M. le président. Votre question, mon cher collègue !
M. Hervé Marseille. … ni, plus généralement, des problèmes auxquels les Français attendent des réponses.
Nous souhaitons donc, monsieur le Premier ministre, que la France retrouve le rôle moteur qui doit être le sien en Europe et que nous puissions avoir ce débat.
Évitons, pour cela, d’organiser un référendum le jour des élections européennes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Il a de la chance notre collègue Hervé Marseille !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Hervé Marseille, sachant que vous alliez poser une question après le sénateur Roger Karoutchi, je me suis dit qu’il serait conforme à l’usage, mais aussi utile, évidemment, que je vous apporte personnellement des éléments de réponse, lesquels rejoindront sans doute également les questions formulées par M. Karoutchi.
Mme Catherine Procaccia. On attend de voir !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Marseille, le grand débat a commencé et, alors même que beaucoup s’interrogeaient sur les formes qu’il prendrait, nous constatons, par le nombre de réunions organisées et le nombre de contributions directement produites par les Français, une très grande appétence de nos concitoyens pour ces discussions. C’est plutôt une bonne nouvelle à mes yeux.
On peut toujours, ici ou là, dire que telle ou telle réunion ne ressemble pas à ce que l’on aurait souhaité dans l’idéal. Toutefois, les réunions sont nombreuses, elles interviennent dans de grandes villes comme dans de toutes petites communes et elles permettent à nos concitoyens de s’exprimer.
Pour vous dire la vérité, je pense que c’est un moment important, utile et passionnant.
Alors que l’exercice commence à peine, nombre de responsables politiques, en particulier, s’interrogent déjà sur les points de sortie, qu’il s’agisse des solutions ou des instruments qui seront utilisés pour parvenir à celles-ci.
Cette interrogation est évidemment légitime, mais je crois qu’il est objectivement trop tôt, non seulement pour répondre sur le fond – le débat n’a pas encore produit tous ses effets –, mais aussi pour répondre définitivement à la question des instruments.
Je voudrais néanmoins esquisser quelques pistes, monsieur Marseille.
Premièrement, je ne crois clairement pas qu’un instrument unique soit de nature à traiter l’ensemble des questions qui auront été évoquées pendant le grand débat.
Il appartiendra au Président de la République de décider si, oui ou non, il veut utiliser l’article 11 de la Constitution. Peut-être souhaitera-t-il poser aux Français la question d’une adoption directe de tel ou tel projet. C’est son droit le plus strict, et je pense que chacun, dans cette assemblée, le respecte.
En tout état de cause, je ne crois pas qu’un seul référendum, quand bien même il porterait sur plusieurs projets de loi, suffise à intégrer l’ensemble de ce qui est dit, mais aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, de ce qui ne l’est pas… Certains sujets sont en effet rarement évoqués dans les débats.
Il faut donc s’attendre à ce que, soit par le référendum, soit par la discussion législative naturelle, soit par d’autres instruments – j’ai entendu les organisations syndicales et patronales ainsi que les associations d’élus évoquer la possibilité, sur certains thèmes, de mettre en place des processus de concertation desquels pourrait émerger, sinon un consensus, du moins une élaboration collective de solutions.
N’ayons pas peur de cette profusion d’instruments. Elle est, me semble-t-il, exactement à la hauteur des attentes des Français, compte tenu de la diversité des sujets.
J’entends enfin la remarque que vous avez formulée, qui rejoint celle de M. Karoutchi, sur une forme de désaccord quant à l’idée d’organiser un référendum le jour du scrutin prévu pour les élections européennes. J’en prends acte.
Vous avez formulé en ce sens un certain nombre d’arguments. Ils sont parfaitement légitimes.
On pourrait aussi ajouter, peut-être, qu’une multiplication des consultations requiert une organisation assez lourde pour les services des collectivités territoriales.
Aujourd’hui, monsieur Marseille, rien n’est décidé. Certes, dans le monde dans lequel nous vivons, dès que l’on commence à réfléchir à une hypothèse, elle se transforme immanquablement en un fait, puis en une vérité… Mais pourquoi ne pourrions-nous pas soumettre cette idée à la consultation ?
Le scrutin du 26 mai sera d’une importance absolument considérable pour la construction européenne et pour notre pays. Le débat doit avoir lieu. Nos concitoyens doivent dire clairement ce qu’ils souhaitent et ce qu’ils veulent assumer s’agissant de la construction européenne. Nous avons tous à y gagner, j’en suis intimement convaincu.
