Mme Annie Guillemot. Ben voyons !
M. Bruno Le Maire, ministre. Deuxième point : si c’était une privatisation sèche, nous aurions pu tous, ici, nous épargner beaucoup de temps, car il aurait suffi de modifier un article de la loi pour ainsi passer de 49 % de propriétaires privés à 51 %. Une ligne dans la loi aurait suffi à faire cette privatisation ! Jamais, je dis bien jamais, je n’ai envisagé cette solution de facilité qui ne préserverait pas les intérêts de l’État, nos intérêts patrimoniaux et les intérêts de nos compatriotes.
Mme Annie Guillemot. Et Toulouse ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Ne parlons pas de privatisation sèche là où il n’en a jamais été question et là où nous ne l’avons jamais envisagé !
Grâce à cette opération, l’État…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est majoritaire !
M. Bruno Le Maire, ministre. … va pouvoir retrouver au bout de soixante-dix ans la pleine propriété de ces actifs, qui appartiennent aujourd’hui, je le rappelle, pour une durée illimitée, à hauteur de 49 % à des acteurs privés. Dans soixante-dix ans, l’État retrouvera la pleine possession des pistes, des infrastructures de l’ensemble d’Aéroports de Paris.
M. Jean-Louis Tourenne. Nous voilà rassurés ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Troisième point : nous avons défini un cahier des charges strict. Vous avez manifesté une inquiétude légitime au sujet des redevances. Les deux redevances seront négociées tous les ans et l’État aura le dernier mot sur leur niveau.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Comme pour les autoroutes ! (Sourires sur plusieurs travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Il me semble que cela représente une garantie solide, qui répond à vos préoccupations.
Par ailleurs, l’État gardera le contrôle sur les investissements.
M. Jean-Louis Tourenne. Mais oui… (Sourires sur plusieurs travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Moins qu’aujourd’hui, où il est majoritaire !
M. Bruno Le Maire, ministre. Il pourra exiger un investissement de la part du futur concessionnaire alors qu’il n’est pas en mesure de le faire aujourd’hui. Il pourra refuser un investissement qu’il jugerait excessif ou trop aléatoire, alors qu’il n’est pas en mesure de le faire aujourd’hui. C’est bien pour cela que je vous dis que le cahier des charges permet de renforcer le contrôle de l’État par rapport à la situation précédente. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
L’Assemblée nationale a renforcé ce cahier des charges, reprenant notamment des propositions du groupe socialiste visant à inclure dans celui-ci le statut des personnels et la question de l’emploi. Nous avons accepté ces propositions pour tenir compte des attentes des parlementaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez, vous aussi, fait des propositions. Le rapporteur Jean-François Husson, quant à lui, propose que le cahier des charges qui garantit les intérêts de l’État soit évalué plus régulièrement que ce que prévoit le texte dans sa version issue des travaux de l’Assemblée nationale. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) Je suis favorable à cette proposition, qui tend à une transformation majeure de l’encadrement de cette décision de cession d’actifs et qui renforce encore les garanties de l’État.
Alors, on me dit : « Mais c’est un actif stratégique ! Vous allez ouvrir les frontières de la France à tous les vents ! » Mais enfin, de qui se moque-t-on ? Je compte sur le sens des responsabilités et sur la sagesse des sénateurs pour savoir reconnaître que les frontières resteront les frontières, que le contrôle restera aux mains de l’État, que les douanes resteront les douanes et qu’on comptera toujours autant de policiers aux frontières pour contrôler l’arrivée des personnes et des biens ! Avant ou après l’opération, rien ne change à l’exercice des missions souveraines de l’État. Rien, absolument rien ! Ne jouons pas avec les peurs des Français ! (« Rien ne change, alors ? » sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Gilbert Roger. Donc, ne le faites pas !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je connais suffisamment la sagesse de cette assemblée (Mme Annie Guillemot s’exclame.) pour savoir qu’elle reconnaîtra que les enjeux de souveraineté ne sont en aucun cas modifiés par cette opération.
Alors, j’entends aussi ceux qui me disent : « Il vaudrait peut-être mieux continuer à toucher des dividendes que de placer l’argent dans un fonds : cela nous rapporterait exactement la même chose. » Mais c’est faux !
