleurs l’une des problématiques fondamentales qui est abordée dans le cadre du grand débat national lancé par le Président de la République.
Pour les habitants de ces territoires, plus que pour d’autres, c’est un facteur de stress particulier, quand on sait qu’un petit écart de vitesse peut faire perdre un point pendant six mois.
L’assouplissement que nous proposons à travers ce texte ne vise absolument pas à remettre en cause notre politique de sécurité routière ou le système du permis à points. Il n’est pas proposé d’exempter de sanctions le conducteur qui a commis une infraction grave. Il est simplement proposé de minorer les conséquences sur son permis de conduire, non pas de l’exonérer du règlement de l’amende due en cas de dépassement de la vitesse maximum autorisée. Pour reprendre les termes de l’exposé des motifs du texte, il s’agit de « limiter les effets d’une décision gouvernementale aussi inefficace qu’injuste », et en aucun cas de tendre vers une impunité du chauffard.
Il s’agit aussi de montrer que le Sénat est à l’écoute des Français, à l’écoute des territoires et entend proposer des solutions pragmatiques.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Absolument !
M. Jean-François Longeot. Je rappelle d’ailleurs que notre assemblée tente de faire entendre sa voix sur l’abaissement de 90 à 80 kilomètres par heure depuis la publication du rapport d’information de nos collègues Michel Raison, Michèle Vullien et Jean-Luc Fichet, en avril dernier !
Nous espérons que la voix du Sénat sera enfin entendue. C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera cette proposition de loi et appelle l’ensemble de nos collègues à en faire de même. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis le 1er juillet 2018, les vitesses maximales autorisées sur les routes à double sens, sans séparateur central, sont réduites de 90 à 80 kilomètres par heure. Cette mesure, chacun le sait, a été décidée sans concertation préalable.
Est-il normal que M. Raison, coauteur du rapport déjà cité, ait dû relancer à plusieurs reprises le Gouvernement pour obtenir des informations ?
Mme Sylvie Goy-Chavent. Inadmissible !
M. Alain Fouché. Qu’est-ce que cela cachait ?
Le Premier ministre, enfin, l’a lui-même admis : cette mesure n’est le résultat d’aucune expérimentation fiable.
Plusieurs ministres s’y sont opposés, et le Président de la République aurait lui-même dit que c’était une « connerie ».
Il s’agissait d’envoyer un signal fort pour que baisse de manière significative le nombre de morts. La baisse a-t-elle été significative ? Assurément non, mais l’incompréhension et le mécontentement, oui ! On le voit avec les « gilets jaunes ».
À aucun moment le Gouvernement n’a évoqué la qualité des infrastructures routières, qui joue pourtant un rôle fondamental pour la sécurité routière. En mars 2017, le Sénat avait pourtant donné l’alerte à ce sujet en soulignant la tendance à la dégradation du réseau routier national observée depuis quelques années. Tout comme nous n’avons cessé d’alerter le Gouvernement, mes chers collègues, sur la répartition des recettes des radars et des amendes de police. On revendique plus de sécurité, mais on baisse la part de recettes destinée aux départements pour entretenir le réseau ! Le conducteur n’est-il pas devenu une « vache à lait » ?
Dans mon département, la Vienne, il n’y a jamais eu autant d’amendes, et les dotations ont baissé de 27 % entre 2015 et 2017. Où est passé l’argent ? On parle des hôpitaux : je n’y crois pas. En fait, on rembourse la dette.
La proposition de loi que nous examinons cet après-midi vise à faciliter la récupération de points afin de compenser le durcissement de la réglementation routière. Il est ainsi proposé que, pour les infractions ayant entraîné le retrait d’un seul point, le délai au terme duquel ce point est réattribué, si aucune infraction donnant lieu à un nouveau retrait de point n’a été commise, soit ramené à trois mois au lieu de six mois. C’est pure logique !
En 2011, j’ai été l’auteur de l’amendement permettant notamment la récupération d’un point en six mois au lieu d’un an. Que n’ai-je entendu de la part de M. Hortefeux, alors ministre ? C’était la révolution ! À l’époque, cette modification n’a eu aucune conséquence sur le nombre de morts.