Tout ce qui aurait pour effet de remettre en cause la clarté du débat serait probablement à écarter.
C’est d’autant plus vrai que, référendum ou pas, monsieur le sénateur, depuis très longtemps, lors des élections européennes, on parle finalement assez peu des élections européennes, et beaucoup des questions politiques nationales.
Mme Laurence Cohen. Ah, ça…
Mme Cécile Cukierman. Avec un référendum, encore plus !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous le savons tous, nous l’avons tous vécu et nous n’avons pas envie que cela recommence ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
prélèvement à la source
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe La République En Marche. (« Allô ! » sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Richard Yung. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous propose de quitter les rives souriantes du grand débat pour aborder un sujet moins rieur, la fiscalité ! Ma question portera plus précisément sur le prélèvement à la source.
Comme vous le savez, il a été instauré au 1er janvier dernier et les premiers bulletins de paye arrivent en ce moment dans les foyers.
Il est donc intéressant de regarder ce qui se passe.
Le prélèvement à la source n’est pas une affaire nouvelle. Nous en avons débattu assez longuement au sein de la commission des finances il y a environ deux ans.
La majorité du Sénat était alors vivement opposée à cette technique. Mais, à présent, elle se déploie et nous devons avancer.
Bien évidemment, certaines questions se posent par rapport aux salariés, à l’employeur qui effectue le prélèvement et aux chaînes de fonctionnement informatique.
Je me réjouis du travail d’accompagnement et d’explication très important qui a été accompli, sous différentes formes, pour expliquer cette innovation. Je rappelle aussi que la France est l’un des derniers pays au monde à mettre en place le prélèvement à la source, qui existe depuis 1920 dans beaucoup de pays, et depuis 1945 partout en Europe. Seule la Suisse ne l’a pas adopté. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Sauf pour les travailleurs frontaliers !
M. Richard Yung. Chacun en tirera les conclusions qu’il veut.
M. le président. Votre question, mon cher collègue !
M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur les premières conclusions et le premier bilan que vous pouvez tirer de cette mesure. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Bruno Gilles. Allô !
M. Richard Yung. Quand on fait des choses, vous criez, quand on s’abstient, vous continuez sur votre lancée. Au fond, il n’y a pas tellement d’hésitations à avoir !
En particulier, monsieur le secrétaire d’État, le taux moyen a-t-il été le plus souvent utilisé et quelles perspectives se dessinent ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Yung, vous nous interrogez sur la mise en œuvre du prélèvement à la source.
Je vous confirme que cette mise en œuvre se passe excellemment bien. Il n’y a aucun bug technique ou systémique et la décision prise par le Premier ministre en juillet 2017 de reporter l’application d’un an nous a permis, à Gérald Darmanin et moi-même, de régler un certain nombre de questions, notamment pour les particuliers employeurs ou sur le versement d’un acompte de 60 % pour les crédits d’impôt. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Cette réforme, nous l’accomplissons d’abord pour les Français, car elle nous permettra d’adapter l’impôt aux revenus de nos concitoyens, avec une véritable contemporanéité du prélèvement. C’est d’autant plus important que 7 millions de nos concitoyens connaissent chaque année une variation de leurs revenus d’au moins 30 %. Nous pourrons ainsi faire en sorte qu’ils soient assujettis de la manière la plus juste qui soit.
Nous engageons aussi cette réforme en appelant l’ensemble de nos concitoyens à déclarer leurs changements de situation – mariage, divorce, naissance, modification du foyer fiscal ou modification substantielle de leurs revenus – pour faire en sorte que, sous deux mois, leur taux puisse être adapté et que leur impôt soit parfaitement conforme à la réalité de leurs revenus.
Ensuite, monsieur le sénateur, si cette réforme est faite pour les Français, elle est faite par les agents publics. Ainsi, 40 000 agents de la Direction générale des finances publiques ont été formés à cet effet sur les plus de 100 000 agents de cette direction.
Plus de 1 000 agents ont été mobilisés pour répondre aux nombreux appels téléphoniques et nous avons accueilli à peu près 110 000 personnes le premier jour du mois de janvier dans 1 500 lieux d’accueil sur l’ensemble du territoire.
C’est une réussite technique que l’on doit aussi aux agents. Le premier jour, 500 000 contribuables ont, d’une manière ou d’une autre, contacté les services fiscaux. Depuis le début du mois de janvier, nous avons modifié le taux de plusieurs centaines de milliers de contribuables pour mieux tenir compte de la réalité de leurs revenus.