M. Fabien Gay. Ah bon ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Il se trouve que, à ce jour, les dividendes sont élevés. Mais, en 2008, ils n’existaient pas ! Si vous voulez financer l’innovation de rupture par de l’argent qui est disponible une année, mais qui ne l’est pas l’année suivante, je vous souhaite bien du courage ! C’est comme cela qu’on empêche notre pays de gagner la bataille de l’innovation, de l’investissement et des nouvelles technologies. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Alors on me dit : « ADP, c’est une infrastructure absolument stratégique. » Ce qui est stratégique, ce sont les redevances – elles sont contrôlées par l’État –, c’est le foncier – il sera récupéré au bout de soixante-dix ans –, c’est le contrôle des frontières – il sera exactement le même –, ce sont les créneaux horaires des mouvements d’avions – ils continueront à être contrôlés exactement comme avant par la Direction générale de l’aviation civile, la DGAC –, c’est le niveau des tarifs – l’État les contrôlera mieux –, ce sont les investissements – l’État les contrôlera davantage.
Que reste-t-il ? Il reste ce qui constitue 65 % du chiffre d’affaires d’ADP : des hôtels et des boutiques de luxe. Si vous estimez que le rôle de l’État est de gérer des hôtels et des boutiques de luxe, telle n’est pas ma conception. (M. Emmanuel Capus applaudit. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Je considère au contraire que cette opération est un moyen de développer Aéroports de Paris, que c’est un moyen d’en faire le leader mondial en matière aéroportuaire, que c’est un moyen d’investir massivement dans les technologies critiques, qui feront la souveraineté et la liberté de la France.
Je considère que cette opération doit nous permettre de trancher une bonne fois pour toutes un débat qui est essentiel pour la France : qu’est-ce que font les entreprises et qu’est-ce que fait l’État ? qu’est-ce que fait le service public et qu’est-ce que fait le secteur privé ? Je considère que c’est le rôle du secteur privé de gérer des affaires commerciales, comme il le fera pour ADP, et je considère que le rôle de l’État est de se recentrer sur ses missions stratégiques de souveraineté, de protection des Français, de santé et d’éducation. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) C’est aussi le choix qui vous est proposé au travers de ces cessions d’actifs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà les quelques éléments que je voulais vous présenter, en prenant le temps nécessaire pour vous expliquer le sens de ces cessions d’actifs et le sens de ce projet de loi PACTE. Vous le voyez bien, l’enjeu dépasse ce simple texte : l’enjeu, c’est de savoir quelle économie nous voulons pour les générations qui viennent. Au sein de la majorité, nous voulons une économie avec des entreprises compétitives, libres, dont les carcans liés aux seuils, à la complexité administrative, aux enregistrements seront enfin supprimés.
Nous voulons une économie qui rémunère bien les salariés : c’est l’intéressement, c’est la participation.
M. Jean-Louis Tourenne. Illusionniste !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ce sont les choix qui ont été faits par cette majorité depuis plusieurs mois.
Nous voulons une économie dans laquelle les rôles respectifs de l’État et de l’entreprise sont enfin clarifiés. Nous ne voulons plus d’un État qui se mêle de tout, de ce qui ne le concerne pas nécessairement, pour laisser aux entreprises la capacité de développer les talents considérables de notre nation et de nos entrepreneurs.
Nous voulons une économie qui innove, une économie qui retrouve le génie français (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), qui est un génie de créativité, de technologie, de recherche, de puissance intellectuelle, qui a toujours fait dans notre histoire notre force. Ce qu’il y a derrière PACTE, c’est tout simplement la capacité à donner de la prospérité à tous les Français et à tous les territoires.
Je me réjouis d’avoir ce débat sur l’avenir de notre économie avec vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi PACTE est très attendu par les entreprises et l’Assemblée nationale y a ajouté des mesures intéressantes. Les trois rapporteurs que nous sommes ont donc abordé ce texte dans un esprit constructif. Nous avons beaucoup travaillé et procédé à de nombreuses auditions, en ayant avant tout comme objectif de faciliter la vie des entreprises françaises et de favoriser leur croissance.
De 73 articles au départ, le texte est passé à 196 articles à la suite de son examen par l’Assemblée nationale, c’est-à-dire 123 articles sans étude d’impact.
Dans un esprit de modération, notre commission a supprimé 37 articles et adopté un texte de 174 articles au final.
Une telle ampleur peut donner l’impression d’un champ trop vaste, avec des sujets parfois insuffisamment approfondis. On peut ainsi déplorer un manque de préparation sur certains dispositifs, qui conduit le Gouvernement à nous présenter aujourd’hui de nouveaux amendements, à l’exemple du registre unique des entreprises.