Mme Sylvie Goy-Chavent. En effet !
M. Alain Fouché. Cela fait maintenant plusieurs mois que nous n’avons plus de radars en état de marche dans les territoires, détruits ou bâchés. Y a-t-il eu plus de morts ? Il ne semble pas.
La généralisation des 80 kilomètres par heure aura nécessairement des conséquences sur le nombre de personnes roulant sans permis. Entre 2012 et 2017, ce chiffre a déjà augmenté de 30 % pour atteindre 600 000. Il ne faut pas oublier que, dans les territoires ruraux, il n’existe aucune alternative à la voiture. Nous ne sommes pas à Paris : il n’y a ni métro ni bus, et chacun doit se débrouiller. Les pistes évoquées dans le projet de loi d’orientation des mobilités ne seront pas opérationnelles demain.
Après des mois d’obstination, si le Président de la République se dit prêt à rouvrir le débat sur des aménagements à la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure, nous n’en connaissons ni l’issue ni le délai. Pendant ce temps, l’argent rentre !
Le Sénat, lui, milite depuis un an pour l’ouverture de concertations au sein des départements afin d’adapter la nouvelle limitation – je vous renvoie à l’excellent travail de nos trois collègues, dont Michel Raison. La décision doit revenir aux départements, en liaison avec les préfets, les maires concernés, les forces de sécurité et les acteurs locaux de la sécurité routière ! Dans cette attente, je suis personnellement favorable à cette proposition de loi, qui a le mérite de relancer le débat sur la politique de sécurité routière.
Il appartiendra à l’État, monsieur le secrétaire d’État, de s’organiser pour que l’information du retrait de point et sa récupération ne soient pas concomitantes.
Il s’agit aujourd’hui non plus d’aménager les 80 kilomètres par heure, mais de rétablir la confiance des citoyens dans la politique de sécurité routière, de promouvoir des comportements raisonnables et responsables sur la route pour toujours plus de sécurité, d’instaurer le bonus de points, de distinguer les petits excès de vitesse ou encore de sanctionner lourdement l’usage de l’alcool et de stupéfiants au volant et les chauffards.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants votera à une large majorité cette proposition de loi.
Monsieur le secrétaire d’État, il serait opportun que vous fassiez contrôler tous les collaborateurs des ministères et des administrations qui, tous les soirs, avec des véhicules de fonction équipés de sirènes et de gyrophares, rentrent chez eux en toute illégalité, car non accompagnés d’un officier de police. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Raison. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le dossier de la sécurité routière est un sujet grave. J’en profite d’ailleurs pour me réjouir de la baisse de la mortalité sur nos routes depuis la fin de 2017, mouvement qui s’est poursuivi en 2018, que ce soit avant ou après la mise en place des 80 kilomètres par heure.
Nous avons beaucoup travaillé avec M. le rapporteur et Michèle Vullien sur cette mesure, et nous en avions alors conclu qu’elle serait contre-productive. Je souhaite dire ici qu’on ne répond pas à une mesure contre-productive par une autre mesure qui pourrait également l’être. Les médecins vous le diront : on essaie de soigner le mal et non pas les symptômes. Lorsque j’ai mal aux pieds en marchant à cause d’un caillou dans ma chaussure, je ne prends pas du paracétamol : je retire celle-ci, ôte le caillou et repars ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Belle image !
M. Guy-Dominique Kennel. Ça, c’est du bon sens !
M. Michel Raison. Je considère donc que la seule solution valable, efficace, pour lutter contre cette mesure des 80 kilomètres par heure, mesure technocratique qui n’a pas tenu compte de la psychologie du citoyen, c’est que le Gouvernement revienne à la sagesse, la sagesse du Sénat,…
Mme Dominique Estrosi Sassone. Eh oui !