Nous avons fait en sorte que cette réforme fonctionne bien et qu’elle fonctionne aussi avec les collecteurs, à savoir les entreprises, qui peuvent constater aujourd’hui que la mise en œuvre se fait dans de bonnes conditions et à un coût bien moindre que ce qu’elles pouvaient craindre. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Véronique Guillotin. Ma question s’adressait à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Alors que la consommation de tabac baisse globalement dans notre pays, certains territoires demeurent malheureusement en marge de cette dynamique positive.
Si les causes sont assurément multifactorielles – on fume davantage en situation socio-économique défavorable –, l’une des explications est aussi géographique.
En effet, les quatre régions où l’on trouve le plus de fumeurs – PACA, Hauts-de-France, Occitanie et Grand Est – sont proches de pays où le tabac est le moins cher.
Avec un paquet de référence à 5,40 euros, le Luxembourg attire les fumeurs du Grand Est en quête de cigarettes à moindre coût, notamment ceux du Nord lorrain où les taux d’incidence du cancer du poumon sont significativement plus élevés que la moyenne nationale.
D’après une récente étude de Santé publique France, les départements frontaliers de la région présentent les situations les plus préoccupantes. Et pour cause : l’augmentation du prix du tabac en France, mesure que j’ai soutenue et qui a fait la preuve de son efficacité, a malheureusement encore renforcé ce différentiel entre les zones transfrontalières et le reste du territoire.
Face à ce constat, la région Grand Est a lancé un programme de lutte contre le tabac. Cibler les publics les plus à risque doit en effet être au cœur de toutes les politiques de prévention et d’accompagnement.
Néanmoins, la forte attractivité de nos voisins doit absolument être prise en considération par le Gouvernement pour chaque action entreprise, sous peine de voir se renforcer les inégalités territoriales en matière de santé.
Le tabac restant, de loin, le premier facteur de risque de cancers évitables en France, quelles actions, monsieur le secrétaire d’État, entendez-vous mettre en œuvre à l’échelle nationale, mais aussi quelles initiatives entendez-vous prendre à l’échelle européenne pour corriger les conséquences de ces trop grandes disparités ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice, vous avez eu raison de poser d’emblée votre question à Agnès Buzyn, car c’est aussi une manière de souligner l’implication de Mme la ministre de la santé dans la lutte contre le tabac et ses conséquences sur la santé publique.
Toutefois, le fond de votre question concerne essentiellement l’impact du trafic de tabac, et parfois même de la contrebande, en matière d’action publique.
Vous nous interrogez sur les actions que mène le Gouvernement pour diminuer les trafics de tabac dans les zones frontalières.
Nous avons pris un certain nombre de dispositions, notamment à l’occasion de l’adoption de la loi de lutte contre la fraude, en abaissant de 10 à 4 le nombre de cartouches qui peuvent être importées d’un pays de l’Union européenne pour faire en sorte que, au-delà de 4, il y ait une présomption de contrebande permettant à nos douaniers de pouvoir sanctionner celles et ceux qui se livrent à ces trafics de proximité.
Nous avons aussi fait en sorte de doubler les amendes pour trafic frontalier en matière de trafic de tabac, en passant l’amende maximale de 2 500 euros à 5 000 euros afin de dissuader les trafics que vous pointez.
Au-delà, nos services sont mobilisés de manière massive. Depuis trois ans, 1 500 tonnes de tabac ont été saisies. Pour prendre un exemple que vous connaissez bien, le 27 septembre dernier, à Saint-Avold, c’est 1,2 tonne de tabac qui a été saisie à l’occasion d’un contrôle inopiné.
Nous développons de nouvelles techniques de ciblage pour faire en sorte d’agir avant le dédouanement et nous contrôlons aussi de plus en plus souvent des lieux de vente ou de trafic situés au-delà des frontières, mais dont on sait qu’ils sont propices à cette consommation de tabac.
Enfin, nous avons ouvert des discussions avec nos partenaires européens. Nous souhaitons tout d’abord revoir la directive de 2011, qui fixe des minima fiscaux en matière de tabac, de manière à aller vers l’harmonisation fiscale que vous appelez de vos vœux. Nous voulons ensuite modifier la directive de 2018, pour que les limites indicatives de tabac importable deviennent prescriptives, ce qui rejoint votre souhait d’une action plus résolue au niveau européen en la matière.