Dans cette diversité de sujets, certaines mesures sont parfois bien modestes au regard des ambitions affichées : je pense, par exemple, à celles qui concernent le rebond des entrepreneurs.
L’envie d’aller plus loin n’a donc pas manqué, toujours au service de nos entreprises. C’est pourquoi, monsieur le ministre, la commission spéciale a relevé à 100 salariés les seuils de l’ensemble du code du travail actuellement fixés à 50 salariés – à partir de 2021 –, compte tenu de la concentration des nouvelles obligations sur le seuil de 50 salariés résultant du projet de loi et de l’inadéquation de ce seuil avec la croissance des entreprises.
La commission spéciale a approuvé les nouvelles règles d’appréciation et de franchissement des seuils s’appliquant en matière fiscale et sociale.
La commission spéciale a accepté, non sans regret, l’économie générale de la réforme du contrôle légal des comptes, consistant à relever les seuils de contrôle obligatoire par un commissaire aux comptes au niveau prévu par le droit européen.
Il n’est pas certain que cette réforme soit sans effet négatif sur la sécurité financière de nos entreprises, sans même parler de l’impact très lourd sur la profession et sur son implantation dans nos territoires, au profit de grands cabinets le plus souvent anglo-saxons.
La commission spéciale a repoussé l’entrée en vigueur de cette réforme à 2021, pour permettre à la profession de se réorganiser et de développer de nouveaux services aux entreprises, en dehors du contrôle obligatoire, en particulier le nouvel audit simplifié pour les petites entreprises prévu par le projet de loi.
Elle a également veillé à ce qu’un contrôle suffisant soit exercé dans les groupes.
Concernant la mutation du réseau des chambres de commerce et d’industrie, la commission spéciale a voulu sécuriser la situation des personnels, y compris en matière d’assurance chômage, et faciliter les restructurations des établissements et des entités du réseau, notamment avec la suppression des guichets des centres de formalités des entreprises dès 2021 et le maintien d’une politique de péréquation budgétaire entre les chambres.
En revanche, défendant les actions de proximité en faveur des artisans, la commission spéciale a refusé la régionalisation forcée du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat telle qu’elle était proposée dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, se réservant toutefois la possibilité d’y revenir – nous verrons cela sans doute dès demain matin. Pour autant, elle a encouragé la mutualisation des actions des réseaux consulaires, en préservant leur pleine liberté dans ce domaine.
S’agissant des brevets, la commission spéciale a approuvé les mesures prévues par le texte, de nature à améliorer la compétitivité des entreprises, spécialement les PME, en protégeant leur capacité d’innovation. En particulier, le brevet français est renforcé afin d’en faire un vrai outil de lutte contre la contrefaçon et de valorisation du capital immatériel.
L’instauration d’une procédure administrative d’opposition aux brevets sera très utile pour les entreprises, en leur permettant de mieux défendre leurs titres de propriété sans avoir à emprunter la voie judiciaire, plus longue et plus coûteuse.
Enfin, la commission spéciale a approuvé le renforcement du dispositif de contrôle des investissements étrangers prévu par le texte. Alors que les entreprises françaises sont particulièrement attractives et bénéficient d’un niveau élevé d’investissement en provenance de pays tiers, il est nécessaire de protéger nos activités stratégiques.
Les mesures prévues ajoutent de nouveaux outils de contrôle et de dialogue, prévoient une information régulière du Parlement et du public et renforcent les sanctions. Tout cela va dans le bon sens, sans qu’il soit besoin de créer une nouvelle délégation parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le défi est de taille : 200 secondes pour parler de 196 articles ! Merci au Sénat d’avoir allégé de 37 articles ce texte : cela me laissera le temps – je l’espère – d’en extraire la philosophie qui le sous-tend, et que nous partageons, texte que nous avons examiné avec cet esprit d’ouverture qui caractérise le Sénat.
La commission spéciale, sous l’autorité bienveillante de sa présidente, a d’ailleurs conforté les dispositions visant à améliorer et à diversifier les financements des entreprises, tout en adoptant de nombreux aménagements.
Trois objectifs nous ont guidés : compléter les réformes, lorsque nous avons estimé que le projet de loi « s’arrêtait au milieu du gué » – je pense par exemple à la réforme du PEA-PME ; garantir leur effectivité, face à des dispositions trop souvent mal ajustées et/ou adoptées dans la précipitation ; enfin, examiner ces réformes à travers d’autres prismes que le seul financement de l’économie.