M. Michel Raison. … et fasse siennes les conclusions de ce fameux rapport.
Mais me voici rassuré, puisque le Président de la République, par deux fois, a repris nos propres propos, y compris les miens, ceux que j’avais tenus devant le Premier ministre en lui demandant de devenir enfin intelligent.
M. Loïc Hervé. Les grands esprits se rencontrent !
M. Michel Raison. Ce n’est pas gentil pour le Premier ministre, mais le Président de la République a dit qu’il fallait enfin rendre cette mesure intelligente, c’est-à-dire appliquer les conclusions de notre rapport.
J’ai donc quelque espoir qu’une parole tenue ainsi publiquement, après des mouvements aussi violents que ceux que notre pays a vécus, puisse enfin être tenue. Car je sais que la parole d’un Président de la République n’est pas toujours tenue… On va d’ailleurs l’aider à tenir parole. Mon seul regret, c’est que cette parole ait été prononcée à la suite de tant de violence, alors qu’il aurait été beaucoup plus simple que le Gouvernement nous écoute non seulement sur cette mesure, mais sur bien d’autres encore. S’il l’avait fait, s’il avait écouté les différents rapporteurs sur la loi de finances et sur d’autres textes, sur quelque travée qu’ils siègent, alors la France serait peut-être plus en paix aujourd’hui.
Mme Françoise Férat. Très bien !
M. Michel Raison. J’en appelle donc à vous, monsieur le secrétaire d’État, pour faire passer ce message auprès du Gouvernement : qu’il écoute enfin la sagesse du Sénat et le pays ira mieux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ici même, le 5 juin dernier, nous débattions déjà de ces 80 kilomètres par heure. Je vous avais alors proposé de réfléchir à un dispositif similaire à celui qui s’applique dans nos communes : une limitation à 50 kilomètres par heure, mais la possibilité de circuler à 70 kilomètres par heure dans certains cas. Ainsi, nous pourrions, sur les routes départementales où la vitesse est limitée à 80 kilomètres par heure, autoriser une vitesse supérieure en cas d’absence de danger ou dans le cas d’accotements larges. Je ne suis pas certain d’avoir alors été entendu compte tenu de la forte animation qu’avait suscitée mon intervention ce jour-là…
Madame l’auteur de la proposition de loi, vous disiez tout le bien que vous pensiez des « Marcheurs », du Gouvernement. Je voudrais vous dire qu’on peut être En Marche et avoir été élu local,…
M. Loïc Hervé. J’en témoigne ! (Sourires.)
M. Arnaud de Belenet. … élu trois fois maire, parfois même avec 86 % des voix. On peut même avoir été conseiller départemental. On peut être « Marcheur » et savoir de quoi l’on parle lorsqu’il est question de la gestion d’une collectivité, sur le plan technique, mais aussi sur le plan humain. On peut savoir emmener la collectivité humaine qui nous est confiée vers un destin partagé en suscitant l’adhésion, bien évidemment de manière responsable.
On peut aussi, je crois, appartenir à d’autres mouvements politiques et considérer, compte tenu des enjeux et des défis auxquels notre pays est confronté, que ceux qui sont dans la majorité méritent d’être soutenus, entendus, dans un esprit de responsabilité, sans céder nullement à la tentation populiste, à la démagogie ou à la seule défense d’un mouvement politique.
Cela étant, je suis navré de vous le dire, votre intervention était brutale sur ce point.
En diminuant la durée de récupération des points du permis de conduire, votre proposition de loi vise indirectement à compenser la mesure prise par le Gouvernement de limiter la vitesse à 80 kilomètres par heure. Selon l’exposé des motifs, cette mesure risquerait d’entraîner une augmentation des excès de vitesse. Curieux argument… On peut aussi respecter la réglementation et ne pas commettre d’infraction !
Rappelons fortement que la route reste la première cause de mort violente en France : neuf morts et soixante-cinq blessés par jour, et autant de familles dévastées. Nous avons déjà évoqué ces chiffres ici.
Quant à la vitesse, elle reste, qu’on le veuille ou non, la première cause d’accident mortel en France, suivie immédiatement – il est vrai – de l’alcool et des stupéfiants.