Enfin, madame la sénatrice, je dois préciser que ce travail de lutte contre le tabac, y compris par le relèvement des prix que vous avez cité, est mené en étroite collaboration avec les buralistes, de manière à ne pas mettre en danger leur activité. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.
Mme Véronique Guillotin. Votre réponse ne me convient qu’à moitié, monsieur le secrétaire d’État.
Ma question portait non pas seulement sur un contrôle renforcé des fraudes, mais aussi sur la santé. Je considère en effet qu’il est important, au-delà du tabac, de prendre la santé transfrontalière dans sa globalité, que ce soit sur les ressources humaines ou sur la prévention et l’accès aux soins.
Il me faudra donc effectivement reposer la question à Mme la ministre de la santé ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Pierre Louault applaudit également.)
débat national et pluralisme dans les médias
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Laurent. Ma question porte également sur le débat national, plus précisément sur les conditions d’exercice du pluralisme dans ce débat politique et médiatique.
Déjà, vous voulez restreindre la liberté de manifester. Ensuite, la liberté de la presse est mise à mal, comme l’illustre la lamentable tentative de perquisition dans les locaux de Mediapart, hier, ou la situation du journal L’Humanité, qui appelle la plus grande solidarité.
Le débat national est censé donner prioritairement la parole aux Français. C’est pour cela qu’il a été organisé. Des centaines de milliers de nos concitoyens s’en emparent et s’engagent.
Toutefois, s’il est impossible de poser un couvercle sur la marmite qui bout de la parole des Français, dans le même temps, c’est bien le Président de la République, et lui seul, qui se taille la part du lion médiatique, avec des shows présidentiels intégralement retransmis, dans lesquels il ne répond jamais positivement aux demandes exprimées, mais où il continue de plaider pour sa politique.
Dès lors, assiste-t-on à un grand débat national appartenant aux Français ou à une campagne présidentielle de rattrapage dans laquelle il n’y aurait cette fois qu’un seul candidat ?
En matière de temps de parole, les compteurs du CSA doivent exploser. Il serait d’ailleurs intéressant que les chiffres soient publiés au fil du débat, et pas dans trois mois !
Et rien ne s’arrangera avec les élections européennes, puisque la loi que vous avez fait voter va répartir les temps de parole de manière scandaleusement inégale.
Ma question est la suivante : quelles mesures comptent prendre le Gouvernement et les garants pour assurer, jusqu’au terme de ce débat et ensuite, une égalité d’accès au temps de parole politique et médiatique, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, ce débat, c’est bien le grand débat des Français (Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) : 4 000 réunions ont déjà été organisées, sont en cours ou vont avoir lieu, et 700 000 contributions ont été déposées sur la plateforme.
Parmi ces 4 000 réunions, seules une dizaine, une quinzaine ou peut-être une vingtaine compteront la présence d’un membre du Gouvernement ou du Président de la République.
M. Jean-François Husson. Quand c’est retransmis à la télé !
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. La quasi-intégralité des réunions se passe entre les Français.
Mme Éliane Assassi. Pourquoi les députés sont-ils invités, mais pas les sénateurs ?
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Les médias, comme vous le savez, sont libres en France. Nous nous en réjouissons, et tout se fera sous le contrôle du CSA. (Mme Cécile Cukierman proteste vigoureusement.)
M. David Assouline. Pourquoi la télé ne vient-elle que pour le Président de la République ? Huit heures de direct !
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Nous sommes en relation régulière avec les cinq garants et observateurs qui ont été nommés par le président de l’Assemblée nationale, par le président du Sénat, par le président du Conseil économique, social et environnemental et par le Gouvernement. Ces cinq personnes nous aident à respecter les principes que nous nous sommes fixés.
Un principe de transparence, tout d’abord (Sourires ironiques sur les travées du groupe Les Républicains. – Huées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) : toutes les contributions seront rendues publiques ou mises en ligne sur le site du grand débat.
Un principe d’exhaustivité, ensuite : toutes les contributions seront analysées, traitées et restituées.
M. Jacques Grosperrin. Répondez à la question !
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Ce débat est libre, il représente une opportunité et il nous permettra de prendre les décisions qui s’imposent, sous le contrôle du Président de la République et du Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. Vincent Éblé. Pourquoi les sénateurs ne sont-ils pas invités ? Ils sentent le gaz ?
coopératives agricoles
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre Marc Fesneau, la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dite loi Égalim, que nous avons examinée l’année dernière, prétend améliorer le revenu des agriculteurs en imposant une plus juste rémunération. Son encre est à peine sèche. Pourtant, les ordonnances qu’elle vous a autorisés à rédiger suscitent de vives inquiétudes dans le milieu agricole, notamment chez les trois quarts des agriculteurs membres d’une coopérative, qui craignent une remise en cause du statut coopératif.
En effet, vos ordonnances assimileraient les coopératives à des entreprises commerciales pour le calcul du prix d’achat aux agriculteurs. Ce prix – c’est tout l’objet de la loi Égalim – ne doit pas être abusivement bas au regard d’indicateurs à préciser.
Monsieur le ministre, il faut comparer ce qui est comparable. La coopérative est la continuité de l’exploitation, et non une entreprise commerciale. L’inquiétude dont je me fais le porte-voix vient de ce que la notion de prix serait appliquée par votre ordonnance aux relations entre la coopérative et l’adhérent. Or la coopérative, jusqu’à présent, n’achète pas le produit, mais le vend aux entreprises commerciales. C’est aussi pour cela que le médiateur de la coopération agricole ne doit pas être remplacé par un médiateur de la relation commerciale.
Certes, il peut y avoir des abus dans certaines grosses coopératives, dont la gouvernance est assez éloignée des adhérents. Il faut évidemment les corriger, mais pas au prix d’une remise en cause de la singularité du modèle coopératif, qui est fondé sur l’humain et la solidarité. (Marques d’approbation sur plusieurs travées.) Beaucoup d’exploitations sont de taille modeste, notamment en Occitanie, comme me le souffle mon collègue du Gers, Franck Montaugé, que j’ai plaisir à associer à cette question. (Sourires.)
Elles sont fragiles, mais elles font vivre les territoires, le modèle coopératif étant un outil performant pour une agriculture saine et de qualité.
Certains pensent qu’à terme l’objectif de Bercy serait de parvenir à fiscaliser le chiffre d’affaires des coopératives, ce qui reviendrait à taxer deux fois les coopérateurs.
Monsieur le ministre, nous connaissons votre attachement à l’agriculture et aux agriculteurs. Il faut les défendre non pas seulement contre les critiques, mais aussi contre les logiques purement économiques, qui leur sont défavorables.
Ma question est simple : quelles preuves de soutien vos ordonnances apporteront-elles à notre modèle coopératif agricole ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Henri Cabanel, je voulais vous remercier de votre question et excuser tout d’abord le ministre Didier Guillaume, retenu en Lozère pour le congrès national de la Fédération bovine.
Vous nous avez interrogés sur l’ordonnance en cours de rédaction relative à la coopération agricole.
Je voudrais tout d’abord replacer cette ordonnance dans son contexte, à savoir la volonté, au travers des états généraux de l’alimentation puis de la loi Égalim, d’accorder une juste rémunération aux agriculteurs. À cette fin, nous avons tout particulièrement discuté avec les représentants des coopératives, qui se sont mis d’accord pour mettre en place certains outils.
L’instauration du prix anormalement bas, réclamé par l’ensemble de la profession, est un maillon essentiel de cette chaîne.
Ce contexte devrait permettre de répondre clairement à votre inquiétude : non, le Gouvernement ne veut absolument pas mettre fin au modèle coopératif. Au contraire, il soutient fortement un modèle de solidarité, de création et de juste répartition de la valeur ajoutée entre les coopérateurs, qui permet aussi de mettre en valeur tous les territoires. Il n’en reste pas moins que, comme toutes les organisations, ce modèle mérite d’être amélioré.
Les services du ministère de l’agriculture travaillent en étroit partenariat avec les représentants des coopératives, y compris sur la rédaction de cette ordonnance.
Mme Sophie Primas. Et avec le Parlement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Le prix abusivement bas est effectivement par nature et par construction une notion juridique qui peut entrer en contradiction avec la construction d’un prix coopératif.
C’est pourquoi l’ordonnance veille à préserver le modèle coopératif en maintenant, dans le code rural et non dans le code de commerce – ce n’est pas un point négligeable – la notion de prix abusivement bas et en instituant le recours au Haut Conseil de la coopération agricole ou au médiateur de la coopération agricole en cas de pré-litige, et non au médiateur des relations commerciales.
Nous voulons maintenir l’excellence de l’agriculture française et le modèle coopératif, qui regroupe effectivement les trois quarts des agriculteurs, en constitue l’un des fers de lance. Il fait figure pour nous de modèle d’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)
niches fiscales
M. le président. La parole est à Mme Claudine Thomas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)