À titre d’exemple, si les levées de fonds en crypto-actifs constituent une nouvelle forme de financement pour les start-up et un facteur d’attractivité pour la place de Paris, la commission spéciale a significativement renforcé le cadre de régulation proposé afin de protéger les épargnants, notamment individuels, des « arnaques » et de veiller à ce que ces nouveaux outils ne constituent pas un vecteur de blanchiment ou de financement du terrorisme.
S’agissant de l’épargne retraite, la commission spéciale s’est attachée à mieux prendre en compte les enjeux liés à la dépendance, tout en encourageant fiscalement la sortie en rente, plus protectrice pour nos aînés.
Si ces exemples témoignent de la démarche constructive qui a animé et guidé notre commission spéciale tout au long de ses travaux, nous n’avons pas pour autant hésité à marquer notre désaccord lorsque le Gouvernement paraissait faire « fausse route » ou agir dans la précipitation, voire parfois dans l’impréparation.
Cela m’amène à évoquer brièvement les mesures visant à faire évoluer le capital des entreprises publiques, au premier rang desquelles figurent la privatisation de la Française des jeux et celle d’Aéroports de Paris.
S’agissant de la Française des jeux, la commission spéciale a considéré que le Gouvernement demandait aux parlementaires de lui signer un véritable « chèque en blanc », en l’absence de définition des modalités de la future régulation et, notamment, de la fiscalité.
Compte tenu des enjeux majeurs pour les finances publiques, mais aussi pour la santé publique, elle a donc supprimé l’article concerné.
L’opération portant sur ADP a davantage divisé la commission spéciale. Si le caractère stratégique de l’entreprise et le précédent de la privatisation des autoroutes invitent naturellement à la méfiance, il m’a semblé néanmoins préférable de remédier aux lacunes du texte, de veiller à l’améliorer, plutôt que de s’y opposer frontalement et, sans doute, vainement.
Dans cette optique, la commission spéciale a doté ce secteur du régulateur fort et indépendant qu’il mérite, tout en permettant aux collectivités territoriales de participer à l’appel d’offres de cession en luttant à armes égales avec leurs concurrents.
Si nous en venions à faire un choix différent en séance publique, personne ne devra et ne pourra dire que le Sénat a refusé l’obstacle et s’est abstenu de formuler des propositions solides. C’est bien là l’essentiel ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Julien Bargeton applaudit également.)
(Mme Valérie Létard remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains.)
M. Michel Canevet, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais vous dire dans quel état d’esprit la commission spéciale a abordé le chapitre III, « Des entreprises plus justes », et indiquer sa position sur les différentes dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne prévues au chapitre IV.
Le chapitre III comporte tout d’abord des mesures relatives à l’épargne salariale. Nous l’avons clairement dit, au sein de la commission spéciale, nous sommes bien entendu favorables à une prise en compte de l’intéressement, de la participation, de l’ensemble de ces outils qui constituent, à notre sens, des moyens de pilotage et favorisent la participation accrue des salariés à la vie de nos entreprises, ce qui est important.
Nous avons abordé ce chapitre avec un souci de simplification de ces dispositifs. En ce qui concerne le forfait social, nous souhaiterions, monsieur le ministre, que celui-ci puisse être à terme porté à 10 %. C’est le sens des propositions que nous avons faites tendant à une harmonisation de l’ensemble des taux dérogatoires à ce niveau.
La commission spéciale a également étudié l’évolution proposée quant à la définition de l’entreprise dans le code civil. Vous avez formulé des propositions, monsieur le ministre, notamment à l’issue des travaux menés par la commission Notat-Senard – nous avons auditionné ce dernier. Compte tenu des inquiétudes manifestées par les entreprises, nous avons souhaité que cette évolution de notre droit civil soit circonscrite notamment en matière de responsabilité pour les responsables d’entreprise. C’est pourquoi la commission spéciale a apporté certaines précisions tendant à lever toute inquiétude que pourrait faire naître cette évolution du droit chez un futur chef d’entreprise.
Nous mesurons la nécessité d’encourager dans notre pays l’esprit d’entreprise, tout en prenant en compte les évolutions qu’on observe au sein de la population, parmi l’ensemble des salariés, tendant à ce que les entreprises aient désormais un objet autre que celui de la seule satisfaction des besoins des associés et à ce qu’elles occupent une place importante dans la vie sociale, notamment par la prise en compte des considérations environnementales, qui préoccupent particulièrement bon nombre de nos concitoyens.
C’est donc un modèle de société européenne que nous entendons promouvoir.
Enfin, ce texte contient également un certain nombre de demandes d’habilitation à légiférer par ordonnance. Je le dis clairement : la commission spéciale a souhaité restreindre autant que possible le recours aux ordonnances dans la mesure où nous considérons qu’il appartient au Parlement de légiférer et qu’il est légitime pour ce faire. C’est pourquoi nous avons supprimé un certain nombre d’habilitations en transcrivant directement dans le texte les mesures prévues – par exemple la dématérialisation des factures ou l’évolution des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité. Il ne s’agit pas d’un acte de défiance à l’égard du Gouvernement, monsieur le ministre. Simplement, lorsque l’ensemble de la population est concernée par une mesure, le Parlement doit pleinement exercer son rôle. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin, au nom de la commission des affaires européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Rapin, au nom de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme cela vient d’être exposé, le projet de loi comporte un ensemble de dispositions à caractère économique et financier. Ces matières sont très fortement marquées par le droit européen. Le marché intérieur est en effet largement harmonisé, même si les textes européens laissent des marges de manœuvre aux États membres soit pour prévoir des mesures moins contraignantes, soit, au contraire, pour maintenir un droit national plus exigeant.
La sur-transposition des textes européens en droit français porte atteinte, on le sait, à la compétitivité de notre économie. Dès lors, toute sur-transposition doit être identifiée, justifiée et proportionnée au regard d’objectifs d’intérêt général.
C’est pour ce motif que la conférence des présidents a confié à la commission des affaires européennes, à titre expérimental, une mission d’alerte sur les sur-transpositions.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui constitue le quatrième exercice du genre, et je remercie de leur accueil la présidente et les rapporteurs de la commission spéciale.
La commission des affaires européennes a constaté que le projet de loi supprime opportunément un certain nombre de sur-transpositions préexistantes, afin, en particulier, de renforcer l’attractivité de la place financière de Paris, à la veille du Brexit, qu’il s’agisse du relèvement du seuil de dispense de l’obligation d’établissement d’un prospectus en cas d’offre de titres au public, de l’abaissement du seuil de retrait obligatoire ou encore de la reconnaissance des systèmes de pays tiers pour le règlement définitif des opérations sur titres.
Constitue également la suppression d’une sur-transposition le relèvement des seuils de contrôle légal des comptes des petites entreprises au niveau des seuils les plus élevés de la directive comptable – cela fait encore débat. Il s’inscrit dans l’objectif d’allégement des charges de ces entreprises.
C’est aussi le cas de la publication simplifiée des comptes des moyennes entreprises, que le Sénat a étendue aux petites entreprises et aux micro-entreprises, leur permettant de ne plus être soumises à des obligations de transparence qui ne s’imposent pas à leurs concurrentes européennes.
Il convient toutefois d’observer que ces mesures sont généralement « encadrées ». Soit parce qu’elles exploitent, mais dans certaines limites, des options ouvertes par les textes européens, soit parce qu’elles ajoutent une contrainte non prévue par ceux-ci. Tel est, par exemple, le cas des opérations dispensées de prospectus, pour lesquelles un document de présentation simplifié, déposé auprès de l’Autorité des marchés financiers, devra être établi.
Deuxième observation : le projet de loi renvoie très largement à des ordonnances pour la transposition de directives récentes – M. Canevet vient de s’exprimer à ce sujet –, au motif de la technicité des dispositions concernées et des coordinations à mettre en œuvre. Cela se conçoit. Mais il conviendrait que l’habilitation indique précisément les options qui seront retenues.
La commission spéciale a d’ailleurs souhaité procéder directement à la transposition dans la loi pour faire bénéficier les collectivités territoriales et leurs opérateurs du délai prorogé de mise en conformité autorisé par la directive sur la facturation dans le cadre des marchés publics.
Ce cadrage initial est pourtant d’autant plus nécessaire que la ratification des ordonnances intervient souvent plusieurs mois, voire plusieurs années, après leur entrée en vigueur, ce qui ne permet pas au Parlement de revenir aisément sur les sur-transpositions qu’elles comportent.
Je ne saurais conclure sans évoquer l’article 70 du projet de loi, qui modifie le régime comptable des grands ports maritimes pour tirer les conséquences d’une décision de la Commission européenne de juillet 2017. La question de la compétitivité des ports français et de l’appréhension de la spécificité de leurs activités au regard du droit européen ne saurait se limiter à cette seule disposition ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable