Sommaire
Présidence de M. David Assouline
Secrétaires :
Mme Catherine Deroche, M. Victorin Lurel.
2. Croissance et transformation des entreprises. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Article additionnel avant l’article 52
Amendement n° 588 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 233 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 575 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 356 rectifié quater de M. Marc-Philippe Daubresse. – Retrait.
Amendement n° 995 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 234 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 781 de M. Richard Yung. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles 52 ter, 52 quater et 52 quinquies – Adoption.
Article additionnel après l’article 52 quinquies
Amendement n° 296 rectifié ter de Mme Jacky Deromedi. – Retrait.
Article additionnel avant l’article 53
Amendement n° 589 rectifié de M. Fabien Gay. – Retrait.
Amendement n° 235 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 286 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 540 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 541 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 543 de M. Fabien Gay. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 544 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 236 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 366 de M. Martial Bourquin. – Rejet.
Amendement n° 998 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 999 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 363 rectifié de Mme Valérie Létard. – Adoption.
Amendement n° 578 de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Amendement n° 136 rectifié de M. Martial Bourquin. – Devenu sans objet.
Amendement n° 438 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 268 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
Amendements identiques nos 143 de Mme Frédérique Espagnac et 743 de M. Richard Yung. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 55 ter
Amendement n° 874 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 675 de M. Fabien Gay. – Rejet par scrutin public n° 51.
Amendement n° 349 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Non soutenu.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
Amendement n° 91 rectifié ter de M. Emmanuel Capus. – Retrait.
Amendement n° 421 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 986 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 497 rectifié de M. Bruno Retailleau. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
3. Intervention des forces armées au Tchad
4. Croissance et transformation des entreprises. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 25 de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Amendement n° 900 de M. Martin Lévrier. – Rejet.
Amendement n° 988 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 911 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 987 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 784 de M. Martin Lévrier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 329 rectifié de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 746 de M. Martin Lévrier. – Rejet.
Amendement n° 989 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 785 de M. Martin Lévrier. – Rejet.
Amendement n° 993 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 789 rectifié de M. Richard Yung. – Adoption.
Amendement n° 254 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 57
Amendement n° 827 rectifié bis de M. Jean-Marc Gabouty. – Rejet par scrutin public n° 53.
Amendement n° 832 rectifié de M. Jean-Marc Gabouty. – Rejet.
Amendement n° 332 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 285 rectifié de M. Mathieu Darnaud. – Non soutenu.
Amendement n° 328 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Articles 57 bis A et 57 bis B – Adoption.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 57 bis C
Amendement n° 990 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 991 de la commission. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Amendement n° 787 de M. Martin Lévrier. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 678 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 910 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 78 rectifié de M. Philippe Adnot. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 679 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 558 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 59 ter A
Amendement n° 500 rectifié de Mme Jacky Deromedi. – Rejet.
Amendement n° 501 rectifié de Mme Jacky Deromedi. – Rejet.
Amendement n° 443 de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Amendement n° 992 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 331 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 26 de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Amendement n° 330 de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 788 de M. Martin Lévrier. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 653 rectifié de Mme Pascale Gruny. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Amendement n° 593 de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Amendement n° 714 de M. Victorin Lurel. – Devenu sans objet.
Amendement n° 142 de Mme Nicole Bonnefoy. – Devenu sans objet.
Amendement n° 255 rectifié bis de M. Olivier Cadic. – Devenu sans objet.
Amendement n° 594 de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Amendement n° 681 de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Amendement n° 422 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Amendement n° 112 de M. Jean-Louis Tourenne. – Devenu sans objet.
Amendement n° 704 de M. Fabien Gay. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1020 de la commission. – Devenu sans objet.
Amendement n° 735 rectifié de M. Vincent Segouin. – Devenu sans objet.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. David Assouline
vice-président
Secrétaires :
Mme Catherine Deroche,
M. Victorin Lurel.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Croissance et transformation des entreprises
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises (projet n° 28, texte de la commission spéciale n° 255, rapport n° 254, rapport d’information de la commission des affaires européennes n° 207).
Dans la discussion du texte de la commission spéciale, nous en sommes parvenus, au sein de la sous-section 3 de la section 3 du chapitre II, à l’amendement n° 588 tendant à insérer un article additionnel avant l’article 52.
Chapitre II (suite)
Des entreprises plus innovantes
Section 3 (suite)
Faire évoluer le capital et la gouvernance des entreprises publiques et financer l’innovation de rupture
Sous-section 3
Engie
Article additionnel avant l’article 52
M. le président. L’amendement n° 588, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 52
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le bilan de la libéralisation du secteur énergétique.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Mes chers collègues, je connais vos réticences traditionnelles pour les demandes de rapport. Néanmoins, dans la mesure où nous allons discuter de la privatisation d’Engie, il est essentiel de revenir sur les dix dernières années de libéralisation du secteur de l’énergie.
Alors que se sont multipliés les prestataires de fourniture – vingt et un aujourd’hui – et alors que la gestion du réseau de distribution fait toujours l’objet d’un duopole Enedis-GRDF, il est nécessaire de faire un point d’étape. Le premier constat que l’on peut tirer, c’est que l’ouverture à la concurrence a au final peu convaincu, avec 15 % du marché de l’électricité et 25 % de celui du gaz, principalement dans le secteur des entreprises.
Mais ces quelques données ne font pas un bilan qualitatif ni sur l’amélioration du service rendu aux usagers ni sur les tarifs pratiqués. Pis, c’est ce qui a finalement ouvert la porte au Conseil d’État, à la suite du recours de l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie, l’ANODE, pour remettre en cause les tarifs réglementés du gaz. Il est vrai qu’à la différence de l’électricité cette énergie n’est pas considérée comme un produit de première nécessité au sein du code de l’énergie.
Toutefois, la mesure ne pouvait que fragiliser la situation économique des plus précaires, car parler d’énergie substituable implique de pouvoir changer soit de raccordement, soit de matériel. La substitution est donc moins automatique qu’il n’y paraît.
Un autre motif qui devrait alerter ou du moins conduire à s’interroger est le nombre important de recours déposés devant le Conseil d’État.
Dernier élément, la baisse des prix de l’énergie promise est absente, et l’impossible retour aux tarifs réglementés une fois le choix du prix du marché effectué pose question. On se retrouve dans une situation où il est possible de revenir à l’offre publique, mais uniquement au prix du marché. Ainsi, entre 2007 et 2015, la facture d’électricité s’est envolée de 49 % et celle du gaz de 36 %. On parle de presque 2 000 euros par an et par ménage pour une énergie pourtant nécessaire.
De fait, cette situation impose aujourd’hui un état des lieux complet des résultats de la libéralisation du secteur, tant quantitativement que qualitativement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Fabien Gay l’a dit, la commission n’est pas favorable à un nouveau rapport. J’invite d’ailleurs notre assemblée à se saisir de toutes les possibilités de contrôle qui sont à sa disposition, car l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même !
Sur le fond, l’ouverture à la concurrence du secteur de l’énergie est bénéfique au consommateur. Vous avez évoqué la question des prix, mon cher collègue. J’observe deux choses : les offres de marché sont aujourd’hui moins chères que les tarifs réglementés et les hausses de prix sont en grande partie dues aux taxes qui représentent, pour ce qui concerne l’électricité, plus du tiers du prix. Il y a donc du ménage à faire dans ce dispositif, d’autant qu’il existe parfois des taxes sur des taxes !
Enfin, sur le plan industriel, la concurrence a permis l’émergence d’un certain nombre de nouveaux acteurs, donnant lieu à des créations d’emplois sur les territoires. Par ailleurs, je constate qu’il existe des rapports étroits entre les collectivités et les opérateurs.
Je vois donc des effets bénéfiques à l’ouverture à la concurrence. Le groupe d’études Énergie du Sénat et les parlementaires en général ont toute latitude pour mener des investigations sur le sujet.
M. Roger Karoutchi. Trop de rapports tuent les rapports !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Certes, il s’agit d’un nouveau rapport. Mais dans la mesure où un grand débat national est engagé, il serait utile de disposer d’éléments sur l’ouverture à la concurrence dans un certain nombre de secteurs. Cela intéresse non seulement les usagers, mais aussi les salariés. Le bradage de nos entreprises publiques dans le secteur de l’énergie et des télécommunications entraîne-t-il un mieux ? À en croire M. le rapporteur, ce serait le cas. Mais ce n’est pas l’avis de tout le monde !
Lors d’une réunion de la commission des affaires économiques, j’ai demandé à Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence, si elle pouvait nous dire dans quel secteur l’ouverture à la concurrence constituait un plus pour les usagers et pour les salariés. Elle m’a répondu que c’était indéniablement le cas en ce qui concernait les télécommunications. Mais elle a ajouté : « La situation est plus compliquée sur les marchés de l’énergie. Il faut raisonner marché par marché, sans calquer un modèle unique. Pour le ferroviaire, sujet brûlant aujourd’hui, la France est en décalage par rapport à d’autres pays européens. L’objectif final est celui de l’amélioration du service au client ». Elle reconnaissait néanmoins qu’elle ne savait pas si cet objectif était atteint.
Dans le cadre du grand débat national, pourquoi ne pas réfléchir à l’ultralibéralisme rampant ? Je vois que Martin Lévrier s’amuse, mais il n’en reste pas moins que nous avons démantelé un certain nombre de monopoles d’entreprises publiques. Nous allons maintenant procéder au bradage complet d’Engie, alors qu’un réel problème de transition énergétique se pose à nous. Dois-je rappeler que 12 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique ? J’aimerais donc que nous débattions sur la question de savoir si le privé sert les intérêts généraux. Il aurait été utile que M. le ministre nous réponde.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 588.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 52
Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° À l’article L. 111-49, les mots : « ne peut être détenu que » sont remplacés par les mots : « doit être majoritairement détenu » ;
2° L’article L. 111-68 est ainsi rédigé :
« Art. L. 111-68. – L’État détient au moins une action au capital de l’entreprise dénommée “Engie”. »
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. En 2005, lors de l’ouverture au privé de GDF, devenu GDF-Suez, puis maintenant Engie, le ministre Nicolas Sarkozy affirmait devant l’Assemblée nationale que jamais l’État ne quitterait l’entreprise et que ses titres étaient incessibles. Il nous disait : arrêtez de faire peur, il n’y aura pas de privatisation ! Et voilà, monsieur le ministre, quatorze ans après, vous venez terminer le travail engagé par Nicolas Sarkozy !
Ce débat fait écho à celui que nous avons eu au printemps dernier sur le nouveau pacte ferroviaire. Nous étions peu nombreux à attirer l’attention sur les risques de l’ouverture à la concurrence. On nous avait répondu que pour concurrencer des entreprises privées, l’entreprise ne pouvait pas demeurer publique, mais les titres, nous promettait Élisabeth Borne la main sur le cœur, resteraient incessibles. Pour autant, on augmentera le capital et on fera ainsi entrer le privé ! Puis, un jour – dans très longtemps j’espère – on nous dira : « l’État n’a plus vocation à détenir des parts dans la SNCF » et on privatisera. En ce qui concerne Engie, vous avez dépecé la bête en moins de quinze ans !
M. Michel Canevet. Si ça fonctionne mieux, pourquoi pas ?
M. Fabien Gay. Dans ce cas, ouvrons le débat, mais vous venez de refuser le rapport !
Entre 2009 et 2016, 27 milliards d’euros de dividendes ont été distribués aux actionnaires d’Engie. Dans le même temps, le prix du gaz a augmenté de 70 % pour les usagers. Demandez aux salariés si depuis quinze ans ils vivent mieux dans leur entreprise ! Ils vous le diront : le service s’est dégradé. L’an dernier, 5 000 emplois ont été délocalisés dans les call centers, alors que l’État est encore actionnaire : c’est un véritable scandale !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. Avec la sortie de l’État du capital d’Engie, nous assistons à une dégringolade sans fin qui avait commencé en 2004, puis continué en 2006 avec la fusion de GDF et Suez.
Pourtant, la nationalisation du gaz et de l’énergie, décidée à la Libération par le Conseil national de la Résistance, le CNR, avait tout son sens : il s’agissait de s’assurer de la maîtrise de biens communs et de l’accès de tous à l’énergie, dans un secteur stratégique lié à l’industrialisation, à l’aménagement du territoire et à divers services essentiels pour les Français.
Avec l’article 52 du présent projet de loi et cette nouvelle dégringolade, comment l’État, en dépit de ses justifications, va-t-il peser sur les orientations stratégiques ? Encore une fois, j’ai le sentiment que vous cheminez à contresens…
Quelles que soient les explications apportées, nous n’avons pas intérêt à voir se réduire la part de l’État et la maîtrise publique au sein d’une entreprise exerçant dans un secteur aussi stratégique que l’énergie. Il y va de notre sécurité d’approvisionnement et de notre souveraineté énergétique !
Même si l’on me dit que l’État continuera d’édicter la régulation et conservera l’action spécifique lui permettant de s’opposer à toute décision de cession d’infrastructures stratégiques, je persiste à voir dans cette suppression du seuil minimal plusieurs risques pour l’évolution tarifaire supportée par les consommateurs sur fond de dérégulation des tarifs de l’énergie.
Il existe aussi plusieurs risques pour les ménages en situation de précarité.
Mon autre inquiétude concerne le devenir de certains actifs stratégiques après la privatisation – stockage souterrain de gaz, réseau de transport – dès lors que l’action stratégique relève seulement du pouvoir réglementaire.
Par ailleurs, qu’en pensent les salariés, qui ont déjà constaté la destruction d’emplois, alors que l’entreprise délocalise dans des pays à faible coût de main-d’œuvre ? Qu’en pense également François de Rugy ? Comment pourra-t-on s’assurer que cette entreprise où l’État aura quasiment abandonné sa part continuera d’emprunter le chemin de l’énergie verte et de la transition énergétique et écologique ? Comment le Gouvernement pourra-t-il s’assurer qu’Engie persistera à se positionner dans le développement durable ?
Enfin, on nous donne des leçons de bonne gestion. Vendre ce qui rapporte, est-ce de la bonne gestion ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, ce débat est extrêmement important. Il y va de notre indépendance énergétique et d’une stratégie de transition dans un secteur où la France tente de garder une grande souveraineté.
Mon collègue Fabien Gay l’a rappelé, Nicolas Sarkozy nous avait promis que jamais on ne privatiserait un secteur aussi essentiel. Pourquoi, quatorze ans plus tard, le secteur du gaz serait-il devenu moins stratégique ? Au contraire, on sait que la diversification jouera un rôle déterminant dans la transition énergétique !
Je passe sur tous les épisodes au cours desquels, peu à peu, l’État s’est complètement désengagé, gardant moins de 23 % du capital, tout en conservant prétendument la maîtrise stratégique grâce à la fameuse golden share, l’action qui permet d’intervenir.
Premièrement, cette logique qui visait à préparer la privatisation et la dérégulation a déstabilisé l’entreprise elle-même. L’État actionnaire n’a même pas veillé à conserver en France les emplois qui pouvaient y être maintenus ! J’en veux pour preuve la délocalisation des services clients – clients français pour la plupart d’entre eux – dans des pays à faible coût de main-d’œuvre et hors de l’Union européenne. On est là dans une stratégie de rentabilisation maximale des dividendes, pas dans une stratégie de baisse des tarifs pour les consommateurs, comme l’a souligné Fabien Gay.
M. le rapporteur nous dit que cela va mieux, mais ce n’est pas vrai ! Les dépenses de gaz des Français sont de plus en plus coûteuses, comme le reconnaît l’autorité de régulation. Dans le secteur de l’énergie, la libre concurrence généralisée n’est pas la bonne stratégie !
Deuxièmement, nous avons besoin d’investissements de long terme pour la transition énergétique, en particulier en ce qui concerne le gaz. Voyez la faiblesse d’Engie en matière de crédits de recherche quant au gaz ! Il n’y a pas non plus de stratégie pour investir dans des technologies peu rentables à très court terme, mais qui pourraient le devenir à moyen et à long terme. Voilà pourquoi nous avons besoin de l’État !
Monsieur le ministre, vous avez parlé hier d’une alliance contre nature sur les travées de cette assemblée. C’est bien mal nous connaître, car nous gardons entre nous des différences, qui nourrissent la démocratie. En revanche, nous vivons une inversion de cycle : le tout libéral, le tout privé n’est plus convaincant !
M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Même si nous ne sommes pas d’accord sur tous les sujets, nous savons qu’il est temps que l’État reprenne la main dans certains domaines !
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, sur l’article.
M. Franck Montaugé. Cette partie du texte nous engage à nous interroger sur la question de la souveraineté nationale en matière d’énergie. Comme cela a été souligné, nous arrivons aujourd’hui à la dernière étape du démantèlement complet de feu Gaz de France. Monsieur le ministre, quelle stratégie se cache derrière les évolutions d’Engie ? Nous sommes quelques-uns à avoir l’impression que cette entreprise a fait des choix stratégiques fondamentaux pouvant conduire, par exemple, à ce que le groupe Total récupère la partie « gaz naturel » d’Engie pour pouvoir s’ouvrir à d’autres types d’énergies renouvelables. La partie « services » pourrait être récupérée par le groupe Suez, en liaison avec les collectivités locales, ce qui aurait des effets territoriaux importants, notamment au regard du principe de péréquation.
Quelle est la vision du Gouvernement sur le devenir d’Engie ? Chaque fois que nous avons eu l’occasion d’interroger la présidente de cette entreprise sur ce point, ses réponses n’ont pas été claires. Il existe un vrai enjeu de souveraineté nationale. Je souhaiterais que nous réfléchissions à la mise en place, ainsi que certains syndicats le proposent, d’un pôle public de l’énergie. Cela nous permettrait, en tant que parlementaires, d’avoir un regard cohérent dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie, de la stratégie nationale bas carbone, des territoires à énergie positive, en liaison bien sûr avec les autorités concédantes, les concessionnaires et l’ensemble des usagers.
Il importe de réfléchir pour avancer sur ce sujet, même si je regrette cette nouvelle étape que subiront Engie et ses salariés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Émorine, sur l’article.
M. Jean-Paul Émorine. Je m’inscrirai dans une autre philosophie. Il se trouve que j’étais président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire quand nous avons privatisé GDF-Suez. Je rappelle à Fabien Gay qu’il y avait déjà eu une fusion entre GDF et Suez.
M. Fabien Gay. Bien sûr !
M. Jean-Paul Émorine. Ensuite, l’entreprise a été privatisée sous Nicolas Sarkozy. À cette époque, nous avions eu des débats similaires au sujet d’Aéroports de Paris. L’État n’était plus présent qu’à hauteur de 36 % du capital, soit la fameuse golden share qui constitue un droit de veto.
Lorsque GDF-Suez est devenu Engie, l’entreprise n’a jamais demandé de participation de l’État. Au contraire, le capital de l’État a diminué, car la société réalisait des bénéfices. Oui, des dividendes ont été versés. Quant à la délocalisation dont vous parlez, madame Lienemann, elle ne concerne que des chantiers d’Engie à l’étranger ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et le service clients ?
M. Jean-Paul Émorine. Je connais très bien la situation d’Engie au Brésil ou en Argentine ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) Je vous ai écoutés, mes chers collègues, on peut avoir des points de vue différents, c’est l’intérêt de la démocratie !
La privatisation d’Engie est réussie. Je citerai l’exemple d’une autre entreprise qui, elle, n’a pas été privatisée, je veux parler d’Areva. À l’époque, Emmanuel Macron était ministre de l’économie. L’État était actionnaire à 90 % et Areva s’est trouvée en difficulté avec 3 ou 4 milliards d’euros de déficit. EDF a repris la dette et a créé Framatome pour continuer les activités d’Areva. Voilà deux exemples qui plaident en faveur de la privatisation lorsqu’il s’agit d’entreprises capables de s’exporter et de s’ouvrir à la concurrence.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, sur l’article.
M. Michel Canevet. Je n’ai pas l’impression qu’il s’agisse ici d’une privatisation dans la mesure où l’État détient 23,6 % d’Engie. Nous sommes plutôt face à une évolution logique puisque le marché est relativement ouvert, avec de nombreux opérateurs privés.
M. Michel Canevet. S’il importe que l’État régule, il est nécessaire aussi que les opérateurs soient à même de développer leur propre stratégie sans que le régulateur traficote pour que ça ne fonctionne pas ! L’évolution du marché a montré, au contraire, que tout se passait bien.
Je veux aussi appeler votre attention sur certains points, mes chers collègues. On parle de dividendes perçus par l’État au titre des sociétés dont il détient une partie du contrôle. Mais en 2012, l’État a perçu 4,6 milliards d’euros de dividendes. Depuis lors, ce chiffre n’a pas cessé de baisser. En 2018, il était de 2,45 milliards d’euros, c’est-à-dire pratiquement la moitié du montant de 2012. Or, pendant ces années, on sait qui assumait les responsabilités gouvernementales !
Il est bon de rappeler un certain nombre de réalités. Le monde bouge autour de nous, nous devons nous adapter. Les propositions qui sont faites nous permettront de le faire.
Puisque nous vivons dans un environnement européen, avec d’autres acteurs européens, il faut nous adapter et non pas nous arc-bouter sur nos acquis. Si tout allait bien en France, franchement, cela se saurait !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l’article.
M. Roger Karoutchi. Quand j’étais non pas plus petit, mais plus jeune (Sourires.), on nous apprenait au lycée qu’il existait des gisements de gaz à Lacq et à Saint-Marcet et que l’on produisait du gaz en France. Lointaine époque ! Depuis bien longtemps en effet, notre pays importe beaucoup de gaz et ne produit plus rien.
Cela étant, on l’a rappelé, l’État ne possède que 23 ou 24 % d’Engie. La situation n’est donc pas du tout la même que celle d’ADP, dont nous débattions hier et que nous avons pu considérer comme une entreprise stratégique dans laquelle l’État est, pour le moment, majoritaire.
Regardons les choses de façon claire. Aujourd’hui, nous parlons d’une entreprise qui doit ouvrir des chantiers, négocier et passer des accords commerciaux avec des pays qui, eux, produisent du gaz et ont des champs gaziers à explorer.
Il s’agit non pas d’une entreprise nationale produisant et préservant les sources d’énergie en France, mais, par définition, d’une entreprise tournée vers la compétition internationale qui doit faire face à des entreprises américaines, britanniques, indiennes, lesquelles sont extraordinairement lancées dans la compétition pour obtenir les marchés et les champs gaziers. Nous avons, quant à nous, encore bien des réserves liées à la gestion actuelle d’Engie.
Je ne suis pas du tout sur la même ligne qu’hier. S’agissant d’ADP, nous avons exprimé nos réserves quant à la délégation de service public ou la privatisation. En revanche, si nous voulons que cette grande entreprise qu’est d’Engie soit réellement ouverte à la compétition et capable de s’opposer aux entreprises américaines, britanniques ou indiennes, il faut qu’elle soit très libre.
Je ne suis donc pas d’accord avec les amendements qui visent à s’opposer à la privatisation d’Engie.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 232 rectifié est présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, M. Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 400 rectifié est présenté par M. M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Montaugé, Lalande et Tourenne, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, MM. Kanner et Antiste, Mmes Bonnefoy et Blondin, MM. Courteau, Duran et Fichet, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 232 rectifié.
Mme Cécile Cukierman. Il serait bon, avant d’entendre les critiques faites à l’encontre de nos amendements, que nous puissions d’abord les présenter !
L’amendement n° 232 rectifié vise à supprimer l’article 52, qui donne le coup de grâce à Engie, anciennement GDF puis GRDF, en tant qu’entreprise publique.
L’histoire récente de cette entreprise montre bien ce que valent les mécanismes de garantie et de sécurité mis en place pour encadrer les privatisations et assurer le rôle central de l’État.
Il n’avait fallu que deux ans au législateur pour passer d’une entreprise pleinement publique à une société anonyme, sans majorité étatique de contrôle, en passant par une période dite « tampon » pendant laquelle la propriété publique était garantie à 70 % au moins du capital social. Puis 2014 fut l’année de la seconde banderille, avec une distinction entre détention de capital et détention des droits de vote pour affaiblir encore la présence de l’État.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit à plusieurs reprises que vous ne comptiez pas refaire les erreurs commises lors des privatisations passées, notamment celles qui découlent de la mise en concession des autoroutes. Nous aurons, d’ici à quelques semaines, l’occasion de revenir sur ce sujet.
Vous comprendrez donc que nous soyons circonspects en la matière et que la levée du mécanisme de compensation permettant à l’État de continuer à disposer d’une minorité de blocage ne nous agrée pas.
Notre opposition à la privatisation tient en quatre points particuliers.
Premièrement, nous regrettons que le Gouvernement fasse une nouvelle fois le choix de renoncer à des rentrées d’argent. Monsieur le ministre, on ne peut pas en même temps déplorer le déséquilibre budgétaire de l’État et refuser la part des 350 millions d’euros de dividendes que lui verse Engie chaque année – cela en fait d’ailleurs l’une des trois entreprises qui distribuent en relatif le plus de dividendes.
Deuxièmement, cette privatisation conduit à s’interroger sur la pérennité de la qualité du service public, notamment en matière de prix. Je l’ai évoqué précédemment, la libéralisation ne se traduit pas automatiquement par une baisse des tarifs ; même dans ce cadre, elle ne signifie pas que la qualité de l’offre sera maintenue.
La question qui se pose, monsieur Karoutchi, est non pas simplement celle de la production gazière, mais bel et bien celle de la distribution de cette énergie au plus grand nombre de Françaises et de Français.
M. Roger Karoutchi. C’est un tout !
Mme Cécile Cukierman. Troisièmement, nous nous interrogeons sur la pertinence de se retirer d’une entreprise stratégique en matière de transition écologique. De fait, la lutte contre le réchauffement climatique et la rationalisation énergétique sont le combat de ce XXIe siècle, et Engie est un outil non négligeable en la matière.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Cécile Cukierman. Quatrièmement, je rappelle qu’Engie constitue aussi un enjeu stratégique en matière de défense nationale. Au vu des enjeux auxquels doit répondre notre pays, le secteur dans lequel elle intervient doit être protégé et préservé.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 400 rectifié.
M. Roland Courteau. Le groupe socialiste et républicain tient à réaffirmer son opposition à la suppression du seuil de détention par l’État de plus du tiers du capital d’Engie, ainsi qu’à l’ouverture du capital de GRTgaz. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de l’article 52.
Nous considérons qu’une participation importante de l’État au capital d’une entreprise aussi stratégique constitue une garantie en matière d’approvisionnement énergétique de la France.
En dépit de l’introduction par le rapporteur d’une action spécifique, nous continuons à nous inquiéter du devenir de certains actifs stratégiques après la privatisation des réseaux de transport de gaz naturel, notamment, mais aussi des actifs de stockages souterrains de gaz naturel et des installations de gaz naturel liquéfié, le GNL, les droits attachés à cette action spécifique relevant du pouvoir réglementaire.
Nous estimons par ailleurs que dans le contexte actuel de financiarisation de l’économie, l’État doit rester fortement présent au capital d’Engie, afin d’éviter la captation d’une grande part de la valeur créée au détriment de toutes les parties prenantes et un repli sur des choix de court terme, en particulier en matière d’investissement – optimisation fiscale, rachat d’actions… –, typiques du capitalisme actionnarial actuel contrevenant à l’intérêt général.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je rappelle aux auteurs de ces amendements qui s’inquiètent du devenir des infrastructures appartenant à Engie et à GRTgaz, et qui souhaitent que l’État garde la maîtrise et le contrôle des entreprises de l’énergie – j’ai même entendu parler d’un pôle public de l’énergie ! – qu’ils auraient pu mener cette politique pendant le précédent quinquennat. Il me semble même, mes chers collègues, que vous avez eu à un moment les pleins pouvoirs…
Je l’ai déjà dit, le contrôle de la puissance publique continuera à s’exercer par le biais de deux instruments qui sont loin d’être négligeables : d’une part, le secteur restera régulé sous l’égide de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE ; d’autre part, l’État disposera toujours, et cela a été rappelé, d’une action spécifique lui permettant de s’opposer à la vente d’actifs jugés stratégiques.
Vous l’avez précisé, monsieur Courteau, nous nous sommes assurés que l’État garderait une action spécifique.
Je pense donc, mes chers collègues, que vous pouvez objectivement être rassurés. J’ajouterai deux remarques.
Tout d’abord, j’ai entendu dire que le bonheur pourrait être dans une économie publique administrée.
Mme Cécile Cukierman. N’importe quoi, nous n’avons pas dit ça !
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je pense qu’il faut vivre au XXIe siècle.
Enfin, j’ai compris que beaucoup regrettaient l’absence de Nicolas Sarkozy…
M. Roger Karoutchi. Nous aussi !
M. Jean-François Husson, rapporteur. … pour qu’il puisse tenir les engagements pris à l’époque. Je vous invite donc à changer d’avis, mes chers collègues, et éventuellement à le rappeler ! (Exclamations amusées.)
Mme Cécile Cukierman. Il va peut-être prochainement se passer des choses…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne rentrerai pas dans le débat politique ouvert par le rapporteur… Ce sont des terrains mouvants ! Je préfère rester sur du solide.
Le solide, c’est ce que nous vous proposons en matière de cession d’actifs depuis hier. En effet, la logique et la cohérence sont les mêmes pour toutes ces opérations : il s’agit de préparer l’avenir des Français, en permettant à ADP de se développer (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), à la Française des jeux de se développer avec un encadrement public que je vous ai présenté hier, et à Engie de se développer dans le secteur des énergies renouvelables, comme l’a été très bien dit Roger Karoutchi. Toutes ces opérations n’obéissent, une fois encore, qu’à une seule ambition : permettre à notre pays de se développer économiquement de manière plus rapide, en investissant dans l’innovation et, en l’espèce, dans les énergies renouvelables.
La situation d’Engie a été rappelée par chacun d’entre vous : l’État, qui a un peu moins de 24 % du capital et 34 % des droits de vote, est limité dans ses évolutions par la loi puisqu’il ne peut pas descendre en deçà des 33 % de droits de vote.
Si Engie veut se développer, elle doit faire appel à de nouveaux capitaux. Et si des investisseurs entrent à son capital, mécaniquement, la part de l’État se dilue dans le capital de cette entreprise.
Je n’ai donc pas d’autre choix, comme ministre des finances, que de réinvestir systématiquement dans Engie des sommes correspondant à 1 milliard, 2 milliards ou 3 milliards d’euros, afin de préserver le niveau de l’État dans le capital d’Engie qui est fixé la loi.
En bref, j’ai le choix entre bloquer le développement d’Engie, parce que nous ne pouvons pas suivre l’augmentation du capital, ou, à l’inverse, consacrer des sommes très importantes, qui ne sont pas justifiées, au capital d’Engie.
C’est pourquoi nous vous demandons de prévoir la possibilité de baisser la participation de l’État dans Engie au-delà du seuil législatif qui a été fixé. J’y insiste, cela permettra à Engie de se développer dans les énergies renouvelables, en particulier dans deux secteurs très importants : le biogaz, domaine dans lequel Engie a une véritable compétence ; l’énergie éolienne offshore, sur laquelle cette entreprise commence à se déployer.
J’ai entendu les interrogations qui portaient sur la protection des infrastructures stratégiques. Nous avons été confrontés à la même problématique dans tous les textes que nous avons examinés, qu’ils concernent ADP, la Française des jeux ou Engie. Nous avons entouré ces opérations, et nous continuons à le faire, de toutes les garanties permettant de préserver les actifs stratégiques de l’État.
Je ne répéterai pas ce que j’ai dit sur le CRE, le contrat de régulation économique, et la négociation des tarifs aéroportuaires pour ADP, ou sur son cahier des charges. Ces garanties sont solides et permettront de protéger ses intérêts vitaux.
Je ne reviens pas non plus sur ce qui a été dit de la régulation des jeux de hasard. Je confirme simplement que l’État ne peut pas être juge et partie, c’est-à-dire vouloir à la fois développer les jeux de hasard et les réguler pour éviter l’addiction. Je pense que le rôle de l’État est bien davantage d’empêcher l’addiction au jeu et de réguler les jeux de hasard que d’investir dans ces jeux et d’inciter le plus possible nos compatriotes à les acheter.
Pour Engie, Mme Lienemann l’a indiqué, l’action spécifique constitue une véritable protection accordée à l’État dans le capital d’Engie.
Cette action spécifique nous permet de nous opposer à toute cession par Engie ou par ses filiales de droit français d’un actif stratégique. Afin d’être tout à fait précis, je souhaite indiquer quels sont ces actifs : les canalisations de transport de gaz naturel qui sont sur le territoire national ; tous les actifs liés à la distribution de gaz naturel, au stockage souterrain de gaz naturel et aux installations de gaz naturel liquéfié. Toutes ces installations sont protégées par l’action spécifique et ne peuvent donc être cédées ni par Engie ni par ses filiales.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ai bien pris acte de l’existence de la golden share, l’action stratégique d’Engie. Mais, comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre, le champ d’intervention de ce genre d’action est extrêmement limité. Fort heureusement, et c’est important, nos lieux de stockage et nos grands axes de diffusion du gaz ne peuvent être achetés par n’importe qui ou vendus à n’importe qui.
Les choix stratégiques en matière de gaz sont particuliers, monsieur le ministre, car le pays auquel vous achetez, ce n’est pas un élément neutre !
Dans la plupart de ces pays – la Russie, l’Algérie, les pays du Golfe, etc. –, le gaz est propriété de l’État, et la vente de gaz est un élément stratégique qui ne relève pas simplement du libre marché. Il ne vous a pas échappé qu’à certains moments, ces pays peuvent décider d’arrêter l’approvisionnement de tel ou tel autre au motif de désaccords politiques et stratégiques. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’État a-t-il aujourd’hui le pouvoir de veiller à ce que les achats de gaz par Engie soient assez diversifiés pour que la France ne soit pas trop vulnérable face à la réaction politique d’un autre pays ? Dans le monde instable où nous vivons, cette question se posera un jour ou l’autre. Nous regretterons à ce moment-là, non pas simplement la golden share, mais aussi notre capacité de vérifier, grâce aux 30 % d’actions de l’État, ce qu’il en est de notre indépendance énergétique.
Avec M. Karoutchi, nous ne sommes pas d’accord.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je peux comprendre son raisonnement, sauf sur le point des réseaux. L’organisation de ces infrastructures est en effet purement française et ne concerne pas la concurrence internationale. En l’occurrence, on fait coup double : on privatise à la fois Engie et les réseaux de gaz. Nous devrions nous fédérer pour nous opposer à cela !
M. le président. Il faut conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur Canevet, la diminution de la rémunération des dividendes est liée non pas à la baisse de chaque action, car les dividendes ont fortement crû dans 90 % des entreprises, mais à la réduction de la voilure. À force de privatiser, la masse d’actions qui sont rémunérées ne cesse de baisser, et les études sont claires en la matière !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je partage l’opinion selon laquelle la politique en matière d’énergie – gaz, électricité, entre autres – est stratégique, puisque ce secteur permet de faire fonctionner le pays. L’État doit garder une possibilité de contrôle importante, dont les différents mécanismes ont été évoqués par M. le rapporteur et par M. le ministre.
Je pense toutefois qu’il y a une différence notable entre le gaz et l’électricité : le gaz provient uniquement de l’étranger, c’est-à-dire de l’Iran et de la Russie. Les prix du gaz nous sont donc imposés, en bien ou en mal, et nous n’avons pas de moyens d’agir sur eux. Je regrette vraiment qu’en la matière, nous n’ayons pas su développer une politique européenne ; mais ne revenons pas là-dessus.
Par ailleurs, dans le secteur du gaz, les investissements sont énormes. Un champ gazier au Kamtchatka représente 15 à 20 milliards d’euros d’investissements. Les entreprises pouvant supporter ces investissements doivent donc être de très grande capacité. C’est également le cas dans le secteur des énergies nouvelles.
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas en faveur de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Une information en date du 5 janvier dernier est peut-être passée inaperçue : l’État allemand envisage de prendre des participations dans des secteurs jugés stratégiques pour les protéger d’éventuelles tentatives de rachat par des sociétés étrangères. Est ainsi concernée l’entreprise Siemens.
Il existe en effet un syndrome Kuka, cette usine ultra-performante et robotisée spécialisée dans l’intelligence artificielle qui a été rachetée, par surprise, par des capitaux chinois. Peter Altmaier, ministre fédéral de l’économie et de l’énergie, a dit qu’il s’agissait d’une cause d’intérêt général : l’État doit être présent dans les entreprises, justement pour jouer son rôle d’État stratège. Il faut, a-t-il ajouté, protéger les fleurons nationaux allemands.
Je vous signale que nous faisons tout le contraire, notamment avec ADP. Nous nous retirons, quand les Allemands investissent !
Avec le projet Made in China 2025, ce sont des milliards de dollars et d’euros qui vont déferler sur nos sociétés sous forme d’OPA, en vue de rachat. La Chine dit ouvertement qu’elle veut acquérir des technologies étrangères ! Face une telle situation, je crois vraiment que nous avons besoin d’un État stratège.
Ce qui a été fait pour sauver le groupe PSA, il faut le faire pour d’autres entreprises.
Plus précisément, nous vivons la fin du néolibéralisme. L’école de Chicago, dont les théories étaient mises à toutes les sauces, doit désormais laisser la place à un néokeynésianisme permettant à l’État de prendre toute sa place. Je parle non pas d’une noblesse d’État qui prendrait des participations dans les entreprises, mais au contraire de personnes qui défendraient l’intérêt général.
M. le président. Il faut conclure !
M. Martial Bourquin. J’ai le sentiment qu’en matière de politique industrielle nous avons besoin d’une stratégie industrielle française qui permette à l’État, avec nos champions, mais aussi nos PME et TPE, de développer et de sauvegarder nos entreprises, surtout celles qui sont stratégiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je préfère répondre dès à présent, pour que le débat soit vivant, d’autant que le sujet soulevé par M. Bourquin est important. Il a évoqué la stratégie exposée hier par mon homologue allemand, Peter Altmaier, et que je partage totalement.
Cette stratégie industrielle, que nous mettons en place depuis dix-huit mois et que nous allons développer à l’échelon franco-allemand, il faut aussi l’appliquer au niveau européen.
La mauvaise décision qui vient d’être prise par la Commission européenne de rejeter la fusion entre Alstom et Siemens, laquelle aurait renforcé les intérêts industriels européens, doit nous amener à prendre nous-mêmes deux décisions : une modification du droit de la concurrence européenne – Peter Altmaier et moi-même ferons des propositions à cet égard ; l’adoption d’une vraie stratégie industrielle européenne qui protège nos PME, nous permette d’investir davantage et de défendre une véritable préférence industrielle européenne sur le territoire européen.
S’agissant de l’État stratège, je n’ai aucune difficulté à reconnaître que l’État doit intervenir par moments et investir dans une entreprise qu’il estime stratégique. Prenez l’exemple d’Ascoval. Si cette entreprise, qui est une très belle aciérie – j’y ai vu un outil de production en très bon état et des ouvriers totalement mobilisés –, a pu continuer son activité, c’est parce que l’État a investi massivement dans la reprise, aux côtés du repreneur Altifort, lequel n’était pas capable de reprendre seul cette entreprise. Il fallait le soutien de l’argent public.
Cela ne me pose donc aucune difficulté, je le répète, d’investir de l’argent public dans un actif industriel stratégique.
Lorsqu’il a fallu nationaliser les Chantiers de l’Atlantique, je l’ai fait, temporairement. Et Dieu sait que cela m’a été reproché ! D’aucuns se sont dit que Bruno Le Maire devenait communiste, comme Fabien Gay… (Rires.) Absolument pas ! J’ai simplement estimé que cette nationalisation temporaire était d’intérêt général, afin d’assurer la transition vers une autre phase industrielle.
Je conçois parfaitement que l’État soit présent aux côtés d’actifs stratégiques.
Deuxième point très important, l’État doit également être capable de protéger, car c’est l’une de ses fonctions essentielles.
Protéger, c’est être capable de dire non à un investissement portant sur des actifs trop sensibles. Vous avez eu parfaitement raison, monsieur Bourquin, de rappeler l’affaire Kuka, qui a traumatisé l’Allemagne. Cette décision a fait couler beaucoup d’encre chez nos amis allemands : un fleuron de l’industrie allemande, qui produisait tous ces robots que l’on voit partout dans les usines de France et d’ailleurs, était racheté par un investisseur chinois ! Même le patronat allemand, lequel vient lui-même d’annoncer sa propre stratégie, reconnaît qu’il faut évoluer et prévoir une protection plus forte contre des investissements menaçant des technologies ayant nécessité des investissements publics, de l’argent du contribuable, des recherches et du travail de la part de nos chercheurs.
Nous avons donc décidé de renforcer le décret relatif aux investissements étrangers en France.
Toujours pour ce qui concerne la protection, un deuxième défi va faire l’objet d’un débat dans quelques heures au Sénat. Il s’agit du déploiement de la 5G. Je fais appel à votre vigilance sur ce sujet, car il est absolument stratégique pour le développement industriel de notre pays.
La 5G permettra la transmission des données qui assureront la qualité des véhicules autonomes de demain. Cette décision, je le répète, est absolument stratégique !
La différence entre la 4G et la 5G est double.
Premièrement, dans la 4G, les données sensibles sont stockées dans les cœurs de réseau uniquement, mais pas dans les antennes-relais. Avec la 5G, elles seront à la fois dans les cœurs de réseau et dans les antennes-relais. Cela veut dire que toutes les antennes-relais que vous avez dans vos territoires, vos circonscriptions et vos départements sont susceptibles de faire l’objet d’espionnage de la part de puissances étrangères et de devenir des outils vulnérables.
Deuxièmement, la 5G sert pour des activités absolument critiques. Je reprends l’exemple du véhicule autonome. Imaginez qu’il y ait un jour un black-out complet sur la 5G qui sert à piloter les véhicules autonomes ; cela représenterait un grand risque en termes de sécurité stratégique pour notre pays !
Le Président de la République, le Premier ministre et moi-même avons par conséquent pris la décision de renforcer les protections sur les opérateurs de la 5G, tout simplement pour garantir ce à quoi nous sommes tous attachés ici : notre souveraineté.
Notre souveraineté technologique est aujourd’hui le bien le plus précieux que nous puissions avoir.
Il s’agit du deuxième volet de cet État stratège, qui doit investir, protéger et, si cela est nécessaire, prendre des participations dans les actifs stratégiques.
Les outils mis en place pour investir sont le fonds pour l’innovation de rupture – les 10 milliards d’euros dont je vous ai parlé –, le crédit d’impôt recherche, le CIR, et le suramortissement pour financer la digitalisation et la robotisation de nos entreprises.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Ce débat est intéressant, mais certains arguments sont anachroniques. Qui peut croire aujourd’hui que les entreprises publiques sont les seules garantes d’un service public de qualité ? Il me semble que cet argument est un dogme. Si toutes les questions stratégiques nationales devaient être l’apanage des entreprises publiques, alors nous reviendrions à mai 1981 !
En effet, les domaines stratégiques sont nombreux : on pourrait considérer que l’armement est stratégique, que les banques le sont, et ainsi de suite… (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Nous avons tous été, nous sommes peut-être encore parfois et nous serons demain – si la loi scélérate sur le cumul des mandats est abrogée ! – des élus locaux. En tant que tels, nous savons bien que certains services en régie publique fonctionnent bien et d’autres mal, que des délégations de service public fonctionnent bien et d’autres mal…
Ce n’est pas une question de dogme : il faut regarder les choses au cas par cas. S’il s’agit de réguler, d’avoir une vision publique de stratège, de défendre l’intérêt public et le bien commun, il me semble plus pertinent, dans un monde où ce sont les empires continents qui pèsent, d’avoir une vision à l’échelon européen plutôt que national. (M. Pierre Louault applaudit.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Sauf erreur de ma part, monsieur le rapporteur, je crois que personne dans cet hémicycle n’a dit que le bonheur résidait dans un État administré uniquement au niveau national. Sinon, nous serions tombés dans la caricature… Vous ne m’avez jamais entendu dire, ici comme ailleurs, que le capitalisme portait en lui toute la misère du monde, tous les drames humains que la planète connaît actuellement et tout ce qui en découle… (Marques d’amusement sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Emmanuel Capus s’exclame.) Je propose donc que, dans ce débat très politique, nous en restions aux propos tenus par les uns et les autres et que nous nous respections mutuellement.
Notre groupe a déposé un amendement de suppression. Nous avons combattu hier, et nous continuons à le faire aujourd’hui, la privatisation, mais nous voulons aller plus loin. Nous ne voulons pas que les choses restent en l’état si c’est pour maintenir la caricature d’un certain nombre d’entreprises nationalisées qui font finalement, au nom de l’État, de la bonne gestion libérale et capitaliste d’un bien public. J’insiste, il faudrait aller plus loin et repenser ce que devraient être le statut d’une entreprise publique et le contrôle exercé par les salariés et, plus largement, par les citoyens.
Vous avez raison, mais il n’est pas acceptable qu’avant même le vote de cet article, Engie ait délocalisé ses centres d’appel.
M. Martial Bourquin. Très juste !
Mme Cécile Cukierman. La question de la puissance étrangère à laquelle on achète du gaz pose de tels enjeux géostratégiques qu’il faudrait aller au-delà de la seule question du prix du gaz que l’on achète à tel pays, selon tel rapport et sur tel marché.
Il s’agit donc non pas d’une simple question d’administration, mais bien d’un enjeu stratégique. Qui contrôle ? C’est bien l’État, ou plutôt la Nation faisant République – et non l’administration ! –, qui doit demain exercer le contrôle de cet enjeu stratégique qu’est l’énergie. Car le droit à l’énergie, c’est le droit pour tout le monde de se chauffer, le droit de produire, le droit à l’électricité, le droit de s’éclairer : c’était tout l’enjeu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Bien évidemment, au début de ce XXIe siècle…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Cécile Cukierman. Je termine, monsieur le président… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Vous avez terminé, ma chère collègue.
Mme Cécile Cukierman. C’est insupportable !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je voudrais d’abord rassurer notre rapporteur à propos de l’ancien président de la République : comme il n’est pas à l’île d’Elbe, il est inutile de demander le retour de l’Aigle – il fera ce qu’il souhaitera ! (Sourires.)
Ensuite, j’ai entendu beaucoup de choses : on nous explique qu’il faut qu’Engie reste une entreprise publique, parce que la gestion du gaz en Russie, en Iran et en Algérie est une affaire d’État. Justement, au vu de la politique que suivent ces États, je ne suis pas persuadé qu’ils ne préfèrent pas négocier avec des entreprises complètement privées qu’avec d’autres États. Les relations commerciales sont en effet toujours plus compliquées d’État à État. L’argument n’est donc pas convaincant.
Enfin, monsieur le ministre, je suis entièrement d’accord : gaulliste, mais pas encore rallié au parti communiste…
Mme Françoise Gatel. Il y a de la marge !
M. Roger Karoutchi. … – je sais bien que vous vouliez absolument gérer le PEL de M. Gay –, je suis pour un État stratège, mais pas pour un État propriétaire.
Si nous avons été nombreux hier à refuser la privatisation d’ADP, c’est pour une raison de conception stratégique, et non parce que « c’est à nous ».
En revanche, je considère que pour Engie, dont l’État ne détient plus que 23 % du capital et dans lequel il peut rester stratège en ayant des exigences pour veiller à l’approvisionnement et à la sécurité globale des Français, il n’y a pas de débat. On nous a dit qu’au lendemain de la guerre, il fallait se chauffer, s’éclairer, se nourrir, mais alors il n’y a qu’à nationaliser toute l’agriculture ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Ne les tentez pas !
M. Roger Karoutchi. À un moment, cela ne veut plus rien dire !
Quand on parle d’entreprises stratégiques, il faut définir ce qui en fait le cœur, le noyau dur, pour lequel cela vaut le coup de se battre afin que l’État soit présent et qu’il reste déterminant. Mais il ne faut pas élargir la notion de « stratégique » à tout, sinon cela n’a plus de sens et l’État stratège est affaibli. Personnellement, je suis pour un État fort, capable de réguler et de protéger : c’est la raison pour laquelle je suis favorable à la privatisation d’Engie. (M. Bruno Sido applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Je reviens sur le propos que j’ai tenu il y a quelques instants : je n’ai pas eu de la part du ministre – ou alors je n’ai pas bien compris, qu’il veuille m’en excuser si c’est le cas – de réponse à ma question concernant la stratégie de l’État en matière de production et de gestion du gaz naturel sur le territoire national.
Je le redis, on constate un désengagement extrêmement fort d’Engie sur son cœur de métier qui préfigure très certainement des choix profonds de redéploiement sur d’autres secteurs du domaine énergétique, en particulier les énergies renouvelables, et qui sont importants.
Je ne peux pas penser que l’État n’a pas de stratégie en tête dans un domaine de souveraineté comme celui-là ; aussi, je me demande s’il envisage que le cœur du métier assumé aujourd’hui par Engie soit repris par un groupe comme Total. Voilà la question à laquelle je souhaiterais que le ministre apporte une réponse.
Par ailleurs, on constate – mais cela est passé assez inaperçu au cours des dernières années et le processus est encore en cours – une suppression et une externalisation, en Europe et à l’étranger, des centres de relation clients d’Engie. Les suppressions d’emplois se comptent par milliers : plus d’un millier de postes ont déjà été supprimés, et un processus concernant 2 000 à 3 000 personnes supplémentaires est aujourd’hui engagé. Les conséquences sur nos territoires sont considérables.
D’autres pays que le nôtre – j’ai en tête l’Italie, avant que le gouvernement actuel ne soit en place – ont fait des choix différents à l’égard de leurs entreprises afin de garder ce type d’activité sur leur territoire national, et donc de préserver les emplois tout en limitant l’impact sur les territoires.
La France ne l’a pas fait, pas plus que l’État actionnaire. Dans quel domaine cet État actionnaire, s’il dit vouloir garder un pouvoir de décision, pèsera-t-il sur le devenir d’Engie ? Monsieur le ministre, je me pose la question et je vous la soumets.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Mes chers collègues, je vois que beaucoup d’entre vous sont prêts à rejoindre le parti communiste ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Cela vous aidera par les temps qui courent !
M. Fabien Gay. Monsieur Karoutchi, vous n’en êtes pas loin ! Pour vous, monsieur le ministre, cela sera un peu plus compliqué… (Sourires.) Il vous reste quelques étapes à franchir. Si vous commencez par respecter le vote exprimé hier par le Sénat, ce sera un premier pas !
Plus sérieusement, sur Engie, je constate que nous sommes minoritaires. M. Émorine a bien rappelé son point de vue : ce n’est pas un problème, ce sont deux visions de la société qui s’affrontent et chacune est respectable.
Je le redis, l’argument que l’on nous a déjà servi à l’époque de GDF et que l’on ressort pour la SNCF n’a pas été réfuté : les titres n’ont pas été cédés, puisqu’ils étaient incessibles, mais on a accolé GDF à Suez. C’est de cette façon qu’en réalité on a fait rentrer le privé, et que l’entreprise est ensuite devenue Engie. Il arrivera la même chose à la SNCF, j’en suis certain.
S’agissant d’Engie, nous posons une véritable question politique, voire philosophique. C’est le point que j’ai indiqué précédemment, monsieur le ministre : considérons-nous que le privé peut répondre à l’intérêt général ?
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Emmanuel Capus. Oui ! C’est un débat !
M. Fabien Gay. C’est un débat, mais on dit souvent que le premier objectif du privé est la rentabilité, le profit, ce qui est tout à fait normal. J’ai donc un peu de mal à savoir si le privé pourra répondre aux deux problèmes que j’ai soulevés, à savoir la précarité énergétique qui touche 12 millions de personnes et, surtout, les défis d’avenir.
La transition écologique que nous appelons de nos vœux exigera de la maîtrise et un État stratège, sur les questions d’avenir industriel, de transport et d’énergie. Quand on brade un certain nombre de nos entreprises publiques – on finit de céder nos parts dans Engie –, nous pouvons nous interroger sur le rôle de l’État stratège. Pourrions-nous au moins avoir ce débat ?
Évidemment, nous serons moins nombreux qu’hier, et je le regrette, à voter la privatisation… (Exclamations amusées.)
M. Roger Karoutchi. C’est bon, venez vers nous !
M. Fabien Gay. … contre la privatisation, pardon !
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, il est plus probable que vous deveniez communiste que moi libéral ! (Rires.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je voudrais dire à M. Bourquin que je souscris, de manière très sincère, à la totalité de sa philosophie. Toutefois, néanmoins et cependant – si je puis dire ! –,…
M. Roger Karoutchi. Et en même temps !
Mme Françoise Gatel. … quand on nous compare à l’Allemagne, il me semble que nous ne sommes pas du tout dans la même situation budgétaire, et que nous n’avons donc pas la même capacité.
Votre excellente idée, il eût fallu l’avoir collectivement il y a fort longtemps ! Cela dit, je pense qu’il n’est pas trop tard, et que pour que l’État garde cette fonction stratégique que l’on a évoquée – une idée que je partage – et qu’il soit un « impulseur » en matière d’industrie, il y a deux choses à faire : la première, c’est la réduction du déficit pour se redonner des moyens ; la seconde, c’est de penser essentiellement à l’échelle européenne. Car nous sommes des nains, avec tout le respect que j’ai pour nous-mêmes, par rapport aux colosses que sont les Chinois ! C’est non pas en définissant une par une les fonctions stratégiques que nous en sortirons, mais en ayant un véritable projet d’ambition stratégique, économique et industrielle pour l’Europe. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 232 rectifié et 400 rectifié.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe socialiste et républicain et, l’autre, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 50 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 92 |
Contre | 250 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 52.
(L’article 52 est adopté.)
Article 52 bis A
I. – Dans le cadre des missions confiées à la Commission de régulation de l’énergie par les articles L. 134-1 et L. 134-2 du code de l’énergie et, s’agissant de l’électricité, de la répartition des compétences prévue à l’article L. 342-5 du même code, l’autorité administrative ou la Commission de régulation de l’énergie peuvent, chacune dans leur domaine de compétence, par décision motivée, accorder des dérogations aux conditions d’accès et à l’utilisation des réseaux et installations pour déployer à titre expérimental des technologies ou des services innovants en faveur de la transition énergétique et des réseaux et infrastructures intelligents.
Ces dérogations sont accordées pour une durée maximale de quatre ans à compter de la publication de la présente loi et renouvelable une fois au plus pour la même durée et dans les mêmes conditions que la dérogation initialement accordée.
Le déploiement expérimental doit contribuer à l’atteinte des objectifs de la politique énergétique définis à l’article L. 100-1 dudit code.
Ces dérogations ne peuvent déroger aux principes mentionnés aux articles L. 341-1 et L. 451-1 du même code.
II. – Sous réserve des dispositions du droit de l’Union européenne et des dispositions d’ordre public du droit national, les dérogations accordées en application du I du présent article portent sur les conditions d’accès et d’utilisation des réseaux et installations résultant des titres II et IV du livre III et des titres II, III et V du livre IV du code de l’énergie. Lorsque des dérogations portent sur les articles L. 321-6, L. 322-8, L. 431-3 et L. 432-8 du même code, le gestionnaire du réseau de transport ou de distribution concerné est associé à l’expérimentation ainsi qu’au suivi de son avancement et à l’évaluation mentionnés au V du présent article.
III. – (Non modifié) Les dérogations sont assorties d’obligations relatives à l’information des utilisateurs finals concernant le caractère expérimental de l’activité ou du service concerné ainsi qu’aux modalités de mise en conformité, à l’issue de l’expérimentation, avec les obligations auxquelles il a été dérogé. Elles sont assorties des conditions techniques et opérationnelles nécessaires au développement et à la sécurité des réseaux.
IV. – (Non modifié) La Commission de régulation de l’énergie informe sans délai le ministre chargé de l’énergie et, le cas échéant, le ministre chargé de la consommation de la réception d’une demande de dérogation.
Dans un délai de deux mois à compter de la notification de la demande de dérogation, le ministre chargé de l’énergie et, le cas échéant, le ministre chargé de la consommation peuvent s’opposer à l’octroi de tout ou partie de ces dérogations. La Commission de régulation de l’énergie ne peut accorder ces dérogations qu’à l’expiration de ce délai.
V. – La Commission de régulation de l’énergie publie chaque année un rapport sur l’avancement des expérimentations pour lesquelles une dérogation a été accordée en application du I du présent article et en publie une évaluation lorsqu’elles sont achevées.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Je n’avais pas prévu d’intervenir sur l’article, mais j’y suis obligé puisqu’un certain nombre de nos amendements ont été déclarés irrecevables.
Monsieur le ministre, nous avions un amendement sur lequel je suis certain que vous auriez émis un avis favorable puisqu’il portait sur la transparence des votes des administrateurs dans les entreprises publiques.
Je me contenterai de citer un extrait de la page 18 du rapport d’ATTAC sur Les grandes entreprises françaises, qui correspond exactement à l’amendement que nous souhaitions vous proposer. Le paragraphe est intitulé : « L’État, fraudeur fiscal ? »
« La présence de l’État français dans le capital des entreprises n’a malheureusement pas d’effet sur leur comportement. Non seulement les entreprises dont l’État est actionnaire donnent la priorité au versement de dividendes, mais elles sont également parmi les plus actives en matière d’évitement fiscal. Ainsi Engie, dont l’État est actionnaire à hauteur de 24 %, possède 2 300 filiales, dont 327 sont basées dans des paradis fiscaux : 133 aux Pays-Bas, 74 en Belgique et 28 au Luxembourg, où 27 milliards d’actifs ont été transférés et où Engie a même installé sa maison mère. Outre Engie, la Belgique attire entre autres EDF et Orange grâce à ces intérêts notionnels, qui permettent de déduire des intérêts calculés comme si les entreprises s’étaient endettées pour obtenir leur trésorerie. »
Pour préparer la discussion de la loi PACTE, nous avons reçu de nombreuses personnes, dont des représentants de l’intersyndicale d’Engie qui m’ont demandé de vous poser une question, monsieur le ministre : trouvez-vous normal que les deux administrateurs de l’État qui siègent au conseil d’administration votent chaque année les schémas d’optimisation fiscale ? J’avais promis de vous poser la question, qui normalement aurait dû faire l’objet d’un amendement, mais qui s’est finalement transformée en prise de parole sur l’article.
M. le président. L’amendement n° 233 rectifié, présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, M. Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Nous touchons avec cet article à un autre sujet qui aurait mérité selon nous un débat plus important que celui qui nous est proposé. Les réseaux électriques intelligents doivent constituer un levier essentiel de la transition écologique, et il nous semble que nous allons un peu vite en besogne sur le sujet.
Nous regrettons que ce déploiement du nouveau réseau intelligent prototype se fasse sans concertation, à aucun moment, avec les usagers. Concrètement, le texte vise à faciliter les démarches pour les fournisseurs sans jamais demander leur avis aux usagers, aux « clients » comme on dit aujourd’hui.
Il ne me semble pas très sage de faire comme si les craintes sur ce type de réseau n’existaient pas. En ce domaine, comme en d’autres, c’est bien le principe de précaution qui devrait prévaloir. L’exemple le plus connu – chacun le sait, car nous sommes régulièrement interpellés dans nos quartiers et nos localités – est celui du compteur Linky, qui donne lieu à de nombreux débats et polémiques.
Malgré les propos rassurants d’ERDF, on ne peut pas ne pas citer les travaux du Centre international de recherche sur le cancer, qui a classé les ondes de radiofréquences dans les cancérigènes possibles. Par ailleurs, les câbles accueillant la technologie CPL – courants porteurs en ligne – des compteurs ne sont pas adaptés aux 75 kilohertz.
Bien évidemment, on ne peut attribuer tous les maux du monde au compteur Linky, puisque l’exposition domestique aux ondes vient tout autant des systèmes wifi, des téléphones portables et des télécommandes. Pour autant, l’effet cumulatif devrait, selon nous, être pris en compte.
De fait, à défaut de pouvoir rassurer pleinement, le plus sage serait encore de faire preuve de patience, de travail et surtout de concertation en associant les utilisateurs aux expérimentations, de manière à n’avoir affaire qu’à des cobayes volontaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Les expérimentations autorisées doivent permettre de tester des solutions innovantes en faveur de la transition énergétique et des réseaux intelligents.
Je rappelle que les dérogations qui seront mises en place obéissent à un cadre strict et qu’elles seront notamment suivies de près par la Commission de régulation de l’énergie, laquelle devra à la fois les superviser et en assurer l’évaluation.
Je précise enfin que la commission spéciale a renforcé ce cadre de deux manières : en prévoyant que les gestionnaires de réseaux soient associés à ce dispositif et en demandant que les rapports de suivi et d’évaluation de la Commission de régulation de l’énergie soient rendus publics.
Nous essayons de prévoir des garanties pour ce dispositif. Vous le savez, mon cher collègue, puisque l’amendement a été examiné par la commission spéciale, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis que le rapporteur.
Je voudrais juste préciser à M. Gay qu’il va de soi que les administrateurs de l’État dans les conseils d’administration veillent au respect des règles fiscales par les entreprises. Je ne peux pas laisser dire que des administrateurs de l’État participent à une stratégie d’optimisation fiscale. Ce n’est pas la vérité.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le ministre je voudrais réagir à vos propos : vous savez bien qu’il y a un espace non négligeable, notamment en termes de recettes publiques, entre le respect scrupuleux des règles et l’accommodement fiscal – que l’on pourrait qualifier de borderline – organisé par certaines entreprises.
Or, dans le cas d’Engie, à l’évidence, on assiste à la mise en œuvre de ce qu’on appelle l’optimisation fiscale, dont nos débats montrent que nous essayons de mieux cerner le problème pour le limiter.
Alors, il y a, d’un côté, ce qui est écrit dans la loi et, de l’autre, l’esprit de la loi et l’intérêt général. Il n’est pas dans l’intérêt général que les grandes entreprises qui ont leur activité en France jouent au maximum l’optimisation fiscale contre le fisc.
On pourrait à tout le moins espérer que les représentants de l’État attirent l’attention de ces grandes entreprises, dont vous nous dites qu’elles vont garder un certain sens de l’intérêt national. Permettez-moi d’en douter quand je vois leur manière de concevoir leur contribution à l’impôt !
M. le président. L’amendement n° 575, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 341-4 du code de l’énergie, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il ne peut être procédé à une installation de compteurs dits « intelligents », tels les compteurs nommés “Linky”, “Gazpar” et équivalents, sans le consentement exprès et écrit des personnes dont le compteur permet de collecter et de transmettre des informations relatives à sa consommation. Toute installation réalisée sans ce consentement est constitutive d’un délit d’atteinte à la vie privée tel que prévu à l’article 226-4 du code pénal. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est toujours question des compteurs Linky. Mes collègues ont évoqué les inquiétudes d’un certain nombre de nos concitoyens au regard des risques pour la santé et les garanties à prendre. Ici, il s’agit plutôt d’être vigilant sur la question des données personnelles.
La rédaction de notre amendement est très claire. Nous sommes à une période où il faut être hypervigilant sur la protection des données personnelles. En l’occurrence, il peut y avoir en la matière utilisation de ces données et, en tout cas, un non-respect de l’autodétermination des titulaires de ces données.
Je vous rappelle la recommandation du Conseil d’État, qui, dans une étude de 2014, met en exergue la nécessité de garantir ce droit à l’autodétermination, et le règlement 2016/679 du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des données physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Sur la question de la protection des données, je rappelle qu’elle est aujourd’hui assurée par le cadre à la fois législatif et réglementaire des compteurs intelligents. Ces compteurs ne collectent par défaut que la consommation d’électricité journalière et ces données ne sont transmises qu’aux gestionnaires de réseaux.
Sur le consentement exprès du consommateur, il est exigé pour l’enregistrement et la collecte de données plus détaillées, ainsi que pour la transmission à des tiers. Je précise et je rappelle qu’aucune information personnelle au sens de la loi de 1978 et du règlement général sur la protection des données, le RGPD, ne transite par le compteur – pour être encore plus précis : ni adresse, ni nom, ni coordonnées bancaires.
Point accessoire, l’adoption de cet amendement aurait pour effet de rendre impossibles les expérimentations de solutions innovantes qui sont également sollicitées par ailleurs.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 356 rectifié quater, présenté par MM. Daubresse, Henno, Joyandet, Antiste, Magras, Bascher, Guerriau et Rapin, Mme Deromedi, M. Schmitz, Mme Bories, MM. Charon et de Nicolaÿ, Mme Duranton, MM. Regnard, Chasseing et Laménie, Mme Lherbier, M. Adnot et Mme Létard, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Il est inclus dans ces dérogations la mise en œuvre à titre expérimental de l’ordonnance n° 2016-1725 du 15 décembre 2016 relative aux réseaux fermés de distribution afin de favoriser le développement de l’autoconsommation
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Cet amendement a pour objet de favoriser le développement de l’autoconsommation électrique par la mise en œuvre de dérogations expérimentales relatives notamment aux réseaux fermés de distribution.
C’est le cas par exemple du projet de la métropole européenne de Lille sur les réseaux électriques intelligents et du projet porté par le pôle d’enseignement supérieur Yncréa à Lille.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Selon moi, cet amendement est pleinement satisfait, notamment par les titres II et IV du livre III du code de l’énergie.
Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir le retirer. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 356 rectifié quater est-il maintenu, monsieur Henno ?
M. Olivier Henno. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 356 rectifié quater est retiré.
L’amendement n° 995, présenté par M. Husson, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
à compter de la publication de la présente loi
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 280 rectifié et 299 rectifié sont identiques.
L’amendement n° 280 rectifié est présenté par M. D. Laurent, Mme Imbert, MM. Allizard, B. Fournier, Poniatowski, Lefèvre et Longeot, Mme Deromedi et MM. Cuypers, Genest, de Nicolaÿ, Bonhomme, Regnard, Laménie, Chatillon, Brisson, Grand, Morisset, Revet, Mouiller, Magras, Paul, Bouchet, Karoutchi et Pierre.
L’amendement n° 299 rectifié est présenté par Mme Saint-Pé et M. L. Hervé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5, seconde phrase
Remplacer les mots :
est associé
par les mots :
, ainsi que l’autorité organisatrice mentionnée à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, sont associés
La parole est à M. Daniel Laurent, pour présenter l’amendement n° 280 rectifié.
M. Daniel Laurent. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, l’article 52 bis A porte sur le déploiement expérimental de réseaux et d’infrastructures électriques intelligents.
Il tend à habiliter la Commission de régulation de l’énergie ou les services de l’État à accorder des dérogations aux conditions d’accès et à l’utilisation des réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz, pour déployer à titre expérimental des technologies ou des services innovants en faveur de la transition énergétique et des réseaux et infrastructures intelligents, afin de contribuer à l’atteinte des objectifs de la politique énergétique définis à l’article L. 100-1 du code de l’énergie.
Il est donc opportun que ces nouvelles dispositions ne soient pas mises œuvre en totale méconnaissance de celles qui sont déjà prévues à l’article 199 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui définit un cadre juridique expérimental en matière de distribution publique d’électricité, en habilitant les autorités organisatrices mentionnées à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, ainsi que les collectivités et les établissements publics visés à l’article L. 2224-34 du même code, à proposer aux gestionnaires des réseaux publics de distribution situés dans leur périmètre la réalisation d’un service public local de flexibilité portant sur des portions de ce réseau, afin de concourir à l’atteinte des mêmes objectifs de la politique énergétique.
Par ailleurs, il est prévu que les dérogations puissent porter sur les articles L. 22-8 et L. 432-8 du code de l’énergie, qui définissent les missions respectives dont sont chargés les gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité et de gaz dans leurs zones de desserte exclusives, conformément aux dispositions fixées dans les cahiers des charges de concession et des règlements de service des régies.
En conséquence, il est essentiel que les autorités organisatrices susvisées soient directement associées aux dérogations ainsi accordées à titre expérimental par les services de l’État ou par la Commission de régulation de l’énergie, aux conditions d’accès et d’utilisation des réseaux de distribution d’énergie qui appartiennent aux communes et à leurs groupements.
M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour présenter l’amendement n° 299 rectifié.
Mme Denise Saint-Pé. Cet amendement est identique au précédent. Il prévoit que les autorités organisatrices de la distribution de l’électricité et du gaz soient associées aux expérimentations menées par la CRE ou les services de l’État.
M. le président. Le sous-amendement n° 997, présenté par M. Husson, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Amendement n° 280, alinéa 5
Remplacer les mots :
l’autorité organisatrice mentionnée à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales
par les mots :
les autorités organisatrices mentionnées à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales lorsque des dérogations portent sur les articles L. 322-8 et L. 432-8 du code de l’énergie
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Il paraît justifié d’associer les autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité et de gaz aux expérimentations ainsi qu’à leur suivi et à leur évaluation, mais uniquement lorsque les dérogations portent sur les missions des gestionnaires de réseaux de distribution.
Sous réserve de l’adoption de cette précision, la commission spéciale a émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est favorable au sous-amendement, ainsi qu’aux amendements identiques ainsi sous-amendés.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 280 rectifié et 299 rectifié, modifiés.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements nos 281 rectifié et 300 rectifié sont identiques.
L’amendement n° 281 rectifié est présenté par M. D. Laurent, Mme Imbert, MM. Allizard, Poniatowski, B. Fournier, Lefèvre et Longeot, Mme Deromedi et MM. Cuypers, Genest, de Nicolaÿ, Bonhomme, Regnard, Chatillon, Laménie, Morisset, Brisson, Grand, Revet, Mouiller, Magras, Paul, Bouchet, Karoutchi et Pierre.
L’amendement n° 300 rectifié est présenté par Mme Saint-Pé et M. L. Hervé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Lorsque les dérogations accordées en application du I du présent article portent sur les conditions d’accès et d’utilisation des réseaux prévues aux articles L. 322-8 ou L. 432-8 du code de l’énergie, le gestionnaire du réseau de distribution concerné tient à la disposition de chacune des autorités concédantes mentionnées à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales dont il dépend les informations utiles à l’exercice du contrôle prévu au I de cet article, relatives aux expérimentations menées sur le territoire de la concession, à son suivi et à son évaluation.
La parole est à M. Daniel Laurent, pour présenter l’amendement n° 281 rectifié.
M. Daniel Laurent. Il s’agit là encore d’un amendement de coordination.
Il est essentiel que les autorités organisatrices puissent contrôler l’impact des dérogations accordées à titre expérimental par les services de l’État ou par la Commission de régulation de l’énergie aux conditions d’accès et d’utilisation des réseaux qui appartiennent aux communes et à leurs groupements.
M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour présenter l’amendement n° 300 rectifié.
Mme Denise Saint-Pé. Cet amendement est identique au précédent.
M. le président. Le sous-amendement n° 996, présenté par M. Husson, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Amendement 281, alinéa 3
Remplacer les mots :
à son suivi et à son évaluation
par les mots :
à leur suivi et à leur évaluation
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale sur les deux amendements identiques ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur les deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 281 rectifié et 300 rectifié, modifiés.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 52 bis A, modifié.
(L’article 52 bis A est adopté.)
Article 52 bis
(Non modifié)
Le livre Ier du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° À la fin de l’intitulé de la section 4 du chapitre Ier du titre Ier, au second alinéa de l’article L. 111-48, aux articles L. 111-49, L. 111-69, L. 111-70, deux fois, au premier alinéa de l’article L. 111-71 et au I de l’article L. 121-46, les mots : « GDF-Suez » sont remplacés par le mot : « Engie » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 133-4, les mots : « GDF-Suez et de ses filiales issues de la séparation juridique » sont remplacés par les mots : « Engie et des filiales issues de la séparation juridique des activités de GDF-Suez ».
M. le président. L’amendement n° 234, présenté par M. Gay et Mme Apourceau-Poly est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 781, présenté par MM. Yung, Patient, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Supprimer les mots :
au second alinéa de l’article L. 111-48,
2° Après la référence :
L. 111-71 et
insérer les mots :
à leur première occurrence
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. L’article 52 bis permet de remplacer « GDF-Suez » par « Engie » dans le code de l’énergie lorsque c’est nécessaire, compte tenu de l’évolution du groupe, ce qui est utile en termes d’intelligibilité du droit.
L’amendement a pour objet de conserver certaines occurrences de l’appellation « GDF-Suez », par souci de précision juridique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 52 bis, modifié.
(L’article 52 bis est adopté.)
Article 52 ter
(Non modifié)
L’article L. 221-7 du code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Après le quinzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les actions d’économies d’énergie réalisées dans les installations classées pour la protection de l’environnement mentionnées à l’article L. 229-5 du code de l’environnement peuvent donner lieu à la délivrance de certificats d’économies d’énergie pour les catégories d’installations et selon des conditions et modalités définies par décret. » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « réalisées dans les installations classées visées à l’article L. 229-5 du code de l’environnement ou celles » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 52 quater
Le chapitre V du titre Ier du livre V du code de l’environnement est complété par une section 12 ainsi rédigée :
« Section 12
« Plateformes industrielles
« Art. L. 515-48. – Une plateforme industrielle se définit comme le regroupement d’installations mentionnées à l’article L. 511-1 sur un territoire délimité et homogène conduisant, par la similarité ou la complémentarité des activités de ces installations, à la mutualisation de la gestion de certains des biens et services qui leur sont nécessaires. La liste des plateformes est fixée par un arrêté du ministre chargé des installations classées pour la protection de l’environnement.
« Les dispositions réglementaires prises au titre du présent code peuvent être adaptées à la situation des installations présentes sur une plateforme industrielle.
« Les modalités d’application du présent article sont précisées par voie réglementaire. » – (Adopté.)
Article 52 quinquies
Le chapitre Ier du titre II du livre II du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L’article L. 221-5 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « des travaux d’économies d’énergie dans les bâtiments anciens » sont remplacés par les mots : « de projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l’empreinte climatique » ;
b) (Supprimé)
2° À l’avant-dernier alinéa de l’article L. 221-27, les mots : « la nature des travaux d’économies d’énergie » sont remplacés par les mots : « les projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l’empreinte climatique » et le mot : « fixées » est remplacé par le mot : « fixés ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 52 quinquies
M. le président. L’amendement n° 296 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, Bazin, Charon, Danesi et de Nicolaÿ, Mmes Dumas, Duranton et Garriaud-Maylam et MM. Grand, Gremillet, Grosdidier, Kennel, Le Gleut, Lefèvre, Magras, Mandelli, Nougein, Pierre, Rapin, Regnard, Savary et Segouin, est ainsi libellé :
Après l’article 52 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 312-1-7 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le III est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ainsi que des comptes d’épargne réglementés détenus par le client, à l’exclusion des plans d’épargne logement et des comptes d’épargne logement » ;
b) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et que les soldes des comptes d’épargne réglementée détenus au sein de l’établissement de départ soient transférés sur des produits d’épargne identiques dans l’établissement d’arrivée, à l’exclusion des plans d’épargne logement et des comptes d’épargne logement » ;
c) Le troisième alinéa est complété par les mots : « et l’envoi des soldes des comptes d’épargne réglementée, à l’exclusion des plans d’épargne logement et des comptes d’épargne logement » ;
d) La première phrase du septième alinéa est complétée par les mots : « ainsi que celle des comptes d’épargne réglementée transférés » ;
2° Le IV est complété par un alinéa ainsi rédigé :
» Il fournit, par tout moyen approprié et dans un délai de trois jours ouvrés, toute information relative aux soldes des comptes d’épargne réglementée détenus par le client ainsi que les coordonnées bancaires des comptes associés, à l’exclusion des plans d’épargne logement et des comptes d’épargne logement. » ;
3° Au VII, après le mot : « dépôt », sont insérés les mots : « , comptes d’épargne réglementée, à l’exclusion des plans d’épargne logement et des comptes d’épargne logement ».
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Le présent amendement a pour objet de faciliter la mobilité réglementée, particulièrement des comptes d’épargne.
En effet, en dépit de la mise en place de la mobilité réglementée, le taux d’attrition bancaire demeure très bas. Il est même en recul sur un an, passant de 4,8 % à 4,5 %, selon la Banque de France.
L’un des freins majeurs à la mobilité réside dans la difficulté de transfert des comptes d’épargne, notamment réglementée, car un client ne peut détenir qu’un seul compte – livret A, livret de développement durable et solidaire, livret d’épargne populaire, compte d’épargne logement, plan d’épargne logement et livret jeune– dans une seule banque.
À l’heure actuelle, ces livrets ne sont pas inclus dans le dispositif de mobilité réglementée, contraignant ainsi de nombreux clients à une potentielle multibancarisation non souhaitée et coûteuse. En effet, des frais bancaires sont également prélevés sur des comptes inactifs.
Cet amendement concerne la mobilité des livrets A, de développement durable et solidaire et d’épargne populaire. Il ne prend pas en compte les comptes d’épargne logement et les plans d’épargne logement, pour lesquels des frais de clôture sont appliqués par les banques et ne sont pas encadrés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Selon moi, cet amendement est largement satisfait par le dispositif actuel, qui a été assoupli en 2015. La clôture d’un livret d’épargne réglementée est gratuite, et l’ouverture d’un nouveau livret, immédiate. La concentration de la mobilité sur le seul compte courant représente plus un gage d’efficacité qu’une source de complexité.
Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 296 rectifié ter est-il maintenu, madame Deromedi ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 296 rectifié ter est retiré.
Article 52 sexies
(Non modifié)
Le 4° du I de l’article L. 111-47 du code de l’énergie est complété par les mots : «, ou ayant trait aux activités de recherche et développement réalisées directement par les gestionnaires de réseaux qui concourent aux objectifs des articles L. 100-1 à L. 100-4 ». – (Adopté.)
Sous-section 4
Ressources du fonds pour l’innovation de rupture
Article additionnel avant l’article 53
M. le président. L’amendement n° 589 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le bilan de la cession des participations de l’État depuis ces 20 dernières années.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Par cet amendement, nous souhaitons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les participations actuellement détenues par l’État… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Attendez avant de râler ! (Sourires.)
Ce rapport devra également retracer les cessions ayant eu lieu ces vingt dernières années, ainsi que leur impact. S’agissant de la manière dont l’État gère son portefeuille d’actifs industriels, il ne devra pas être uniquement technique et comptable, dans la mesure où un certain nombre de documents existent d’ores et déjà. Il devra permettre de contrôler, de manière factuelle, le comportement de l’État : agit-il, comme nous le souhaiterions, en stratège et en aménageur du territoire, en faveur de la recherche et du développement de l’emploi ?
Je n’énumérerai pas la longue liste des entreprises qui, quelque temps après leur privatisation ou la cession des actifs de l’État, se sont fait absorber par des groupes étrangers. Vous évoquiez hier, monsieur le ministre, la nécessaire lutte contre la désindustrialisation ; cet amendement y contribue.
Je n’évoquerai pas non plus les zones blanches ni la fracture numérique, qui montrent que la privatisation de France Télécom n’a absolument pas permis d’aller dans le sens de l’égalité républicaine en la matière.
À l’occasion de la défense de cet amendement, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur une question d’une cruelle actualité, à savoir la situation du groupe Renault-Nissan et l’accord RAMA, l’arrestation de Carlos Ghosn témoignant d’une absence totale de transparence et de contrôle s’agissant de la gestion de l’entreprise.
Cet accord est souvent évoqué par les milieux avertis en rapport avec la situation que connaît aujourd’hui Renault. Vous-même, monsieur le ministre, ni vos prédécesseurs – plus particulièrement Emmanuel Macron – ne pouvez ignorer son contenu, alors qu’il reste pour nous très opaque.
Selon les mêmes milieux éclairés, cet accord aurait acté la constitution de la holding néerlandaise RNBV, qui se trouve au cœur des « soucis » actuels de Carlos Ghosn et, peut-être, d’autres dirigeants du groupe.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Céline Brulin. Je conclus, en en appelant à la transparence et en demandant des informations extrêmement précises, monsieur le ministre, en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Ma chère collègue, je me fais un plaisir de vous répondre, sans râler !
Vous demandez à disposer du bilan des cessions des actifs de l’État sur les vingt dernières années. Ces informations existent, vous ne l’avez d’ailleurs pas nié, au travers du rapport spécial annuel relatif au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». La Cour des comptes a également rédigé un rapport spécifique sur l’État actionnaire en janvier 2017.
On pourrait demander que, dans un rapport annuel, figure un bilan rétroactif portant sur une ou deux décennies, ce qui permettrait d’éviter la publication d’un rapport supplémentaire inutile, tout en disposant de données agrégées.
Je vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable. Faisons les choses simplement, sans les compliquer inutilement !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.
Je le précise, les accords entre Renault et Nissan sont des accords entre deux entreprises privées dans lesquelles l’État n’a qu’une participation réduite. Ils relèvent donc du secret des affaires.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Nous suivons l’avis de M. le rapporteur, et retirons cet amendement. Nous vous invitons à concrétiser le travail nécessaire en la matière.
M. le président. L’amendement n° 589 rectifié est retiré.
Article 53
I. – (Non modifié) Au 2° de l’article 2 de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « six ».
II et III. – (Supprimés)
IV. – (Non modifié) L’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 précitée est ainsi modifiée :
1° À l’avant-dernier alinéa de l’article 1er A, après le mot : « entreprises », sont insérés les mots : « depuis leur création et » ;
2° Au 2° de l’article 1er, après le mot : « Favoriser », sont insérés les mots : « la création, ».
M. le président. L’amendement n° 235, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Examinons quelques instants le commentaire attaché à l’article 53 dans le rapport au fond.
Le présent article, qui nous renvoie au débat et au vote intervenus hier, concrétise la stratégie du Gouvernement dans le cadre du présent projet de loi : il s’agit de céder des titres de participation dans différentes entreprises afin d’abonder un fonds pour l’innovation.
Ce mécanisme fait l’objet d’une rhétorique volontiers moderniste, puisqu’il doit marquer la fin d’une gestion « en bon père de famille [des] actifs de l’État dans un certain nombre d’entreprises », au profit d’un soutien à « l’innovation de rupture ». Cela sonne bien ! Ce soutien serait assuré par les intérêts tirés de la dotation initiale en numéraire du fonds, à hauteur de 10 milliards d’euros.
Pourtant, nul besoin de céder des titres de participation pour garantir un soutien à l’innovation ! Conformément au principe d’universalité budgétaire, ce soutien peut être opéré directement par crédits budgétaires. Il peut également l’être par un fléchage des dividendes tirés des participations financières de l’État.
Dès lors, si la nécessité de préparer notre pays aux évolutions futures ne semble guère devoir faire l’objet de débats, les modalités du soutien méritent d’être soigneusement examinées par notre assemblée.
Je rappelle l’origine ancienne du projet de fonds pour l’innovation. Il trouve sa genèse dans la proposition d’un responsable de programme confronté à l’érosion progressive de sa dotation budgétaire.
En effet, le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la banque publique d’investissement Bpifrance publié en septembre 2015 indique que, afin « de soutenir l’effort global de la Bpi en faveur de l’innovation, cette dernière a présenté un projet visant à instaurer une fondation dont la dotation budgétaire reposerait sur les dividendes assis sur un portefeuille d’actions actuellement détenues par l’Agence des participations de l’État. Ce système alternatif aurait pour but de compenser la baisse constatée de la dotation budgétaire du programme 192 et ainsi de permettre à la Bpi de verser davantage d’aides individuelles. »
Toutefois, « si les membres de la mission d’information comprennent la démarche de Bpifrance et partagent son inquiétude relative à la baisse de la dotation budgétaire, ils n’adhèrent cependant pas à la création d’une fondation dont le fonctionnement, tel qu’il est actuellement envisagé, conduirait à institutionnaliser un mécanisme de débudgétisation qui n’apparaît conforme ni aux règles de la loi organique relative aux lois de finances ni aux principes de vote et de contrôle du Parlement sur l’ensemble du budget. »
Un tel choix s’effectue donc au détriment des prérogatives de la représentation nationale. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement, qui vise à supprimer l’article 53.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. La commission spéciale est défavorable à cet amendement.
Je salue le travail de M. Pascal Savoldelli, qui a amalgamé plusieurs citations, certaines étant empruntées à mon propre rapport ! Pour autant, nous n’aboutissons pas à la même conclusion.
Ce fonds est déjà créé et bénéficie d’une dotation hybride. Afin de prendre en compte l’action du fonds permise par le droit existant, il convient de maintenir l’article dans sa rédaction actuelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 286, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Au 2° de l’article 2 de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « six ».
II. – L’article 4 de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 précitée est ainsi modifié :
1° Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° Le produit financier des résultats du placement de ses fonds ; »
2° Après le même 5°, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Toutes autres recettes autorisées par les lois et règlements. »
III. – Les résultats mentionnés au 5° de l’article 4 de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 précitée dans sa rédaction résultant du II du présent article, lorsque ceux-ci sont des intérêts, sont calculés à compter de la date de placement des fonds de l’établissement public Bpifrance sur un compte rémunéré.
IV. – L’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 précitée est ainsi modifiée :
1° À l’avant-dernier alinéa de l’article 1er A, après le mot : « entreprises », sont insérés les mots : « depuis leur création et » ;
2° Au 2° de l’article 1er, après le mot : « Favoriser », sont insérés les mots : « la création, ».
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Cet amendement important vise à garantir le bon fonctionnement du Fonds pour l’innovation de rupture, qui sera abondé par 10 milliards d’euros de cessions d’actifs, lesquels seront placés au Trésor, à un taux fixe de 2,5 % garantissant la stabilité de la rémunération sur les années à venir, contrairement aux dotations budgétaires, lesquelles, par définition, sont soumises chaque année à arbitrages et décisions parlementaires, ou aux dividendes, qui sont fonctions des résultats de l’entreprise.
Aujourd’hui, Bpifrance n’est pas en mesure de toucher les produits de ces placements dans le compte du Trésor. Elle ne serait donc pas en mesure de dégager des moyens financiers pour investir dans les programmes d’innovation retenus par le Conseil de l’innovation.
Si nous voulons que Bpifrance puisse débloquer 250 millions à 300 millions d’euros annuels, il convient d’adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. La commission ne partage pas la position du Gouvernement, sans pour autant adopter celle de M. Savoldelli.
Laissez-moi détricoter la communication du Gouvernement. Je considère qu’il n’existe pas d’impératif particulier à céder des actifs pour financer l’innovation, puisque, je l’ai dit précédemment, le fonds est déjà actif depuis un an et dispose de plus de 200 millions d’euros, pour soutenir, au titre de 2018, l’innovation.
Il n’est pas avéré qu’une cession rapide des participations de l’État dans différentes entreprises s’impose pour financer l’innovation. D’autres solutions existent, comme en atteste la dotation actuelle du fonds. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 540, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Inutile de rappeler ici les discussions qui avaient animé le Sénat lors de la création de Bpifrance, notamment celles qui portaient sur la composition de l’instance de direction de la banque.
De par sa fonction et les intentions affichées à l’origine, Bpifrance devait disposer d’un fort ancrage local, matérialisé par la représentation dans ses instances dirigeantes des collectivités territoriales, à chaque échelon de la décentralisation propre à notre pays.
Or cet article 53, qui tend à augmenter la représentation de l’État au sein des structures de direction de la banque, s’inscrit, selon nous, en opposition complète au principe louable et généreux affiché initialement, que nous avions soutenu.
Une telle évolution ne manquant pas de nous inquiéter, nous avons déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui vise à supprimer l’ajout, au sein du conseil d’administration de Bpifrance, d’un membre du Secrétariat général pour l’investissement.
En effet, cette disposition n’est que le corollaire de la création du Fonds pour l’innovation et l’industrie opérée par voie réglementaire voilà un an. Ce fonds dispose d’ores et déjà des moyens de soutenir l’innovation, sans qu’il soit besoin de recourir au mécanisme financier proposé par le Gouvernement. Selon moi, il est donc logique de procéder à l’actualisation du Conseil d’administration de Bpifrance.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre position concernant l’évolution de Bpifrance, qui joue un rôle tout à fait significatif dans nos régions.
Dans la région Grand Est, plus de 6 000 entreprises sont soutenues par Bpifrance, pour plus de 3,8 milliards d’euros, somme significative destinée à l’investissement, au conseil et à la garantie de fonds.
L’action de Bpifrance se décline sur les territoires, 90 % des dossiers concernant des PME, notamment pour les garanties. Pourquoi ne pas aller plus loin en matière de décentralisation et faire en sorte que les régions bénéficient directement de ces fonds, pour soutenir au plus près des territoires nos entreprises ? Dans le cadre des responsabilités régionales, vous enverriez ainsi un signe de confiance, en leur confiant les recettes correspondantes, afin qu’elles bénéficient d’une libre initiative et d’une rapidité nécessaire aux décisions de proximité.
On arriverait ainsi, j’en suis sûr, à être plus réactifs et à aider encore un peu plus d’entreprises, sauvant ainsi des emplois, notamment pour ce qui concerne les entreprises exportatrices. Dans une région frontalière comme la nôtre, cela me paraît tout à fait essentiel.
Ainsi, monsieur le ministre, la stratégie du Gouvernement ira-t-elle vers une plus grande décentralisation et une plus grande responsabilité régionale ?
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Hier soir, j’ai fait part à M. le ministre de mes interrogations concernant la coordination des différents dispositifs d’investissement. Je n’ai pas été convaincue par les réponses qui m’ont été apportées. Quoi qu’il en soit, l’introduction d’un membre du Secrétariat général à l’investissement au sein du conseil d’administration de Bpifrance est sans doute l’une des garanties permettant de nous assurer d’une certaine coordination entre les différents dispositifs.
Ainsi, en tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Investissements d’avenir », je vous invite, mes chers collègues, à rejeter cet amendement.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 541, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. En défendant cet amendement, j’ai en vue les conséquences profondes de la mesure prévue à l’article 53.
Bpifrance est depuis sa création adossée à la détention d’un certain nombre de titres et de parts d’entreprises publiques. Démonstration nous en est faite, d’ailleurs, par le fait que 13,3 % du capital d’EDF ont été cantonnés dans le bilan de Bpifrance pour assurer la mise en marche de la pompe à finance du Fonds pour l’innovation.
On est, cela dit, assez loin de l’usage que nos voisins allemands firent, après la Seconde Guerre mondiale, de l’argent du plan Marshall, qui vint alimenter la célèbre KfW, la Kreditanstalt für Wiederaufbau, établissement financier public qui, par une politique de prêts à faible taux d’intérêt, permit à l’Allemagne de conduire sa reconstruction et de conjurer l’un des maux endémiques de son économie, à savoir l’inflation.
Aujourd’hui, dans un contexte où les taux d’intérêt sont faibles, notamment pour l’équipement des entreprises, nous aurions mieux fait de renforcer légèrement la centralisation de l’épargne populaire, par exemple autour du fameux livret A, pour proposer aux entreprises des prêts à taux bonifiés ou quasiment nuls, peut-être même négatifs.
Nous refusons donc de créer les conditions d’une dilapidation de l’argent public.
M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 61 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Delcros, Médevielle, Longeot, Bonnecarrère, Moga et Kern, Mmes Guidez et Dindar, M. Henno, Mme Saint-Pé, MM. Le Nay, Vanlerenberghe, Janssens et L. Hervé, Mme Billon et M. D. Dubois.
L’amendement n° 89 rectifié est présenté par M. Brisson, Mme Micouleau, M. D. Laurent, Mme Bruguière, M. Bascher, Mme Deromedi, M. Courtial, Mme Bonfanti-Dossat, M. Schmitz, Mmes Garriaud-Maylam et Noël, MM. Lefèvre, Paccaud et Hugonet, Mme Lassarade, MM. Chatillon, Piednoir, Bonhomme, Sido, Nougein et Dufaut, Mme A.M. Bertrand, MM. Le Gleut et Segouin, Mme Chain-Larché et MM. Laménie, Grand, Darnaud et Genest.
L’amendement n° 435 rectifié est présenté par Mme N. Delattre et MM. Artano, Gabouty, Guérini, Menonville, Requier et Vall.
L’amendement n° 477 est présenté par Mme Espagnac.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’avant-dernier alinéa de l’article 1er A est complété par les mots : «, compatible avec les actions d’accompagnement des réseaux consulaires » ;
La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour présenter l’amendement n° 61 rectifié.
M. Olivier Cigolotti. Il s’agit d’un amendement de bon sens.
En effet, l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à étendre le champ d’intervention de banque publique d’investissement à des actions de soutien à la création d’entreprise.
Le présent amendement tend à assurer la compatibilité des actions de Bpifrance avec celles des réseaux consulaires, afin d’éviter la création de nouveaux services qui pourraient créer des doublons avec les actions déjà mises en place par ces établissements publics.
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 89 rectifié.
Mme Jacky Deromedi. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 435 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, déposé par notre collègue Nathalie Delattre, vient d’être très bien défendu ; je considère que le travail est fait.
M. Jean-François Husson, rapporteur. L’amendement n° 541 de M. Gay vise à supprimer l’actualisation des missions de Bpifrance, c’est-à-dire leur extension à la création d’entreprise – les alinéas visés prévoient d’ajouter la notion de « création » à celle de « développement ». Une telle actualisation me paraît pourtant logique, s’agissant d’un fonds d’innovation : on devine que l’innovation peut toucher la création d’entreprise. Avis défavorable.
S’agissant des relations entre les chambres consulaires et Bpifrance, objectivement, il n’y a aucune raison de penser que ces institutions risqueraient de se faire concurrence.
La compétence qui conduit Bpifrance à intervenir en matière de création d’entreprise au titre du fonds d’innovation est logique et même naturelle, pour ne pas dire souhaitable et attendue.
Le cas échéant, il faut juste mettre en œuvre, territorialement, un modus vivendi. Je prendrai un exemple – vous me direz qu’il n’a pas grand-chose à voir avec notre sujet ; je prétends que si : lorsque nous avons discuté de la régionalisation des chambres de métiers, il est apparu que, dans certains territoires, la question ne se posait même pas, parce que la régionalisation existait déjà, chacun prenant sa part des missions à remplir.
Il n’y a donc a priori aucune raison objective de prédire une compétition. Mais, s’il faut lever des a priori, le Gouvernement pourra le faire, au besoin. Quoi qu’il en soit, je trouverais dommage de segmenter là où, de plus en plus, on demande de la transversalité, de la souplesse et de l’articulation. Faisons confiance à l’intelligence des femmes et des hommes qui œuvrent sur le territoire – c’est le pari que je nous propose de faire.
La commission spéciale a donc émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 61 rectifié, 89 rectifié et 435 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Sur l’amendement n° 541, même avis que le rapporteur : avis défavorable.
Sur les amendements identiques nos 61 rectifié, 89 rectifié et 435 rectifié, je partage l’analyse du rapporteur : il n’y a pas de difficultés de fonctionnement, sur le territoire, s’agissant des relations entre les chambres de commerce et d’industrie et Bpifrance, et pas davantage de raison, aujourd’hui, de redouter l’apparition de telles difficultés.
Les missions sont complémentaires et non concurrentes ; de notre point de vue, il n’est donc pas nécessaire de légiférer. Avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On nous annonce un fonds d’innovation stratégique dédié au financement de secteurs clés, d’avenir, lourds en enjeux, comme l’intelligence artificielle. Mais le risque, avec ce genre de fonds d’innovation, c’est qu’on finisse par l’utiliser pour financer, si je puis dire, le « tout-venant », c’est-à-dire une innovation classique, qui ne sera pas une innovation de rupture, qui ne sera ni, comme dirait le Président de la République, « disruptive », ni au cœur des grands enjeux.
Je crains cette dilution. Je pense donc qu’il n’est pas souhaitable de trop ouvrir le champ des missions de financement de ce fonds.
Pour autant – nous en faisons tous l’expérience, au sein de nos territoires –, nous manquons aujourd’hui d’une stratégie de financement facile d’accès à destination des entreprises, qu’il s’agisse de création ou de développement. De ce point de vue, l’exemple allemand des prêts bonifiés à taux très bas est un bon exemple.
Madame la secrétaire d’État, le simple fait que le livret A soit désormais plafonné et que son taux soit gelé laisse aux banques 800 millions d’euros ; cet argent dont elles bénéficient est indu. Pourquoi le Gouvernement avait-il plafonné le livret A ? Il ne s’agissait pas de brider l’épargne des Français, mais, essentiellement, de mieux financer le logement social. On peut s’interroger sur ce choix, mais c’est ainsi qu’était formulé l’argumentaire qui le sous-tendait.
Or une large part des collectes du livret A ne remonte pas à la Caisse des dépôts et consignations et ne va donc pas au financement du logement social, si bien que, par le seul fait de cette mesure de plafonnement, les banques françaises touchent 800 millions d’euros de plus qu’elles ne devraient.
On nous a toujours dit que cet argent du livret A était laissé aux banques pour qu’elles puissent mieux financer les PME. Mais on n’a jamais vu l’ombre d’un rapport ou d’un fait concret prouvant que cette décision, consistant à ne plus confier l’intégralité des fonds du livret A à la Caisse des Dépôts, mais à en laisser une part aux banques, avait amélioré le financement des PME en France.
Je vous rappelle que les privatisations sont censées rapporter 250 millions d’euros au titre du fonds pour l’innovation ; mais que fait-on des 800 millions d’euros qui, au même moment, sont dans les banques françaises ? Il devrait être de la responsabilité de l’État d’imposer, a minima, que cet argent aille à des prêts à taux zéro ou très bas finançant les créations de PME innovantes et le soutien aux initiatives territoriales.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 61 rectifié, 89 rectifié et 435 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 53.
(L’article 53 est adopté.)
Article 53 bis A
(Supprimé)
Article 53 bis
(Non modifié)
L’article L. 4253-3 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° La première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « ou de la filiale agréée de la société anonyme Bpifrance mentionnée au IV de l’article 6 de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement » ;
2° À la seconde phrase du même deuxième alinéa, après le mot : « financement », sont insérés les mots : « ou la filiale agréée de la société anonyme Bpifrance mentionnée au IV de l’article 6 de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 précitée, » ;
3° Au troisième alinéa, les mots : « cet établissement ou de cette société constitué sous forme de société anonyme » sont remplacés par les mots : « l’établissement ou de la société constituée sous forme de société anonyme mentionnés au premier alinéa du présent article ».
M. le président. L’amendement n° 543, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa, après les mots : « dès lors qu’une », sont insérés les mots : « institution financière spécialisée et une » ;
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Il s’agit simplement d’élargir le tour de table des acteurs du développement régional. Nous proposons, sans remettre en cause le rôle de Bpifrance au côté des régions, d’y adjoindre notamment d’autres institutions financières spécialisées comme la Caisse des dépôts et consignations, afin de sécuriser les possibilités de financement à court et à long terme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Il me semble un peu compliqué de répondre favorablement à cette demande ; j’émettrai donc un avis défavorable sur cet amendement.
Bpifrance fait quand même partie intégrante de la Caisse des dépôts ! Essayons donc d’éviter et l’entre-soi et le conflit d’intérêts.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est défavorable sur cet amendement, notamment parce que sa rédaction recourt à la notion d’ « institution financière spécialisée ». Cette notion a été abrogée par l’ordonnance du 27 juin 2013, entrée en vigueur le 1er janvier 2014 ; de surcroît et de toute façon, lorsque cette catégorie existait, la Caisse des dépôts n’y entrait pas. Cette proposition est donc inapplicable.
M. le président. L’amendement n° 543 est retiré.
Je mets aux voix l’article 53 bis.
(L’article 53 bis est adopté.)
Article 53 ter
(Non modifié)
L’article 7 de l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 précitée est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « seize » ;
2° Le 1° est complété par les mots : « , choisis en raison de leur compétence en matière économique et financière » ;
3° Au début du 3°, le mot : « Deux » est remplacé par le mot : « Trois » ;
4° Au septième alinéa, les mots : « 1°, 2°, et 3° » sont remplacés par les mots : « 1° et 2° ainsi qu’aux 3° et 4° pris conjointement ».
M. le président. L’amendement n° 544, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 53 ter.
(L’article 53 ter est adopté.)
Sous-section 5
Évolution de la gouvernance de La Poste
Article 54
I. – La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom est ainsi modifiée :
1° L’article 1er-2 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi rédigé :
« I. – La Poste est une société anonyme ayant le caractère d’un service public national.
« Le capital de la société est intégralement détenu par l’État et la Caisse des dépôts et consignations, à l’exception de la part du capital pouvant être détenue au titre de l’actionnariat des personnels dans les conditions prévues par la présente loi. » ;
b) Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La Poste et ses filiales chargées d’une mission de service public sont soumises au contrôle économique et financier de l’État dans les conditions prévues par le décret n° 55-733 du 26 mai 1955 relatif au contrôle économique et financier de l’État. » ;
2° L’article 10 est ainsi rédigé :
« Art. 10. – Le conseil d’administration de La Poste comprend vingt et un membres.
« Par dérogation aux dispositions de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, il est composé :
« 1° Pour un tiers, de représentants des salariés élus dans les conditions prévues à l’article 12 de la présente loi ;
« 1° bis D’un représentant de l’État nommé dans les conditions prévues à l’article 4 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée ;
« 2° De représentants nommés par l’assemblée générale des actionnaires dont au moins deux représentants sont nommés sur proposition de l’État. Tant que l’État continue de détenir une part majoritaire du capital de La Poste, un représentant des communes et de leurs groupements et un représentant des usagers peuvent être nommés par décret. Dans ce cas, le nombre de représentants nommés par l’assemblée générale des actionnaires est réduit en conséquence.
« Dès lors que l’État ne détient plus une part majoritaire du capital de La Poste, le nombre de représentants nommés par l’assemblée générale des actionnaires sur proposition de l’État est égal à deux et un représentant des communes et de leurs groupements ainsi qu’un représentant des usagers nommés par décret participent aux réunions du conseil d’administration, en qualité de censeurs, sans voix délibérative.
« Pour les besoins du présent article, la nomination des administrateurs représentant les actionnaires tels que visés ci-dessus est soumise, s’ils sont nommés sur proposition de l’État, aux dispositions de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée, notamment son article 6. » ;
3° Après l’article 10, il est rétabli un article 10-1 ainsi rédigé :
« Art. 10-1. – L’État peut désigner un représentant comme membre du conseil d’administration, du conseil de surveillance ou de l’organe délibérant en tenant lieu de toute filiale de La Poste chargée d’une mission de service public ; ce représentant est soumis aux mêmes dispositions que celles régissant le représentant de l’État désigné en vertu de l’article 4 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique.
« Les dispositions de l’article 15 de la même ordonnance sont applicables à ces sociétés. Il en va de même du second alinéa du I et du III de l’article 7 ainsi que des articles 8 et 9 de ladite ordonnance. » ;
4° L’article 11 est ainsi rédigé :
« Art. 11. – Le président du conseil d’administration de La Poste est nommé par décret, parmi les membres du conseil d’administration désignés sur le fondement de l’article 6 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, sur proposition du conseil d’administration de La Poste, pour la durée de son mandat d’administrateur.
« Le président du conseil d’administration de La Poste est révoqué par décret. Dès lors que l’État ne détient plus à lui seul la majorité du capital de La Poste, la révocation intervient sur proposition de son conseil d’administration.
« Le président du conseil d’administration de la Poste assure la direction générale de l’entreprise. » ;
5° Le chapitre X est ainsi rédigé :
« CHAPITRE X
« Dispositions transitoires
« Art. 44. – Les administrateurs nommés par décret sur le fondement de l’article 10 de la présente loi dans sa rédaction antérieure à la loi n° … du … relative à la croissance et la transformation des entreprises, en fonctions à la date de publication de la même loi, continuent de siéger au conseil d’administration de La Poste jusqu’à ce qu’il soit mis fin à leur mandat par décret.
« Art. 45. – L’entrée en vigueur de la loi n° … du … relative à la croissance et la transformation des entreprises ne met pas fin au mandat du président du conseil d’administration de La Poste en fonctions à sa date de publication. »
II. – (Non modifié) La section 1 du chapitre IV du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L’article L. 5424-1 est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° Dans le cas où l’État ne détiendrait plus la majorité du capital de La Poste, les personnels de la société anonyme La Poste. » ;
2° Au 2° de l’article L. 5424-2, la référence : « et 6° » est remplacée par les références : « , 6° et 7° ».
III. – (Non modifié) La dernière phrase du cinquième alinéa de l’article 34 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social et statutaire est complétée par les mots : « , à l’exclusion de La Poste et de ses filiales dès lors que la Caisse des dépôts et consignations détient une part majoritaire du capital de La Poste ».
M. le président. L’amendement n° 236, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Depuis que ce texte est à l’étude, les dirigeants de notre pays essaient de nous dire que La Poste restera une entreprise publique. Il est vrai – c’est à noter – que la rédaction proposée conforte le caractère de service public de ses activités, maintient une exigence de détention publique et salariée du capital ainsi que le contrôle de l’État, et n’emporte pas d’évolution relative au statut des personnels ou à l’organisation syndicale – nous pourrions toutefois en débattre, puisque le boulot, en la matière, avait déjà été fait.
De même, la nomination du président-directeur général continuera de relever de l’État et la présence d’un représentant de l’État au conseil de surveillance de la Banque postale est confortée.
Mais le changement de statut de l’exploitant public et sa soumission au droit commun des sociétés s’inscrivent dans un contexte de désengagement de l’État – personne ne peut le nier – et d’ouverture à la concurrence du secteur postal, désengagement et ouverture déjà largement engagés en vertu de politiques communautaires que vous avez expressément soutenues en votant, au sein du conseil des ministres européen, la dernière directive postale.
Forte de ces tendances, la direction de l’entreprise n’a eu de cesse de réduire les coûts pour réaliser des bénéfices au détriment des usagers et des personnels. Si nous ne pouvons soulever la question de l’inconstitutionnalité de toutes les décisions qui ont mis à mal le service public postal, nous allons faire la démonstration que ce projet de loi tend à donner le dernier coup de grâce à l’opérateur postal historique et doit donc être, à ce titre, rejeté.
Je rappelle que Marie-France Beaufils, alors sénatrice du groupe communiste républicain et citoyen, défendant, en 2009, une motion de procédure contre le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste, avait prononcé des mots qui résonnent toujours aujourd’hui. On nous dit parfois que nous voulons agiter des peurs ; malheureusement, l’histoire nous donne souvent raison.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Je ne vais pas agiter des peurs, mon cher collègue ; je vais simplement commencer par un petit clin d’œil. Monsieur le président, vous me demandez mon avis sur la suppression de l’article 54 ; or le numéro 54 est aussi celui de mon département, la Meurthe-et-Moselle. Vous comprendrez donc qu’il est hors de question que j’émette un avis favorable sur cet amendement de suppression ! (Sourires.)
Plus sérieusement, je rappelle que cet article doit permettre à la société La Poste de renforcer ses activités notamment dans le domaine de l’assurance, via un rapprochement avec CNP Assurances.
Je veux surtout tordre le cou à toute crainte, peur ou fausse idée : en aucun cas cet article ne modifie les missions de service public de La Poste. D’ailleurs, il maintient la contrainte de détention publique du capital de la société, soit par l’État, soit par la Caisse des dépôts et consignations. En outre, les salariés de La Poste seront autorisés à entrer au capital.
Je confirme donc l’avis défavorable émis par la commission spéciale sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je partage les propos de M. le rapporteur : cet article est nécessaire.
Il est nécessaire pour préparer l’opération de rapprochement entre La Poste et la Caisse des dépôts, d’une part, la Banque postale et CNP Assurances, d’autre part. L’enjeu est la création d’un grand pôle public de financement. Je dis bien « public » – cela a été rappelé : il n’y a pas d’ambiguïté s’agissant de la détention des actions, qui sera, je le répète, publique.
M. Fabien Gay. Je l’ai rappelé ! Il faut écouter !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Tout à fait, vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, mais je le répète, parce que c’est important.
Cette opération permettra une action plus efficace de la sphère publique auprès des territoires, en joignant les forces de La Poste et de la Caisse des dépôts et consignations autour de projets communs.
Je voudrais aussi rappeler que le comité de suivi à haut niveau du contrat d’objectifs et de moyens de La Poste, auquel je participe et auquel participent l’ensemble des organisations syndicales, a mis en évidence que, dès lors que le principe de l’actionnariat public est bien validé, ces dernières soutiennent toutes ce projet.
M. Fabien Gay. Nous n’avons pas rencontré les mêmes organisations syndicales !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Elles ne se sont peut-être pas assez clairement exprimées lors de l’examen du contrat…
Il est nécessaire que le Parlement autorise l’État à ne plus être l’actionnaire majoritaire de La Poste – c’est la Caisse des dépôts qui le deviendrait. L’article qui vous est proposé permet cette évolution tout en réaffirmant très clairement les fondamentaux que je vous ai indiqués.
En outre, l’article prévoit des règles de gouvernance spécifiques qui conserveront à l’État – il ne s’agit pas seulement de la Caisse des dépôts – une influence importante sur La Poste, en matière de gouvernance, donc, et de définition de la stratégie.
Le président-directeur général sera désigné par le Président de la République, ce qui est assez rare lorsque l’État n’est pas majoritaire. Le contrôle général économique et financier sera présent au sein de l’établissement et un commissaire du Gouvernement vérifiera le bon accomplissement par La Poste des missions de service public qui lui sont confiées par l’État. La composition du conseil d’administration sera aménagée, la représentation actuelle des salariés, à hauteur d’un tiers des administrateurs, étant conservée.
Le rapporteur propose un poste de censeur supplémentaire afin d’assurer une représentation des élus locaux, et donc de la vision que j’appellerai « action dans les territoires », au conseil d’administration de La Poste. Au nom du Gouvernement, j’y suis favorable ; je pense qu’une telle disposition est de nature à conforter cet ancrage public que vous appelez de vos vœux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Émorine, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Émorine. Je voudrais surtout rassurer notre collègue Gay : lorsque nous avons transformé La Poste en société anonyme, il s’agissait de transposer une directive européenne. Vous vous souvenez qu’une pétition contre la supposée privatisation de La Poste avait recueilli 3 millions de signatures. Or nous avions garanti, dans le capital de l’entreprise – Mme la secrétaire d’État et M. le rapporteur l’ont rappelé –, 100 % de capitaux publics, soit, aujourd’hui, 75 % de capitaux de l’État et 25 % de la Caisse des dépôts et consignations.
Ce que Mme la secrétaire d’État vous a dit, tout simplement, c’est qu’il fallait bien une ouverture pour permettre le rapprochement avec CNP Assurances.
Mes chers collègues, je voudrais rappeler également que, dans la loi de modification du statut de La Poste à laquelle j’ai fait référence, nous avions, à la demande des syndicats, fusionné les deux caisses de retraite ; cette disposition a été appréciée par l’ensemble des personnels de La Poste.
La Poste a beaucoup évolué, puisqu’elle est désormais à la fois opérateur de services postaux, courrier et colis, et bancaires, avec la Banque postale. Mais je vous rappelle que, à l’époque, le Gouvernement, via des capitaux de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations, s’était engagé pour la transformation à hauteur de 2,7 milliards d’euros.
Je voulais donc vous rassurer, monsieur Gay : aujourd’hui, La Poste est bien présente sur le terrain, puisque les usagers ont plusieurs possibilités : bureaux de poste de plein exercice, agences postales, ou relais installés dans des commerces partenaires.
Vous connaissez cette entreprise, dans laquelle le monde syndical est très actif ; je voudrais, quant à moi, saluer l’ensemble des personnels de La Poste pour leur engagement dans l’adaptation à une réforme qui est bien une réforme du XXIe siècle. (MM. Yves Bouloux et Gérard Longuet applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous sommes, me semble-t-il, devant un cas typique de « en même temps ». Il ne s’agit pas simplement de réaffirmer très fortement l’objectif de maintenir La Poste dans le service public – et, en définitive, nous retrouvons, exactement dans les mêmes termes, un débat que nous avons eu précédemment.
Certes, la question du maintien d’un capital public est évidemment importante. Mais cela ne suffit pas pour assurer le développement de l’entreprise et garantir l’ensemble de ses missions de service public.
J’ai bien entendu vos propos, mon cher collègue. Tant mieux si tout va bien dans votre département ! Pour ma part, je suis régulièrement interpellée par des élus locaux, des collectifs d’usagers et des organisations syndicales sur la réduction de l’offre de la présence postale ; je ne parle pas de « disparition » – vous le voyez, je fais attention aux termes que j’emploie –, puisque la convention tripartite empêche les fermetures. Mais elle va faire l’objet d’une nouvelle négociation, ce qui va tout remettre à plat.
En fait, pour diminuer la présence du service public postal, on modifie et on réduit les horaires, afin de pouvoir constater qu’il y a moins d’usagers ; évidemment, il y a moins de gens qui viennent si le service est ouvert seulement quatre heures au lieu de huit… Puis, on dit aux élus que cela coûte trop cher et qu’au nom de l’efficacité du service public, on va fermer le bureau, d’autant qu’il n’y aurait pas les financements pour le réhabiliter, l’aménager et l’adapter, et, à la place, on fera un « point de contact ». C’est aussi cela, la réalité de la présence postale dans nos départements, quels que soient les secteurs d’activité.
Voilà qui nous renvoie à notre discussion de tout à l’heure. Le débat ne se limite pas à la question du monopole étatique. Comment associer à la gestion d’un certain nombre de secteurs stratégiques et de services publics indispensables pour faire République dans l’ensemble de nos territoires celles et ceux qui en sont les bénéficiaires ?
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je voudrais répondre aux observations des collègues qui défendent cet amendement. On ne peut pas réellement soutenir qu’il y ait une régression de la contribution de l’État au fonctionnement et au développement des missions de la Poste.
Il est un point qui mérite vraiment interrogation dans les suites de l’opération qui est prévue. Pour donner à La Poste un potentiel financier suffisant pour exercer ses missions, on retire à la Caisse des dépôts et consignations sa filiale de loin la plus rentable. On fait l’effort – c’est forcément un sacrifice pour la Caisse – de lui retirer un volume de dividendes ayant contribué à sa force de frappe pendant des années et des années. Si l’État a pris cette option, après mûre réflexion, et après comparaison des différents scénarios, c’est bien, me semble-t-il, pour appuyer le développement de La Poste.
Mais disons-nous bien une chose : nous savons tous que le volume du courrier a baissé de moitié en quelques années.
M. Jean-Paul Émorine. De 7 % par an !
M. Alain Richard. Les efforts de présence postale doivent donc forcément prendre une autre dimension. Heureusement qu’un grand nombre de collègues élus locaux comprennent cette nécessité et jouent un rôle de partenariat qui est précieux ! Mais dites-vous simplement que, si l’on n’avait pas développé La Banque postale et, maintenant, opéré le rapprochement avec la CNP, c’est-à-dire fait de La Poste un outil d’abord financier, il serait impossible de maintenir le niveau de présence postale que nous avons aujourd’hui et dont nous devons nous réjouir.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je combats évidemment l’amendement présenté par notre collègue Fabien Gay.
Nous avons besoin de continuer cette évolution, qui est exemplaire, de La Poste. Les techniques de communication ont profondément évolué depuis 1986, année où j’ai découvert l’avenue de Ségur comme secrétaire d’État chargé des postes et télécommunications. Je voudrais rendre hommage à l’ensemble des personnels de La Poste, qui ont su évoluer. Alain Richard a eu raison de rappeler que le volume du courrier baissait. Nous communiquons tous par mail, et la communication écrite n’est en général qu’une confirmation de la communication numérique. Mais La Poste a su épouser la vocation bancaire, une vocation bancaire populaire, une vocation bancaire de proximité, ce qui s’est traduit par l’ouverture des prêts.
En 1986, le directeur du Trésor, mon camarade de promotion Philippe Jaffré, y était très hostile. Il voulait préserver le monopole bancaire et ne souhaitait pas que La Poste puisse devenir une banque de plein exercice. Il y a eu 1986, puis 1994 et 2010. La Poste est devenue une banque de plein exercice. D’ailleurs, cela n’a pas tué pour autant le monde bancaire, qui a su évoluer de son côté.
Nous assistons aujourd’hui à ce miracle invraisemblable de la coopération entre le capitalisme international le plus agressif – je pense à la société Amazon – et la distribution des paquets. La Poste retrouve un nouvel élan. C’est elle qui porte à domicile ces millions de mètres cubes de cartons par lesquels nos compatriotes accèdent, quelle que soit leur localisation, à une consommation de masse, à des prix qu’il ne m’appartient pas de juger, mais qui sont appréciés comme compétitifs.
Chers collègues, ne soyez pas catastrophistes ! Nous avons su accompagner une vieille maison, la moderniser et lui donner toutes ses chances. Aujourd’hui, ce qui est proposé est en effet un sacrifice de la Caisse des dépôts et consignations, puisque la CNP devient un partenaire de La Poste. Réjouissons-nous d’avoir pour une fois un grand service à la disposition du public qui a épousé les réalités à la fois technologiques et commerciales ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Je voudrais également apporter mon témoignage. Un tel projet est indispensable à la survie de La Poste.
Le nombre de plis distribués par La Poste était de 18 milliards voilà dix ans contre 9 milliards aujourd’hui. Le chiffre d’affaires s’amoindrit de manière très importante. Si nous ne faisons rien, La Poste est menacée de disparition. Le rapprochement envisagé est donc indispensable pour sa survie. Je voudrais remercier M. le rapporteur d’avoir souligné l’importance d’inscrire le caractère « public » de l’établissement dans le texte. En tant que participant au comité de suivi de haut niveau, je peux confirmer que c’était une demande forte de l’ensemble des syndicats. Cette précision me semble de nature à les rassurer.
Madame Cukierman, l’Observatoire national de la présence postale, que j’ai le plaisir de présider, met en place un contrat de présence postale territoriale, avec un budget de 174 millions d’euros, pour accompagner les collectivités. Ce sont ces dernières qui participent, via les comités départementaux, à la présence postale dans le cadre de la mission d’aménagement du territoire de La Poste.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. La présence des facteurs sur les territoires est tout à fait indispensable. Il nous appartient à nous, élus locaux, de formuler des propositions innovantes pour leur donner plus de travail, en complément de la distribution du courrier.
Le facteur passe dans les communes tous les jours, même le samedi, et va voir les personnes âgées, y compris dans les plus petits hameaux ruraux. C’est le cas dans mon département. Nous soutenons un certain nombre d’initiatives.
Ainsi, la tablette Ardoiz, voulue par des responsables de La Poste, permet aux personnes âgées de communiquer facilement, et de manière ludique, pour entrer en contact avec leur famille ou faire appel à des services. Nous pourrons proposer d’autres services aux facteurs si nous parvenons à un équilibre.
Précisément, l’équilibre financier des prestations, nous dit-on, pourra être maintenu grâce à la partie assurantielle, qui est nettement plus lucrative que la distribution du courrier. On nous expliquait hier qu’il fallait la double caisse ; il ne fallait surtout pas mélanger les activités commerciales et les activités liées aux redevances aéronautiques, au nom de la rentabilité. Et on nous dit aujourd’hui qu’il faut mélanger les caisses !
J’apprécierais donc que l’on fasse preuve de cohérence dans les discours. Sinon, nos concitoyens ne peuvent pas s’y retrouver. L’important est d’afficher la volonté de maintenir un service public rural. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. J’ai connu un temps où le facteur portait et installait les bouteilles de gaz, voire livrait les médicaments retirés en pharmacie sur ordonnance médicale. C’est un bon système : le véhicule des facteurs, qui n’est pas plein, dessert tous les jours pratiquement toutes les maisons.
Il y a eu des mythes, comme le courrier individuel à distribution exceptionnelle, le CIDEX, ou le regroupement des boîtes aux lettres. Les responsables de La Poste sont revenus en arrière et maintiennent les services, voire en rajoutent, comme les services à la personne ou l’installation d’appareils médicaux. Je salue cette volonté de La Poste.
Mais si La Poste peut faire tout cela, c’est précisément parce qu’elle exerce, à côté, des activités financières ; vu que le volume du courrier diminue de 7 % chaque année, il lui faut bien gagner de l’argent autrement. Elle a pu trouver un équilibre, et c’est tant mieux : le fait que La Poste soit présente partout est aujourd’hui un élément d’activité pour nos territoires.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je salue à mon tour l’effort d’adaptation considérable qui a été fait par les facteurs et l’ensemble du groupe La Poste. Un effort aussi remarquable ne se rencontre pas si aisément, y compris dans de grands groupes privés. Cela a permis de maintenir une présence extrêmement granulaire sur les territoires.
En outre, et nous avons abordé ce point avec les organisations syndicales lors de l’examen du contrat – M. Chaize y a fait référence –, les missions de service public, notamment l’implantation sur le territoire, font bien l’objet d’un financement spécifique de l’État. Ce n’est pas exactement le mécanisme de la double caisse. Mais nous y retrouvons bien cette forme de cohérence entre des missions de service public et les activités d’ordre privé.
Comme cela a été indiqué, l’enjeu principal est le renouvellement du contrat que l’État passera avec La Poste sur les quatre missions de service public, bien plus que la réforme dont nous discutons.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. L’observation de M. Savary est pleine de bon sens. Sur l’alimentation des caisses et des dispositifs, nous avons entendu tout et son contraire de la part du Gouvernement. Quoi que vous en pensiez, il faudra bien, à un moment donné, introduire de la clarté. Les Français comprennent bien qu’il ne peut pas y avoir que des taxes sur des équipements quand on a une activité commerciale et lucrative.
La Poste doit se réorganiser. Elle n’a pas le choix. Son contrat l’oblige à avoir un maillage territorial. Or la fonction courrier baisse de manière importante ; elle a été réduite de moitié en dix ans. Le groupe tente des diversifications, avec plus ou moins de bonheur. Nous amenons des pôles susceptibles de garantir et de sécuriser le dispositif. Cela me semble important.
Le message que le Sénat veut faire passer est qu’il ne s’agit pas d’avoir une position dogmatique, avec une caisse unique dans un cas ou une double caisse dans l’autre. Il est vraiment incohérent de faire tantôt une caisse unique tantôt un autre dispositif pour des entreprises dont le fonctionnement est assez proche.
J’insiste sur ces éléments, qui me paraissent importants, dans un souci de cohérence. J’espère que, grâce à ce texte, nous verrons prochainement des améliorations.
M. le président. L’amendement n° 366, présenté par M. M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande et Tourenne, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, MM. Kanner et Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran et Fichet, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et garantit la présence postale territoriale selon les modalités précisées à l’article 6
La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. L’article 54 prévoit le rapprochement des activités du groupe La Poste avec celles de CNP Assurances, afin de créer un géant français de la « bancassurance » mondiale.
Alors que les revenus de courrier de La Poste continuent de baisser – cela a été rappelé –, la présente réforme, plusieurs fois annoncée, permettra au groupe de prendre une autre dimension et de transformer profondément son modèle économique. Pour mettre en œuvre une telle transformation, le projet de loi prévoit de rendre l’État actionnaire minoritaire au sein de La Poste, société anonyme à capitaux publics depuis 2010 ; actuellement, il détient 74 % du capital. L’actionnaire majoritaire sera à l’avenir la Caisse des dépôts et consignations, et non plus l’État.
Si l’objectif affiché est de permettre une synergie – je dis bien une « synergie » – entre les 17 000 points de contact de La Poste et la force de frappe financière de CNP, il paraît essentiel de confirmer le principe de présence territoriale assurée par La Poste.
Compte tenu de sa mission d’aménagement du territoire, La Poste dispose d’un maillage extrêmement précieux et d’un réseau de partenaires locaux tant publics que privés. Conformément à l’article 6 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications, l’État, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité et La Poste s’engagent, dans le cadre de conventions adaptées et renouvelées, pour assurer cette présence territoriale.
Au-delà de ses activités historiques, et via le réseau des maisons de services au public, les MSAP, La Poste demeure l’un des derniers interlocuteurs de service public de proximité.
Par cet amendement, nous souhaitons réaffirmer la volonté du législateur de maintenir cette présence postale territoriale et son adaptation aux besoins diversifiés des territoires et des populations, en développant non seulement ses services, mais également ses structures sur les territoires.
Il est très important de faire en sorte que ces 17 000 points de contact, qui sont parfois les seules activités en ruralité, soient préservés. C’est naturel, me direz-vous… Mais non ! Les assurances seront demain beaucoup plus rentables que les points de contact. Or il faut garder en toute circonstance ces missions de service public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. J’entends les motivations des auteurs de l’amendement. Mais, comme j’ai eu l’occasion de le dire, à bien y regarder de près, l’amendement est déjà satisfait par le texte et par de multiples dispositions. On dit parfois que la loi est bavarde ; en l’occurrence, l’amendement est superflu. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Les articles 2 et 6 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications affirment la mission d’implantation sur les territoires et en définissent les modalités précises.
Cet amendement est donc superfétatoire. C’est pourquoi le Gouvernement en sollicite le retrait.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Le superfétatoire est parfois utile. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Je maintiens mon amendement. Je pourrais dire que c’est un amendement d’appel.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Mais non ! L’appel est déjà entendu !
M. Martial Bourquin. Je vous assure qu’il va y avoir un changement de nature avec ce qui va se passer. Les activités qui seront en place demain avec la CNP peuvent nous amener à faire des choix. Je préfère donc que le Sénat vote sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 998, présenté par M. Husson, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le capital de la société est intégralement public. Il est détenu par l’État et la Caisse des dépôts et consignations.
« Par exception au deuxième alinéa du présent I, une part du capital peut être détenue au titre de l’actionnariat des personnels dans les conditions prévues par la présente loi. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Cet amendement vise à apporter une précision relative à la contrainte de détention publique du capital de La Poste.
Nous vous proposons une rédaction un peu différente de celle de l’Assemblée nationale. La nôtre a le mérite – nous en avons évidemment discuté avec les représentants de La Poste – d’être plus claire. En fait, il était prévu que le capital de la société soit intégralement public et que les salariés puissent être également associés. Nous souhaitons préciser que le capital de la société est intégralement public, qu’il est détenu par l’État et la Caisse des dépôts et consignations et que, par exception, une part peut être détenue au titre de l’actionnariat des personnels.
Lors des auditions, l’hypothèse qu’il puisse y avoir un autre acteur public avait été émise. Mais il y a des acteurs publics dont les capitaux ne sont pas intégralement publics. Aujourd’hui, le dispositif est verrouillé. Si, d’aventure, d’aucuns voulaient un jour remettre en cause la détention à 100 % d’un capital public, il faudrait revenir devant le Parlement.
J’espère que cet amendement emportera votre adhésion et celle de vos collègues, monsieur Bourquin.
M. Martial Bourquin. Je serai moins sectaire que vous ; je voterai votre amendement. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Cet amendement est de nature à ne laisser subsister aucune ambiguïté quant aux finalités du projet. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 999, présenté par M. Husson, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 13 à 15
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
« 2° De représentants nommés par l’assemblée générale des actionnaires dont au moins deux représentants sont nommés sur proposition de l’État.
« a) Tant que l’État continue de détenir une part majoritaire du capital de La Poste, un représentant des communes et de leurs groupements et un représentant des usagers peuvent être nommés par décret. Dans ce cas, le nombre de représentants nommés par l’assemblée générale des actionnaires est réduit en conséquence.
« b) Dès lors que l’État ne détient plus une part majoritaire du capital de La Poste, le nombre de représentants nommés par l’assemblée générale des actionnaires sur proposition de l’État est égal à deux, et deux représentants des communes et de leurs groupements ainsi qu’un représentant des usagers, nommés par décret, participent aux réunions du conseil d’administration en qualité de censeurs, sans voix délibérative.
« La nomination des représentants nommés par l’assemblée générale des actionnaires sur proposition de l’État mentionnés au présent 2° est soumise aux dispositions de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. À mon sens, cet amendement devrait recueillir le même assentiment général.
Nous vous proposons une modification au sein du conseil d’administration de La Poste, en renforçant la présence et la représentation des communes et de leurs groupements, notamment dans le collège des censeurs. Aujourd’hui, le texte prévoit un représentant pour les communes et leurs groupements et un représentant pour les usagers. Nous souhaitons qu’il y en ait deux pour les communes et leurs groupements.
En effet, l’un de nos collègues a déclaré que La Poste devait rester un service public rural. Pour ma part, je pense que c’est d’abord un grand service public territorial et national. Les problèmes de bureaux de poste et de desserte existent aussi dans les villes. Nous suggérons donc d’avoir un représentant des centres urbains et un représentant des territoires ruraux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, nous soutenons une telle idée. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. La logique est tout de même assez curieuse : moins on a d’argent, plus on paye ! Dans les grandes villes, La Poste verse un loyer à la commune si cette dernière est propriétaire des bâtiments et paye elle-même la femme de ménage, ainsi que l’ensemble des services nécessaires à son bon fonctionnement. En revanche, les communes très rurales avec une agence postale, voire un bureau de poste mettent gratuitement le local à disposition, payent les heures supplémentaires si elles souhaitent que le public soit suffisamment accueilli et acquittent toutes les charges, notamment l’électricité.
Je n’ai pas forcément de solution, mais cette situation m’interpelle. Je crois qu’une réflexion sur le sujet s’impose. Comme nous sommes tous des défenseurs du monde rural, nous avons là un beau chantier.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Je voudrais interroger Mme le secrétaire d’État sur le fonctionnement des comités départementaux de présence postale.
L’auteur de l’amendement évoque la représentation des élus au sein du conseil d’administration de La Poste. Comment pourrait-on impliquer les parlementaires dans les comités départementaux ? Aujourd’hui, ils n’y sont plus présents, pour cause d’interdiction du cumul des mandats. Or ce serait intéressant de pouvoir y être, ne serait-ce que pour aborder les questions que notre collègue a évoquées. Ces comités départementaux doivent jouer un vrai rôle d’aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Émorine, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Émorine. Je souhaite vous rassurer, cher Jean-Louis Tourenne. Il faut aller au bout de l’analyse. Vous dites que les coûts des agences postales sont pris en compte dans les villes, mais pas dans les communes rurales.
Or, comme Mme la secrétaire d’État l’a rappelé, la loi prévoit, dans le cadre de la contractualisation, une convention entre l’État, La Poste, mais aussi l’Association des maires de France, qui permet de verser une indemnité aux communes en zone de revitalisation rurale. Aujourd’hui, celle-ci est de l’ordre de 1 150 euros par mois ; en plus, une partie des travaux nécessaires à la réalisation de l’agence postale sont pris en chargé. Hors zone de revitalisation rurale, l’indemnité est d’un peu moins de 1 000 euros par mois.
Lorsque les maires prennent une telle compétence, ils peuvent ainsi créer un service public dans leur mairie, mais avec une prise en charge par l’État et par La Poste indirectement.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je rebondis sur les deux dernières interventions. Les discussions que nous avons tous avec M. le président de La Poste portent aussi sur la réindexation des compensations versées pour la transformation de tel ou tel bureau de poste.
Je crois que nous devons avoir une réflexion. On voit des bureaux de poste exsangues à cause de la faible affluence, mais surtout des horaires, revivre subitement parce que la mairie décide, par exemple, que les bureaux seront ouverts le soir. Cela ne concerne pas seulement le monde rural. Certaines petites communes urbaines ou certains quartiers sont également touchés par les fermetures de bureaux.
Il ne s’agit pas d’opposer l’urbain et le rural. Simplement, dans certaines circonstances, il faut rééquilibrer les indemnités versées par La Poste, par exemple lorsque la revitalisation de l’activité de certains bureaux est bien meilleure qu’ailleurs. Cela fait partie des discussions.
La présence des parlementaires dans les comités départementaux est aussi un axe de réflexion de La Poste. Cela nous manque, mais cela leur manque aussi : ils ont besoin d’échanger avec des parlementaires qui ont une vision générale sur le département.
Je pense que, sur ces sujets, nous pouvons avancer avec La Poste.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Husson, rapporteur. J’avais essayé de formuler des propositions sur la présence des parlementaires dans les groupements départementaux de présence postale, mais le sujet est complexe.
Cela dit, il y a un problème de cohérence. On demande aux parlementaires de prendre de la distance – je crois qu’il y a encore un article sur le sujet dans Le Monde d’aujourd’hui – pour être à Paris et faire la loi, ce qui peut s’entendre. Mais, à force de prendre de la distance, nous allons être plus éloignés du territoire, même si nous en avons encore une bonne connaissance. Et à qui profite le crime ? À une technostructure, qui, elle, est immuable ! (M. Olivier Henno applaudit.)
Sur la question de la présence et des participations différenciées entre les territoires ruraux et urbains, je nous invite là encore à avoir une analyse un peu plus fine et précise. Évidemment, La Poste ferme des bureaux en ville, ce qui pose aussi des problèmes. Évidemment, elle impose quand elle le peut des participations aux communes, y compris urbaines, notamment pour des maisons de services au public, y compris dans des territoires urbains.
Je concède aussi qu’on en demande souvent un peu plus aux territoires ruraux. Le problème se pose de la même manière pour d’autres organismes de service public, y compris de sécurité et de protection.
M. René-Paul Savary. Bien sûr !
M. Jean-François Husson, rapporteur. En territoire rural, pour les gendarmeries, on peut aller jusqu’à nous demander une participation de 500 000 euros ! C’est facile quand c’est l’argent des autres ! C’est juste l’argent des Français…
Il en va de même pour les services de santé, par exemple. Les maisons de santé relèvent soit du privé soit du public. Nous avons une vraie réflexion à mener, madame la secrétaire d’État – elle n’est pas de votre seule responsabilité, mais, comme nous, faites-la remonter au Gouvernement -, concernant la présence et l’organisation des services publics et privés dans les territoires.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, les parlementaires n’ont pas à siéger dans les commissions départementales. En tant que parlementaires, nous avons un rôle de contrôle de l’exécutif et donc, d’une certaine façon, de contrôle du bon fonctionnement des services publics, dont l’État est le garant. Ce qui n’empêche pas les parlementaires que nous sommes de solliciter des rencontres avec les élus, voire avec le directeur de La Poste. En revanche, bien sûr, les élus locaux doivent y être au maximum représentés.
Institutionnellement, l’une des grandes réflexions que nous devons mener, à terme, porte sur la manière de contrôler l’État, le bon fonctionnement de services publics, sans trop se mêler des prises de décisions relevant de l’exécutif. Pour ma part, je suis un peu réticente de ce point de vue.
Je partage complètement les propos de M. Husson sur la question des services publics, à la fois ruraux et urbains. Je puis vous assurer que la présence des services publics dans les quartiers relevant de la politique de la ville est un enjeu majeur pour combattre la fracture territoriale, entre la ville et la campagne ou à l’intérieur de nos villes. La Poste comme la plupart des services publics n’y sont que rarement présents, et souvent uniquement parce que la collectivité locale finance 90 % des activités – et il ne s’agit généralement pas de communes riches.
En ce qui me concerne, j’ai toujours plaidé, même si ce n’est pas tout à fait l’objet de cette loi PACTE, pour une loi de maillage des services publics qui définisse sur chaque territoire un type d’accès égal pour tous en termes de temps, de distance et de nature du service, en gardant la philosophie d’une péréquation pour garantir que les entreprises de service public et l’État travaillent de concert pour répondre à cette exigence. Sinon, nous ne parviendrons pas à rompre la logique infernale de l’accroissement des inégalités, dans laquelle on demande aux collectivités locales, pour éviter d’être complètement marginalisées, de financer des services que d’autres peuvent se payer parce que le marché, la solvabilité, la proximité le leur permettent.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le rapporteur, je soutiens pleinement votre amendement. On évoque beaucoup la présence postale, les partenariats avec les communes. Combien de fois, dans nos territoires, la présence postale est-elle maintenue, en accord avec le maire, non pas à la mairie, mais chez un commerçant ? Combien de fois des activités commerciales sont-elles soutenues dans un village : un bureau de tabac, une épicerie jouant aussi le rôle de présence postale, avec une large amplitude horaire, le matin, le soir voire le week-end, souvent très appréciée ? Il faut mettre en évidence les services de cette nature. À cet égard, il est intéressant de renforcer la représentation des maires. La présence postale en milieu urbain, dans des quartiers difficiles, est tout aussi indispensable qu’en milieu rural. Elle est gérée, il faut l’évoquer, en liaison avec la municipalité, souvent conjointement à des activités commerciales également maintenues de cette manière-là.
C’est la raison pour laquelle je soutiens sans réserve cet amendement, qui a tout son sens en termes d’aménagement et de présence sur nos territoires.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Je viens m’inscrire en faux, en l’illustrant par un exemple, contre les propos de Mme Lienemann.
Comme vous le savez, les services de La Poste des Hauts-de-Seine sont en grève depuis le 26 mars 2018…
M. Roger Karoutchi. Bientôt un an !
Mme Christine Lavarde. Pendant plus de deux mois, 150 000 à 200 000 personnes, dans deux ou trois villes, soit l’équivalent de la population de certains départements, n’ont pas reçu une seule lettre dans leur boîte aux lettres !
Eh bien, les élus locaux étaient fort démunis. Le problème a commencé à être traité à l’échelle de la direction générale et de l’État, qui a la tutelle de l’entreprise, lorsque les parlementaires ont écrit, déposé des questions écrites, sollicité des rendez-vous. Nous avons donc effectivement un rôle à jouer…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Bien sûr !
Mme Christine Lavarde. … et il pourrait être très utile de siéger dans les commissions de présence postale.
J’abonde donc complètement dans le sens du rapporteur : il existe des problèmes dans les zones urbaines denses.
M. le président. Je mets aux voix l’article 54, modifié.
(L’article 54 est adopté.)
Section 4
Protéger nos entreprises stratégiques
Article 55
I. – Le chapitre Ier du titre V du livre Ier du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L’article L. 151-3 est ainsi modifié :
a) Le dernier alinéa du I est complété par les mots : « et des investissements soumis à autorisation » ;
a bis) Au second alinéa du II, après le mot : « nature », sont insérés les mots : « et les modalités de révision » ;
b) Le III est abrogé.
2° Après le même article L. 151-3, sont insérés des articles L. 151-3-1 et L. 151-3-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 151-3-1. – I. – Si un investissement étranger a été réalisé sans autorisation préalable, le ministre chargé de l’économie prend une ou plusieurs des mesures suivantes :
« 1° Injonction à l’investisseur de déposer une demande d’autorisation ;
« 2° Injonction à l’investisseur de rétablir à ses frais la situation antérieure ;
« 3° Injonction à l’investisseur de modifier l’investissement.
« Les injonctions mentionnées aux 1° à 3° peuvent être assorties d’une astreinte. L’injonction précise le montant et la date d’effet de cette astreinte. Un décret en Conseil d’État fixe le montant journalier maximal de l’astreinte et les modalités selon lesquelles, en cas d’inexécution totale ou partielle ou de retard d’exécution, il est procédé à sa liquidation.
« Le ministre chargé de l’économie peut également, si la protection des intérêts nationaux mentionnés au I de l’article L. 151-3 est compromise ou susceptible de l’être, prendre les mesures conservatoires qui lui apparaissent nécessaires. Il peut à ce titre :
« a) Prononcer la suspension des droits de vote attachés à la fraction des actions ou des parts sociales dont la détention par l’investisseur aurait dû faire l’objet d’une autorisation préalable ;
« b) Interdire ou limiter la distribution des dividendes ou des rémunérations attachés aux actions ou aux parts sociales dont la détention par l’investisseur aurait dû faire l’objet d’une autorisation préalable ;
« c) Suspendre, restreindre ou interdire temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs liés aux activités définies au I de l’article L. 151-3 ;
« 4° Désigner un mandataire chargé de veiller, au sein de l’entreprise dont relève l’activité mentionnée au I de l’article L. 153-1, à la protection des intérêts nationaux. Ce mandataire peut faire obstacle à toute décision des organes sociaux de nature à porter atteinte à ces intérêts. Sa rémunération est fixée par le ministre chargé de l’économie ; elle est prise en charge, ainsi que les frais engagés par le mandataire, par l’entreprise auprès de laquelle il est désigné.
« II. – Si le ministre chargé de l’économie estime que les conditions dont est assortie son autorisation en application du II de l’article L. 151-3 ont été méconnues, il prend une ou plusieurs des mesures suivantes :
« 1° Retrait de l’autorisation. Sauf s’il revient à l’état antérieur à l’investissement, l’investisseur étranger sollicite de nouveau l’autorisation d’investissement prévue à l’article L. 151-3 ;
« 2° Injonction à l’investisseur auquel incombait l’obligation non exécutée de respecter dans un délai qu’il fixe les conditions figurant dans l’autorisation ;
« 3° Injonction à l’investisseur auquel incombait l’obligation non exécutée d’exécuter dans un délai qu’il fixe des prescriptions en substitution de l’obligation non exécutée, y compris le rétablissement de la situation antérieure au non-respect de cette obligation ou la cession de tout ou partie des activités définies au I de l’article L. 151-3.
« Ces injonctions peuvent être assorties d’une astreinte selon les modalités prévues au I du présent article.
« Le ministre chargé de l’économie peut également prendre les mesures conservatoires nécessaires, dans les conditions et selon les modalités prévues au même I.
« III. – Les décisions ou injonctions prises sur le fondement du présent article ne peuvent intervenir qu’après que l’investisseur a été mis en demeure de présenter des observations dans un délai de quinze jours, sauf en cas d’urgence, de circonstances exceptionnelles ou d’atteinte imminente à l’ordre public, la sécurité publique ou la défense nationale.
« IV. – Ces décisions sont susceptibles d’un recours de plein contentieux.
« V. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article.
« Art. L. 151-3-2. – En cas de réalisation d’un investissement sans autorisation préalable, d’obtention par fraude d’une autorisation préalable, de méconnaissance des prescriptions du II de l’article L. 151-3, d’inexécution totale ou partielle des décisions ou injonctions prises sur le fondement de l’article L. 151-3-1, le ministre chargé de l’économie peut, après avoir mis l’investisseur à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés dans un délai minimal de quinze jours, lui infliger une sanction pécuniaire dont le montant s’élève au maximum à la plus élevée des sommes suivantes : le double du montant de l’investissement irrégulier, 10 % du chiffre d’affaires annuel hors taxes de l’entreprise qui exerce les activités définies au I de l’article L. 151-3, cinq millions d’euros pour les personnes morales et un million d’euros pour les personnes physiques.
« Le montant de la sanction pécuniaire est proportionné à la gravité des manquements commis. Le montant de la sanction est recouvré comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. » ;
3° À l’article L. 151-4, le mot : « préalable » est supprimé et, à la fin, la référence : « du c du 1 de l’article L. 151-2 » est remplacée par la référence : « de l’article L. 151-3 ».
II. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, sur l’article.
M. Olivier Cadic. En mai 2017, la Commission européenne a publié un document de réflexion économique faisant valoir que l’Union européenne ne doit pas être naïve dans son approche de la mondialisation. Les investissements étrangers représentent un enjeu fondamental. Ils façonnent le monde de demain et donc nos modes de vie. Or, ces dernières années, les investissements directs étrangers, et plus particulièrement chinois, ont connu une progression spectaculaire. Ces investissements étrangers peuvent constituer parfois un risque majeur pour notre souveraineté.
En renforçant l’arsenal juridique français comme le fait la loi PACTE, je pense que nous pourrons nous opposer avec plus de vigueur à la stratégie de pays qui agissent en véritables prédateurs pour prendre le contrôle de certaines de nos pépites. À cet égard, je veux saluer le discours du ministre de l’économie et des finances à Pékin, en janvier 2018, qualifiant certains investissements chinois de « pillage ». Je soutiens donc cette démarche du Gouvernement prolongeant l’impulsion donnée à l’origine par Dominique de Villepin en 2005 et approfondie par le décret Montebourg en 2014.
Cependant, je voudrais attirer l’attention du Gouvernement et de mes collègues. C’est bien de voter des textes de protection, c’est très bien de publier ensuite des décrets d’application, mais c’est encore mieux de les appliquer ! En cinq ans, le décret Montebourg n’a jamais été actionné… J’espère que le texte qui sera voté aujourd’hui démontrera son utilité, surtout par sa mise en œuvre.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 363 rectifié, présenté par Mme Létard, MM. Lafon et Moga, Mme Sollogoub, M. Kern, Mmes Billon et Joissains, MM. Janssens et Bonnecarrère, Mme Goy-Chavent, M. L. Hervé, Mmes Vermeillet, Vullien, Guidez, Férat et Gatel et MM. D. Dubois et Vanlerenberghe, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le a du I est ainsi rédigé :
« a) Activités de nature à porter atteinte à la sécurité nationale, définie comme l’ordre public, la sécurité publique ou les intérêts de la défense nationale, y compris dans leurs aspects de sécurité économique, énergétique et alimentaire ; »
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Cet amendement vise à clarifier l’article L. 151-3 du code monétaire et financier. Cet article prévoit que soient soumis à autorisation préalable du ministre chargé de l’économie les investissements étrangers dans une activité en France qui, même à titre occasionnel, participe à l’exercice de l’autorité publique relevant notamment de l’un des domaines suivants : activités de nature à porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale.
Avec cet amendement n° 363 rectifié, nous clarifions la liste des domaines concernés et unifions la motivation du régime de dérogation à la liberté d’investir des investisseurs étrangers en France. Ainsi, seront soumises à l’autorisation préalable du ministre chargé de l’économie les activités de nature à porter atteinte à la sécurité nationale, définie comme l’ordre public, la sécurité publique ou les intérêts de la défense nationale, y compris dans leurs aspects de sécurité économique, énergétique et alimentaire.
Plus explicite, la présente rédaction s’applique à mieux appréhender les différentes composantes de la sécurité intérieure – ordre et sécurité publics –, comme de la sécurité extérieure – défense nationale –, tout en respectant nos engagements européens au regard des dérogations admises au principe de libre circulation des capitaux. La rédaction du présent amendement est de nature à garantir une meilleure prise en compte des enjeux spécifiques liés en particulier à la sécurité énergétique et alimentaire des Français.
Sans nous soustraire à l’économie mondialisée, nous devons être en mesure d’avoir des garde-fous, car il y a des enjeux considérables en termes d’indépendance économique que nous devons préserver. Nous sommes plusieurs parlementaires sensibilisés à cette question, à laquelle j’associe naturellement l’ensemble des cosignataires de cet amendement, ainsi que mon collègue Olivier Henno.
M. le président. L’amendement n° 578, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au a du I, après le mot : « publique », sont insérés les mots « , à la sécurité alimentaire » ;
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Sans revenir sur ce qui vient d’être dit, je rappellerai simplement ce que nous savons tous : les terres agricoles sont une denrée rare et précieuse. Il ne s’agit pas seulement de lutter contre la disparition des terres agricoles, mais contre la prédation de groupes étrangers qui mettent à mal le modèle agricole.
Les instruments de contrôle de l’acquisition du foncier agricole, qui est le support de notre sécurité alimentaire, ne sont plus en adéquation avec la réalité. Nous l’avons vu dans un certain nombre de départements, je pense notamment à l’Allier, département limitrophe du mien.
Finalement, le régime de l’autorisation préalable du ministre chargé de l’économie pour les investissements étrangers est un mécanisme adapté pour protéger cet enjeu sensible. Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. L’amendement n° 136 rectifié, présenté par M. M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande, Tourenne et Kanner, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran et Fichet, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le b du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) Activités de nature à porter atteinte à la souveraineté de la France en matière de possession du foncier agricole. » ;
La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Cet amendement étend la protection de l’État au foncier agricole, qui est le support de l’agriculture. Ces dernières années, les acquisitions de foncier agricole par des sociétés financières étrangères se sont accentuées. Pour trouver des mesures en vue d’endiguer ce phénomène, une mission parlementaire a été créée en 2018. Cependant, les achats massifs se poursuivent et nécessitent une réponse.
Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, ont tiré la sonnette d’alarme au niveau national : 900 hectares ont été achetés par des groupes chinois dans l’Allier en 2017, 1 700 hectares dans l’Indre en 2016, et combien de grands châteaux, de propriétés agricoles ? L’accaparement des terres en France est un vrai problème. Auparavant, aucune terre agricole n’était exploitée ou détenue par des sociétés. Aujourd’hui, 20 % des terres agricoles sont détenues par des sociétés.
Il y a péril pour le mode d’agriculture familiale, mais aussi pour la sécurité alimentaire du pays. Nous devons en débattre. Quand Arnaud Montebourg a mis en place ce verrou concernant la protection de nos actifs stratégiques, d’aucuns ont ri. L’Allemagne vient d’en introduire un bien plus puissant à la suite de l’affaire Kuka. Nous avons donc besoin de soutenir et de protéger nos actifs agricoles comme les sociétés faisant face à la prédation.
M. le président. L’amendement n° 438 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Menonville, Artano, A. Bertrand, Collin et Guérini, Mme Jouve et MM. Labbé, Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le troisième alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) Activités de nature à porter atteinte à la sécurité de l’approvisionnement alimentaire. » ;
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Cet amendement va dans le même sens, puisqu’il vise à répondre à la préoccupation croissante dans les territoires ruraux face à la multiplication d’investissements étrangers dans le foncier agricole, d’élevage ou viticole, dont les motivations à long terme ne sont pas toujours claires. Est-ce pour une production exportable, pour une production continentale ou européenne ? Cela reste à définir.
À terme, ces investissements représentent un risque de perte de souveraineté dans le domaine alimentaire, alors que la sécurité de l’approvisionnement apparaît comme une nécessité, tant sur le plan qualitatif que quantitatif.
Plusieurs initiatives ont été prises au niveau législatif et le décret du 14 mai 2014, dit Montebourg, a renforcé le dispositif réglementaire. Toutefois, cela reste encore insuffisant dans le domaine agricole. De même, les dispositions existant dans le code rural et de la pêche maritime visant à resserrer la maîtrise du foncier, en particulier via le droit de préemption des SAFER, ne répondent pas totalement à l’objectif de cet amendement.
C’est pourquoi il est proposé, dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, d’inscrire les activités de nature à porter atteinte à la sécurité de l’approvisionnement alimentaire dans le champ des activités soumises à autorisation préalable du ministre chargé de l’économie, après avis éventuel du ministre chargé de l’agriculture et de l’alimentation.
Nous avons visé la sécurité de l’approvisionnement plutôt que le foncier directement, qui peut éventuellement poser des problèmes, mais le but est le même : c’est bien le foncier qui est ainsi défini.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Ces quatre amendements vont dans le même sens puisqu’ils visent à préciser le champ du contrôle des investissements étrangers, notamment en y incluant la sécurité alimentaire ou le foncier agricole. La détermination des secteurs précis relève du décret, comme l’approvisionnement énergétique, l’approvisionnement en eau et la santé publique, qui sont déjà inclus dans le champ de ce contrôle.
La commission spéciale partage l’avis des auteurs de ces amendements : les enjeux de sécurité alimentaire et de protection du foncier méritent une attention particulière du Gouvernement. Elle demande donc l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je tiens tout d’abord à préciser à M. le sénateur Cadic que le dispositif Montebourg est régulièrement utilisé chaque année, pour plus de dossiers qu’on ne le croit, et donne lieu à des décisions du Gouvernement. Je ne voudrais pas laisser planer une ambiguïté sur ce dispositif des investissements étrangers en France, les IEF.
Le Gouvernement demande le retrait des amendements nos 363 rectifié, 578 et 438 rectifié, qui sont satisfaits par le dispositif actuel, puisque l’enjeu de sécurité publique permet de couvrir la sécurité alimentaire telle qu’elle est définie dans ces amendements.
L’amendement n° 136 rectifié, en revanche, vise directement la possession du foncier agricole. L’avis du Gouvernement est défavorable, le dispositif ne fonctionnant pas, car il faudrait prouver l’existence d’un enjeu d’ordre et de sécurité publics. Nous en revenons au problème précédent : nous ne pouvons pas contrôler l’intervention d’acheteurs étrangers sur le foncier agricole, qui ne pose pas de problème de sécurité alimentaire ou d’ordre public, mais peut-être de déséquilibre des prix des terres agricoles, d’arrière-pensées, etc. Nous aurons du mal à prouver que cela nous prive d’une sécurité alimentaire ou donne lieu à des transferts de technologie ou de défense, qui sont les éléments visés par le dispositif IEF.
Aujourd’hui, seuls 9 % des achats sont réalisés par des acheteurs non européens. Le phénomène reste tout de même limité, même si vous avez mentionné des exemples précis. Cela n’empêche pas de se poser la question, mais pas dans le cadre de ce dispositif, qui ne permet pas d’y répondre correctement.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La commission spéciale demande également le retrait des amendements nos 363 rectifié, 578 et 438 rectifié, puisqu’ils sont déjà satisfaits.
L’amendement n° 136 rectifié concernant précisément le foncier agricole porte un vrai sujet. Je ne sais pas s’il est techniquement applicable, mais j’ai envie de m’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vous rappelle que si le premier amendement était adopté, les suivants deviendraient sans objet.
La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Autant la question de la privatisation ou de la nationalisation me paraissait anachronique, autant celle des secteurs stratégiques et de la nature des capitaux me paraît de la plus haute importance. Privatiser quand les capitaux sont français ou européens, ce n’est pas la même chose que lorsqu’ils sont chinois !
Sur ce sujet, appliquons le principe de réciprocité, au cœur des débats sur le Brexit. Vous ne pourrez jamais acquérir plus de 49 % de quelque affaire que ce soit en Chine, qu’il s’agisse d’un petit commerce, de terres agricoles ou d’une entreprise plus importante. Il en est de même dans tous les pays d’Asie. La question de la réciprocité entre les grands empires continents que sont la Chine, les États-Unis, l’Inde et l’Europe me semble pour le coup relever de la plus haute importance stratégique. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.
Mme Viviane Artigalas. Je voudrais vraiment insister sur l’importance du foncier agricole.
Vous dites, madame la secrétaire d’État, que seuls 9 % des investisseurs ne sont pas Européens, mais la tendance est à la hausse et nous ne devons pas négliger le danger pour notre souveraineté. Les Chinois ont commencé par les terrains viticoles, ils continuent avec les terres d’élevage, de culture… Nous voyons bien l’idée qui sous-tend ces acquisitions. La production alimentaire risque à l’avenir de manquer au niveau mondial, et ils anticipent en investissant chez nous, mais aussi en Pologne et ailleurs.
Il est donc vraiment essentiel de voter cet amendement aujourd’hui, ce qui n’exclut pas, bien évidemment, de réfléchir au moyen de sécuriser plus encore notre foncier agricole pour garder notre souveraineté de production alimentaire.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Le problème posé fait l’objet d’un consensus, mais nous n’avons pas tout à fait les réponses.
Cela a été dit concernant la Chine avec des exemples précis, il ne faut pas, madame la secrétaire d’État, travailler le dos au mur. Le problème est suffisamment important pour l’étudier sans attendre. Dans l’Allier et dans l’Indre, lorsque les SAFER ont voulu faire valoir leur droit de préemption, elles se sont retrouvées face à une flopée d’avocats qui ont réussi à faire annuler la procédure.
Vous le savez, la population mondiale devrait atteindre 10 milliards d’individus. Les pays d’Asie, et plus précisément la Chine, achètent des dizaines de milliers d’hectares en Afrique, mais aussi en France. Donc, sans avoir la parade, abordons la question : votons l’amendement et aménageons ensuite en fonction des possibilités du droit international, mais ne restons pas indifférents à la situation !
Vous évoquez le chiffre de 9 %, mais c’est sans compter les filiales françaises qui achètent aussi des propriétés. Au-delà des sociétés exploitantes, il y a les sociétés purement propriétaires, qui profitent même parfois d’aides de la PAC ! Cela vaut donc la peine qu’on s’y arrête !
M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour explication de vote.
M. Pierre Louault. L’amendement présenté par Martial Bourquin pose un véritable problème de société, même si je ne suis pas sûr qu’il le règle parfaitement. Néanmoins, l’intention me semble forte. Je suis élu d’un département limitrophe de l’Indre où, sur 3 000 hectares, les Chinois sont devenus soit propriétaires soit majoritaires dans les sociétés.
Je serais d’avis de voter cet amendement, même imparfait, pour le compléter ultérieurement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Les deux premiers amendements parlent de sécurité alimentaire, ce qui nous semblait insuffisant, celle-ci ayant une connotation plutôt qualitative. C’est pourquoi nous avions présenté l’amendement n° 438 rectifié portant sur la sécurité de l’approvisionnement alimentaire, sans oser évoquer directement le foncier.
Cependant, nous sommes bien sur la même ligne que l’amendement n° 136 rectifié. S’il est considéré comme recevable, nous retirons notre amendement à son profit.
M. le président. L’amendement n° 438 rectifié est retiré.
La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Si je comprends l’amendement n° 136 rectifié, je ne suis pas sûr de la façon dont il peut être mis en œuvre, dans la mesure où nous passons de la politique industrielle au secteur agricole. Comment cela s’organisera-t-il administrativement, politiquement ? Néanmoins, le message est important.
Je rappellerai simplement que les principaux pays qui souffrent de ces acquisitions abusives de terrains sont situés en Afrique. Rappelez-vous, il y a quatre ans, l’Arabie saoudite signait un contrat pour l’acquisition de 1 million d’hectares à Madagascar, entraînant accessoirement la chute du gouvernement malgache, et l’on pourrait citer de nombreux autres exemples. Il s’agit d’un problème mondial et, au fond, il est bon que nous prenions position.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. C’est un sujet dont nous avons déjà débattu. Nous avions d’ailleurs trouvé un accord avec l’Assemblée nationale, la commission mixte paritaire ayant été conclusive, mais les dispositions relatives au foncier agricole ont été invalidées par le Conseil constitutionnel.
Je ne voterai pas cet amendement, mes chers collègues…
M. Martial Bourquin. Pourquoi ?
M. Daniel Gremillet. La question n’est pas uniquement de savoir qui porte le capital. Vous faites une confusion ! Le porteur du capital n’est pas pour autant le bénéficiaire de la politique agricole commune.
Être porteur du capital ne signifie pas avoir l’autorisation d’exploiter, celle-ci s’inscrivant dans un schéma de structures, hier départementales, aujourd’hui régionales. Nous nous rejoignons toutefois sur un point : il y a un vrai sujet foncier à traiter dans notre pays, et il dépasse largement le petit problème que nous sommes en train d’examiner.
Qu’est-ce qu’un paysan et une entreprise agricole aujourd’hui ? Comment pouvons-nous faciliter la transmission de ce patrimoine, qui constitue aussi la protection alimentaire de notre pays, pour permettre aux nouvelles générations, dans tous les secteurs de production, de continuer à être agricultrice ou agriculteur ?
Le problème est vaste, et ce n’est pas avec cet amendement que nous le réglerons. Je souhaite que nous abordions ce sujet complexe sereinement, en mettant de côté les passions, pour tenter de parvenir à une position unanime. Des travaux ont d’ailleurs d’ores et déjà été engagés sur ce thème.
La question posée est bonne, il était important de la soulever, mais, personnellement, je pense que ce serait une erreur de voter cet amendement, qui ne permet pas de traiter le dossier du foncier dans toute son ampleur. (Mme Sophie Primas, MM. Jean-Raymond Hugonet et René-Paul Savary applaudissent.)
M. le président. Monsieur Kern, l’amendement n° 363 rectifié est-il maintenu ?
M. Claude Kern. Si vous voulez effectivement appliquer le principe de réciprocité, exposé par notre collègue Olivier Henno, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement. Je le maintiens donc, et son adoption permettrait de satisfaire tous les autres.
M. le président. L’inverse est vrai également, mon cher collègue : si l’un des autres amendements en discussion commune était voté, le vôtre serait également satisfait.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Dans la mesure où notre collègue ne retire pas l’amendement n° 363 rectifié, la commission s’en remet finalement à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le foncier agricole est un sujet sérieux, important, et les questions que vous posez sont légitimes.
Il nous semble toutefois que le dispositif IEF ne permet pas de le traiter, même en travaillant au cours de la navette, sauf à inventer un cavalier gigantesque qui occuperait toute cette pièce… (Sourires.)
Je précise également qu’une mission d’information de l’Assemblée nationale a remis un rapport sur le foncier agricole en décembre 2018. Les deux assemblées doivent maintenant s’emparer de ce sujet, avec l’appui, au premier chef, des services du ministère de l’agriculture.
Même avec beaucoup de temps et d’intelligence, je ne saurais pas inventer la législation à partir du point d’entrée proposé dans cet amendement.
En conséquence, le Gouvernement s’en tient à sa demande de retrait. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que je vais passer à la mise aux voix de trois amendements en discussion commune, l’amendement n° 438 rectifié ayant été retiré.
L’amendement n° 363 rectifié a reçu un avis de sagesse de la commission et un avis défavorable du Gouvernement. L’amendement n° 578 a reçu deux avis défavorables. Enfin, l’amendement n° 136 rectifié a également reçu un avis de sagesse de la commission et un avis défavorable du Gouvernement.
Je mets aux voix l’amendement n° 363 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 578 et 136 rectifié n’ont plus d’objet. (M. Martial Bourquin marque son étonnement.)
Je vous invite à réécouter l’enregistrement, mon cher collègue. J’ai répété plusieurs fois que, si l’un de ces amendements était adopté, les autres devenaient sans objet. En revanche, je suis obligé de les mettre aux voix dans l’ordre du dérouleur.
J’ai même précisé que Mme la rapporteur avait modifié son avis sur l’amendement n° 363 rectifié, la demande de retrait devenant un avis de sagesse, ce qui a sans doute modifié substantiellement les intentions de vote de l’assemblée.
L’amendement n° 268, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 28
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 151-4, il est inséré un article L. 151-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 151-4-… – L’investisseur ou l’entreprise exerçant les activités mentionnées à l’article L. 151-3, sont tenus de communiquer à l’autorité administrative chargée de la procédure d’autorisation et de contrôle des investissements étrangers, sur sa demande, tous les documents et informations nécessaires à l’exécution de sa mission, sans que les secrets légalement protégés ne puissent lui être opposés. »
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Cet amendement vise à permettre à l’administration chargée du contrôle des investissements étrangers en France de requérir auprès des investisseurs étrangers toutes les informations nécessaires à l’exercice de ses missions, l’objectif étant d’améliorer les outils dont dispose le Gouvernement pour protéger nos entreprises sensibles et précisément instruire ces nombreux dossiers.
À cette fin, le texte que le Sénat a adopté en commission prévoit un renforcement significatif des mesures d’urgence, des mesures de police et des sanctions que le Gouvernement pourra prendre s’il constate des manquements.
De manière prévisible, dans le contexte d’un contrôle plus exigeant, les décisions de l’État seront davantage susceptibles d’être contestées en justice. Les relations avec les investisseurs fautifs seront probablement moins collaboratives que lorsqu’il s’agissait de leur délivrer une autorisation pour investir.
Cet amendement a ainsi pour objectif d’autoriser la direction du Trésor à requérir toutes les informations nécessaires pour exercer ses missions, à la fois pour instruire les décisions d’autorisation ou de refus, mais également pour démontrer le non-respect des conditions fixées. En effet, dans les décisions que nous prenons, nous pouvons poser des conditions, les autorisations sous conditions étant ensuite étudiées au sein des comités de suivi.
Il permettra de prévenir les situations dans lesquelles des investisseurs seront tentés d’invoquer le secret professionnel, le secret des affaires, pour ne pas remettre à l’administration les informations permettant de prouver leurs manquements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Cet amendement vise à ce que l’administration puisse avoir accès aux données nécessaires à l’exercice de son contrôle des investissements étrangers.
Si son objectif est de mieux protéger les entreprises françaises sensibles, évidemment, nous y sommes favorables. La commission spéciale s’interroge toutefois sur la portée de cette obligation.
C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote sur l’article 55.
M. Olivier Cadic. Je n’ai pas dit que le ministère ne faisait rien dans le domaine, mais que le décret Montebourg n’avait pas été formellement activé. La presse économique s’en est encore fait l’écho récemment.
Je me ferai donc un plaisir de poser une question écrite à ce sujet, qui vous permettra, madame la secrétaire d’État, de préciser la liste des dossiers dans lesquels le décret Montebourg a été actionné. Le Parlement pourra ainsi évaluer son efficacité.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 55 bis
Le chapitre Ier du titre V du livre Ier du code monétaire et financier est complété par des articles L. 151-5 et L. 151-6 ainsi rédigés :
« Art. L. 151-5. – Sous réserve des dispositions relatives à la protection du secret de la défense nationale, le ministre chargé de l’économie rend publiques, annuellement, selon des modalités garantissant l’anonymat des personnes physiques et morales concernées, les principales statistiques relatives au contrôle des investissements étrangers prévu à l’article L. 151-3.
« Art. L. 151-6. – Le Gouvernement transmet chaque année au Parlement un rapport portant sur l’action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation, ainsi qu’en matière de contrôle des investissements étrangers dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 151-3 du code monétaire et financier. Ce rapport comporte :
« 1° Une description de l’action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation, notamment des mesures prises en matière de sécurité économique et de protection des entreprises stratégiques, des objectifs poursuivis, des actions déployées et des résultats obtenus ;
« 2° Des informations relatives à la procédure d’autorisation préalable des investissements étrangers dans une activité en France, comprenant notamment des éléments détaillés relatifs au nombre de demandes d’autorisation préalables adressées au ministre chargé de l’économie, de refus d’autorisation, d’opérations autorisées, d’opérations autorisées assorties de conditions prévues au II de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier, ainsi que des éléments relatifs à l’exercice par le ministre du pouvoir de sanction prévu au même article L. 151-3, à l’exclusion des éléments permettant l’identification des personnes physiques ou morales concernées par la procédure d’autorisation préalable des investissements étrangers dans une activité en France. » – (Adopté.)
Article 55 ter
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 143 est présenté par Mme Espagnac, MM. M. Bourquin, Lalande, Tourenne et Kanner, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 743 est présenté par MM. Yung, Rambaud, Patient, Patriat, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Navarro, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article 6 decies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 … ainsi rédigé :
« Art. 6 … – I. – Il est constitué une délégation parlementaire à la sécurité économique, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat. Cette délégation est composée de huit députés et de huit sénateurs.
« II. – Les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des affaires économiques et des finances sont membres de droit de la délégation parlementaire à la sécurité économique. La fonction de président de la délégation est assurée alternativement, pour un an, par un député et un sénateur, membres de droit. Les autres membres de la délégation sont désignés par le président de leur assemblée respective en tâchant de reproduire les équilibres entre groupes politiques de chacune d’entre elles. Les six députés qui ne sont pas membres de droit sont désignés au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci. Les six sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.
« III. – Sans préjudice des compétences des commissions permanentes et sous réserve des compétences de la délégation parlementaire au renseignement, la délégation parlementaire à la sécurité économique a pour mission de suivre l’action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation, ainsi qu’en matière de contrôle des investissements étrangers dans le cadre de la procédure prévue aux articles L. 151-3 et suivants du code monétaire et financier. À cette fin, le Gouvernement lui transmet chaque année un rapport comportant :
« 1° Une description de l’action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation, notamment des mesures prises en matière de sécurité économique et de protection des entreprises stratégiques, des objectifs poursuivis, des actions déployées et des résultats obtenus ;
« 2° Des informations relatives à la procédure d’autorisation préalable des investissements étrangers dans une activité en France, comprenant notamment des éléments détaillés relatifs au nombre de demandes d’autorisation préalables adressées au ministre chargé de l’économie, de refus d’autorisation, d’opérations autorisées, d’opérations autorisées assorties de conditions prévues au II de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier, ainsi que des éléments relatifs à l’exercice par le ministre du pouvoir de sanction prévu au même article L. 151-3, à l’exclusion des éléments permettant l’identification des personnes physiques ou morales concernées par la procédure d’autorisation préalable des investissements étrangers dans une activité en France.
« La délégation peut entendre le Premier ministre, les ministres compétents, le commissaire à l’information stratégique et à la sécurité économiques et les directeurs des administrations centrales concernées, accompagnés des collaborateurs de leur choix. Ces échanges peuvent porter sur des éléments permettant l’identification des personnes mentionnées au premier alinéa du présent III.
« IV. – Les travaux de la délégation parlementaire à la sécurité économique ne sont pas rendus publics.
« V. – Chaque année, par dérogation au IV, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de son activité. Ce document ne peut faire état d’aucune information ni d’aucun élément d’appréciation permettant d’identifier les personnes mentionnées au III du présent article.
« Dans le cadre de ses travaux, la délégation peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre ainsi qu’aux ministres mentionnés au même III. Elle les transmet au président de chaque assemblée.
« VI. – La délégation parlementaire à la sécurité économique établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l’approbation du bureau de chaque assemblée.
« Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l’article 7. »
La parole est à M. Martial Bourquin, pour présenter l’amendement n° 143.
M. Martial Bourquin. La constitution d’une délégation parlementaire serait la bienvenue pour renforcer le pouvoir de contrôle du Gouvernement sur un sujet aussi stratégique pour le pays que celui de la sécurité économique, liée également à la nature des investissements étrangers.
Nous n’avons pas très bien compris pourquoi le rapporteur avait supprimé cet article. Nous sommes parfois durs avec le Gouvernement, mais, en l’occurrence, nous pensons que les choses vont dans le bon sens.
Nous avons trop longtemps péché par manque de surveillance dans ce domaine. La création d’une délégation parlementaire nous offre l’occasion de remédier à ce manque, à condition que le Parlement puisse l’interroger régulièrement et qu’elle rende un rapport annuel sur ces questions.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 743.
M. Richard Yung. J’espère que tout le monde a bien noté les paroles aimables de M. Bourquin à l’encontre du Gouvernement… Je les salue ! (Sourires.)
M. Martial Bourquin. Profitez-en, ce n’est pas si fréquent !
M. Jean-François Husson, rapporteur. Ça cache quelque chose… (Nouveaux sourires.)
M. Richard Yung. Cet amendement vise à rétablir l’article supprimé par la commission spéciale.
Son objet est issu d’une idée de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les décisions de l’État en matière de politique industrielle, qui vise à répondre à la demande des députés d’être davantage associés au contrôle des investisseurs étrangers en France.
Cet article a été adopté à l’unanimité des groupes politiques à l’Assemblée nationale – je me permets d’insister sur ce point.
La réindustrialisation de la France est une question très importante. Nous souffrons beaucoup d’avoir perdu presque la moitié de notre tissu industriel en l’espace de quinze ou vingt ans. L’effort de réindustrialisation du pays doit donc être une priorité, et c’est pourquoi nous proposons de rétablir la création de cette délégation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-François Husson, rapporteur. Après l’intervention de M. Yung, je sens une certaine pression peser sur mes épaules ! (Sourires.)
M. Bourquin, pour sa part, semble avoir oublié les éléments de réponse que je lui ai déjà opposés. Mais comme le dit notre collègue Gérard Longuet, mieux vaut se répéter que se contredire, et je vais donc les rappeler.
Nous avons supprimé cet article pour deux raisons.
Tout d’abord, il n’est pas d’usage – en ce qui me concerne, j’accorde encore une certaine importance aux usages – de créer une délégation commune entre deux assemblées sans concertation préalable et au moyen d’un amendement déposé sur un texte déjà en navette.
Toutes les structures communes aux deux assemblées ont toujours, jusqu’à présent, été créées par des textes spécifiques. Et que l’on ne me fasse pas le coup de l’ancien monde, l’argument ne tient absolument pas !
Ensuite, cette délégation, en raison de son objet, pourrait entrer en concurrence avec des structures qui existent déjà au sein de nos assemblées : certaines commissions permanentes, mais également les délégations aux entreprises et au renseignement.
Je précise d’ailleurs que la commission spéciale a maintenu aux articles que nous venons d’adopter le principe de transmission par le Gouvernement aux assemblées des informations relatives à la procédure d’autorisation préalable des investissements étrangers. C’est un sujet important, je ne l’ignore pas, mais évitons de considérer que c’est en créant un outil supplémentaire que l’on répondra à ce sujet.
Il revient à chacune des assemblées d’organiser le traitement des informations comme elle l’entend, ce qui peut aussi passer par le biais du règlement.
N’y voyez aucune acrimonie personnelle, aucun manque d’intérêt pour ces sujets, mes chers collègues, mais l’avis reste défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il ne nous appartient pas d’organiser les travaux internes du Sénat, et l’on peut tout à fait souscrire au renforcement de la transparence du dispositif de contrôle des IEF demandé par les assemblées.
Le dispositif Montebourg est effectivement utilisé, je vous le confirme.
Toutefois, sur ces sujets nombreux et sensibles, quel que soit le dispositif retenu, nous vous demandons d’être particulièrement vigilants au respect des secrets légalement protégés et du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Nos collègues députés sont venus me voir pour défendre l’idée de cette nouvelle délégation – mais je ne suis pas le président du Sénat, cela ne vous aura pas échappé… (Sourires.)
Depuis plusieurs années, nous avons travaillé, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, pour essayer d’éviter la multiplication sans fin des délégations.
Une délégation, c’est un outil parlementaire certes très important, mais aussi assez lourd, qui monopolise beaucoup de moyens.
La désindustrialisation est un sujet important, bien sûr, monsieur Yung. MM. Bourquin et Chatillon le savent mieux que quiconque pour avoir conduit une mission d’information sur la désindustrialisation des territoires.
On a déployé des moyens pour suivre ces sujets de désindustrialisation et de réindustrialisation. La commission des affaires économiques auditionne déjà régulièrement les ministres compétents et d’autres interlocuteurs.
La création d’une délégation, ce serait un peu « l’arme nucléaire », alors qu’il existe aujourd’hui des outils dans les deux assemblées.
Faut-il, pour répondre aux objections et aux réserves de Mme la secrétaire d’État, créer une structure spéciale plus fluide, plus ramassée, notamment pour des questions de séparation des pouvoirs et de confidentialité ? On pourrait imaginer un organe réunissant des membres de la commission des finances et de la commission des affaires économiques, avec moins de personnes, mais des pouvoirs d’enquête, par exemple.
L’Assemblée nationale et le Sénat doivent réfléchir pour créer une structure légère – on se plaint souvent de la lourdeur du Parlement – et agile pour répondre à ces problématiques de l’arrivée d’entreprises étrangères dans le giron de l’économie française.
Je ne pense pas qu’il faille rétablir cet article, mais il faut poursuivre le travail de réflexion.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Dans la lignée de l’intervention de Sophie Primas, nous ne voterons pas ces amendements de rétablissement.
J’ajoute qu’il existe également la délégation aux entreprises, présidée par Mme Lamure. Ne faudrait-il pas étendre son champ de compétences ? Le débat est ouvert. Au fond, tout le monde se pose les mêmes questions.
Je constate toutefois qu’il est déjà extrêmement difficile de participer à la fois aux travaux de la commission des affaires économiques et de la délégation aux entreprises, sans parler des missions d’information ! Si l’on ajoute encore une structure supplémentaire, on ne s’en sortira plus !
Les questions soulevées par ces amendements sont stratégiques, c’est évident – on vient d’ailleurs d’en débattre pendant une heure –, mais je ne crois pas qu’on réglera ce problème en créant une délégation de plus.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Nous demandons quelque chose d’efficient. Tous les mardis, Roland Courteau, avec d’autres parlementaires, siège au Conseil national de l’énergie, où tous les dossiers sont abordés.
Nous ne voulons pas d’une commission qui se réunisse une fois par an. Les investissements étrangers et la sécurité économique, qui sont déjà de graves problèmes aujourd’hui, vont devenir dans les mois et les années à venir des questions « surdéterminantes ».
Quand nous avons travaillé sur la question, Alain Chatillon et moi-même, nous avons constaté que l’État ne savait parfois pas répondre à nos questions.
Ce qu’il faudrait, ce n’est pas forcément une délégation, mais un organisme où le Gouvernement travaillerait avec des parlementaires s’intéressant au sujet et où toutes les questions seraient abordées au fur et à mesure qu’elles se posent.
Il est regrettable que nous n’ayons pas trouvé une solution. Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, ne sous-estimez pas cette question ; elle est de la plus haute importance et notre organisation est aujourd’hui totalement insuffisante.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 143 et 743.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 55 ter demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 55 ter
M. le président. L’amendement n° 874, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 55 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la section 6 du chapitre II du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est ajoutée une section 7, ainsi rédigée :
« Section 7
« Régime d’autorisation préalable de l’exploitation des équipements de réseaux radioélectriques.
« Art. L. 34-11. - I. – Est soumise à une autorisation du Premier ministre, destinée à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale, l’exploitation sur le territoire national des appareils, à savoir tous dispositifs matériels ou logiciels, permettant de connecter les équipements de clients au réseau radioélectrique mobile, qui par leurs fonctions présentent un risque pour l’intégrité, la sécurité et la continuité de l’exploitation du réseau, à l’exclusion des appareils installés chez les clients, par les opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense ainsi désignés en vertu de leur activité d’exploitant, direct ou par l’intermédiaire de tiers fournisseurs, d’un réseau de communications électroniques ouvert au public.
« Le Premier ministre publie et tient à jour une liste des dispositifs soumis au régime d’autorisation prévu à l’alinéa précédent.
« II. – Sauf si elle est refusée en application de l’article L. 34-11-2 du présent code, l’autorisation est octroyée pour un ou plusieurs modèles et une ou plusieurs versions de dispositifs matériels ou logiciels, ainsi que pour un périmètre géographique précisés par l’opérateur dans son dossier de demande d’autorisation, pour une durée maximale de huit ans.
« Art. L. 34-11-1. – Le renouvellement de l’autorisation prévue à l’article L. 34-11 peut être sollicité par son bénéficiaire, au minimum deux mois avant l’expiration de l’autorisation initiale.
« Les modalités de l’autorisation, la composition du dossier de demande d’autorisation et du dossier de demande de renouvellement sont fixées par décret.
« Art. L. 34-11-2. - Le Premier ministre refuse par décision motivée l’octroi de l’autorisation s’il estime, après examen de la demande, qu’il existe un risque sérieux d’atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale en raison de ce que le respect des règles mentionnées aux a), b) et e) du I de l’article L. 33-1, en particulier l’intégrité, la sécurité et la continuité de l’exploitation des réseaux et services de communications électroniques, n’est pas garanti.
« Le Premier ministre peut prendre en considération, pour l’appréciation de ces critères, les modalités de déploiement et d’exploitation mis en place par l’opérateur, et le fait que l’opérateur ou ses prestataires, y compris par sous-traitance, soit ou non sous le contrôle ou soumis à des actes d’ingérence d’un État non membre de l’Union européenne.
« Art. L. 34-11-3. – I. – Si l’exploitation des appareils mentionnés au I de l’article L. 34-11 est réalisée en France sans autorisation préalable, le Premier ministre peut enjoindre à l’opérateur de déposer une demande d’autorisation, ou de renouvellement, ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure, dans un délai qu’il fixe.
« Ces injonctions ne peuvent intervenir qu’après que l’opérateur a été mis en demeure de présenter des observations dans un délai de quinze jours, sauf en cas d’urgence, de circonstances exceptionnelles ou d’atteinte imminente à la sécurité nationale.
« II. - Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle prévoyant l’exploitation des appareils mentionnés au I de l’article L. 34-11, lorsque cette activité n’a pas fait l’objet de l’autorisation préalable exigée sur le fondement du même article L. 34-11 ou d’une régularisation dans les délais impartis. »
II. – Le chapitre V du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 39-1, il est inséré un article L. 39-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 39-1-1. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait :
« 1° D’exploiter des appareils mentionnés à l’article L. 34-11 sans autorisation préalable ;
« 2° De ne pas exécuter – totalement ou partiellement – les injonctions prises sur le fondement du I de l’article L. 34-11-3. »
2° À l’article L. 39-6, les références : « aux articles L. 39 et L. 39-1 » sont remplacées par les références : « aux articles L. 39, L. 39-1 et L. 39-1-1 » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 39-10, après la référence : « L. 39-1 », est insérée la référence : « L. 39-1-1 ».
III. – Le I est applicable à l’exploitation des appareils, mentionnés à l’article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques, installés depuis le 1er février 2019.
Les opérateurs qui exploitent des appareils soumis à autorisation, en vertu de l’article L. 34-11 du code de postes et de télécommunications électroniques, à la date d’entrée en vigueur de la loi disposent d’un délai de deux mois pour déposer la demande d’autorisation préalable prévue à ce même article.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Cet amendement instaure un dispositif d’autorisation préalable des équipements de réseaux radioélectriques. Nous sommes donc dans la continuité des échanges que nous venons d’avoir sur la sécurité économique et les investissements étrangers.
Le Gouvernement est particulièrement vigilant à la sécurité et à la résilience des réseaux de communications fixes et mobiles et aux équipements qui constituent le cœur de ces réseaux.
Avec le développement de la 5G qui est prévu dès le début de l’année 2020, les réseaux mobiles deviennent de plus en plus critiques du fait d’usages potentiels dans les domaines de l’industrie ou de la santé. Je vous donne un exemple : le robot qui est commandé à distance aura besoin d’une technologie de type 5G et il serait ennuyeux qu’une opération chirurgicale s’arrête en plein milieu, parce que quelqu’un aura pris la main sur ce robot. On pourrait aussi citer, bien évidemment, l’exemple de la voiture autonome.
Il est donc nécessaire d’apporter des évolutions au cadre juridique actuel qui ne protège que la confidentialité des communications et s’inscrit dans l’idée de protéger le secret des correspondances. Ce cadre est ancien, fragile et peu adapté au regard de l’importance de l’ensemble des enjeux actuels de sécurité nationale, notamment les risques potentiels de sabotage des réseaux.
Cet amendement tend donc à soumettre à autorisation préalable du Premier ministre l’exploitation d’équipements actifs des antennes mobiles pour les opérateurs télécoms qui sont considérés comme des opérateurs d’importance vitale, dits OIV. Il a fait l’objet d’un avis positif de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, et a été élaboré avec les opérateurs télécoms concernés.
Pourquoi une telle procédure ? Parce qu’il faut être à la fois suffisamment agile pour autoriser des innovations, ne pas être dans l’inspection des travaux finis ou le surcontrôle et en même temps ne pas être naïf. Dans l’esprit de ce que nous avons tous exprimé il y a quelques minutes, nous devons être capables de bloquer des équipements industriels ou de communication qui présenteraient des fragilités, en raison notamment de la présence de portes dérobées.
Ces mesures ne ciblent pas un équipementier en particulier. Des vulnérabilités peuvent être constatées chez tous les équipementiers et il convient de mettre en place les contrôles appropriés.
La création d’un nouvel instrument juridique opposable pour contrôler les équipements télécoms n’emporte pas non plus un changement de doctrine de la France en la matière. Nous créons simplement les leviers nécessaires pour contrôler efficacement les équipements de réseaux et nous nous donnons la capacité de faire évoluer nos modalités d’action en fonction des évolutions technologiques.
Il est évident que nous devons nous adapter à la montée en puissance des équipements technologiques et au fait qu’ils entrent plus profondément dans l’ensemble des processus, que ceux-ci soient individuels ou industriels.
Il est essentiel que ce nouveau régime n’obère pas la capacité des opérateurs à investir. Il leur faut un cadre juridique clair et transparent qui soit mis en œuvre rapidement. L’amendement donne deux garanties très précises à ce stade : les autorisations préalables sont les plus larges possible, tant du point de vue matériel que temporel ou géographique ; les opérateurs connaîtront la liste des appareils et logiciels qui feront l’objet d’un contrôle.
Le Gouvernement est évidemment prêt à poursuivre les travaux et, si nécessaire, à faire évoluer certains éléments du dispositif dans le cadre des travaux de la commission mixte paritaire.
Vous l’aurez compris, cet amendement constitue d’abord une plateforme de discussion, notre objectif étant d’ouvrir ce débat.
Je sais que cet amendement a été déposé tardivement, je pense que Mme le rapporteur le soulignera… Nous en sommes tout à fait conscients, mais compte tenu de l’enjeu, il nous semble important d’ouvrir la discussion. En outre, nous ne disposerons pas de tant de véhicules législatifs que cela dans un avenir proche. Or la technologie avance et elle n’attend malheureusement pas la discussion parlementaire.
Nous vous proposons donc aujourd’hui d’amorcer une discussion qui a vocation à se poursuivre en commission mixte paritaire, puis le cas échéant en nouvelle lecture.
En ce qui concerne la 5G, il existe déjà des travaux dits de « bac à sable » et des expérimentations sont en cours.
Je m’engage personnellement à ce que vous soyez directement associés au dialogue de fond que nous engageons et à ce que des réponses précises soient apportées à vos interrogations.
L’absence d’adoption d’un tel amendement par la Haute Assemblée aurait des conséquences pour le moins paradoxales. D’une part, cela retarderait l’entrée en vigueur d’un dispositif qui me paraît essentiel par rapport à vos préoccupations de sécurité nationale. D’autre part, l’attente de l’adoption d’un tel dispositif juridique entretiendrait une incertitude pour les investissements des opérateurs, ainsi que pour ceux des fournisseurs d’équipements.
Vous savez qu’il existe aujourd’hui trois fournisseurs d’équipements : Ericsson, Huawei et Nokia. Ils ne sont pas tous au même niveau de maturité technologique et l’un des enjeux est de leur donner envie d’investir afin que nous puissions conserver notre souveraineté, lorsque nous devons choisir tel ou tel équipement. Le plus français de ces fournisseurs, si je peux me permettre de le dire ainsi, est Nokia, dont les laboratoires 5G sont situés en France, mais ce n’est pas nécessairement celui qui a la plus grande force de frappe en matière d’investissements et de recherche et développement.
Si ces fournisseurs ne connaissent pas le dispositif d’encadrement, ils peuvent s’interroger sur le niveau d’efforts à fournir. Or ces investissements sont nécessaires pour assurer la couverture numérique du territoire, et également parce que la 4G est un élément de fragilité.
J’insiste beaucoup sur la 5G qui, en tant que technologie de rupture, présente une fragilité potentielle pour notre souveraineté, mais le déploiement de la 4G et tout ce que nous faisons pour le New Deal conduisent à équiper de manière très importante tout le territoire et nous devons donc rester très vigilants sur l’ensemble de ces équipements.
Bien entendu, le Gouvernement maintiendra son attention et soumettra de nouveau le projet au Parlement, mais nous savons tous combien notre temps est précieux et limité. C’est pourquoi je vous invite à nous soutenir dans cette démarche, en adoptant cet amendement.
M. le président. Le temps n’est pas si limité, puisque vous avez pris plus de six minutes pour présenter cet amendement…
Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, vous venez de nous exposer un sujet qui, à mon avis, dépasse largement le cadre d’un simple amendement…
Vous avez insisté, à juste titre, sur l’importance du sujet, qui est tout à fait stratégique, et c’est bien pour cela que nous avons besoin de temps pour approfondir la question et expertiser votre proposition. Or, vous le savez, nous n’avons pas disposé de ce temps.
La question des équipements et des réseaux est dans l’actualité depuis de longs mois, mais elle n’était pas inscrite dans le projet de loi initial du Gouvernement et elle n’a été abordée ni à l’Assemblée nationale ni par M. le ministre de l’économie et des finances, lorsqu’il est venu présenter ce texte devant notre commission spéciale. Nous n’avons donc pas pu l’intégrer dans le texte de la commission spéciale et cet amendement est arrivé sans préavis il y a à peu près deux semaines, au moment où nous amorcions l’examen du texte en séance publique.
Vous comprendrez donc que je n’ai pas pu faire mon travail habituel de rapporteur. Aucun d’entre nous n’a d’ailleurs pu faire son travail de parlementaire, alors que cette proposition soulève un certain nombre de questions. Il aurait au moins fallu que nous puissions auditionner les acteurs concernés : l’ARCEP, les opérateurs, les fournisseurs…
Or beaucoup de questions se posent et nous n’avons pas pu les aborder. Par exemple, les équipements actuels sont-ils touchés par ce dispositif d’autorisation ? Comment les choses se passeront-elles pour leur maintenance ? La restriction du champ de la concurrence aura-t-elle des conséquences sur les tarifs ? Est-ce que le fait d’avoir besoin d’une autorisation administrative supplémentaire ne va pas peser sur le déploiement de la 4G et le retarder ? Qu’en est-il également du rythme de déploiement de la 5G ?
Finalement, la commission spéciale a donné un avis défavorable, non pas sur la proposition en elle-même, mais au motif que nous n’avons pas pu l’étudier réellement. Il s’agit donc d’abord d’une question de forme.
Bien entendu, et compte tenu de l’importance du sujet, nous serons tout à fait disposés à débattre de cette question, lorsque vous trouverez une place opportune dans le calendrier législatif.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. En préambule, je voudrais dire de façon très claire que je suis extrêmement sensible au sujet, important, abordé par l’amendement du Gouvernement.
Cependant, il ne nous est pas possible d’apprécier la portée de cet amendement pour des questions de forme. Nous avons eu connaissance de ce projet gouvernemental par la presse il y a quelques jours seulement. L’amendement a été mis en ligne lundi dernier sur le site du Sénat, alors même que le droit d’amendement était déjà clos pour les sénateurs. C’est donc, en quelque sorte, tout ou rien !
Je m’étonne de cette précipitation et du fait que l’on demande au Sénat d’apporter son soutien de cette manière, d’autant que cette proposition peut, le cas échéant, entraîner de grandes perturbations dans le déploiement des réseaux. Vous avez évoqué le New Deal, de mon côté, je pourrais citer la loi ÉLAN, ce sont en tout cas des vecteurs qui ont permis d’accélérer la couverture 4G et je crains que cet amendement ne retarde ce mouvement.
Je m’étonne aussi qu’aucune étude d’impact n’ait été diligentée afin de mesurer les effets de cette proposition sur les investissements à venir, comme sur les matériels déjà installés.
De plus, dans son avis du 4 février dernier, l’ARCEP relève que la mesure proposée répond à l’objectif légitime de protection, de fiabilité, de sécurité et d’intégrité des réseaux de communications électroniques. Mais n’étant pas en mesure d’évaluer les risques encourus, l’Autorité se limite dans son avis à l’analyse des modalités de mise en œuvre de la mesure proposée et elle indique ensuite qu’il importera, en conséquence, dans la mise en œuvre de ce dispositif, d’une part, que les modalités soient les plus claires possible et, d’autre part, que les effets rétroactifs, même indirects, soient évalués.
Cette sagesse de l’Autorité me conforte dans l’idée qu’il est urgent d’engager un véritable débat et un travail parlementaire approfondi sur ce sujet capital.
Au cours de nos débats, Bruno Le Maire a évoqué plusieurs points, sur lesquels je voudrais revenir. En premier lieu, il a exprimé son respect du travail parlementaire. Alors, acceptez que le Parlement ait le temps de mener les travaux nécessaires pour prendre les bonnes décisions ! En second lieu, il a longuement insisté sur l’importance de la 5G pour la souveraineté nationale, notamment en ce qui concerne le véhicule connecté. Or, à ma connaissance, rien n’indique aujourd’hui que la 5G soit la base technologique choisie.
M. Patrick Chaize. Nous attendons d’ailleurs de connaître la position du Gouvernement sur ce sujet.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à ne pas voter cet amendement. Ce sujet mérite d’être débattu dans le cadre de l’examen d’un texte spécifique, qui devra de toute façon arriver, puisque nous aurons à transposer le code européen des communications électroniques.
M. David Assouline. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Patrick Chaize. La réouverture du guichet du plan France très haut débit constituera une autre occasion de travail législatif. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Je voudrais dire que la méthode est quelque peu détestable. Vous avez fort justement dit, madame la secrétaire d’État, que la technologie avance. Heureusement pour nous, elle n’avance pas depuis hier soir ou lundi dernier !
D’ailleurs, le Sénat a publié en 2012 un rapport d’information La cyberdéfense : un enjeu mondial, une priorité nationale, qui préconisait des mesures rigoureuses et précises pour renforcer la protection de la France contre les cyberattaques. Il proposait d’interdire, sur le territoire national et à l’échelle européenne, le déploiement et l’utilisation de routeurs et de certains autres équipements, en particulier ceux d’origine chinoise – vous y avez fait référence, madame la secrétaire d’État, dans votre présentation.
En même temps, vous nous placez par cet amendement devant un fait accompli. Or il faut avoir parfaitement conscience des questions et des intérêts qui sont en jeu – notre collègue Chaize l’a rappelé fort justement –, en particulier dans le contexte d’un monde qui est troublé.
Le groupe socialiste et républicain regrette, comme Mme le rapporteur et les différents intervenants qui viennent de s’exprimer, une certaine légèreté dans le dépôt de cet amendement, par ailleurs extrêmement tardif, d’autant que, si les intentions du Gouvernement, que nous pouvons partager, pour renforcer la sécurité des systèmes d’information doivent être soutenues, un certain nombre de questions se posent.
Je ne reviens pas sur l’absence d’étude d’impact. En outre, l’Europe semble s’être emparée de ce dossier. Mais quelle est sa position ? Quelles sont les orientations et les échéances d’une éventuelle évolution de ce dossier à l’échelle européenne ?
Par ailleurs, l’amendement prévoit que c’est le pouvoir réglementaire qui arrêtera la liste des équipements qui seront soumis à autorisation préalable. L’ARCEP donnera-t-elle un avis sur cette liste ?
Bref, je pourrais, mais je n’en aurai pas le temps, multiplier les questions qui se posent et qui font qu’il nous est extrêmement difficile, même si nous partageons l’idée qu’il s’agit d’un enjeu important, d’avoir une autre position que celle défendue par nos collègues.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Comme tout le monde, j’ai été quelque peu surpris, d’autant que, il y a deux semaines, j’ai interrogé, en commission des affaires étrangères et de la défense, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la position de la France à l’égard de Huawei, en particulier en ce qui concerne le déploiement de la 5G. En effet, nous avions appris peu de temps auparavant que le Royaume-Uni et l’Allemagne avaient pris des décisions pour refuser cet équipementier. Je n’ai pas eu de réponse et – hop ! –, deux ou trois jours plus tard, nous apprenions le dépôt de cet amendement.
Maintenant, vous nous dites qu’il ne concerne pas un équipementier en particulier. J’ai bien noté vos précautions oratoires…
Je me réjouis que le Gouvernement soit réactif dans ce domaine et tente de faire quelque chose. J’ai bien compris que vous aviez envie d’avancer, puisque vous avez parlé de revenir en commission mixte paritaire pour faire encore évoluer votre proposition.
Pour être très honnête, c’est la première fois, depuis que je suis élu, que j’entends dire que le Gouvernement dépose un amendement d’appel. (Sourires sur différentes travées.) C’est un nouveau concept… J’ai entendu cette expression pour des amendements déposés par des parlementaires, mais pour un amendement du Gouvernement, c’est la première fois. Je salue cette approche !
J’ai envie d’être positif et de vous aider à avancer. J’ai bien compris que le texte était imparfait. C’est la raison pour laquelle, même si je comprends la position de la commission spéciale et de mes collègues et que j’approuve leur souci de respecter un certain formalisme – mon collègue Chaize l’a exprimé très justement –, j’ai quand même envie d’avancer le plus vite possible dans ce domaine.
C’est pourquoi, à titre d’encouragement pour cet amendement d’appel, même si je pense qu’il a peu de chance de prospérer, je le voterai.
M. Marc Daunis. La loi par l’encouragement, c’est nouveau également !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je voudrais apporter quelques précisions pour qu’il n’y ait pas d’inquiétudes sur la démarche du Gouvernement. J’aime bien votre formulation d’amendement d’appel, il s’agit bien de cela.
Lorsque le projet de loi PACTE a été déposé, nous ne disposions pas des informations qui nous amènent aujourd’hui à vous proposer cet amendement. Sinon, nous l’aurions intégré dans le texte. Nous avons consolidé notre position au fur et à mesure de l’évolution de la situation, les choses s’accélèrent et nous essayons de faire preuve d’agilité, en demandant votre concours pour avancer sur ce sujet.
Il est évident que c’est un sujet sérieux, qui requiert des auditions pour entendre l’avis d’un certain nombre de personnes.
M. Fabien Gay. Lesquelles ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je pense qu’il est encore possible de procéder à ces auditions, mais j’attire votre attention sur le fait qu’il serait regrettable de refermer dès maintenant la « fenêtre de tir » que nous offre aujourd’hui le calendrier.
Certains ont évoqué la possibilité de trouver d’autres véhicules législatifs, mais le texte sur le code de la communication n’est pas prévu pour tout de suite et, si je n’ai pas de vision globale sur ce sujet, je sais qu’il n’est jamais aisé de trouver un tel support, en particulier lorsque le Parlement est très attentif à la question des cavaliers législatifs – je sais que le Sénat y est très sensible.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Madame la secrétaire d’État, je voudrais vous dire que c’est vous qui avez les clés du camion ! (Sourires sur différentes travées.) Si vous voulez déposer un projet de loi, faites-le ! Contrairement à l’idée populaire, il n’est pas exact de dire que c’est le Parlement qui ralentit l’examen de ce type de texte. Quelques semaines seraient suffisantes pour boucler le dossier, mais il faut quand même nous laisser le temps de travailler avec les différents acteurs du secteur – l’ARCEP, les opérateurs…
Vous savez, nous sommes quelques-uns à connaître d’expérience la manière dont les choses se passent, et ce quels que soient les gouvernements. Les ministres nous disent en séance qu’ils vont travailler avec nous pour faire avancer les choses et nous ne pouvons que constater qu’il ne se passe rien ensuite. Les ordonnances de la loi Égalim en sont un exemple flagrant : nous attendons toujours le travail en commun promis, alors qu’elles sont en train d’être publiées. (M. Michel Raison applaudit.)
Nous ne sommes pas naïfs ! Nous savons pertinemment que le sujet que vous soulevez est important pour notre souveraineté et c’est pour cela qu’on ne peut pas le traiter au détour d’un amendement déposé dans ces conditions. Il faut faire les choses sérieusement ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Je crois que nous n’avons pas de précédent d’un amendement d’appel déposé par un gouvernement… Donc, relativisons !
Je mets aux voix l’amendement n° 874.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 56
L’article 31-1 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« I. – Les dispositions du présent article s’appliquent aux sociétés dont une activité relève de celles mentionnées au I de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier et qui satisfont une des conditions suivantes :
« a) La société est mentionnée à l’annexe du décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale Agence des participations de l’État dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2018 ;
« b) Ses titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé et une participation d’au moins 5 % de son capital est détenue, directement ou indirectement, au 1er janvier 2018, par la société anonyme Bpifrance ou ses filiales directes ou indirectes ou par un fonds d’investissement géré et souscrit majoritairement par elles.
« Si la protection des intérêts essentiels du pays en matière d’ordre public, de santé publique, de sécurité publique ou de défense nationale exige qu’une action ordinaire de l’État soit transformée en une action spécifique assortie de tout ou partie des droits définis aux 1° à 4° du présent I, un décret en Conseil d’État prononce cette transformation et en précise les effets. La société est préalablement informée.
« Dans le cas mentionné au b, l’État acquiert une action ordinaire préalablement à sa transformation en action spécifique.
« S’agissant des sociétés mentionnées aux a ou b et qui n’auraient pas leur siège social en France, les dispositions du présent article s’appliquent à leurs filiales ayant leur siège social en France, après que l’État a acquis une de leurs actions. » ;
b) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Le pouvoir de s’opposer, dans des conditions fixées par voie réglementaire, aux décisions qui seraient de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels du pays, ayant pour effet, directement ou indirectement, de :
« a) Céder, apporter ou transmettre, sous quelque forme que ce soit, y compris par dissolution ou fusion, des actifs ou types d’actifs de la société ou de ses filiales ;
« b) Modifier les conditions d’exploitation des actifs ou types d’actifs ou d’en changer la destination ;
« c) Affecter ces actifs ou types d’actifs à titre de sûreté ou garantie ; »
c) Après le même 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° La communication au ministre chargé de l’économie des informations nécessaires à l’exercice des droits prévus aux 1° et 3°, notamment les informations relatives à l’intégrité, à la pérennité et au maintien sur le territoire national des actifs ou types d’actifs mentionnés au même 3°. » ;
d) La seconde phrase du dernier alinéa est supprimée ;
2° Les III et IV sont ainsi rédigés :
« III. – Aussi souvent que nécessaire et au moins tous les cinq ans, l’État apprécie si les droits attachés à l’action spécifique sont nécessaires, adéquats et proportionnés à l’objectif de protection des intérêts essentiels du pays mentionnés au quatrième alinéa du I.
« Au terme de cette appréciation, les droits attachés à l’action spécifique peuvent, après que la société a été informée, être modifiés par décret en Conseil d’État et, le cas échéant, excéder les droits qui préexistaient. Hormis les cas où l’indépendance nationale est en cause, l’action spécifique peut également être transformée en action ordinaire par décret en Conseil d’État.
« IV. – Lorsqu’une société dans laquelle a été instituée une action spécifique fait l’objet d’une scission ou d’une fusion ou cède, apporte ou transmet sous quelque forme que ce soit tout ou partie d’un actif de la société ou de ses filiales mentionné au 3° du I, une action spécifique peut, après que la société a été informée, être instituée, nonobstant les dispositions des trois premiers alinéas du même I, dans toute société qui, à l’issue de l’opération, exerce l’activité ou détient les actifs au titre desquels la protection a été prévue. » – (Adopté.)
Chapitre III
Des entreprises plus justes
Section 1
Mieux partager la valeur
Article 57
I. – L’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le mot : « droit », la fin du deuxième alinéa est supprimée ;
2° Après le mot : « pour », la fin du troisième alinéa est ainsi rédigée : « : » ;
3° (nouveau) Les trois derniers alinéas sont remplacés par des 1° à 3° ainsi rédigés :
« 1° Les sommes affectées à la réserve spéciale de participation conformément aux modalités définies à l’article L. 3323-3 du code du travail au sein des sociétés coopératives de production soumises à la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives de production sans préjudice de l’application des sixième à dernier alinéas du présent article ;
« 2° Les versements des entreprises prévus à l’article L. 3332-11 du code du travail lorsque l’entreprise abonde la contribution versée par le salarié ou la personne mentionnée à l’article L. 3332-2 du même code pour l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement émis par l’entreprise ou par une entreprise incluse dans le même périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes au sens de l’article L. 3344-1 dudit code ;
« 3° Les versements par l’employeur des sommes mentionnées aux 2° et 3° de l’article L. 224-2 du code monétaire et financier, lorsque le plan d’épargne retraite d’entreprise prévoit que l’allocation de l’épargne mentionnée au dernier alinéa de l’article L. 224-3 du même code est affectée, selon des modalités fixées par décret, à l’acquisition de parts de fonds comportant au moins 10 % de titres susceptibles d’être employés dans un plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire, dans les conditions prévues à l’article L. 221-32-2 dudit code. » ;
II. – Le livre III de la troisième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 3311-1 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application du présent titre, l’effectif salarié et le franchissement du seuil sont déterminés selon les modalités prévues au I de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale. »
b) (nouveau) À la fin du même dernier alinéa, après la référence : « L. 3312-5 », sont insérés les mots : « du présent code » ;
2° (Supprimé)
2° bis A (nouveau) L’article L. 3312-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’avant dernier alinéa de l’article L. 3311-1, le II de l’article L. 130-1 du code la sécurité sociale ne s’applique pas au franchissement du seuil d’un salarié. » ;
2° bis Après le troisième alinéa de l’article L. 3312-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises disposant d’un accord d’intéressement, cet accord peut comporter un intéressement de projet définissant un objectif commun à tout ou partie des salariés de l’entreprise. » ;
3° L’article L. 3312-9 est abrogé ;
3° bis (nouveau) L’article L. 3313-2 est complété par un 8° ainsi rédigé :
« 8° Les conditions d’affectation des versements au titre de l’intéressement à des comptes ouverts au nom des intéressés en application d’un plan d’épargne d’entreprise prévu à l’article L. 3332-3. » ;
3° ter (nouveau) L’article L. 3313-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En l’absence d’observation de l’autorité administrative à l’expiration du délai prévu à l’article L. 3345-2, les exonérations prévues aux articles L. 3315-1 à L. 3315-3 sont réputées acquises pour la durée de l’accord prévue à l’article L. 3312-2. » ;
3° quater (nouveau) L’article L. 3314-4 est ainsi modifié :
a) Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une modification survenue dans la situation juridique de l’entreprise, notamment par fusion, cession ou scission, nécessite la mise en place de nouvelles institutions représentatives du personnel, l’accord d’intéressement se poursuit ou peut être renouvelé selon l’une des modalités prévues à l’article L. 3312-5. » ;
b) Au début du premier alinéa, les mots : « En cas de modification survenue dans la situation juridique de l’entreprise, par fusion, cession ou scission et », sont supprimés ;
c) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, dans le cas d’un premier accord d’intéressement, sa conclusion peut être réalisée à tout moment de l’année dans le respect du caractère aléatoire dès lors que les résultats de la formule de calcul ne sont pas connus pour les exercices ouverts après sa date de conclusion. En cas de conclusion de l’accord après le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d’effet, la durée de cet accord prévue à l’article L. 3312-5 est portée à quatre ans. » ;
4° L’article L. 3314-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois si l’accord le prévoit, pour les personnes mentionnées au 3° du même article L. 3312-3, la répartition proportionnelle aux salaires peut retenir un montant qui ne peut excéder le quart du plafond mentionné au premier alinéa de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. » ;
4° bis Au second alinéa de l’article L. 3314-8, les mots : « à la moitié » sont remplacés par les mots : « aux trois quarts » ;
4° ter A (nouveau) La section 3 du chapitre IV du titre Ier du livre III de la troisième partie est complétée par un article L. 3314-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 3314-11. – Lorsque le salarié et le cas échéant ,le bénéficiaire visé à l’article L. 3312-3, ne demande pas le versement en tout ou partie des sommes qui lui sont attribuées au titre de l’intéressement dans les conditions prévues à la présente section, sa quote-part d’intéressement est affectée dans les conditions définies à l’article L. 3313-2. » ;
4° ter Au premier alinéa de l’article L. 3315-2 et à l’article L. 3315-3, les mots : « à la moitié » sont remplacés par les mots : « aux trois quarts » ;
5° L’article L. 3321-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque dans le présent titre, il est fait référence à l’effectif salarié, cet effectif et le franchissement du seuil sont déterminés au niveau de l’entreprise ou de l’unité économique et sociale selon les modalités prévues à l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale. » ;
6° Le troisième alinéa de l’article L. 3322-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’obligation s’applique à compter du premier exercice ouvert postérieurement à la période des cinq années civiles consécutives mentionnées au premier alinéa du II de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale. » ;
7° Le premier alinéa de l’article L. 3322-2 est ainsi rédigé :
« Les entreprises employant au moins cinquante salariés garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l’entreprise. Il en va de même pour les entreprises constituant une unité économique et sociale mentionnée à l’article L. 2313-8 et composée d’au moins cinquante salariés. » ;
8° Les articles L. 3322-4 et L. 3322-9 sont abrogés ;
8° bis (nouveau) Le 2° de l’article L. 3323-2 est abrogé ;
9° Au 3° de l’article L. 3312-3, au deuxième alinéa de l’article L. 3323-6, au troisième alinéa de l’article L. 3324-2 et au 3° de l’article L. 3332-2, après la première occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité » ;
9° bis (nouveau) L’article L. 3324-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au dernier alinéa de l’article L. 3321-1, le II de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale ne s’applique pas au franchissement du seuil d’un salarié. » ;
9° ter (nouveau) L’article L. 3331-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque dans le présent titre, il est fait référence à l’effectif salarié, cet effectif et le franchissement du seuil sont déterminés selon les modalités prévues à l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale. » ;
9° quater (nouveau) L’article L. 3332-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au dernier alinéa de l’article L. 3331-1, le II de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale ne s’applique pas au franchissement du seuil d’un salarié. » ;
10° Le premier alinéa de l’article L. 3334-7 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces frais font l’objet de plafonds fixés par décret sans qu’ils puissent excéder le produit financier du placement. » ;
11° Au premier alinéa de l’article L. 3335-1, le mot : « rendant » est remplacé par les mots : « et lorsqu’elle rend ».
III. – Une négociation en vue de la mise en place d’un régime d’intéressement, de participation ou d’épargne salariale établi selon les modalités prévues aux articles L. 3312-1, L. 3322-1, L. 3333-2 et L. 3334-2 du code du travail est menée au sein de chaque branche, et conclue au plus tard le 31 décembre 2020. Ce régime, auquel les entreprises de la branche peuvent se référer, est adapté aux spécificités des entreprises employant moins de cinquante salariés au sein de la branche.
Des critères de performance relevant de la responsabilité sociale des entreprises et dont la liste est fixée par décret peuvent être intégrés à la négociation prévue au premier alinéa du présent III.
Les entreprises de la branche peuvent opter pour l’application de l’accord ainsi négocié. À défaut d’initiative de la partie patronale au plus tard le 31 décembre 2019, la négociation s’engage dans les quinze jours suivant la demande d’une organisation de salariés représentative dans la branche.
III bis (nouveau). – Le 2° de l’article L. 3323-2 du code du travail continue à s’appliquer aux entreprises qui bénéficient de ces dispositions le jour de l’entrée en vigueur de la présente loi.
IV. – Le I et les 1°, 5°, 6° et 7° du II du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2019.
V (nouveau). – La perte de recettes pour l’État résultant des 3° bis, 3° ter, 3° quater et 8° bis du II du présent article est compensée, à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, sur l’article.
M. Jean-Louis Tourenne. L’irrecevabilité a beaucoup frappé dans le cadre de l’examen de ce projet de loi. C’était un peu du tir aux pigeons ! Beaucoup d’idées et d’amendements ont ainsi été abattus. Quelques-uns en ont réchappé, on ne sait d’ailleurs pas trop pourquoi, mais en tout cas, pour nous, il en manque beaucoup.
Je vais m’en tenir à l’article 57, sur lequel j’ai souhaité intervenir. Cette partie du texte porte des titres magnifiques, qui séduisent et font rêver ; on a même l’impression d’entrevoir le bonheur, lorsque l’on regarde les propositions que vous nous faites : « Des entreprises plus justes » et « Mieux partager la valeur ». Qui pourrait ne pas apprécier l’horizon que vous nous offrez ainsi, si bleu !
Vous avez certainement raison de vouloir présenter les choses ainsi, mais la réalité est beaucoup plus difficile, notamment parce que nous sommes dans un pays où règne l’inégalité. Les entreprises en sont l’une des illustrations les plus flagrantes.
Inégalités entre les actionnaires et les salariés : 93 milliards d’euros de bénéfices ont été dégagés en 2017 par les entreprises du CAC40, dont 57 milliards sont retournés aux actionnaires. Seuls 5 % ont bénéficié aux salariés !
Inégalités entre les bas salaires et ceux des très hauts dirigeants.
Inégalités entre les salariés eux-mêmes, puisque certaines entreprises pratiquent l’intéressement et la participation et d’autres non et que les montants sont extrêmement différents selon les entreprises, lorsque ces mécanismes existent.
Les titres que vous nous proposez laissaient entendre que ces sujets seraient abordés et des remèdes apportés. Ils me paraissent, à l’examen, parfaitement usurpés. Aucun partage de la valeur entre les actionnaires et les salariés. Il n’y a rien de changé sous ce ciel, juste une incitation, un encouragement à développer l’intéressement et la participation. Qui plus est, cette invitation repose sur des exonérations qui vont peser lourd sur le budget de la sécurité sociale.
Rien sur la limitation des rémunérations des hauts dirigeants. Rien sur les avantages exorbitants qui leur sont consentis en dehors de leur rémunération principale.
Et même, contrairement à vos déclarations qui laissent entendre que vous vous intéressez aux salariés, vous nous proposez des régressions. Ainsi, la mise en place de la participation dans les entreprises qui passent le seuil de 50 salariés ne sera effective qu’au bout d’un délai de cinq ans, ce qui aura des conséquences importantes pour les salariés.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Louis Tourenne. Je vous prie de m’excuser, monsieur le président. Je m’arrête là. J’étais passionné par ce que je disais, même si je ne suis pas certain que mon auditoire l’ait été tout autant… (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. L’article 57 est le premier d’un chapitre intitulé « Des entreprises plus justes ». La première section de ce chapitre s’intitule « Mieux partager la valeur » ; nous aurions préféré l’appeler « Mieux répartir la richesse produite par le travail ». Si nous partageons ces objectifs, nous ne voyons pas leur concrétisation dans ce texte.
C’est pourquoi le groupe CRCE avait déposé toute une série d’amendements qui s’inscrivaient parfaitement dans cette optique de justice et de partage.
Nous avions déposé des amendements visant à partager les richesses créées. J’en citerai quelques-uns : l’un soumettait à cotisation les revenus financiers des entreprises, un autre revenait sur la transformation du CICE en allégement de cotisations sociales, un suivant réévaluait le SMIC et un dernier permettait l’ouverture de négociations dans chaque branche professionnelle pour augmenter les salaires.
Nous avions également déposé des amendements permettant de favoriser le dialogue social et l’intervention des salariés dans la gestion des entreprises. Je pense à notre amendement accordant un droit de veto suspensif pour les représentants du personnel, à celui qui donne au comité d’entreprise un pouvoir de décision et de contre-proposition effectif ou à celui qui accorde des heures de délégation aux syndicats consacrées à l’information des salariés.
Enfin, nous avions déposé des amendements visant à mieux associer les entreprises aux problématiques sociétales : par exemple, le partage du travail par une réduction de la durée du travail à 32 heures par semaine, la responsabilité des entreprises à l’égard des salariés avec la suppression du barème des indemnités prud’homales ou encore l’interdiction des licenciements boursiers.
Tous ces amendements ont été déclarés irrecevables.
Alors que nos concitoyens réclament depuis des semaines plus de démocratie, alors que le Gouvernement prétend vouloir donner la parole au peuple dans le cadre de son grand débat national, le débat parlementaire, lui, est bridé. Le droit d’amendement se limite à une réaction au projet gouvernemental, tandis que toutes nos propositions qui répondent aux aspirations de démocratie et de justice sociale et fiscale sont rejetées.
Je le dis de nouveau, nous déplorons la manière dont la commission spéciale a jugé irrecevables de nombreux amendements qui ont été déposés sur ce texte, en particulier sur son chapitre III, par des sénateurs appartenant à divers groupes politiques. J’estime que le débat sur ce chapitre du texte est de ce fait tronqué.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, sur l’article.
M. Jean-Marc Gabouty. J’ai moi aussi été séduit par les titres de ce chapitre : « Des entreprises plus justes », « Mieux partager la valeur ». Mais, même si des améliorations ont été apportées par la commission spéciale par rapport au texte d’origine du Gouvernement, de tels titres auraient mérité un peu plus de consistance…
Cet article 57 me permet d’attirer votre attention sur le développement de l’épargne salariale, en particulier l’intéressement, dans le tissu des PME.
Une amélioration et une extension du champ d’application de l’intéressement peuvent constituer pour de nombreux salariés une réponse à leurs attentes en termes de meilleure répartition des richesses et de progression du pouvoir d’achat.
Selon la DARES, le service statistique du ministère du travail, en 2016, seulement 17 % des salariés des entreprises de moins de 50 salariés étaient couverts par un dispositif de participation, d’intéressement ou d’épargne salariale et 11,1 % bénéficiaient d’un versement effectif. La même année, moins de 10 % des entreprises de 10 à 49 salariés avaient conclu un contrat d’intéressement ; ce sont surtout les entreprises qui se rapprochent de 50 salariés qui mettent en place ces contrats.
Si, depuis dix ans, le montant distribué progresse légèrement – il n’est pas négligeable, puisqu’il représente 17 milliards d’euros en 2016 –, le nombre d’entreprises concernées et de salariés bénéficiaires a tendance à stagner.
Le Gouvernement entend bien encourager les dispositifs d’épargne salariale, de participation et d’intéressement, en supprimant le forfait social sur l’intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés et sur la participation dans celles de moins de 50 salariés.
Ces mesures vont avoir un effet positif immédiat pour les entreprises qui ont déjà mis en place des dispositifs sur la base du volontariat. Dans un deuxième temps, les salariés de ces entreprises devraient bénéficier de la suppression de ce forfait, car la plupart des entreprises raisonnent en fonction d’une enveloppe globale comprenant l’intéressement lui-même et les charges qui y étaient affectées.
Mais cette mesure est-elle de nature à convaincre les entreprises d’opter, toujours sur la base du volontariat, pour ces dispositifs ?
Je crains que l’effet d’entraînement ne demeure marginal et que l’objectif que vous visez pour le développement de l’intéressement ne soit pas atteint.
Il semble donc souhaitable que, dans les PME, le partage des résultats avec les salariés soit posé comme un principe, et qu’il ait donc un caractère obligatoire, avec des modalités qui pourront être encadrées par décret et négociées au niveau de la branche et de l’entreprise. C’est le sens de l’amendement que je proposerai à la suite de cet article.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, sur l’article.
M. Martin Lévrier. Ce chapitre III a pour objectif de réconcilier la performance économique et la responsabilité sociale des entreprises. Tout au long de son examen, je veux le croire, c’est dans un esprit transpartisan que nous validerons ce projet audacieux. C’est en effet un chapitre qui libère, en renforçant le lien employeur-salarié.
Il supprime le forfait social versé au titre de l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés et sur l’ensemble des versements d’épargne salariale pour les entreprises de moins de 50 salariés. Il gèle l’intéressement au-delà d’un plafond au bénéfice de ceux qui sont en dessous. Il développe l’épargne salariale, ainsi que l’actionnariat salarié, et crée dans la loi une « société à mission ». L’article 1835 du code civil sera modifié pour permettre aux entreprises qui le souhaitent de se doter d’une raison d’être dans leurs statuts.
Ce chapitre a pour vocation d’améliorer la transparence des sociétés cotées en matière de rémunération de leurs dirigeants au regard de la rémunération moyenne et médiane. Ce ratio d’équité contribuera à une responsabilisation accrue des pratiques salariales des entreprises. En outre, il sera, n’en doutons pas, un outil essentiel lors des négociations annuelles obligatoires.
C’est aussi un chapitre qui donne une nouvelle visibilité citoyenne à l’entreprise. Ainsi, il modifie l’article 1833 du code civil pour consacrer la notion d’intérêt social de l’entreprise et la nécessité de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux. Il s’agit également d’améliorer la parité femmes-hommes dans les directions des entreprises et de créer un label pour les entreprises qui mènent une politique d’accessibilité et d’inclusion des personnes handicapées.
Enfin, il instaure le fonds de pérennité, grâce auquel la France se dote d’un statut permettant de protéger de manière durable le capital de nos entreprises, pour assurer leur croissance à long terme.
En réunissant toutes ces compétences, ce chapitre donne un nouveau souffle aux entreprises, ce qui leur permettra d’innover, de créer et de se développer.
Ce texte rappelle à quel point l’épanouissement des salariés conditionne la réussite d’une entreprise. Pour illustrer ses intentions, rappelons-nous la citation du philosophe Jean Bodin : « Il n’est de richesse que d’hommes. » (Mme Noëlle Rauscent applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 675, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet article 57 s’inscrit dans le droit fil des articles dont nous débattons depuis la semaine dernière. Il intègre les modifications de seuils de l’article 6 et prolonge l’article 20, dont l’ambition était de réduire comme une peau de chagrin le montant du forfait social.
Cet article supprime en effet le forfait social dans les entreprises de moins de 50 salariés, et il exonère les entreprises entre 50 et 249 salariés pour les versements liés à l’intéressement et à la participation. La commission des affaires sociales du Sénat a même été plus loin que le projet initial, puisque, pour les entreprises qui restent assujetties au forfait social, elle a abaissé le taux de 16 % à 10 %. Ces suppressions et diminutions du forfait social ont pour but de favoriser le recours aux dispositifs d’épargne salariale. Il faut rappeler ici que cette épargne n’a pas vocation à se substituer au salaire, mais qu’elle constitue un complément de salaire. Or, en supprimant le forfait social, vous l’encouragez au détriment de la revalorisation des salaires, qui est, vous en conviendrez, une revendication forte aujourd’hui.
Nous refusons cette mesure, qui constituera non seulement un instrument d’évitement de toute revalorisation, mais aussi une nouvelle niche sociale. Cette suppression appauvrit nos systèmes d’assurance chômage et retraite, qui sont pourtant des garanties essentielles permettant de sécuriser les salariés face aux aléas de la vie et de vivre mieux leur retraite.
D’ailleurs, c’est, entre autres raisons, parce qu’il n’y a pas de cotisations sociales sur l’intéressement et la participation que le forfait social a été instauré. En supprimant ou en abaissant cette contribution, le Gouvernement prive la sécurité sociale de quasiment 700 millions d’euros, madame la secrétaire d’État. Cette mesure s’ajoute aux près de 50 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales votées lors du PLFSS pour 2019, que notre groupe, évidemment, n’avait pas soutenues.
Nous ne pouvons pas valider cette tendance. C’est pourquoi nous demandons avec force la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Il a fallu attendre 19 heures ce mercredi pour que nous abordions enfin, après plusieurs jours de ce long marathon PACTE, la question des entreprises plus justes, un thème qui ne peut que me réjouir.
Cet article vise à mieux partager la valeur dans l’entreprise. Vous comprendrez bien que nous y sommes attachés. On ne peut réduire l’examen de ce sujet à celui du forfait social. Soyons bien conscients que les salariés vont enfin pouvoir bénéficier d’un accès à la participation aux résultats ou à l’intéressement. C’est, à mon sens, une très bonne chose, et je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur cette demande de suppression, qui va exactement à l’opposé de l’objectif consistant à apporter des ressources supplémentaires aux salariés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. C’est évidemment un avis défavorable.
D’abord, je veux rappeler que la suppression du forfait social a déjà été soumise au Sénat et à l’Assemblée nationale pour être votée lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Cet article a donc plutôt un rôle de coordination.
Ensuite, lorsque l’on évoque les 40 milliards d’euros, ou 50 milliards d’euros si l’on arrondit à la dizaine supérieure, de cadeaux faits aux entreprises sous forme de baisses de cotisations, on oublie juste de dire que les entreprises paient des charges supérieures, à salaire équivalent, à celles qui sont payées en Allemagne, pays qui n’est pas réputé pour son absence de considérations sociales. Nous devons donc agir sur une baisse des charges sociales.
Enfin, je veux souligner que, sur ces 40 milliards d’euros, qui sont, je le rappelle, nécessaires, la moitié est attachée à 2018, et l’autre à 2019. C’est un peu comme si je disais que le Gouvernement a fait un cadeau grâce au prélèvement à la source, puisque personne ne paiera d’impôts sur 2018. Je pense que cette idée n’a traversé l’esprit d’aucun d’entre vous.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monsieur le rapporteur, je vais citer notre source sur la question de la participation et de l’intéressement : le rapport d’Oxfam, page 21. (M. Fabien Gay exhibe le rapport en question.) Franchement, nous n’aurions pas mieux écrit, donc je vais me contenter de lire. Si je suis trop long, vous me couperez, et je reprendrai plus tard en deuxième partie. (Rires.)
Je cite, sous le titre « Le mirage de l’intéressement et de la participation » : « S’il est primordial de rééquilibrer le partage des bénéfices entre l’investissement, les actionnaires, et les salariés, il ne faut pas perdre de vue que l’essentiel du partage de la valeur ajoutée se joue en amont. Les bénéfices sont en effet la somme restante après que tous les autres postes de dépenses ont été pourvus. La maximisation des bénéfices est donc susceptible de se faire aux dépens de la part qui revient aux salariés dans l’entreprise sous forme de salaires, mais aussi chez les fournisseurs ou sous-traitants. En d’autres termes, une augmentation de la part des bénéfices attribuée aux salariés au titre de l’intéressement et de la participation peut être le fruit d’une série de choix en amont qui leur sont en réalité très défavorables – stagnation des salaires, licenciements, sous-investissement dans l’entreprise, etc. –, de même qu’à la collectivité dans son ensemble – répartition inéquitable le long de la chaîne de valeur, minoration de l’impôt, etc. Réciproquement, mieux rémunérer le travail des fournisseurs, sous-traitants et salariés permet d’assurer un partage plus équitable de la valeur ajoutée en amont en faveur de ceux qui produisent en premier lieu les richesses de l’entreprise. »
Le rapport poursuit : « De plus, les mécanismes d’intéressement et de participation utilisés pour associer les salariés à la réussite d’une entreprise s’accompagnent d’un risque majeur : celui de servir d’outil de flexibilisation des salaires, pouvant entraîner à terme une modération salariale et le report du risque vers les salariés. D’autres caractéristiques sont problématiques : ils bénéficient d’exonérations fiscales et sociales, sont dirigés vers des fonds de pension déconnectés de l’économie réelle, bénéficient principalement aux salariés des grandes entreprises déjà bien rémunérés, etc. »
Enfin, il conclut : « Loin d’être la panacée, les mécanismes d’intéressement et de participation ne doivent en aucun cas se substituer au salaire brut, sur lesquels employeurs et salariés versent des cotisations sociales et des impôts qui forment le socle du modèle français de solidarité et contribuent à réduire les inégalités. »
Toute notre pensée est parfaitement résumée dans ces quelques mots du rapport d’Oxfam. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Madame la secrétaire d’État, vous avez des comparaisons un peu rapides. Si je vous dis que 95 % des gens meurent au lit, cela ne fait pas du lit un endroit dangereux. (Rires.)
Vous comparez l’Allemagne et la France à partir de deux chiffres sur les cotisations sociales, pris isolément, en oubliant de préciser que les salaires sont beaucoup plus élevés en Allemagne, etc.
Monsieur le rapporteur, nous avons l’habitude d’être presque en accord, même si nous ne partageons pas forcément les mêmes options, mais lorsque vous dites que, demain, tous les salariés vont pouvoir bénéficier de l’intéressement, vous allez un peu vite en besogne. En effet, c’est non pas une obligation, mais juste une incitation.
En réalité, madame la secrétaire d’État, vous aviez trois possibilités pour faire en sorte qu’il y ait davantage de salariés qui puissent bénéficier des fruits de la croissance à l’intérieur de l’entreprise.
La première possibilité, c’était de l’imposer, en considérant qu’à partir de 20 salariés la participation était obligatoire. Ce partage au sein de l’entreprise ne coûtait rien.
La deuxième possibilité, c’était de supprimer le forfait social. Ce faisant, les entreprises seront incitées, invitées à s’y engager. Si cette option n’apporte aucune garantie, elle constitue un progrès intéressant.
La troisième possibilité, c’est celle que vous avez utilisée, et c’est la pire de toutes, ou presque : vous supprimez le forfait social – même si la suppression était déjà votée, cela n’enlève rien à la faute –, et vous faites payer cette décision à la sécurité sociale, puisque vous la privez d’un certain nombre de possibilités et que vous la mettez en déficit en ajoutant à ce qui a déjà été mis à sa charge.
Comme je tiens tout de même à cette invitation à l’intéressement – c’est mieux que rien ! –, je voterai en faveur de cet article, mais à contrecœur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je veux simplement faire un rappel historique. Le forfait social, à l’origine de l’intéressement – j’ai eu l’occasion de le pratiquer depuis plusieurs décennies –, c’était zéro. Aujourd’hui, en supprimant le forfait social pour la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés, et pour l’intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés, on ne fait que revenir aux origines de l’intéressement, à la conception initiale.
M. Michel Canevet, rapporteur. Le forfait a dix ans !
M. Jean-Marc Gabouty. Il ne s’agit pas d’un cadeau fait aux entreprises.
L’intéressement a été créé en 1967, voilà un demi-siècle, et il n’a peut-être pas suffisamment progressé depuis. Néanmoins, je tiens à répondre à nos collègues du groupe CRCE que la ligne non pas éditoriale, mais politique d’Oxfam correspond à une certaine orientation. Elle est alimentée par un certain nombre de considérations, dont toutes ne sont pas nécessairement erronées. Effectivement, on peut considérer que l’intéressement, dans les entreprises qui le versent régulièrement, fait partie de la rémunération : il y a le salaire, qui est fixe et défini par des conventions collectives ou des accords de branche, puis l’intéressement, qui correspond à un partage des bénéfices.
Les bénéfices sont indispensables. Sans eux, vous ne pouvez pas investir, faire de l’autofinancement, renforcer le fonds de roulement, et vous ne payez plus d’impôts à l’État. On ne peut pas à la fois se plaindre du faible rendement de l’impôt sur les sociétés et faire en sorte que les entreprises ne fassent plus de bénéfices, ce qui les dispense de payer de l’impôt sur les sociétés.
L’objectif de l’entreprise est d’arriver à un certain niveau de bénéfices, tout en respectant des règles en matière de rémunération et de fonctionnement interne. Il y a quatre parts dans le partage : l’autofinancement et le fonds de roulement ; les actionnaires ; l’impôt sur les sociétés ; les salariés. S’il n’y avait pas de part prévue pour les salariés, vous pourriez le reprocher au système. Ce n’est pas la panacée, mais un dispositif complémentaire qui me paraît intéressant et motivant, aussi bien pour les chefs d’entreprise que pour les salariés.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Madame la secrétaire d’État, vos arguments ne sont absolument pas convaincants. Comme la suppression du forfait social a été votée en PLFSS, vous nous dites : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » C’est assez petit comme argumentation. À tout le moins, cela nécessite un débat. Il y en a d’ailleurs eu un à l’automne dernier. Effectivement, vous faites royalement à certains, notamment aux entreprises du CAC40, des cadeaux sur le dos de la sécurité sociale.
Quand la discussion a eu lieu, au moment de l’examen du PLFSS, sur les exonérations et le forfait social, vous avez franchi un seuil, ce qui a des conséquences considérables pour notre système de solidarité. Aujourd’hui, contrairement à ce qui avait été fait depuis la loi Veil de 1994, ces baisses de recettes pour la sécurité sociale ne seront pas compensées à l’euro près par l’État. Vous pillez les fonds de la sécurité sociale pour renflouer les caisses de l’État. Quelque part, vous grevez le budget des assurés sociaux et des salariés.
Vous essayez de nous rassurer en disant qu’il y aura de l’intéressement et de l’épargne salariale, mais enfin, madame la secrétaire d’État, nous ne vivons pas dans le même monde ! Aujourd’hui, les salariés souffrent de salaires qui sont trop bas. Ils demandent non pas une participation, mais une hausse des salaires et une couverture sociale les dispensant de recourir à des mutuelles privées. Ce qu’ils veulent, c’est un service de sécurité sociale à la hauteur des besoins, c’est-à-dire tel qu’il avait été créé par Ambroise Croizat, ministre communiste.
Vous mettez tout cela à mal, de loi en loi. Si je devais vous reconnaître un mérite, c’est la constance, car vous gardez le même cap, mais c’est un cap qui ne sert pas les intérêts des salariés ou de ceux qui n’ont pas d’emploi. Vous avez un fil conducteur : servir toujours les nantis, les plus riches. Nous ne pouvons pas vous suivre dans cette voie, madame la secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Au moment d’attaquer le thème « Mieux partager la valeur », nous commençons par un article dont l’objet est de moins bien la partager et de fragiliser un peu plus ceux qui, demain, en auront besoin.
Je profite de cette explication de vote sur notre amendement pour vous interpeller, madame la secrétaire d’État, sur les propos que j’ai entendus ce matin, sur une chaîne d’informations en continu, lors de la grande interview politique de 8 heures 30. M. le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin, après ses grandes déclarations de défenseur de la justice sociale et fiscale qu’il est devenu, a été interrogé au milieu de l’émission sur ce qu’un ancien Président de la République avait à l’époque mis en avant : la question des trois tiers dans la répartition de la richesse, à savoir un tiers pour le capital, un tiers pour le travail, un tiers pour les actionnaires. Il a répondu que, selon lui, il faudrait aujourd’hui aller beaucoup plus loin ; dans son élan progressiste, il se disait prêt à aller jusqu’à moitié-moitié, convaincu que nous avions réellement besoin de redonner du pouvoir d’achat en reposant la question de la répartition des richesses dans l’entreprise. Celle-ci, selon lui, doit être plus juste et plus favorable, notamment pour ceux qui travaillent.
Madame la secrétaire d’État, d’un côté, vous avez donné un avis défavorable, sans surprise, sur notre amendement. De l’autre côté, un ministre nous a donné ce matin de grandes leçons, manifestant sa volonté de voir les choses évoluer et de poser réellement ce débat sur une valeur mieux partagée. Pouvez-vous nous éclairer sur les orientations que le Gouvernement entend annoncer dans les jours qui viennent ? Est-ce que votre objectif, à travers la loi PACTE, est que la valeur soit mieux partagée au profit de celles et ceux qui la produisent et qui en ont besoin ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce débat sur l’intéressement aurait pris une tout autre tournure si nous n’étions pas dans une période où le niveau salarial moyen dans ce pays n’était pas si détérioré, et si nous n’avions pas tant de salariés qui ne peuvent pas vivre dignement de leur travail à cause de leur précarisation croissante et du faible niveau du SMIC.
Le cœur du problème, c’est la revalorisation des salaires via une hausse du salaire horaire. C’est d’ailleurs la tendance que l’on observe autour de nous, tant la pression populaire devant le poids des inégalités a rendu nécessaire une relance par la consommation. On peut juste regretter que nos voisins n’aillent pas suffisamment loin.
L’intéressement, tel qu’il est mis en œuvre, est un mécanisme qui accroît les inégalités entre salariés. En effet, dans les petites PME, les salariés ont beau être hyperperformants, il n’y a pas d’intéressement. Pis, ce mécanisme est parfois source de concurrence déloyale pour attirer les compétences entre la PME, qui ne peut pas offrir ce genre de prestation, et la grande entreprise.
Il faut aussi avoir à l’esprit qu’il y a des cycles pour les entreprises. Elles ne sont pas toujours hyperrentables ; à certains moments, elles vont moins bien. Est-ce la faute des salariés si le marché mondial est en recul ? Les trois quarts du temps, ils ne sont pas responsables des difficultés de l’entreprise. Or ils subissent à ce moment-là une chute de leur intéressement, à laquelle ils ne s’attendent pas, et dont ils ne sont pas responsables.
Si l’intéressement était marginal, et que l’on avait des politiques salariales offensives, je n’aurais rien contre le fait d’ajouter un peu de revenus. Seulement, force est de constater que, culturellement, c’est devenu un substitut à la hausse des salaires. Quand, en plus, on trouve un prétexte pour réduire les capacités de la sécurité sociale, qui, je vous le rappelle, est déjà rabotée par le Gouvernement, en particulier pour compenser la suppression des cotisations sur les heures supplémentaires, c’est d’un véritable assèchement progressif qu’il s’agit.
Avez-vous vu dans quel état sont nos urgences, notre hôpital public, notre système de santé ? Ils se dégradent « à la vitesse grand V ». Ce n’est donc pas le moment d’assécher les ressources de la sécurité sociale. Pour toutes ces raisons, le choix fait par le Gouvernement n’est pas le bon. Comme le disait ma collègue, la plupart des salariés préféreraient ne pas avoir à payer des mutuelles onéreuses, faute d’être bien couverts en matière de droits sociaux, plutôt que de bénéficier d’un intéressement très aléatoire et très injuste, car très inégalement réparti.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je ne peux pas suivre les raisonnements qui sont aujourd’hui tenus.
D’abord, j’entends que nous serions en train de piller la sécurité sociale. Pardon, mais les faits sont têtus, de même que les chiffres : pour la première fois depuis 2001, le Gouvernement a présenté un projet de loi de financement de la sécurité sociale avec un excédent pour le régime général…
M. Martial Bourquin. À quel prix ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. C’est la preuve que nous consolidons financièrement notre sécurité sociale.
Vous me parlez restrictions, mais quel gouvernement a mis en place le reste à charge zéro sur les prothèses auditives, sur les prothèses dentaires et sur les lunettes (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), alors que c’était la source d’une des plus importantes inégalités, empêchant de surcroît l’accès au travail ?
Il faut regarder ce dont les gens ont besoin. Nous partons du terrain. Nous ne sommes pas dans la théorie et dans la dénégation des chiffres. (Mêmes mouvements.)
Mme Éliane Assassi. C’est pour cela que les gens sont dans la rue…
M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Vous me parlez des salaires dans les autres pays. Il faut savoir que le SMIC horaire en Allemagne est inférieur au SMIC horaire en France, mais, comme les Allemands travaillent 40 heures par semaine, ils ont des salaires supérieurs.
Quant à l’Espagne, au Portugal ou à l’Italie, je vous invite à regarder les chiffres. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Je pourrais continuer ainsi la liste.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ne dites pas des choses inexactes !
Enfin, l’intéressement, c’est à l’évidence un complément au salaire fixe convenu dans la négociation annuelle. D’ailleurs, il ne vous a pas échappé que cette négociation a lieu en amont, alors que l’intéressement est versé à la fin de l’année. La participation et l’intéressement sont accordés en fonction des résultats de l’entreprise. C’est une règle du jeu qui est claire : quand l’entreprise va bien, elle partage le supplément d’argent.
Je suis extrêmement surprise d’entendre cela de la part de personnes, qui, a priori, devraient être favorables à des gains de pouvoir d’achat pour les salariés. C’est pourtant ce que nous proposons, et je vous invite à nous suivre, pour les PME et pour les ETI. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme Laurence Cohen. Augmentation des salaires !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 675.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 51 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 16 |
Contre | 328 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 349 n’est pas soutenu.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 166 rectifié est présenté par MM. Requier, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Roux et Vall.
L’amendement n° 337 est présenté par MM. Tourenne, Daunis et M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande et Kanner, Mme Tocqueville, MM. Lurel et Durain, Mme Artigalas, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 650 est présenté par Mmes Lienemann et Cukierman, M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 2 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 166 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Afin de simplifier l’application du forfait social, l’article 57 supprime les taux de 8 % et de 16 % pour ne conserver que le taux plein de 20 %, et un taux réduit de 10 %. Ce faisant, il augmente de 8 % à 10 % le taux de forfait social applicable aux sommes affectées à la réserve de participation pour les sociétés coopératives de production, les SCOP, tout en conservant le taux de 8 % pour les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de prévoyance. Cette hausse vient fragiliser l’équilibre économique des SCOP et diminuer la participation des salariés.
Le présent amendement vise à conserver le taux actuellement applicable aux SCOP, dont la finalité est d’assurer le contrôle de l’entreprise par leurs salariés. Celles-ci bénéficient d’une gouvernance démocratique et d’une répartition des résultats prioritairement affectés à la pérennité des emplois et du projet d’entreprise.
Pour ce faire, les résultats des entreprises sont prioritairement affectés à des réserves impartageables et définitives et aux salariés via la participation à hauteur d’au moins 25 % des résultats, les intérêts versés aux parts sociales étant à un niveau volontairement bas.
Dans une SCOP, les salariés détiennent au minimum 51 % du capital et des droits de vote. Leurs statuts peuvent d’ailleurs prévoir l’obligation pour les salariés d’entrer au capital de leur entreprise afin de participer à sa gouvernance.
En vue de favoriser le versement aux salariés des résultats de leur entreprise, le code de la sécurité sociale prévoit un taux de 8 % pour le versement affecté à la réserve de participation.
Une hausse du forfait social serait en contradiction avec la volonté actuelle de privilégier un modèle d’entreprise plus responsable, favorisant le partage des richesses. Les salariés seront en effet les premiers affectés par cette hausse, qui aura mathématiquement pour effet de diminuer les résultats de l’entreprise et, donc, la participation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 337.
M. Jean-Louis Tourenne. Il semblerait que le Sénat ait la passion de l’alignement. Sous couvert de simplification, on trace un trait, on ne veut voir qu’une seule tête, rien ne doit dépasser ! Encore faudrait-il démontrer que les avantages qu’on en tire sont supérieurs aux inconvénients qui en résultent. Si la proposition de la commission spéciale tendant à abaisser le taux de 16 % à 10 % est certes favorable aux entreprises en général, on peut se demander s’il était bien utile de porter le forfait des SCOP de 8 % à 10 %.
La passion de la simplification peut conduire à des inégalités terribles ! Le fait de traiter également des situations inégales ne va faire que renforcer les inégalités. C’est le danger qui nous guette, car le monde dans lequel nous vivons n’est pas uniforme. Je trouve donc inacceptable le fait de remonter de 8 % à 10 % le forfait appliqué aux SCOP.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 650.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voudrais attirer l’attention de toutes celles et tous ceux qui défendent le modèle coopératif dans ce pays. Quantité de débats montrent sa pertinence dans tous les domaines : l’agriculture, la banque et beaucoup d’autres secteurs. Là, il s’agit des sociétés coopératives de production, des SCOP, qui se voyaient jusqu’à présent appliquer un forfait social de 8 %.
Je comprends la volonté de nos rapporteurs de s’employer à unifier le système. Le seul problème, c’est que la nature même d’une SCOP interdit la comparaison avec une autre entreprise, puisque ses profits sont largement affectés comme réserve et destinés à être investis ultérieurement au profit de l’entreprise. Dans le système des SCOP, les salariés ont le pouvoir de décider, de partager.
En portant le forfait social à 10 % pour les SCOP, vous allez pénaliser toute une série de coopératives, notamment celles de plus de 50 salariés. Elles ont impérativement besoin des 800 000 euros que vous allez ponctionner pour continuer à se développer et à se stabiliser. C’est un modèle qui a fait ses preuves de résistance, qui a démontré son esprit de responsabilité et sa capacité à se développer.
Je ne comprendrais pas que le Sénat, en général plutôt favorable à la consolidation du modèle coopératif, vote cette mesure. Outre qu’elle n’aurait pas un impact fiscal important pour la Nation, elle déstabiliserait cette voie très spécifique de bon partage des valeurs que constituent les sociétés coopératives de production.
M. le président. L’amendement n° 91 rectifié ter, présenté par MM. Capus, Chasseing, A. Marc, Wattebled, Lagourgue, Guerriau, Decool et Malhuret, Mme Mélot et M. Bignon, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les entreprises qui emploient au moins deux cent cinquante salariés et moins de cinq mille salariés sont exonérées de cette contribution sur la fraction des sommes versées au titre de la participation aux résultats de l’entreprise mentionnée au titre II du livre III de la troisième partie du code du travail qui excède le montant déterminé conformément à l’article L. 3324-1. ».
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Je rappelle que le forfait social est une charge de 20 % sur les montants versés au titre de l’intéressement et de la participation. Il pénalise tout particulièrement les politiques d’intéressement menées par les dirigeants dans l’intention d’associer les salariés à la réussite de l’entreprise.
Cet amendement vise à élargir aux ETI placées dans les mêmes conditions la suppression du forfait social actuellement limité aux PME – entreprises de 50 à 250 salariés – qui disposent ou concluent un accord de participation au-delà de leur obligation légale.
M. le président. L’amendement n° 421, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Cet amendement vise à revenir à un taux plus favorable pour les SCOP, pour les raisons excellemment développées par les auteurs des amendements identiques nos 166 rectifié, 337 et 650.
En outre, l’amendement a pour objet de maintenir le taux de 16 % pour les fonds d’épargne salariale investis dans les PME et ETI. Un tel effort doit, selon nous, avoir un effet d’appel pour améliorer l’épargne salariale et amener les Français à investir davantage dans leur entreprise.
Notre proposition vise à retrouver une sorte d’équilibre et de logique. Certes, elle est moins simple quant au nombre de taux utilisés, mais elle est probablement plus compatible avec l’idée qu’on peut avoir des SCOP.
M. le président. L’amendement n° 986, présenté par M. Canevet, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
sixième à
par les mots :
cinquième et
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Canevet, rapporteur. Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle.
M. le président. L’amendement n° 497 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bonhomme, Mmes Bories et Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et Brisson, Mme Bruguière, MM. Buffet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Chatillon, Chevrollier, Courtial, Cuypers, Danesi, Darnaud, Daubresse et Dériot, Mmes Deromedi, Deseyne et Di Folco, M. Dufaut, Mmes Dumas, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, M. Ginesta, Mme Giudicelli, MM. Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houpert et Hugonet, Mme Imbert, MM. Joyandet et Karoutchi, Mme Keller, M. Kennel, Mmes Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et Leleux, Mme Lherbier, M. Longuet, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes M. Mercier et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Paccaud, Paul, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mmes Primas et Procaccia, M. Raison, Mme Ramond, MM. Rapin, Regnard, Reichardt, Revet, Saury, Savary, Savin, Schmitz, Segouin et Sido, Mme Thomas, MM. Vaspart et Vogel, Mme de Cidrac et M. Gilles, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 7
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les entreprises employant au moins cinquante salariés et moins de deux cent cinquante salariés qui affectent au moins 15 % de leur bénéfice net à la réserve spéciale de participation sont exonérées de la contribution mentionnée à l’article L. 137-15 du présent code. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Cet amendement, largement cosigné par les membres de notre groupe, concerne les entreprises qui emploient au moins 50 salariés et moins de 250 salariés et qui affectent au moins 15 % de leur bénéfice net à la réserve spéciale de participation. Nous proposons qu’elles soient exonérées de cette contribution sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Je veux le dire clairement aux auteurs des trois amendements identiques nos 166 rectifié, 337 et 650, mon intention initiale était de réduire pour tout le monde le forfait social, actuellement fixé à 20 %. Une telle mesure serait de nature à stimuler fortement l’intéressement et la participation. Or, aujourd’hui, le forfait social rapporte 6 milliards d’euros à la sécurité sociale, ce qui rend la généralisation de la réduction du taux inenvisageable. Nous n’avons donc pas retenu cette solution.
Il apparaît absolument nécessaire que l’intéressement et la participation connaissent un vrai succès dans notre pays, ce qui passe notamment par la simplification et la lisibilité des dispositifs actuellement très complexes à appréhender, en particulier pour les petites entreprises. C’est pourquoi nous avons proposé un taux de 20 % pour les entreprises de plus de 250 salariés pour l’intéressement et de plus de 50 salariés pour la participation. Le taux dérogatoire serait de 10 % pour toutes les autres, puisque le Gouvernement institue un taux dérogatoire à 10 % pour les abondements. Cela permettrait de réduire de 16 % à 10 % le taux pour les versements sur les produits d’épargne retraite, qui s’adressent plutôt aux petites entreprises, et induirait un très léger relèvement de 8 % à 10 % du taux pour les SCOP.
J’en appelle à la cohérence : on ne peut pas à la fois regretter l’exonération du forfait social pour certaines entreprises et s’offusquer dès qu’on propose de relever un tout petit peu son taux ! Nous sommes, bien sûr, tous attachés à un bon fonctionnement des SCOP, dont le modèle convient à notre pays. D’ailleurs, s’il donne tellement satisfaction, peut-être serait-il bon de l’aligner sur le régime de droit commun.
Tous ces arguments – la simplification et la lisibilité des dispositifs – plaident en faveur de l’instauration d’un taux dérogatoire à 10 %.
Toujours dans un souci de simplification et de lisibilité des dispositifs, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 91 rectifié ter. Je comprends tout à fait l’intention de ses auteurs, qui est parfaitement louable, mais je crains que cette proposition n’induise de la complexité. Elle ne me semble donc pas souhaitable pour le moment. Il faut vraiment que le maximum d’entreprises s’engage dans ces dispositifs d’intéressement et de participation.
J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 421 du Gouvernement, pour les mêmes raisons.
La mesure prévue par l’amendement n° 497 rectifié est tout à fait louable – vouloir donner plus aux entreprises qui dépassent le forfait légal –, mais son adoption complexifierait les dispositifs.
De grâce, je vous invite à faire en sorte que les dispositifs mis en place soient aussi simples que possible pour permettre une réelle application dans les entreprises. Par la suite, on verra s’il faut instituer des dispositifs dérogatoires, mais, pour le moment, essayons d’avoir des choses simples.
(M. Jean-Marc Gabouty remplace M. David Assouline au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. J’invite les auteurs des amendements identiques visant à ramener le taux de forfait social de 10 % à 8 % à les retirer au profit de l’amendement n° 421 du Gouvernement. En effet, nous reprenons leur proposition, tout en maintenant le taux de 16 % pour les fonds d’épargne salariale investis dans les PME.
Un abaissement de 16 % à 10 % provoquerait un surcoût de 180 millions d’euros. Or nous faisons déjà un gros effort sur les dispositifs d’intéressement et de participation, ce qui nous amène un tout petit peu à la limite de l’équilibre. S’il nous paraît difficilement explicable de relever le taux de 8 % à 10 %, le ramener de 16 % à 10 % pour les fonds d’épargne salariale investis dans les PME nous paraît aller un peu trop loin par rapport aux efforts proposés sur les dispositifs d’intéressement.
J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 91 rectifié ter, parce qu’il vise à élargir le dispositif de suppression de taux de forfait social aux entreprises de 250 à 5 000 salariés. Pour le coup, on créerait un effet d’aubaine : 68 % des entreprises de plus de 250 salariés ont déjà des dispositifs d’intéressement, alors qu’ils ne concernent que 8 % des salariés dans les entreprises de moins de 50 salariés. Notre objectif est d’amener les entreprises à négocier rapidement des accords d’intéressement plutôt que de faciliter des accords qui existeraient sans cette incitation fiscale.
L’amendement n° 986 est rédactionnel. Cependant, l’avis est défavorable, non pour cette raison, mais parce que la logique de taux que nous proposons est différente.
L’amendement n° 497 rectifié créerait lui aussi un effet d’aubaine, les entreprises de 50 à 250 salariés étant obligatoirement assujetties à ce dispositif. Dès lors, on n’encouragerait pas un effort, on ne saluerait pas une volonté de partager la création de valeur entre les salariés et les actionnaires, on se contenterait de baisser les charges sociales pour les entreprises.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Il est quand même surprenant d’entendre saluer si fréquemment l’économie sociale et solidaire, de considérer que la crise de 2008 a mis au jour une autre forme de modèle – l’économie casino –, qui a provoqué des drames en termes économiques, et de prendre une telle mesure.
On nous dit que ce capitalisme financiarisé et mondialisé a atteint de tels degrés de perversité qu’il faut le réguler. On nous dit en même temps que l’économie sociale et solidaire, à défaut de constituer la matrice unique, concourt à une évolution positive en redonnant du sens au travail, en redistribuant de façon beaucoup plus saine la valeur, ce qui a été dégagé comme bénéfice dans notre présent, le réinvestissant dans l’outil de production au bénéfice des salariés. Bref, on invoque tout ce qui fait, avec la démocratie, les fondamentaux et l’utilité de l’économie sociale et solidaire.
On ne peut pas tenir ces discours et, pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, faire ce que vous avez vous-même reconnu comme étant un petit pas assez modique, à savoir porter le forfait social de 8 % à 10 % au nom de l’unification. Vous vous appuyez d’ailleurs sur un argument surprenant : l’alignement sur le droit commun. Poussons la logique un peu plus loin : faisons en sorte que les salariés puissent, dans un modèle économique classique, détenir au minimum 51 % du capital et des droits de vote ! Veillons à ce que les bénéfices soient prioritairement réinvestis plutôt que reversés en dividendes aux actionnaires !
Mais enfin, soyons sérieux ! On ne peut pas chanter les vertus de l’économie sociale et solidaire, qui a sa spécificité et n’est pas cantonnée à l’économie sociale et réparatrice – elle a sa propre logique interne, laquelle constitue, ce qui devrait plaire à certains, une quasi-rupture d’innovation en matière économique –, et vouloir lui appliquer le régime de droit commun sans imposer à ce dernier les obligations liées à l’économie sociale et solidaire ! Il y a là un déséquilibre dont on peut éventuellement comprendre les motivations, mais qui est, en l’occurrence, un faux argument. Laissons le seuil à 8 %, ce serait sage !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voudrais indiquer à nos collègues qu’au final les seuls qui vont voir leur forfait social augmenter, ce sont les SCOP.
M. Marc Daunis. Voilà !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ai bien entendu que le Gouvernement ne souhaitait pas cette augmentation. Je m’en félicite.
M. Marc Daunis. Oui, merci !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. En revanche, il veut lier deux sujets sur lesquels nous ne sommes pas forcément tous d’accord. En effet, son amendement va moins loin que le texte de la commission spéciale pour les PME et il rétablit le taux de 8 % pour les SCOP. Il me paraîtrait donc plus sage de voter l’amendement n° 166 rectifié de M. Requier – nos amis radicaux ont toujours défendu l’économie sociale et solidaire.
Mme Françoise Laborde. C’est vrai !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous avons là la possibilité d’un large accord entre nous, tout en évitant de mélanger les sujets. Après, on peut avoir des approches différentes quant à la manière de mieux soutenir les PME…
Monsieur le rapporteur, vous avez avancé l’argument de la simplification. Mais au bénéfice de qui ? Des salariés et des entreprises ? Pour les salariés et les SCOP, ce n’est pas compliqué, ils connaissent ça par cœur ! Vous allez compliquer les choses en changeant un système qui n’a jamais été contesté, ni par les salariés ni par les coopératives. Je le répète, il me paraît plus sage de maintenir le taux de 8 % pour les SCOP et de voter l’amendement n° 166 rectifié de M. Requier.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Dans le même esprit, je dirai : soyons prudents ! Les SCOP constituent un modèle assez extraordinaire avec des femmes et des hommes qui s’impliquent dans la vie économique de leur entreprise, là où d’autres ont parfois échoué. Il serait dommage de casser cette dynamique.
Monsieur le président, j’aimerais savoir une chose : si l’amendement n° 166 rectifié était adopté, les autres amendements en discussion commune tomberaient-ils ? En effet, l’amendement n° 497 rectifié, dont je suis cosignataire, a également son sens.
M. le président. Les amendements nos 421 et 986 tomberaient. En revanche, l’amendement n° 497 rectifié ne tomberait pas.
M. Daniel Gremillet. Je vous remercie de cette précision.
M. le président. Je me tourne maintenant vers les auteurs des trois amendements identiques pour savoir s’ils les maintiennent…
M. Jean-Claude Requier. Je maintiens mon amendement, monsieur le président.
M. Jean-Louis Tourenne. Moi aussi !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Même chose !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Canevet, rapporteur. Je précise que les SCOP resteront à un taux dérogatoire par rapport au droit commun, qui est à 20 %.
Il ne faut quand même pas oublier que les SCOP, qui ont depuis très longtemps des systèmes d’intéressement et de participation, payaient le forfait social au taux de 8 %. Avec les mesures proposées, toutes les SCOP de moins de 50 salariés – elles sont nombreuses sur les 2 000 SCOP – ne paieront plus de forfait social pour la participation et celles qui comptent moins de 250 salariés pour l’intéressement. La majorité des SCOP ne paiera donc plus le forfait social !
Je veux bien qu’on se batte pour quelques-unes qui vont payer un tout petit peu plus, mais, la réalité, c’est qu’il faut avoir un système compréhensible par tous ceux qui ont envie de s’investir là-dedans.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 166 rectifié, 337 et 650.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 52 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 112 |
Contre | 230 |
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote sur l’amendement n° 91 rectifié ter.
Mme Colette Mélot. Je trouve fort regrettable que l’on n’élargisse pas le dispositif aux ETI, c’est-à-dire aux entreprises comptant entre 250 et 5 000 salariés. Notre proposition ne créerait pas un effet d’aubaine. En l’écartant, on va pénaliser les politiques d’intéressement menées par les dirigeants pour associer les salariés à la réussite de l’entreprise. J’espère, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, que le dispositif pourra être élargi par la suite.
J’espère, madame la secrétaire d’État, que vous aurez entendu cet appel.
Cela étant, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 91 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 421.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote sur l’amendement n° 497 rectifié.
Mme Sophie Primas. Il n’y a pas d’effet d’aubaine. Il s’agit juste d’offrir une incitation aux entreprises qui affectent plus de 15 % de leurs bénéfices à la réserve spéciale de participation. C’est une incitation fiscale, certes, mais ces entreprises y consacreront une part importante de leurs bénéfices.
Je voterai évidemment cet amendement de Bruno Retailleau, président de notre groupe, que j’ai cosigné, parce que nous croyons depuis longtemps à la participation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. C’est, au fond, une incompréhension.
L’exonération du forfait social proposée dans cet amendement viendrait alléger la charge d’entreprises, dont certaines ont déjà l’obligation de pratiquer la participation. Certes, si elles vont au-delà de ce qui leur est demandé, c’est méritoire, mais une telle mesure alourdirait encore la charge de la sécurité sociale.
L’idée ne me paraît pas mauvaise, elle mérite d’être creusée, mais les mauvaises manières du Gouvernement, qui consistent à puiser dans les caisses de la sécurité sociale, m’incitent à m’abstenir sur cet amendement.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Intervention des forces armées au Tchad
M. le président. M. le président du Sénat a été informé par M. le Premier ministre, par lettre en date de ce jour, en application de l’article 35, deuxième alinéa, de la Constitution, que le Gouvernement a décidé de faire intervenir nos forces armées au Tchad contre des groupes armés venus de Libye, en réponse à la demande d’assistance des autorités tchadiennes formulée par le Président de la République du Tchad, M. ldriss Déby Itno.
M. le Premier ministre a demandé à Mme la ministre des armées de tenir le Parlement informé de l’évolution de la situation.
Acte est donné de cette communication.
4
Croissance et transformation des entreprises
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises.
Article 57 (suite)
M. le président. Nous poursuivons la discussion de l’article 57.
L’amendement n° 25 n’est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 900, présenté par MM. Lévrier, Yung, Patient, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéas 19, 20, 32 et 33
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. L’un des principaux objets du présent projet de loi est de simplifier les mesures tant pour les employeurs que pour les salariés.
Imposer un mécanisme de lien obligatoire entre intéressement et plan d’épargne d’entreprise rend complexe une mesure simple. Laissons l’employeur libre, en cas d’accord d’intéressement, d’ouvrir ou non un PEE pour ses salariés !
Tel est le sens de cet amendement de rétablissement.
M. le président. L’amendement n° 988, présenté par M. Canevet, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéas 32 et 33
Remplacer la référence :
L. 3314-11
par la référence :
L. 3314-12
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 900.
M. Michel Canevet, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Je n’ai pas du tout la même approche que les auteurs de l’amendement n° 900 : je pense au contraire qu’il faut donner au salarié le choix de l’orientation de son épargne. Cela me semble extrêmement important.
Pourquoi obliger le salarié à percevoir tout de suite son épargne s’il souhaite la placer sur le moyen terme ? L’un des principaux objectifs de cette réforme de l’intéressement et de la participation est d’inciter les salariés à engager leur épargne sur le moyen ou le long terme. Si on ne leur offre pas la possibilité de le faire, je crois qu’on passe à côté de cet objectif. En tout cas, je suis très attaché à ce que les salariés aient le choix du mode d’affectation de leur épargne.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 900 et souhaite le retrait de l’amendement n° 988.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous, monsieur le rapporteur. Un PEE ne peut être mis en place qu’après la conclusion d’un accord d’entreprise. C’est très bien, car cela suppose une volonté commune de l’employeur et des salariés. Il faut laisser de la liberté : pourquoi toujours vouloir imposer à l’employeur, ou au salarié, certains choix ?
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je ne comprends pas. J’ai entendu M. le ministre, hier, affirmer qu’il fallait un maximum de liberté. J’ai l’impression que vous défendez tous deux la liberté. J’aurais besoin d’un peu plus d’explications.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Canevet, rapporteur. En élaborant le texte, nous avons souhaité que, lors de la conclusion d’un accord d’intéressement, la possibilité soit offerte de verser les sommes résultant de l’intéressement sur un plan d’épargne d’entreprise. En effet, si tel n’est pas le cas, cela signifie que seul le versement direct peut être opéré.
Nous souhaitons que les salariés puissent avoir le choix de la destination de leur épargne : sur du long terme, par exemple au travers d’un PERCO, sur du moyen terme, par un PEE de cinq ans, ou encore en versement direct. C’est au salarié de choisir, mais il ne peut le faire que si on lui en donne la possibilité.
M. le président. L’amendement n° 911, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 21 et 22
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
3° ter L’article L. 3345-3 est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « I » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. - Par dérogation aux dispositions prévues au I du présent article, l’autorité administrative peut, jusqu’à la fin du huitième mois suivant le dépôt des accords d’intéressement, formuler des demandes de modifications de dispositions contraires aux dispositions légales afin que l’entreprise puisse se mettre en conformité pour les exercices suivant celui du dépôt. Si l’autorité administrative n’a pas formulé de telles demandes dans ce nouveau délai, alors les exonérations prévues aux articles L. 3312-4 et L. 3315-1 à L. 3315-3 sont réputées acquises pour la durée de l’accord prévue à l’article L. 3312-2. » ;
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Cet amendement vise à sécuriser les exonérations offertes pour les accords d’intéressement tout en laissant à l’administration le temps nécessaire pour analyser ces accords.
Nous partageons l’objectif de M. le rapporteur : apporter une plus grande sécurité juridique aux accords d’intéressement une fois ceux-ci signés et déposés à la DIRECCTE. Le droit actuel prévoit d’ores et déjà une sécurisation des sommes versées vis-à-vis des URSSAF, pour l’année en cours et, le cas échéant, pour les années précédentes. Le texte de la commission va plus loin en permettant une sécurisation du traitement social pour la durée restante de l’accord.
Toutefois, le contrôle de légalité des accords d’intéressement doit pouvoir s’opérer dans un délai suffisamment raisonnable pour garantir la conformité de l’accord à la loi. Par cet amendement, nous entendons permettre, si l’administration ne se prononce pas dans un premier délai de quatre mois, de sécuriser l’entreprise pour la première année de l’accord. L’administration se verrait ensuite octroyer quatre mois supplémentaires pour demander les ajustements permettant de régulariser le contrat pour les deux deuxième et troisième années. À défaut de demande, l’accord est considéré comme validé pour toute sa durée, sécurisant ainsi l’entreprise conformément au souhait exprimé par votre commission spéciale.
Nous entrons donc complètement dans la logique de M. le rapporteur, mais nous tenons compte de la réalité de la charge de travail des administrations. C’est pourquoi nous faisons en sorte que la première année soit sécurisée et que, ensuite, l’administration dispose d’un temps raisonnable pour traiter les accords.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Lorsqu’une entreprise conclut un accord d’intéressement, elle l’adresse à la DIRECCTE, qui le valide.
J’étais presque partisan, à l’origine, de supprimer totalement la transmission de l’accord à la DIRECCTE, considérant que cela constituait, tant pour l’entreprise que pour l’administration, une contrainte supplémentaire qui n’avait peut-être pas lieu d’être. Je jugeais que ceux qui avaient des doutes sur la validité de l’accord d’intéressement pouvaient tout à fait solliciter un rescrit fiscal ou social.
Finalement, je me suis résolu à admettre que l’on continue ainsi, même si cette mesure de simplification aurait pu être retenue. Nous avons donc proposé que si, au bout de quatre mois, l’administration ne répond pas, silence vaut accord, au plan fiscal, mais aussi au plan social. Le Gouvernement souhaite porter ce délai à huit mois, soit quatre mois supplémentaires.
Dans une entreprise, lorsque les salariés et l’employeur concluent un accord, ils souhaitent que les termes de cet accord puissent être mis en œuvre le plus rapidement possible. Allonger les délais administratifs pour la validation d’un accord ne favorisera pas la mise en place d’accords d’intéressement dans les entreprises. Déjà, un délai de quatre mois me semble particulièrement long, alors si on le portait maintenant à huit mois, ce ne serait plus possible !
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. En général, un accord d’intéressement est négocié en début d’exercice. Il faut donc quand même que l’administration puisse observer les résultats comptables de l’année pour pouvoir déterminer si l’accord d’intéressement a été atteint.
En réalité, un délai de huit mois laisse largement le temps à l’exercice de se faire. C’est l’expérience que j’en ai en tant que chef d’entreprise.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 987, présenté par M. Canevet, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 23
Remplacer la référence :
L. 3314-4
par la référence :
L. 3313-4
II. – Alinéa 27
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° quinquies L’article L. 3314-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. L’amendement n° 784, présenté par MM. Lévrier, Yung, Patient, Patriat, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéas 27 et 28
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Cet amendement de rétablissement vise à ne pas autoriser les entreprises, lors de la conclusion d’un premier accord d’intéressement, à conclure cet accord à tout moment de l’année en contrepartie d’une extension à quatre ans de la durée de l’accord.
En effet, afin de respecter le caractère aléatoire de l’intéressement, l’accord doit actuellement être conclu au cours du premier semestre de l’exercice. Une conclusion trop tardive de l’accord pourrait remettre en cause le caractère aléatoire de la formule d’intéressement et fragiliser juridiquement l’accord dans les faits. Si l’entreprise souhaite conclure un accord et verser de l’intéressement au cours du même exercice, elle peut opter pour une période de calcul infra-annuelle, ou verser des acomptes, à condition que l’accord le prévoie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Avis défavorable.
Nous souhaitons que les entreprises puissent éventuellement souscrire un accord d’intéressement au-delà du 30 juin, qui est aujourd’hui la date limite, tout simplement parce que les discussions se prolongent parfois un petit peu. Nous proposons une contrepartie : l’accord d’intéressement, de ce fait, durerait quatre ans. Cela éviterait qu’on conclue à un effet d’opportunité sur les résultats au regard du caractère aléatoire de ceux-ci.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 987, qui vise à opérer une clarification rédactionnelle, et à l’amendement n° 784. En effet, l’accord doit actuellement être conclu au cours du premier semestre de l’exercice. Une conclusion trop tardive de l’accord pourrait remettre en cause le caractère aléatoire de la formule d’intéressement. De fait, au milieu de l’année, vous savez ce que vous allez obtenir en fin d’année. Franchement, cela fragiliserait juridiquement l’accord.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 784 n’a plus d’objet.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 329 rectifié, présenté par MM. Tourenne et M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande et Kanner, Mme Tocqueville, MM. Lurel et Durain, Mme Artigalas, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 38 et 39
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
7° Au premier alinéa de l’article L. 3322-2, les deux occurrences du mot : « cinquante » sont remplacées par le mot : « vingt » ;
… Au premier alinéa de l’article L. 3322-3, le mot : « cinquante » est remplacé par le mot : « vingt » ;
… À l’article L. 3322-4-1, le mot : « cinquante » est remplacé par le mot : « vingt » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement vise à diminuer le nombre de salariés à partir duquel s’applique l’obligation de participation.
Il nous paraît opportun de créer une obligation de participation à partir de 20 salariés, d’autant que, dans la nouvelle mouture de ce texte, le délai octroyé à l’entreprise en cas de passage au-delà du seuil de 50 salariés est porté à cinq ans, et que ce délai peut d’ailleurs être renouvelé dès lors que, durant cette période, le nombre de salariés a pu redescendre en dessous de 50.
Par ailleurs, exiger la participation permet de supprimer des inégalités entre les salariés et de réaliser des économies. En effet, il n’y aurait plus, dans ce cas, d’exonération du forfait social : dès lors qu’une obligation s’impose, il n’y a pas de raison d’offrir des mesures incitatives.
M. le président. L’amendement n° 746, présenté par MM. Lévrier et Yung, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 39, première phrase
Remplacer le mot :
cinquante
par le mot :
dix
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. La participation est selon nous un excellent moyen de renforcer le lien social dans une entreprise. Il nous paraît dommage d’exclure de ce système toutes les entreprises comptant moins de 50 salariés. Nous proposons donc de ramener le seuil à 10 salariés. D’autres amendements tendent à proposer un seuil de 20 salariés, mais ce choix ne nous paraît pas cohérent. Le seuil de 20 salariés a été conservé exclusivement dans la loi pour les travailleurs en situation de handicap.
Dans un souci de simplification, il nous paraît plus intelligent d’utiliser les seuils essentiels et pas le seuil exceptionnel de 20, d’où notre proposition de ramener ce seuil à 10 salariés
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements. Ne créons pas de contraintes supplémentaires pour les entreprises !
Je suis pour que des démarches soient engagées dans les entreprises pour mettre en œuvre la participation et l’intéressement, qui doivent être volontaires de la part des salariés et des chefs d’entreprise.
Par ailleurs, dans la mesure où on a mis de l’ordre dans les seuils, cela n’aurait aucun sens d’instaurer des seuils intermédiaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Les entreprises en question peuvent d’ores et déjà instaurer la participation volontaire et seront exonérées de forfait social dès le 1er janvier 2019.
Notre inquiétude en passant en dessous de 50 salariés – que ce soit 10, 11 ou 20 – est de faire peser une charge trop importante sur des entreprises fragiles et de taille modeste. Abstenons-nous des effets de bord. Mettons plutôt en œuvre cette réforme. Si un engouement se fait jour et si on s’aperçoit que tout va très bien, on pourra toujours envisager d’instaurer une obligation. En attendant, tout cela me paraît un peu rapide à ce stade.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 167 rectifié est présenté par MM. Requier, Artano, A. Bertrand et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Roux et Vall.
L’amendement n° 339 est présenté par Mme Espagnac, MM. Daunis, Tourenne, M. Bourquin, Lalande et Kanner, Mme Tocqueville, MM. Lurel et Durain, Mme Artigalas, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 649 est présenté par Mme Lienemann, M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 41
Rédiger ainsi cet alinéa :
8° bis Au début du 2° de l’article L. 3323-2 sont insérés les mots : « Au sein des sociétés coopératives de production, » ;
II. – Alinéa 54
Après le mot :
travail
insérer les mots :
, dans sa rédaction antérieure à la date de publication de la présente loi,
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 167 rectifié.
Mme Françoise Laborde. L’article 57 supprime la possibilité d’affecter les sommes constituant la réserve spéciale de participation à un compte courant bloqué géré par l’entreprise. Cette disposition, introduite en commission spéciale, vise à protéger les salariés contre un investissement risqué par rapport aux autres méthodes d’affectation de la participation.
S’il est vrai que, dans les entreprises dites classiques, ce dispositif est peu utilisé et peut paraître asymétrique dans son rapport de force, il en est autrement dans les SCOP, où, par définition, les salariés sont les associés de l’entreprise. Dans les SCOP, le recours au compte courant bloqué n’est pas un risque pris par les salariés pour leur épargne, c’est un investissement volontaire de leur part dans la trésorerie de l’entreprise qu’ils gèrent et contrôlent. C’est pourquoi le présent amendement vise à conserver la possibilité d’affectation à un compte courant bloqué uniquement pour ces dernières.
Si les SCOP ont prouvé leur durabilité, avec un taux de pérennité à cinq ans de 67 %, c’est notamment parce qu’elles peuvent compter sur l’investissement de leurs salariés, associés de l’entreprise. Pour assurer leurs besoins en trésorerie, certains salariés des coopératives préfèrent en effet verser leur part de la réserve spéciale de participation sur des comptes courants bloqués plutôt que de la récupérer par versement direct ou de l’épargner dans un dispositif financier qui ne bénéficiera pas à l’entreprise. Aussi, supprimer le versement de la réserve spéciale de participation sur un compte courant bloqué priverait les SCOP d’un des outils qui assure aujourd’hui leur succès, mais surtout leur stabilité et leur longévité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 339.
M. Jean-Louis Tourenne. Je crains qu’au bout du compte certains ne s’imaginent que nous nous acharnons sur l’économie sociale et solidaire, qui n’aurait pas les faveurs du Sénat. Je pense au passage de 8 % à 10 % et au refus d’affectation de la participation sur les billets à ordre. Maintenant, on supprime l’affectation sur les comptes bloqués.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 649.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. La commission spéciale a eu le souci de protéger les salariés contre l’utilisation du dispositif des comptes courants bloqués à des fins autres que celles voulues par les salariés. Cependant, les SCOP sont un cas à part, puisque les salariés sont partie prenante des décisions prises. Les comptes courants ne peuvent être affectés qu’à l’activité de l’entreprise. Les priver de cette opportunité, c’est faire fi du fait que les salariés sont partie prenante de manière déterminante, puisqu’ils disposent de 51 % des voix. Par ailleurs, les comptes courants bloqués sont un outil extrêmement utile pour la trésorerie de ces coopératives.
Pourquoi la commission spéciale n’a-t-elle pas plutôt cherché à adapter les mécanismes proposés aux spécificités de l’économie sociale et solidaire ? Monsieur le rapporteur, je comprends votre souci de simplification, mais, simplifier, ce n’est pas uniformiser ! Simplifier pour les acteurs concernés, c’est moins de bureaucratie, moins de complexité, moins d’incompréhension par rapport au dispositif. Ce dispositif n’a jamais été contesté par quiconque dans le monde coopératif. Je vous demande donc d’être bienveillant et d’accepter ces amendements défendus sur plusieurs travées.
M. le président. L’amendement n° 989, présenté par M. Canevet, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 41
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
8° ter L’article L. 3323-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Le début de la première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigé : « Par dérogation à l’article L. 3323-2, les accords de participation… (le reste sans changement) ».
8° quater L’article L. 3323-5 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, les mots : « et les dispositions du 2° de l’article L. 3323-2 sont applicables » sont supprimés.
b) Le début de la première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « Les sommes attribuées aux salariés sont affectées sur un compte courant que l’entreprise doit consacrer à des investissements et, sous réserve des cas prévus par décret en application de l’article L. 3324-10, bloquées pour huit ans… (le reste sans changement) » ;
II. – Après l’alinéa 48
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
9° quinquies Le premier alinéa de l’article L. 3333-5 est supprimé ;
III. – Après l’alinéa 50
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
II bis. – L’article 163 bis AA du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, la référence : « à l’article L. 3323-2 » est remplacée par les références : « aux articles L. 3323-2 et L. 3223-3 » ;
2° L’avant-dernier alinéa est supprimé.
II ter. – À la première phrase de l’avant-dernier alinéa du I de l’article 1er de la loi n° 2013-561 du 28 juin 2013 portant déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement, la référence : « du 2° de l’article L. 3323-2 » est remplacée par la référence : « de l’article L. 3323-3 ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission spéciale sur les trois amendements identiques.
M. Michel Canevet, rapporteur. Je souhaite rassurer Mme Laborde, M. Tourenne et Mme Lienemann : l’amendement n° 989 a justement pour objet d’intégrer les SCOP dans le dispositif.
La commission spéciale a supprimé le recours aux comptes bloqués, car elle s’est aperçue qu’ils représentaient un risque pour les salariés qui y avaient placé une partie de leur intéressement. En effet, si l’entreprise a des difficultés, ils perdent tout.
L’article L. 3323-3 du code du travail est spécifique aux SCOP. La commission a déposé cet amendement de coordination pour permettre aux SCOP de continuer à pouvoir utiliser les comptes bloqués. Ces trois amendements identiques sont donc satisfaits par mon amendement. Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir les retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Ces quatre amendements visent le même objectif. J’y suis favorable par principe. L’amendement n° 989 me paraît néanmoins plus complet et a ma préférence. Je demande donc le retrait des amendements identiques nos 167 rectifié, 339 et 649 au profit de celui-ci.
M. le président. Madame Laborde, l’amendement n° 167 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Je ne sais pas si c’est de la naïveté ou de la confiance de ma part, mais je vais suivre la commission et le Gouvernement et retirer mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 167 rectifié est retiré.
Monsieur Tourenne, l’amendement n° 339 est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Tourenne. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 339 est retiré.
Madame Lienemann, l’amendement n° 649 est-il maintenu ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 649 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 989.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 785, présenté par MM. Lévrier, Yung, Patient, Patriat, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 49
Supprimer les mots :
sans qu’ils puissent excéder le produit financier du placement
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Grand, la commission spéciale a adopté un amendement qui prévoit que, lorsque le salarié a quitté l’entreprise, le plafonnement des frais de tenue de compte d’un PERCO ne puisse excéder le produit financier du placement.
Or la formulation retenue « sans qu’ils puissent excéder le produit financier du placement » peut poser problème. Si les produits financiers sont négatifs, on pourrait imaginer des frais financiers négatifs. Afin d’éviter ce genre d’incompréhension, nous proposons que le niveau des plafonds pour les frais de tenue de compte reste simplement fixé par décret.
M. le président. L’amendement n° 993, présenté par M. Canevet, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 49
Compléter cet alinéa par les mots :
, si celui-ci est positif
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 785.
M. Michel Canevet, rapporteur. L’amendement que je présente est du même ordre que celui de notre collègue Lévrier : il vise à préciser que l’on ne peut prélever les frais que si le produit financier est positif. Dans la mesure où il règle la difficulté, l’avis est défavorable sur l’amendement n° 785.
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement a-t-il déjà décidé de la manière dont tout cela sera encadré par décret ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 785. Sa rédaction me semble en effet plus adaptée que celle de l’amendement n° 993. Tel que rédigé, l’encadrement des frais de gestion du PERCO prévu par le texte issu de la commission spéciale peut sembler dysfonctionnel. Il pourrait conduire à des frais de gestion négatifs dans l’hypothèse où les produits financiers auraient un rendement négatif. La rédaction de l’amendement n° 785 paraît techniquement préférable.
En ce qui concerne le décret, la concertation a été lancée. Nous vous tiendrons informés dans les meilleurs délais.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l’amendement n° 993 est-il maintenu ?
M. Martin Lévrier. Allez, soyez naïf ! (Sourires.)
M. Michel Canevet, rapporteur. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 789, présenté par MM. Yung, Patient, Patriat, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 50
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au premier alinéa du 18° bis de l’article 81 du code général des impôts, les mots : « d’un montant égal à la moitié du plafond annuel moyen retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « du montant prévu au premier alinéa de l’article L. 3315-2 du code du travail ».
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. La rédaction de l’article 57 issue du texte de l’Assemblée nationale porte le plafond individuel de versement de l’intéressement de 50 % à 75 % du montant du plafond annuel de la sécurité sociale, le PASS. Le présent amendement vise à compléter ce travail en harmonisant le droit et en inscrivant la même règle dans le code général des impôts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 789 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 254 rectifié bis, présenté par M. Cadic, Mme Billon, M. Janssens, Mme Guidez et MM. Guerriau, Longeot et D. Dubois, est ainsi libellé :
Alinéa 51
Rédiger ainsi cet alinéa :
III. – S’agissant des dispositions de l’accord de branche relatives à l’intéressement et à l’épargne salariale, les entreprises de la branche qui décident de mettre en place un dispositif d’intéressement ou d’épargne salariale peuvent choisir, sur la base du volontariat, d’appliquer les règles définies dans ces domaines par l’accord de branche.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. La rédaction du III de l’article 57 est ambiguë. En effet, elle donne un caractère obligatoire à la négociation dans les branches professionnelles d’un accord sur « un régime d’intéressement, de participation ou d’épargne salariale » en précisant qu’il « est adapté aux entreprises employant moins de cinquante salariés au sein de la branche » et que « les entreprises de la branche peuvent opter pour l’application de l’accord ainsi négocié ».
On pourrait donc penser, par ricochet, que les dispositifs relatifs à l’intéressement et à l’épargne salariale deviennent obligatoires, notamment pour les entreprises de moins de 50 salariés – l’entreprise ayant le choix entre les dispositions résultant d’un accord conclu en son sein et les dispositions prévues dans l’accord de branche –, alors que ces dispositifs, en particulier l’intéressement, sont créés sur la stricte base du volontariat.
La rédaction proposée dans le présent amendement vise à éviter toute ambiguïté. Elle rappelle à la fois le caractère facultatif de la mise en place de dispositifs d’intéressement et d’épargne salariale et précise le caractère purement volontaire pour les entreprises de la branche de « l’option » en faveur des dispositions relatives à l’intéressement et à l’épargne salariale figurant dans l’accord de branche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Cet amendement est satisfait par le texte, puisqu’il y est écrit : ce régime, auquel les entreprises de la branche « peuvent » se référer… J’en demande donc le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Pour les mêmes raisons, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Cadic, l’amendement n° 254 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. La formulation du texte peut être interprétée de façon différente par un juge en cas de litige. Il s’agissait de lever une ambiguïté, mais je m’incline, et je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 254 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 57, modifié.
(L’article 57 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 57
M. le président. L’amendement n° 827 rectifié bis, présenté par MM. Gabouty, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde, MM. Menonville, Mézard, Requier et Vall et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Après l’article 57
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le dernier alinéa de l’article L. 3312-1 du code du travail est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les entreprises qui n’ont pas mis en place de participation dans les conditions prévues aux articles L. 3322-1 à L. 3322-8 du présent code et employant plus de dix salariés y sont soumises.
« Pour les autres entreprises, l’intéressement est facultatif.
« Le plancher, le plafond et les modalités de calcul sont fixés par décret. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. L’équité fiscale, le partage des richesses, le pouvoir d’achat sont des enjeux majeurs pour notre cohésion sociale. Ces attentes ressortent très largement en tête des réunions organisées dans le cadre du grand débat national.
L’élargissement du champ d’application de l’intéressement peut contribuer à répondre à ces attentes. Cet amendement vise à rendre obligatoire l’intéressement dans toutes les entreprises de plus de 10 salariés qui n’ont pas mis en place un accord de participation. L’intéressement est peu utilisé dans les PME sur la base du volontariat. C’est pourtant un dispositif simple, concret et facile à mettre en œuvre, y compris dans les petites entreprises : cela fait trente ans que je le pratique.
Les modalités de calcul du plancher, du plafond ou de la base peuvent être fixées ou améliorées par décret, ce qui laisse au Gouvernement la faculté d’adapter au mieux ce dispositif.
Cette application obligatoire de l’intéressement aux PME est à la fois dans l’intérêt des salariés et dans celui des entreprises. Il génère plus de justice, il améliore la rémunération, il favorise des négociations salariales plus apaisées et il augmente la motivation des salariés dans la recherche de performances et de résultats.
Le gage vise à compenser la perte de recettes au titre de l’impôt sur les sociétés, qui doit être en contrepartie équilibré par une hausse des recettes au titre de l’impôt sur le revenu et de la TVA par un surplus de consommation. Je n’ai pas chiffré exactement les conséquences d’une telle mesure, mais elles s’élèvent à plusieurs centaines de millions d’euros de pouvoir d’achat en faveur des salariés.
Enfin, j’ajoute à l’intention de la majorité sénatoriale et de vous-même, monsieur le rapporteur, qu’en relevant le seuil de 50 à 100 salariés vous privez les salariés des entreprises de cette tranche de la garantie de bénéficier de la participation, qui passe ainsi sous régime optionnel. Cela ne me paraît pas vraiment être un progrès.
Cet amendement tend à compenser les effets pervers de ce relèvement de seuil. Cette remarque vaut aussi pour le Gouvernement si les propos de M. le ministre sur un éventuel relèvement à 70 du seuil de 50 venaient à être mis en œuvre…
La position que j’exprime est éminemment politique. Je la soumets à votre approbation dans un contexte social qui demande un peu de courage, sinon de l’audace !
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. L’intention de Jean-Marc Gabouty est absolument louable, mais nous avons fait le pari d’une démarche volontaire des entreprises. On ne peut pas dire a priori que ça ne fonctionnera pas : il faut faire confiance aux entreprises et aux organisations syndicales. Elles sauront négocier des accords d’intéressement et l’institution de la participation. Nous ne voulons pas instaurer de contrainte supplémentaire. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. À nos yeux, l’intéressement est par nature un dispositif collectif négocié avec les salariés et facultatif. Cet amendement rendrait obligatoire l’intéressement dans les entreprises de plus de 10 salariés et de moins de 50. Cette mesure risque d’introduire une confusion entre deux dispositifs – l’intéressement et la participation – et d’alimenter l’idée qu’il conviendrait de les fusionner.
Il nous apparaît essentiel de conserver les deux instruments, qui visent des objectifs distincts. L’intéressement permet notamment d’avoir une certaine liberté quant à la fixation des objectifs qui ne sont pas nécessairement financiers. La satisfaction des clients, par exemple, peut figurer comme un élément de rémunération.
Dans cet esprit, la participation permet de redistribuer au profit des salariés une partie des bénéfices qu’ils ont contribué à produire par leur travail.
Cette réforme, avec la baisse du forfait social – et c’est tout l’enjeu –, doit être accompagnée d’une communication extrêmement intense. Je fais confiance aux entreprises : elles sauront préparer des accords d’intéressement de façon à les déployer rapidement. Pour peu que l’on fasse un effort de communication et de transparence, les entreprises, à partir du moment où elles auront intégré cette liberté et le fait qu’elles peuvent ne pas payer d’impôt, verront vite où est leur intérêt. L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Ce que vous prévoyez n’aura pas d’impact ou alors ce sera marginal. Je suis dans le milieu de l’entreprise depuis plus de trente ans. À l’époque où l’on a institué l’intéressement, il n’y avait pas de forfait social. Le frein de la taxation n’existait donc pas.
Lorsqu’une entreprise considère l’intéressement, elle regarde l’enveloppe globale, c’est-à-dire ce qui est versé aux salariés, plus les taxes ou les forfaits. Il est vrai que le dispositif adopté quant à l’exonération de forfait social permettra dans un deuxième temps d’augmenter ce qui est versé aux salariés, mais uniquement s’ils ont déjà signé des contrats d’intéressement. Je ne pense pas qu’on arrivera à convaincre du bien-fondé de ce dispositif les entreprises de moins de 50 salariés qui n’ont pas signé…
Le Sénat aggrave la situation avec le relèvement du seuil à 100 salariés, puisque la participation, qui était un acquis pour les entreprises entre 50 et 100 salariés, tombe !
Je ne m’inscris pas en faux contre les dispositions votées par le Sénat, mais je souhaite apporter un correctif en matière d’intéressement. Au niveau des petites entreprises, c’est extrêmement simple à mettre en place, je parle d’expérience.
On peut certes se fixer des objectifs financiers, de productivité, de satisfaction de la clientèle. Cela existait déjà. Si vous n’allez pas dans cette direction, je ne vois pas comment vous répondrez aux attentes de nos concitoyens dans la situation actuelle. Par ailleurs, ma proposition ne grève pas le budget de l’État, puisqu’elle ne fait pas appel aux fonds publics. Il s’agit simplement d’une autre répartition des bénéfices.
À mon sens, on ne peut pas être sans arrêt incitatif. À un moment, il faut fixer des règles. C’est un principe : les salariés doivent pouvoir bénéficier des fruits de la croissance, c’est du moins ce que disait le général de Gaulle.
Quant au taux, qu’il s’agisse de 5 %, de 10 % ou de 20 %, il est à négocier soit dans les accords de branche, soit dans les accords d’entreprise avec les délégués du personnel et les délégués syndicaux, soit directement avec des salariés. Une telle mesure me semble essentielle dans le contexte actuel.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. J’ai discuté de cet amendement avec Jean-Marc Gabouty. Je comprends son raisonnement, mais il n’a été négocié avec personne. J’imagine, madame la secrétaire d’État, que vous n’avez jamais testé cette proposition auprès des partenaires et des entreprises. Il me paraît donc difficile de l’imposer. Je ne voudrais pas que nous votions ici un amendement qui aurait des répercussions importantes en rendant obligatoire un dispositif de ce type sans l’avoir au préalable expertisé.
Je suis en revanche extrêmement sensible à l’argument sur les seuils entre 50 et 100 salariés ou entre 50 et 70 salariés. Madame la secrétaire d’État, ne pouvons-nous pas négocier cela lors de la commission mixte paritaire ?
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Je reprends un peu la philosophie des ordonnances Travail, qui visaient à relancer la logique de négociation dans les entreprises. Si on commence à imposer dans l’entreprise un certain nombre de choses par la loi, on tend à casser l’idée de négociation. Or la négociation me paraît très importante aujourd’hui. On le voit avec le grand débat, les Français ont besoin et ont envie de parler. Il importe de recréer également cette envie dans l’entreprise. C’est un des moyens qui peut le permettre.
Par ailleurs, je rejoins Sophie Primas et Jean-Marc Gabouty. J’ai également un problème avec le seuil de 50 salariés. Pourquoi ne pas le descendre à 10 ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 827 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 53 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 112 |
Contre | 232 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 832 rectifié, présenté par MM. Gabouty, Artano et Collin, Mme Jouve et MM. Menonville, Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 57
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 3312-2 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le calcul de la base de l’intéressement peut prendre en compte le résultat comptable de référence de l’exercice précédent s’il est négatif. »
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Je me soucie de l’intérêt des salariés, mais aussi de celui des entreprises. Cet amendement s’appuyait certes sur le précédent, mais il peut s’appliquer même si celui-ci n’a pas été adopté.
Il s’agit de tenir compte dans les entreprises, notamment dans les petites entreprises, des déficits de l’année n-1. Souvent, dans les PME ou les ETI, les résultats sont en dents scie. Il peut y avoir un résultat mauvais une année et un résultat meilleur l’année suivante. Or l’objectif premier d’une entreprise est de combler les déficits creusés éventuellement par l’exercice précédent. Je souhaite donc donner la possibilité de reporter dans la base de calcul, lorsqu’elle a un caractère financier, le résultat de l’année précédente. Je précise que le résultat doit être le même résultat de référence – le bénéfice net comptable, par exemple, ou le bénéfice d’exploitation – de manière à lisser l’attribution de l’intéressement dans l’intérêt de l’entreprise en cas d’exercice précédent déficitaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. C’est une bonne question, mais l’amendement n’est pas correctement rédigé. Que signifie « la base de l’intéressement » ? Par ailleurs, nous proposerons à l’article 57 A d’introduire la référence aux résultats pluriannuels afin de qualifier l’aléatoire. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. L’employeur et les représentants du personnel disposent d’ores et déjà d’une certaine marge de manœuvre afin de déterminer la formule d’intéressement la plus adaptée pour encourager la participation des salariés.
L’ajout explicite dans le code du travail de la prise en compte du résultat comptable de l’exercice précédent, si celui-ci est négatif, nous paraît quelque peu surcontraindre le dispositif, ce qui n’empêche pas de tenir compte du cycle dans lequel se trouve l’entreprise et d’avoir une approche pluriannuelle.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. L’amendement n° 332, présenté par MM. Tourenne et M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande et Kanner, Mme Tocqueville, MM. Durain et Lurel, Mme Artigalas, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 57
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 3313-2 du code du travail, il est inséré un article L. 3313-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 3313-2-… – Pour les entreprises de moins de cinquante salariés, la déclaration des accords de participation et d’intéressement est effectuée de manière dématérialisée et pré-remplie, dont les conditions de mise en œuvre sont fixées par décret. »
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement vise à mettre en place une procédure de déclaration dématérialisée et pré-remplie pour les entreprises de moins de 50 salariés, afin d’y faciliter la diffusion des dispositifs d’épargne salariale. Cette déclaration comporterait l’ensemble des mentions obligatoires prévues à l’article L. 3313-2 du code du travail, simplifiant ainsi le contrôle par l’administration. Elle allégera et simplifiera également les démarches des PME pour offrir une épargne salariale à leurs employés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Je ne suis pas certain que ce soit une mesure de simplification s’agissant de petites entreprises de moins de 50 salariés. Celles-ci ont tout à fait la faculté d’adresser par voie électronique l’accord d’intéressement à la DIRECCTE.
Cet amendement n’apportant pas grand-chose, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Tourenne, l’amendement n° 332 est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Tourenne. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 285 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 328, présenté par MM. Tourenne et M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande et Kanner, Mme Tocqueville, MM. Lurel et Durain, Mme Artigalas, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 57
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au dernier alinéa de l’article L. 3324-1 du code du travail, les mots : « à la moitié du » sont remplacés par le mot : « au ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. La réserve spéciale de participation est calculée selon une formule tout à fait particulière et compliquée : il faut multiplier un coefficient d’un demi par le résultat fiscal, duquel on retire 5 % des capitaux propres pour assurer la rémunération des capitaux. On multiplie enfin ce résultat par le montant des salaires sur la valeur ajoutée.
Les membres du COPIESAS – le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié – ont travaillé sur ce sujet, mais n’ont pas mis en œuvre la mesure proposée, car cela leur paraissait prématuré et risquait de bousculer le dispositif des participations. Ils ont considéré qu’il fallait prendre le temps de faire une étude d’impact afin d’envisager les conséquences.
Ce qui pose problème, c’est ce coefficient d’un demi, qui divise par deux la valeur ajoutée produite par les salariés et qui, par conséquent, les pénalise.
Bruno Le Maire avait lui-même déclaré qu’il était plutôt favorable à une modification dans le sens que nous proposons. Vous voterez donc sûrement cette proposition, mes chers collègues, qui me paraît tout à fait pertinente.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Je me suis également beaucoup interrogé sur la nécessité de modifier la formule légale de participation.
L’amendement tend à supprimer la réduction de 50 %. On s’aperçoit en effet que, lorsqu’une entreprise est fortement capitalisée, les incidences sont extrêmement fortes sur le niveau de la participation.
Vous aurez compris depuis le début de cette discussion que je recherche des mesures de simplification et de lisibilité des dispositifs d’intéressement et de participation, parce que je considère que c’est la clé de leur réussite. Si les interlocuteurs concernés, qu’ils soient chefs d’entreprise ou salariés, ne comprennent pas la manière selon laquelle sont calculées les formules de participation et d’intéressement, il est certain qu’elles seront plus difficiles à appliquer. Or il faut tout faire pour faciliter leur mise en œuvre.
Quant à moi, j’étais partisan de retenir une formule encore plus simple : prendre 10 % du résultat net – ou pourquoi pas 15 %, comme cela a été proposé précédemment –, par exemple, ce serait compréhensible par absolument tout le monde. On pourrait même imaginer d’appliquer 10 % à tel niveau de forfait social et 15 % ou 20 % à d’autres niveaux. Ce serait lisible par tous.
Mais la formule ne pouvant être modifiée dans le sens proposé, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. L’amendement conduirait à un doublement de la participation versée aux salariés. Je rappelle que ce qui est versé aux salariés n’est pas réinvesti dans l’entreprise. Aussi ne faut-il pas perdre de vue l’équilibre nécessaire entre le partage de la valeur et le réinvestissement dans l’entreprise.
L’avis est défavorable sur cet amendement, car la charge supportée par les entreprises serait trop lourde, comme pourrait le montrer une analyse plus précise. L’IGAS et l’IGF sont en train d’évaluer l’opportunité de modifier la formule de participation. Elles ne sont pas les premières en cinquante ans… Pour le moment, on n’a pas trouvé de meilleure formule.
Il est clair que si l’on devait modifier la formule de participation, il faudrait commencer par organiser une concertation avec les partenaires sociaux sur les évolutions possibles. Cette concertation a vocation à être lancée ; en attendant, l’avis est défavorable, car il n’est pas encore temps de légiférer sur ce sujet très sensible.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. En première lecture à l’Assemblée nationale, Bruno Le Maire avait précisé qu’une mission conjointe de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales était en cours – vous venez de le dire – et qu’elle devait rendre ses conclusions à la fin de l’année 2018.
Le ministre avait également précisé que les parlementaires pourraient être associés au début de l’année 2019 à ce travail sur la modification de la formule de participation. Vous ne pouvez donc pas, madame la secrétaire d’État, émettre un avis défavorable. Vous devez au moins nous dire que ce travail aura lieu, ce serait la moindre des choses !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je crois que c’est très exactement ce que j’ai dit. Je le répète, l’IGAS et l’IGF terminent actuellement leur rapport et une concertation doit être ouverte. Mais, en tout état de cause, il nous semble qu’il est un peu trop tôt pour légiférer sur ce point.
Je pense être parfaitement en ligne avec mon ministre de tutelle.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Il y a tout de même une ambiguïté que vous perpétuez à longueur d’intervention : vous dites toujours que c’est une charge pour l’entreprise. C’est une participation aux résultats de l’entreprise, ce n’est pas une charge ! Il s’agit d’une juste répartition entre ceux qui font la richesse de l’entreprise et ceux qui en sont, non pas les propriétaires, mais les actionnaires. Cette méprise est un peu lourde, parce qu’elle induit ensuite l’ensemble de votre raisonnement.
Par ailleurs, vous ne devez pas exagérer le coût pour l’entreprise. Je répète les chiffres que je citais précédemment : l’intéressement et la participation des salariés représentent 5 % des bénéfices réalisés par les entreprises, alors que les actionnaires empochent 57 %. Il faut raison garder et relativiser quelque peu votre discours !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 328.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 57 bis A
(Non modifié)
L’article L. 3314-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La formule de calcul décrite au 1° peut être complétée d’un objectif pluriannuel lié aux résultats ou aux performances de l’entreprise. » – (Adopté.)
Article 57 bis B
(Non modifié)
La section 3 du chapitre IV du titre Ier du livre III de la troisième partie du code du travail est complétée par un article L. 3314-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 3314-11. – Les sommes qui n’auraient pu être mises en distribution en raison des règles définies aux articles L. 3314-5 et L. 3314-8 font l’objet, si l’accord le prévoit, d’une répartition immédiate entre tous les salariés et, le cas échéant, les bénéficiaires mentionnés à l’article L. 3312-3 auxquels ont été versées des sommes d’un montant inférieur au plafond des droits individuels fixé à l’article L. 3314-8. Ce plafond ne peut être dépassé du fait de cette répartition supplémentaire, effectuée selon les mêmes modalités que la répartition originelle. » – (Adopté.)
Mme Laurence Cohen. Le groupe CRCE s’est abstenu !
Article 57 bis C
Le premier alinéa de l’article L. 3324-5 du code du travail est ainsi modifié :
1° À la fin de la première phrase, les mots : « plafonds déterminés par décret » sont remplacés par les mots : « trois fois le plafond mentionné au premier alinéa de l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale » ;
2° La seconde phrase est ainsi modifiée :
a) (nouveau) Après la référence : « L. 3323-6 », sont insérés les mots : « du présent code » ;
b) Les mots : « le même » sont supprimés.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 881 est présenté par M. Lévrier.
L’amendement n° 899 rectifié est présenté par MM. Corbisez et Artano, Mme M. Carrère, M. Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Mézard, Requier, Roux et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
deux
La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 881.
M. Martin Lévrier. En 2019, le plafond de la sécurité sociale a été revalorisé en fonction de l’évolution des salaires, conformément aux règles prévues par le code de la sécurité sociale. Le plafond annuel de la sécurité sociale, le PASS, a été fixé à 40 524 euros par an. Cette valeur a une incidence fiscale : elle sert à calculer le plafond de déduction du revenu applicable aux dispositifs d’épargne salariale et d’épargne retraite.
Le présent amendement vise à abaisser le plafond du salaire pris en compte dans le calcul de la redistribution proportionnelle de la participation à deux PASS, contre trois actuellement. L’effet sera mécanique : ceux qui perçoivent plus de deux PASS percevront un peu moins d’intéressement, au bénéfice de ceux qui sont en deçà de ce nouveau plafond et qui pourront percevoir jusqu’à 80 euros de plus par an.
Au sein d’une même entreprise, demander cet acte d’entraide aux employés dont le salaire est supérieur à 6 750 euros par mois me semble être un geste d’équité.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 899 rectifié.
Mme Françoise Laborde. C’est le même amendement que celui qui vient d’être présenté, même s’il est vrai que je ne l’aurais pas défendu en des termes tout à fait identiques.
Je précise que, à la différence de l’intéressement, la participation a vocation non pas à récompenser la performance des salariés, mais à leur faire bénéficier des résultats de l’activité à laquelle ils contribuent. Dans le contexte social tendu que nous connaissons depuis plusieurs mois, cette mesure de justice salariale peut apparaître comme une réponse, parmi d’autres, aux attentes de nos concitoyens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. La mesure décidée à l’Assemblée nationale, qui prévoit le passage à trois PASS, me semble induire des effets de redistribution extrêmement importants. Aller beaucoup plus loin serait risqué et entraînera en tout cas des pertes pour un grand nombre de salariés. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Une telle redistribution aurait pour effet de faire baisser ce que reçoivent un certain nombre de salariés.
Une personne élevant seule ses enfants ou qui, bien que vivant en couple, doit supporter l’ensemble des frais du foyer peut appartenir à ce qu’on appelle les classes moyennes. Or ce sont ces catégories qui nous disent, systématiquement, qu’elles payent beaucoup d’impôt tout en étant peu concernées par les efforts que nous pouvons faire.
Passer de quatre à trois PASS représente bien un effort de répartition supplémentaire. Le passage en deçà de trois PASS entraînerait des pertes de plusieurs centaines d’euros pour les personnes concernées. L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Je me permets d’insister : trois PASS, cela représente un plafond de 100 000 euros par an. Un tel plafond est à peu près inatteignable pour 90 % des salariés français. Cela revient à prévoir un plafond de verre pour les salariés qui touchent le SMIC ou un peu plus.
Je ne serais pas choqué que l’on donne un peu moins d’intéressement – il ne s’agit pas de retirer du salaire – à des salariés qui reçoivent jusqu’à deux PASS. Je maintiens donc mon amendement, qui me paraît plus équitable que le dispositif proposé.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je vais soutenir l’amendement de M. Lévrier, même s’il n’a pas voté le mien précédemment. (Sourires.) Je ne suis pas rancunier, et sa proposition vise à faire un effort social.
L’effort qui est demandé aux salariés qui gagnent le plus est tout de même relativement limité. Par ailleurs, dans les faits – je le dis en tant que chef d’entreprise –, les salariés qui sont à un niveau de trois PASS disposent pour négocier leur salaire de moyens que n’ont pas ceux qui touchent le SMIC ou qui sont à un PASS.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je soutiens également l’amendement. Dans la période troublée que nous vivons, ce geste serait très apprécié par ceux qui réclament une augmentation de leur pouvoir d’achat et un peu plus de justice.
Que ceux qui gagnent 80 000 euros par an reçoivent un peu moins au titre de la participation, cela ne paraît pas scandaleux, d’autant qu’ils ne seront pas privés de sommes considérables. Cette mesure permettra, en revanche, d’abonder la participation de ceux qui sont moins payés. Cette répartition tout à fait équitable permettrait de montrer à la population que le Sénat s’intéresse à ceux qui ont des difficultés.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 881 et 899 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 57 bis C.
(L’article 57 bis C est adopté.)
Article additionnel après l’article 57 bis C
M. le président. L’amendement n° 990, présenté par M. Canevet, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Après l’article 57 bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 3324-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un arrêté ministériel fixe le délai au-delà duquel les sommes, lorsqu’elles n’atteignent pas un montant déterminé par ce même arrêté et qu’elles n’ont pas été effectivement distribuées en raison d’une impossibilité matérielle de versement, demeurent dans la réserve spéciale de participation des salariés pour être réparties au cours des exercices ultérieurs. » ;
2° La dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 3342-1 est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Par dérogation, l’ancienneté du salarié temporaire dans l’entreprise ou le groupe qui l’emploi ne peut excéder une durée de six mois, réputée acquise lorsque le salarié temporaire a été mis à disposition d’entreprises utilisatrices pendant une durée totale d’au moins cent vingt jours ouvrés. Un accord de branche étendu fixe les conditions de cette dérogation et le montant minimal de versement de la participation. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Canevet, rapporteur. Le présent amendement vise à adapter les règles de répartition de la réserve spéciale de participation dans les entreprises de travail temporaire. On s’est en effet aperçu qu’il y avait un problème en la matière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Cet amendement vise à prévoir les modalités d’utilisation des sommes de la réserve spéciale de participation qui n’ont pas été attribuées en raison d’une impossibilité matérielle.
Je tiens à rappeler que l’employeur doit demander l’adresse du salarié quittant son entreprise avant le versement des primes de participation ; en contrepartie, le salarié doit l’aviser de tous ses changements d’adresse. S’il ne peut être contacté à l’adresse connue, les avoirs doivent être tenus à sa disposition par l’entreprise pendant une durée d’un an à compter de la date limite du versement. Passé ces délais, ces avoirs doivent être versés à la Caisse des dépôts et consignations.
Le premier point de l’amendement viendrait modifier ce processus, mettant ainsi en péril la possibilité pour les salariés de récupérer leur avoir. Il instaurerait, en second lieu, une rupture d’égalité entre les salariés, puisque seuls ceux des entreprises de travail temporaire pourraient se voir opposer une condition d’ancienneté de six mois.
Pour ces raisons, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l’amendement n° 990 est-il maintenu ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Oui, monsieur le président.
Comme l’ont constaté les entreprises de travail temporaire, du fait de la grande mobilité des personnels, il est difficile de retrouver leur trace. Par ailleurs, 75 % des bénéficiaires touchent moins de 20 euros. Entamer des démarches pour retrouver les coordonnées de personnes qui recevront aussi peu induit des dépenses très élevées pour les entreprises de travail temporaire.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 57 bis C.
Article 57 bis D
(Supprimé)
Article 57 bis
(Non modifié)
Le second alinéa de l’article L. 3332-25 du code du travail est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après le mot : « sert », sont insérés les mots : « à acheter des parts de l’entreprise ou » ;
2° À la deuxième phrase, après le mot : « actions », sont insérés les mots : « ou les parts de l’entreprise ».
M. le président. L’amendement n° 991, présenté par M. Canevet, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Canevet, rapporteur. En permettant l’actionnariat collectif salarié au sein des SARL, l’article 57 bis pourrait déstabiliser leur environnement juridique. Son impact étant à ce jour encore imparfaitement mesuré, il convient de mener une réflexion plus poussée sur cet article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Cet amendement vise à supprimer un article qui permet aux salariés d’entreprises non cotées de débloquer leur plan d’épargne de manière anticipée pour investir dans l’acquisition de parts sociales de leur entreprise.
La suppression proposée ne paraît pas souhaitable : l’article 57 bis permet en effet de développer l’actionnariat salarié, ce qui est l’objectif du projet de loi PACTE, et aux salariés des entreprises non cotées d’avoir accès à l’actionnariat dans les mêmes conditions que les salariés appartenant à des sociétés en actions. Il s’agit donc de rétablir un équilibre.
Par ailleurs, les réserves exprimées, notamment du point de vue de la stabilité juridique des SARL, doivent être relativisées, car l’article 57 bis n’introduit pas de droits nouveaux à l’actionnariat et ne contredit en rien le statut des SARL. L’avis est donc défavorable.
M. le président. En conséquence, l’article 57 bis est supprimé.
Article 58
I. – (Supprimé)
II. – (Non modifié) Après l’article L. 3332-7 du code du travail, il est inséré un article L. 3332-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3332-7-1. – Tout bénéficiaire d’un plan d’épargne d’entreprise reçoit un relevé annuel de situation établi par la personne chargée de la tenue du registre des comptes administratifs comportant l’ensemble de ses versements et choix d’affectation de son épargne au sein du plan, ainsi que le montant de ses valeurs mobilières estimé au 31 décembre de l’année précédente.
« Un décret détermine les mentions devant figurer au sein du relevé annuel de situation transmis au salarié ainsi que la date à laquelle ce relevé est au plus tard édité. »
M. le président. L’amendement n° 787, présenté par MM. Lévrier, Yung, Patient, Patriat, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 3332-7-1. – La personne chargée de la tenue de registre des comptes administratifs fournit à tout bénéficiaire d’un plan d’épargne salariale un relevé annuel de situation comportant le choix d’affectation de son épargne, ainsi que le montant de ses valeurs mobilières estimé au 31 décembre de l’année précédente.
« Un décret détermine les mentions devant figurer au sein de ce relevé annuel de situation, notamment les versements et retraits de l’année précédente, ainsi que la date à laquelle ce relevé est au plus tard édité. »
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Il s’agit de s’assurer que les salariés bénéficieront d’un relevé d’informations claires relatif à leur plan d’épargne. Pour ce faire, l’amendement vise à préciser les mentions que devra contenir le décret auquel les teneurs de comptes feront référence pour éditer le relevé d’informations relatif au plan d’épargne des salariés.
L’article ainsi amendé disposera que le décret applicable au relevé contient, en plus de la date d’édition du relevé, les versements et retraits effectués l’année précédente sur le plan d’épargne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 58, modifié.
(L’article 58 est adopté.)
Article 59
(Non modifié)
I. – La seconde phrase de l’article L. 227-2 du code de commerce est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « et aux offres adressées aux dirigeants ou aux salariés, et le cas échéant aux anciens salariés, par leur employeur ou par une société liée, dans les conditions fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers. Dans ce dernier cas, les titres faisant l’objet de ces offres ne peuvent être soumis à des dispositions statutaires spécifiques prises en application des articles L. 227-13, L. 227-14 et L. 227-16 du présent code. »
II. – Le premier alinéa du I de l’article L. 227-2-1 du code de commerce est complété par les mots : « ou à une offre adressée aux dirigeants ou aux salariés, et le cas échéant aux anciens salariés, par leur employeur ou par une société liée ».
III. – L’article L. 3332-11 du code du travail est ainsi modifié :
1° A À la première phrase du premier alinéa, après la référence : « L. 3332-2 », sont insérés les mots : « constituent l’abondement de l’employeur et » ;
1° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « ces sommes » sont remplacés par les mots : « l’abondement mentionné au premier alinéa » ;
b) Les mots : « liée à celle-ci au sens de l’article L. 225-80 du code de commerce » sont remplacés par les mots : « incluse dans le même périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes au sens du deuxième alinéa de l’article L. 3344-1 » ;
2° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« En outre, si le règlement du plan le prévoit, les entreprises peuvent, même en l’absence de contribution du salarié, effectuer des versements sur ce plan, sous réserve d’une attribution uniforme à l’ensemble des salariés, pour l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement émis par l’entreprise ou par une entreprise incluse dans le même périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes au sens du deuxième alinéa de l’article L. 3344-1 du présent code.
« Les actions ou certificats d’investissement ainsi acquis par le salarié ne sont disponibles qu’à l’expiration d’un délai minimal de cinq ans à compter de ce versement.
« Les plafonds annuels de versement ainsi que les modalités de versement sont fixés par décret.
« Les versements mentionnés au troisième alinéa sont soumis au même régime social et fiscal que les versements des entreprises mentionnés au premier alinéa. »
IV. – À l’article L. 3332-12 du code du travail, les mots : « des sommes versées par » sont remplacés par les mots : « de l’abondement de ».
V. – Au début de la première phrase de l’article L. 3332-13 du code du travail, les mots : « Les sommes versées par l’entreprise ne peuvent » sont remplacés par les mots : « L’abondement de l’entreprise ne peut ».
VI. – À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 3332-19 et au dernier alinéa de l’article L. 3332-20 du code du travail, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % » et le taux : « 30 % » est remplacé par le taux « 40 % ».
M. le président. L’amendement n° 678, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Trente actions gratuites ! C’est ce qu’ont reçu, fin septembre, 25 000 employés de chez Alstom dans le cadre de son plan d’actionnariat salarié mis en place en 2016, soit un gain de 1 200 euros brut par tête.
La France est championne européenne en matière d’actionnariat salarié : la part du capital des sociétés cotées détenue par les « collaborateurs » y est de 4 %, contre 1,6 % pour la moyenne européenne. Au total, ils seraient 3,5 millions à avoir franchi le pas dans notre pays.
Pour notre part, si nous n’avons pas d’allergie idéologique, nous ne défendons pas l’actionnariat salarié : lorsque l’on place son argent, il ne faut pas mettre ses œufs dans le même panier. Or, en choisissant un tel placement non diversifié, le salarié expose son épargne et son travail au même risque.
Chez Areva, le dispositif n’a pas fait que des heureux. En 2015, deux ans après avoir acheté des actions, les salariés ont vu la valeur de celles-ci fondre de près de la moitié. Plusieurs d’entre eux ont déposé plainte pour « délit de fausse information », estimant que leur direction leur avait caché les mauvais résultats de l’entreprise pour les inciter à acheter des actions.
Au sein du groupe Orange, qui a mis en place un dispositif d’actionnariat salarié dès 1997, lors de la privatisation de l’entreprise, l’aventure n’a guère été plus reluisante. Le cours d’introduction à l’époque était de 28 euros ; aujourd’hui, il tourne autour de 14 ou 15 euros.
L’actionnariat salarié n’améliore en rien les rémunérations. Pis, il s’accompagne toujours d’une modération salariale. C’est un dispositif en réalité tourné vers des objectifs financiers, avec une logique managériale incitant les salariés à être toujours plus productifs.
Pour les employeurs, cela permet surtout de transformer une charge d’entreprise en fonds propres, au lieu de mettre en place d’autres dispositifs sur la rémunération qui ont un coût immédiat. C’est une politique sociale à moindres frais. La représentation syndicale dans les conseils d’administration est un bien maigre avantage face à l’ensemble de ces régressions.
Nous demandons la suppression de cet article, car, si les rémunérations des travailleurs sont trop basses, il est nécessaire de revaloriser les salaires plutôt que de passer par des systèmes de rémunération de substitution.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Heureusement que notre collègue a commencé par nous dire que la position qu’elle a défendue n’était pas idéologique… (Sourires sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
C’est tout de même assez extraordinaire ! Je répète depuis le début de cet après-midi que nous sommes résolument favorables au développement de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié. Avec cet article, il s’agit de permettre aux salariés de devenir actionnaires. On ne peut pas être contre ce principe !
M. Michel Canevet, rapporteur. Les salariés sont forcément intéressés à la bonne marche de leur entreprise. Je n’imagine pas qu’ils s’en désintéressent ! Je n’imagine pas non plus qu’ils ne puissent pas profiter des fruits de la croissance des entreprises, du résultat de leur travail. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.) Cette position idéologique que vous avez, il faut absolument la revoir !
Puisque nous voulons soutenir les entreprises, et que les salariés bénéficient des efforts faits dans les entreprises et de leur croissance, nous ne pouvons pas accepter cet amendement. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement a exprimé le souhait que l’actionnariat de nos entreprises puisse être plus largement ouvert aux salariés. L’objectif est qu’à terme 10 % du capital des entreprises puissent être détenus par les salariés.
J’ai en tête le cas d’Eiffage. Je puis vous dire que, si les salariés de cette entreprise n’avaient pas bénéficié d’un plan d’épargne d’entreprise, en 2008 ou 2009, la société aurait basculé dans le groupe Sacyr. Ce plan a permis de stabiliser le capital.
En l’occurrence, avec cet article, il est question d’abondement, donc d’un supplément qui s’ajoute à la rémunération fixe et aux éventuels avantages divers dont bénéficient les salariés. Je n’arrive donc pas à vous suivre, madame la sénatrice…
L’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce que souhaitent avant tout les salariés, c’est une augmentation des salaires, lesquels comptent tout de même pour le calcul de la retraite. C’est ce que veulent les milliers de salariés et de retraités pauvres qui sont dans la rue ! Une telle mesure leur serait bien plus favorable que la participation à l’actionnariat d’une entreprise.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Fabien Gay. Mes chers collègues, si vous voulez la parole, vous pouvez prendre le micro ; pour une fois, on vous entendra…
J’ai bien écouté les propos du rapporteur. À cette heure tardive, après le bon débat que nous avons eu, nous devrions éviter de nous lancer des anathèmes… Je vous vois souffler, monsieur Yung,…
M. Richard Yung. Parce qu’il n’y a pas d’anathème !
M. Fabien Gay. … mais je puis vous dire que j’entends, de l’autre côté de l’hémicycle, beaucoup de positions idéologiques. Or je ne commence pas toutes mes phrases en vous en faisant le reproche.
En vérité, nous n’avons pas le même projet de société.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
M. Fabien Gay. A-t-on le droit de le dire, de le redire et de débattre avec vous ?
La section 1 du chapitre III de ce projet de loi s’intitule « Mieux partager la valeur ». Vous avez fait un gros travail, monsieur le rapporteur, et nous en avons discuté ensemble. Ce que je vous dis depuis le début de l’examen de cette section, c’est que nous passons à côté de ce partage de la valeur, de la richesse produite, parce que le sujet du salaire n’est pas évoqué, alors qu’il s’agit d’un élément fondamental.
Nous avons débattu durant une heure et demie de l’investissement et de la participation. Arrive désormais la question de l’actionnariat salarié. Je connais la chanson par cœur : on nous reproche de ne pas vouloir que les salariés soient investis dans leur entreprise. Mais de qui se moque-t-on ?
L’actionnariat salarié ne représente jamais plus de 10 %, et les salariés ne sont jamais en position de prendre des décisions. Ils sont toujours actionnaires minoritaires !
J’ai accompagné les salariés de Carrefour à la conférence des actionnaires. Il y avait une salle qui donnait accès à la conférence, durant laquelle on pouvait discuter avec le PDG : c’était celle des actionnaires majoritaires. Et, à côté, il y avait la salle des actionnaires minoritaires, notamment les salariés, avec lesquels on ne veut pas débattre mais qui ont droit, quant à eux, à un écran géant retransmettant la conférence.
Vous nous dites que l’actionnariat salarié est la recette miracle pour avoir un peu plus d’argent,…
M. le président. Merci, cher collègue !
M. Fabien Gay. … mais ce n’est pas cette somme qui pèse dans la besace à la fin de l’année ou qui permet de remplir le frigo !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’un des grands problèmes que l’on rencontre depuis plusieurs années, c’est la détérioration du rapport entre le capital et le travail. La valeur ajoutée qui a été créée dans les entreprises depuis vingt, trente ou quarante ans a été source d’un immense déséquilibre, la valorisation du capital se faisant au détriment de la valorisation du travail.
On veut nous fait croire que, afin de rééquilibrer cette situation et de mieux répartir la valeur, il faudrait que les salariés deviennent actionnaires. C’est le pâté de cheval et d’alouette ! L’alouette, c’est le capital des salariés, qui sert à justifier l’amélioration de la rentabilité et dont bénéficie le cheval des autres actionnaires.
Dans la période que nous vivons, nous devrions plutôt essayer de rééquilibrer la donne. D’ailleurs, les classes moyennes de tous les pays développés, qu’il s’agisse des États-Unis, de la France ou d’autres, sont en train de constater la chute de leur pouvoir d’achat et de leur valorisation salariale. Cela crée une crise profonde du système, laquelle n’est pas neutre en cette fin de cycle que nous connaissons.
Si l’on voulait vraiment que les salariés soient partie prenante de leur entreprise, la meilleure méthode serait de les associer aux décisions de celle-ci et de faire en sorte que les salaires soient mieux adossés à l’évolution globale. Les grilles salariales et le SMIC doivent ainsi être revalorisés.
Par ailleurs, lorsque l’on regarde l’évolution des emplois dans les entreprises qui ont du capital – je ne parle pas des PME –, on constate que leur nombre est de plus en plus faible du fait de la sous-traitance. Ces entreprises externalisent ! Les salariés directement rattachés à l’entreprise capitalistique, dont on veut qu’ils deviennent ses actionnaires, sont donc de moins en moins nombreux. Parallèlement, les salariés qui travaillent dans des entreprises soumises à des donneurs d’ordre ne bénéficient pas forcément du partage de la richesse.
Pour moi, l’un des grands enjeux, c’est le partage de la richesse sur toute la chaîne de la sous-traitance. On se retrouve avec des salariés qui ne peuvent pas bénéficier de la richesse créée, si je puis dire, sur leur dos ! Ce sont souvent les PME qui, en tant que sous-traitants, font la richesse.
M. le président. Merci, chère collègue !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Prendre comme élément déterminant le capital salarié n’est donc pas la bonne méthode.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Monsieur Gay, de notre côté de l’hémicycle, en effet, nous n’avons pas la même vision. En revanche, je suis d’accord avec vous : les salaires en France sont trop bas.
Mme Michelle Gréaume. Bien sûr !
Mme Sophie Primas. Cela étant, nous n’avons pas les mêmes solutions : je pense qu’il faut travailler sur la différence entre le brut et le net pour laisser de la compétitivité aux entreprises. Nous avons le droit d’avoir ce désaccord, mon cher collègue…
Je le redis, je partage avec vous l’idée que les salaires nets sont trop bas. C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles nos ronds-points sont aujourd’hui occupés. Mais je ne vois pas le rapport avec ce que nous votons là, qui est un attachement à l’entreprise s’exerçant par le biais de l’actionnariat d’entreprise. On ne répartit pas autre chose que des parts de l’entreprise en faisant cela, alors pourquoi l’empêcher ? Je ne comprends pas ! Certes, c’est modeste, mais cela représente tout de même un attachement à l’entreprise et une intégration des employés dans la stratégie de celle-ci.
J’ai déjà eu l’occasion plusieurs fois de le dire ici, j’ai commencé ma carrière dans une entreprise de la grande distribution du nord de la France, Auchan, que vous connaissez bien. Nous étions tous actionnaires de notre entreprise, certes pas majoritaires, mais nous avions des organes qui représentaient les salariés, et nous étions partie prenante dans les résultats de notre rayon, de notre magasin, de notre entreprise. Je peux vous dire que l’attachement à ces résultats et à l’objectif à atteindre avec notre entreprise était très important. Les décisions prises, par le directeur du magasin jusqu’à Gérard Mulliez, nous importaient.
Cet actionnariat contribuait à créer quelque chose de différent : on parle bien de cela aujourd’hui, et pas des salaires, même si c’est dommage !
Je voterai évidemment en faveur de tout ce qui permet de faciliter l’actionnariat d’entreprise. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. François Bonhomme. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. En écoutant ce débat, je me dis que l’actionnariat salarié peut effectivement permettre de lier des personnes à leur entreprise et à ses intérêts, mais il faut bien voir que nous ne sommes pas sur le même registre : certaines personnes n’ont qu’un salaire pour vivre. Or la fin de l’échelle mobile des salaires a conduit à une catastrophe et même à des pertes de pouvoir d’achat importantes.
Je connais des salariés qui ont acheté des actions Natixis. Le cours s’est effondré et a perdu les neuf dixièmes de sa valeur. Aujourd’hui, ils n’ont plus rien !
Avec un bas salaire, en cas de difficultés passagères, par exemple une maladie, les salariés peuvent être obligés de vendre leurs actions alors que les cours sont au plus bas.
Il faut le dire, ce projet de loi traduit une volonté, que je ressens, de substituer la question de l’actionnariat à celle du pouvoir d’achat et des salaires. Ce n’est pas possible, car – je suis d’accord avec Sophie Primas sur ce point – les salaires sont vraiment trop bas.
M. Jean-François Husson. Vous auriez dû les augmenter, vous aviez cinq ans pour le faire !
M. Martial Bourquin. L’actionnariat salarié ne peut traduire que le véritable choix d’un salarié de devenir actionnaire de sa société, mais il ne peut pas remplacer le pouvoir d’achat.
M. Serge Babary. C’est vrai !
M. Martial Bourquin. Pour quelle raison ? Des enseignants nous ont dit que, en quinze ans – la responsabilité est partagée entre nous tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons –, ils avaient perdu entre un mois et demi et deux mois de salaire. Dans certaines entreprises, des salariés ont également perdu beaucoup de pouvoir d’achat.
Madame la secrétaire d’État, l’actionnariat salarié, c’est certes un choix, mais, quand on va faire ses courses, il faut payer son caddie, et on ne nous demande pas si on a ou non des actions !
M. le président. Merci, cher collègue !
M. Martial Bourquin. Si on veut faire en sorte que l’actionnariat salarié connaisse un rebond, faisons en sorte que les salariés aient un bon pouvoir d’achat !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je ne trouve pas gênant que nous ayons des positions idéologiques. Nous en avons tous, et c’est ce qui fait que nous n’appartenons pas au même parti politique. Nous faisons de la politique au sens noble du terme !
M. Michel Canevet, rapporteur. Tout à fait d’accord !
Mme Laurence Cohen. Ce qui me gêne dans le débat que nous sommes en train d’avoir, c’est non pas le fait d’être pour ou contre l’épargne salariale, mais la logique de la loi PACTE. C’est une fuite en avant !
Il est vrai que l’épargne salariale permet d’apporter un petit plus à la fin du mois – nous ne disons pas le contraire.
Mme Françoise Gatel. Bah alors ?
Mme Laurence Cohen. Ma chère collègue, un peu de patience, j’en arrive à ma démonstration.
Pour les patrons, l’épargne salariale, par le jeu des exonérations de cotisations sociales, coûte 40 % moins cher qu’une augmentation de salaire. Cela devrait nous faire réfléchir, nous qui sommes toutes et tous d’accord pour l’augmentation des salaires, lesquels nous semblent insuffisants.
L’épargne salariale fait dépendre la rémunération des salariés des profits de l’entreprise ou de l’évolution du cours des actions en bourse. C’est cette logique qui ne va pas. L’augmentation des salaires, que vous demandez, que nous demandons, correspond au travail qui est fourni, indépendamment du profit fait, ou non, par l’entreprise.
Mme Sophie Primas. Mais non !
Mme Laurence Cohen. D’une certaine manière, c’est le cas, ma chère collègue ! Si ce n’était pas cela, la logique serait différente.
En outre, les exonérations de cotisations sociales, prévues dans la loi PACTE ou dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, contribuent à aggraver les difficultés de la protection sociale, même si vous ne voulez pas en convenir, notamment des retraites par répartition, ce qui ouvre la voie aux fonds de pension. Quand nous avons ce débat ici, nous essayons d’attirer votre attention sur le fait que ce n’est pas la solution.
Les propositions qui nous sont faites ici sont logiques, puisqu’elles correspondent à la ligne du Gouvernement, qui défend le projet de société de Macron que, pour notre part, nous combattons. Cette loi va dans un sens qui n’est pas celui de l’intérêt des salariés. C’est la raison pour laquelle nous intervenons de la sorte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Il faut bien faire la distinction entre le salaire, l’intéressement et la participation et l’actionnariat salarié.
L’actionnariat salarié – les exemples d’Areva et d’autres ont été cités – est un « placement » nécessairement à risque. Pour ma part, je connais des entreprises où les conditions d’attribution des actions et les possibilités optionnelles d’achat à un niveau préférentiel ont permis aux salariés en quatre ou cinq ans de faire la culbute lors de la vente de l’entreprise. Je pense au groupe Legrand, qui a été vendu il y a une douzaine d’années. Mais les situations peuvent être très différentes, je le reconnais.
Nous avons un problème dans notre pays, qui est celui de la sous-capitalisation de nos entreprises. Tout ce que nous pouvons faire pour attirer les capitaux vers les entreprises est une bonne chose, justement pour ne pas les laisser à des fonds de pension étrangers. Lorsque ces derniers prennent le contrôle d’une entreprise, ils ne s’embarrassent souvent pas de beaucoup de précautions pour faire le « nettoyage », si vous me permettez cette expression, de la structure industrielle afin de revendre ensuite l’entreprise avec une plus-value. Je ne suis pas très favorable à l’intervention d’un certain nombre de fonds de pension dans notre économie et dans les entreprises, car ce sont généralement les salariés qui payent la note, notamment en se retrouvant au chômage.
Il ne faut pas, me semble-t-il, opposer les systèmes. Il ne faut pas non plus les lier, par exemple en décidant de développer l’actionnariat salarié en diminuant la rémunération. Je suis d’accord avec vous sur ce point.
L’actionnariat salarié peut être un dispositif intelligent. Dans un certain nombre d’entreprises, les salariés se regroupent dans des sociétés civiles de participation, de manière à peser davantage, jusqu’à 3 %, 4 % ou 5 % parfois : ils peuvent devenir le deuxième actionnaire de l’entreprise. Je pense que cette voie devrait être développée, sans forcément la lier au salaire ou à la participation et à l’intéressement.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je remercie M. le rapporteur d’avoir exprimé un point de vue qui est largement partagé sur nos travées.
Pour compléter le propos de Sophie Primas, je dirai que le problème est la différence non pas simplement entre le brut et le net, mais entre le brut « chargé » et le net. C’est un véritable enjeu dans notre pays, et ce depuis des années. Cela a même poussé certains à partir, car rester en France ne leur permettait pas d’être suffisamment compétitifs en raison de ces coûts « chargés ».
J’entends parler d’« exonérations ». Il ne s’agit pas de cela : c’est une incitation à la participation des salariés à l’actionnariat.
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est une niche fiscale !
M. Olivier Cadic. Monsieur Bourquin, je suis désolé, mais quand vous parlez des actionnaires, c’est toujours pour évoquer ceux qui ont perdu de l’argent. Mais il arrive que l’on en gagne aussi ! J’aimerais vous l’entendre dire.
Cet article va donc dans le bon sens. Il mérite d’être non seulement soutenu, mais chaudement supporté.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Il faut voir l’actionnariat salarié non pas sous l’angle de la rémunération, mais sous celui de l’engagement du salarié dans la vie de l’entreprise et de ses décisions.
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est ça…
M. Richard Yung. Mais oui !
Effectivement, en France, les structures et l’histoire font que l’actionnariat salarié est dispersé et faible. J’ai pu observer d’assez près la société allemande : l’actionnariat salarié y est regroupé et très fort. Ceux qui siègent dans les différents comités, directoires et comités de direction peuvent représenter une partie importante des salariés. Ils ont donc un poids certain dans la prise de décision. C’est ainsi que je vois les choses. Il faudrait que notre culture change en la matière, mais nos syndicats sont faibles et notre salariat est peu motivé. En tout cas, je crois qu’il faut prendre cette direction.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je voudrais donner quelques chiffres.
La masse salariale en France est de 520 milliards d’euros ; les dispositifs dont nous discutons en représentent 3 %, soit 17 milliards d’euros. Tout le monde aura compris que le salaire représente 97 %.
Nous débattons de dispositifs qui s’ajoutent au salaire. Le niveau des salaires est certainement une très bonne question, mais qui ne fait pas l’objet de cette partie du texte.
M. Fabien Gay. C’est surtout une question dont vous ne voulez pas parler !
M. le président. L’amendement n° 910 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
II bis. – Le titre III du livre deuxième du code de commerce est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre XI
« Du partage des plus-values de cession de titres avec les salariés de société
« Art. L. 240-1. – Tout détenteur de titres d’une société peut prendre, vis-à-vis de l’ensemble des salariés de celle-ci, l’engagement de partager avec eux une partie de la plus-value de cession ou de rachat de ses titres au jour où il en cédera ou rachètera tout ou partie.
« L’engagement de partage des plus-values peut également être pris par une pluralité de détenteurs de titres, ceux-ci étant soit parties à un même contrat de partage des plus-values, soit parties à des contrats de partage des plus-values distincts.
« L’engagement de partage des plus-values ne crée pas de solidarité entre un détenteur de titres signataire d’un contrat de partage et la société. Il ne crée pas non plus d’obligations pour les détenteurs de titres, directs ou indirects, qui ne sont pas parties à un tel engagement.
« L’engagement de partage ne peut porter que sur des plus-values de cession de titres de sociétés mentionnées à la première phrase du b du 2° du I de l’article 150-0 B ter du code général des impôts.
« Lorsque la société concernée contrôle, au sens de l’article L. 233-3 du présent code, directement ou indirectement une ou plusieurs sociétés mentionnées à l’avant-dernier alinéa du présent article, l’engagement mentionné au premier alinéa est pris vis-à-vis de l’ensemble de leurs salariés. Il en est de même lorsque la société concernée est contrôlée, au sens de du même L. 233-3, directement ou indirectement, par une ou plusieurs sociétés mentionnées à l’avant-dernier alinéa du présent article.
« Art. L. 240-2. – L’engagement de partage défini à l’article L. 240-1 est constaté dans un contrat conclu entre tout détenteur de titres et la société concernée qui s’engage à transférer aux salariés concernés le montant résultant de l’engagement de partage, dont elle déduira les charges fiscales et sociales que ce transfert engendre.
« La signature du contrat de partage des plus-values est soumise à la condition de l’existence préalable, dans chaque entreprise mentionnée à l’article L. 240-1, d’un plan d’épargne entreprise défini aux articles L. 3332-1 et suivants du code du travail.
« Le contrat de partage des plus-values a pour objet de définir les conditions et modalités de la répartition entre les salariés des sommes résultant de l’engagement. Il définit notamment :
« 1° La période pour laquelle il est conclu, d’une durée minimale de cinq ans ;
« 2° Son champ d’application, sous réserve de l’article L. 240-3 du présent code ;
« 3° Les modalités de calcul des sommes versées aux salariés, qui tiennent compte de l’évolution de la valeur des titres cédés entre le jour de leur acquisition et celui de leur cession et qui ne peuvent excéder 10 % du montant de la plus-value mentionnée au premier alinéa de l’article L. 240-1, déterminée dans les conditions prévues au premier alinéa du 1 de l’article 150-0 D du code général des impôts, ce montant incluant, le cas échéant, le montant des compléments de prix afférents à cette même cession ;
« 4° Les conditions d’information des salariés ;
« 5° Les procédures convenues pour régler les différends qui peuvent surgir dans l’application de l’accord ;
« 6° La durée minimale entre la date de la conclusion du contrat de partage et la date de la cession des titres, qui ne peut être inférieure à trois ans.
« Art. L. 240-3. – Le contrat de partage mentionné à l’article L. 240-2 rend bénéficiaires l’ensemble des salariés présents dans la ou les sociétés mentionnées à l’article L. 240-1 pendant tout ou partie de la période comprise entre la date de sa signature et la date de la cession des titres de la société concernée et qui sont adhérents au plan d’épargne entreprise au jour de cette cession.
« Sont assimilées à des périodes de présence :
« 1° Les périodes de congé de maternité prévu à l’article L. 1225-17 du code du travail et de congé d’adoption prévu à l’article L. 1225-37 du même code ;
« 2° Les périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle en application de l’article L. 1226-7 dudit code.
« Les sommes sont réparties entre les salariés bénéficiaires conformément au 2° de l’article L. 3332-11 du même code de manière uniforme, proportionnelle à la durée de présence dans l’entreprise au cours de la période écoulée entre la signature du contrat et la cession des titres ou proportionnelle aux salaires.
« Les sommes réparties ne peuvent excéder 8 % du montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.
« Le bénéfice du contrat de partage des plus-values est subordonné à une condition d’ancienneté dans la société pendant la période couverte par l’accord de partage des plus-values qui ne peut être ni inférieure à celle prévue à l’article L. 3342-1 du code du travail, ni supérieure à deux ans.
« Art. L. 240-4. – Après la cession, le montant en résultant est versé, dans un délai d’un mois à compter de la date de la cession ou, le cas échéant, à compter de la date de perception d’un complément de prix afférent à cette cession, par le ou les détenteurs de titres cédants à la société dont les titres ont été cédés. Ce montant est insaisissable et incessible.
« La société ayant reçu les sommes conformément au premier alinéa du présent article les répartit entre les salariés concernés conformément au contrat et les verse sur le plan d’épargne entreprise des bénéficiaires dans les conditions prévues à l’article L. 3332-11 du code du travail. Elle prélève sur ce montant les sommes nécessaires à l’acquittement des charges fiscales et sociales induites.
« Conformément au deuxième alinéa du présent article, la répartition et l’attribution aux bénéficiaires doivent avoir lieu dans les quatre-vingt-dix jours de la réception du montant. Le cas échéant, le dépassement de ce délai est sanctionné par la majoration des versements dus à chaque bénéficiaire au taux d’intérêt légal ; cette majoration reste à la charge de la société. »
II. – Alinéas 4 à 12
Remplacer ces alinéas par neuf alinéas ainsi rédigés :
1° À la première phrase du premier alinéa, après la référence : « L. 3332-2 », sont insérés les mots : « constituent l’abondement de l’employeur et » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « ces sommes » sont remplacés par les mots : « l’abondement mentionné au premier alinéa » ;
b) Les mots : « liée à celle-ci au sens de l’article L. 225-80 du code de commerce » sont remplacés par les mots : « incluse dans le même périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes au sens du deuxième alinéa de l’article L. 3344-1 » ;
3° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« En outre, les entreprises peuvent, même en l’absence de contribution du salarié :
« 1° Si le règlement du plan le prévoit, effectuer des versements sur ce plan, sous réserve d’une attribution uniforme à l’ensemble des salariés, pour l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement émis par l’entreprise ou par une entreprise incluse dans le même périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes au sens du deuxième alinéa de l’article L. 3344-1. Les actions ou certificats d’investissement ainsi acquis par le salarié ne sont disponibles qu’à l’expiration d’un délai minimum de cinq ans à compter de ce versement.
« 2° Effectuer des versements sur ce plan dans les conditions prévues au chapitre XI du titre III du livre deuxième du code de commerce, dans la limite du plafond mentionné au premier alinéa, sans excéder 8 % du montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale et sans tenir compte des autres versements prévus au présent article.
« Un décret détermine les conditions d’application des 1° et 2° du présent article Les versements mentionnés aux mêmes 1° et 2° sont soumis au même régime social et fiscal que les versements des entreprises mentionnés au premier alinéa. Les sommes excédant le plafond mentionné au 2° sont versées directement au salarié bénéficiaire et constituent un revenu d’activité au sens de l’article L. 136-1-1 du même code, imposable à l’impôt sur le revenu dans les conditions prévues à l’article 80 sexdecies du code général des impôts. »
III. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
VII. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 39 duodecies est complété par un 11 ainsi rédigé :
« 11. Les plus-values mentionnées au 1 sont minorées du montant résultant de l’engagement de partage dû en application des articles L. 240-1 et suivants du code de commerce. » ;
2° Après l’article 80 quindecies, il est inséré un article 80 sexdecies ainsi rédigé :
« Art. 80 sexdecies. – Les sommes mentionnées au 2° de l’article L. 3332-11 du code du travail sont imposables à l’impôt sur le revenu selon les règles applicables aux traitements et salaires, à l’exception de celles n’excédant pas le plafond prévu au même 2° qui bénéficient de l’exonération prévue au a du 18° de l’article 81 du présent code. » ;
3° Après le 6 du III de l’article 150-0 A, il est inséré un 6 bis ainsi rédigé :
« 6 bis. À la fraction de plus-values due dans les conditions prévues aux articles L. 240-1 à L. 240-4 du code de commerce. » ;
4° L’article 797 A est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 797 A. – Sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit les versements réalisés par un cédant à une entreprise dans les conditions prévues aux articles L. 240-1 à L. 240-4 du code de commerce. » ;
5° Le 1° du IV de l’article 1417 est ainsi modifié :
a) Au c, après les mots : « aux doubles impositions », sont insérés les mots : « , de ceux exonérés en application de l’article 80 sexdecies » ;
b) Au d, les mots : « et 1 bis » sont remplacés par les mots : « , 1 bis et 6 bis ».
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Cet amendement vise à encourager une bonne pratique des actionnaires ou des fonds d’investissement qui souhaitent associer les salariés à la prise de valeur de l’entreprise dans laquelle ils investissent et reconnaître ainsi que la plus-value produite tient largement à la contribution de ces salariés.
Cet amendement prévoit ainsi la formalisation sur une base volontaire d’un accord entre l’investisseur et l’entreprise dans laquelle il investit, par lequel celui-ci s’engagerait à reverser une fraction de la plus-value au terme de la période d’investissement. L’entreprise serait chargée de redistribuer ces sommes aux salariés ou anciens salariés au prorata de leur durée de présence dans l’entreprise.
D’un point de vue fiscalo-social, les sommes versées s’apparenteraient à un abondement unilatéral de l’employeur sur le plan d’épargne d’entreprise, qui jouit du même traitement fiscalo-social que l’intéressement : forfait social pour l’employeur, défiscalisation pour le salarié dans la limite du plafond de droit commun.
Les sommes seraient également soumises au forfait social, qui serait directement déduit par l’entreprise des sommes versées pour le compte de l’investisseur, de sorte qu’aucune charge nouvelle ne pèserait sur elle. Des mesures de coordination fiscale sont également prévues pour éviter toute double imposition des sommes ainsi versées.
Ce dispositif permettra de développer le partage de la valeur au profit des salariés dans l’industrie de la gestion d’actifs, en particulier dans des opérations où, comme vous le savez, la rémunération peut être concentrée sur un petit nombre de managers, alors que l’ensemble des salariés ont contribué à l’amélioration sensible de la performance de l’entreprise. Il s’agit donc de mieux partager la valeur et la création de richesses entre l’ensemble des salariés, sans faire prendre de risques à ceux-ci, comme c’est le cas pour les managers, lesquels doivent investir sur leurs deniers propres et peuvent donc connaître des pertes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. La commission avait émis un avis favorable sur le premier amendement déposé par le Gouvernement, qui a été légèrement modifié. Nous maintenons le même avis.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je remercie Mme Primas, car nous avons eu un débat politique. Au moment de discuter de la réforme de la Constitution, il faudra revoir notre façon de travailler : je pense qu’il faut avoir de grands débats politiques et trouver un moyen pour voter ensuite les amendements.
Monsieur le rapporteur, le débat que nous avons nécessite de rappeler un fait : depuis trente ans, dans tous les pays de l’OCDE, 3 points par décennie sont passés en moyenne du travail au capital. Cela signifie que, pendant cette période, le travail a perdu 10 points au profit du capital. Ce n’est pas une vision dogmatique, c’est, j’y insiste, un fait. C’est dû à plusieurs facteurs : la hausse de la productivité, l’intensification de la compétition internationale, l’affaiblissement du pouvoir de négociation des travailleurs, etc. Mais c’est la réalité ! Quand on veut remettre de la justice dans le système, il faut partir de là : 10 points sont passés du travail au capital. Je suis désolé de vous le dire !
Par ailleurs, nous sommes face à un problème : cela creuse les inégalités et met à mal notre cohésion nationale. C’est la raison pour laquelle je veux avoir un débat comme avec Mme Primas, qui a posé correctement le sujet sur lequel nous pouvons ensuite débattre : la différence entre le salaire brut et le salaire net, c’est la part socialisée qui permet de financer notre sécurité sociale.
M. Loïc Hervé. Eh oui !
M. Fabien Gay. Je le redis, c’est la sécurité sociale qui fonde notre modèle social et fait de notre pays l’un des plus compétitifs. Car un salarié bien soigné, c’est un salarié qui est bien au travail, qui est productif : il est l’un des éléments de la compétitivité.
Il est vrai que nous semblons parfois être à contre-courant, et nous sommes d’ailleurs à contre-courant de l’idéologie globale qui règne ici. Ce n’est pas grave, mais nous avons besoin d’argumenter avec vous, mes chers collègues, et d’aller plus avant dans le débat.
Madame la secrétaire d’État, vous m’avez dit que l’augmentation des salaires n’était pas à l’ordre du jour, mais, depuis dix-huit mois, avec ce gouvernement, elle ne l’a jamais été ! Si nous avons bien compris, le Président de la République a expliqué que, dans les trois ans à venir, ce point ne serait pas à l’ordre du jour. C’est bien le problème !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On nous explique que l’actionnariat salarié est la bonne méthode pour intéresser, adosser les salariés à leur entreprise, pour les motiver… Je rappelle que, en Allemagne, la cogestion ou plutôt la codétermination est fixée comme un principe lié au fait non pas d’être actionnaire, mais d’être partie prenante comme salarié de la création de richesses dans l’entreprise.
Il existe donc des modèles permettant d’impliquer les salariés et de les intéresser aux arbitrages et à la vie de l’entreprise en leur reconnaissant des droits en tant que salariés, et non pas en leur faisant miroiter la perspective d’un impact au travers de leur rôle d’actionnaire salarié. Car la réalité, c’est que cela représente des clopinettes les trois quarts du temps, même si je partage l’idée de M. Gabouty de regrouper les salariés pour essayer de peser.
Par ailleurs, vous dites que l’actionnariat français est faible. Nous avons effectivement un problème de capitalisation de nos entreprises. Historiquement, la part des capitaux publics dans le capitalisme français était extrêmement importante – cela nous renvoie au débat sur les privatisations. En les faisant disparaître, nous ne leur avons pas substitué un capital national, à la limite privé. Au contraire, si l’on fait le bilan sur une longue durée, c’est du capitalisme financier, via des fonds de pension, qui s’est substitué au traditionnel capitalisme productif. L’Allemagne a une solution : ce sont les landesbanken qui, la plupart du temps, possèdent des fonds de capitaux qu’elles investissent dans les industries ou dans les entreprises.
En plus, nous avons peu d’ETI – ce sont soit des PME, soit de très grandes entreprises. Ces dernières, qui étaient historiquement nationalisées, sont devenues hyperfinanciarisées.
Le débat doit être beaucoup plus global. Ce n’est pas parce que l’on développera le capitalisme salarié que l’on répondra à la question : comment faire du capitalisme national pour que nos entreprises soient le moins possible vulnérables à la finance et à l’étranger ? Cela ne signifie pas que nous fermions nos portes.
Je considère que ce dispositif est de la poudre aux yeux pour régler les problèmes des formes que doit prendre notre capitalisme national. Par ailleurs, il est trompeur sur les droits des salariés.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. On parle de l’OCDE, mais, comme nous sommes au sein d’une chambre du Parlement français, je citerai une note du Trésor qui reprend le rapport de l’OCDE : « La part du travail dans la valeur ajoutée a reculé depuis les années 1990 dans la plupart des grands pays de l’OCDE au profit généralement d’une amélioration du taux de marge, sauf en France. »
M. le président. C’est un fait, comme dirait M. Gay. (Sourires.)
M. Fabien Gay. Parti pris ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je voudrais répondre à M. Gay : la France, c’est 1 % de la population mondiale, 2 % du PIB mondial et 8 % des dépenses sociales mondiales. Ce n’est pas vraiment un modèle apparemment…
Dans d’autres pays, c’est l’accumulation de capital, autrement dit l’épargne, qui permet l’investissement et donc le travail. Voilà une piste pour faire baisser le chômage !
M. le président. L’amendement n° 78 rectifié, présenté par M. Adnot, Mme Imbert et MM. Savary, Cuypers et Rapin, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Le sixième alinéa de l’article L. 3332-15 du code du travail est ainsi rédigé :
« Les actifs de ces fonds peuvent également comprendre des parts ou titres de capital d’entreprises régies par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération lorsque ces fonds sont souscrits par les salariés desdites entreprises ou par les salariés d’entreprises qui leur sont liées au sens du second alinéa de l’article L. 3344-1 et de l’article L. 3344-2 du présent code. »
… – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° À la première phrase du sixième alinéa du I, à la seconde phrase du même sixième alinéa (trois fois), au IV, à la première phrase du premier alinéa du V, au deuxième alinéa du même V (deux fois) et à la première phrase du dernier alinéa dudit V (deux fois) de l’article L. 214-164, après le mot : « titres », sont insérés les mots : « ou parts » ;
2° Au I de l’article L. 214-165, après le mot : « titres », sont insérés les mots : « ou parts ».
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Cet amendement a pour objet de permettre aux fonds communs de placement d’entreprise de détenir des parts d’une société coopérative.
Aujourd’hui, les parts sociales des banques coopératives et des coopératives dans leur ensemble sont des actifs spécifiques qui ne sont pas éligibles à un FCPE. Par conséquent, alors que les salariés d’entreprises de droit privé peuvent détenir des actions de leur entreprise en épargne salariale, les salariés des entreprises coopératives sont privés de cette faculté.
À cette observation, la commission spéciale m’a répondu que cet amendement était satisfait par le droit existant. J’ai indiqué que j’allais faire une analyse juridique comparative, que j’ai apportée. Malheureusement, il semblerait, monsieur le rapporteur, que vous ayez fait une confusion en ne prenant pas en compte le fait que ces parts sont obtenues à partir de l’épargne salariale.
Je vous donne mes sources, car je ne suis pas concerné par l’amendement : la CFE-CGC a exposé très clairement à partir de quel rapport international elle a élaboré cette proposition ; les arguments que j’avais développés sont donc exacts. Il vous appartiendra de savoir quoi faire, puisque vous m’avez demandé de faire une analyse comparative. Je vous confirme que vous n’avez pas convenablement analysé la situation. Il serait dommage de priver les personnes qui travaillent dans les sociétés coopératives des mêmes droits que les autres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Monsieur Adnot, il est dommage que vous ne nous ayez pas communiqué les éléments d’analyse en votre possession, parce que nous aurions eu le temps, depuis le début de la semaine, de les examiner de façon à pouvoir y apporter une réponse.
Par précaution, comme j’avais considéré que votre amendement était satisfait par trois articles du code monétaire et financier, je reste sur cette position. Si jamais il y avait un problème, nous pourrions revoir la question. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. J’ai la même analyse technique sur les articles L. 214-164 et L. 214-165 du code monétaire et financier.
Si je comprends bien, les schémas existants de FCPE confirment la faisabilité actuelle de ce dispositif.
L’avis est donc défavorable en l’absence d’éléments complémentaires.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Je vais retirer mon amendement, mais je veux avoir l’engagement, madame la secrétaire d’État, que, si l’on s’aperçoit que votre analyse n’est pas exacte, vous reviendrez sur la question. Êtes-vous d’accord ?…
M. Philippe Adnot. Dans ce cas, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 78 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 59, modifié.
(L’article 59 est adopté.)
Article 59 bis
(Non modifié)
Le deuxième alinéa du I de l’article L. 225-197-1 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ne sont pas prises en compte dans ces pourcentages les actions qui n’ont pas été définitivement attribuées au terme de la période d’acquisition prévue au sixième alinéa du présent I ainsi que les actions qui ne sont plus soumises à l’obligation de conservation prévue au septième alinéa. »
M. le président. L’amendement n° 679 rectifié, présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À la première phrase du 2° du II de l’article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’objet de cet amendement est de supprimer l’article 59 bis, qui élargit la possibilité offerte aux entreprises de distribuer des actions gratuites, tout en proposant une réécriture afin de revenir sur l’allégement de la fiscalité applicable à ces actions entériné lors du précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale et en rétablissant à hauteur de 30 % le taux de la contribution.
Le dispositif d’actions gratuites avait été inscrit dans la loi Macron de 2015. Il avait pour objectif de permettre à un créateur d’entreprise n’ayant pas les moyens de recruter un ingénieur, par exemple, de lui attribuer des actions gratuites afin de l’intéresser au développement de la société.
Initialement, l’esprit qui a présidé à la création de ce dispositif était de permettre aux petites entreprises d’être plus attractives pour leurs salariés. Cet esprit a été dévoyé, puisque le dispositif a été étendu à toutes les entreprises du CAC 40, pour lesquelles la logique, vous en conviendrez, est bien différente. En effet, ces entreprises disposent de moyens suffisants, qu’elles peuvent parfaitement mettre en œuvre afin d’attirer les salariés. Elles n’ont pas besoin de bénéficier d’un allégement de la contribution, contrairement aux petites et moyennes entreprises.
Dans le cadre de la loi de finances rectificative de 2016, un taux de 30 % avait été fixé pour les grandes entreprises, tandis qu’un taux zéro était appliqué pour les PME. Ce taux a été abaissé à 20 % lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 et confirmé lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Or cette mesure constitue un manque à gagner pour les finances publiques qui s’élèverait à 120 millions d’euros. Ce manque à gagner s’ajoute aux dispositions de ce projet de loi relatives au forfait social – je suis déjà intervenue sur la question.
Nous nous opposons à ces décisions successives qui vident progressivement les caisses de la sécurité sociale, comme en attestent les chiffres que nous vous avons fournis, quoi que vous en disiez, madame la secrétaire d’État.
Puisque cette section du projet de loi a pour objet de rendre les entreprises plus justes et d’assurer un meilleur partage de la valeur, il ne nous paraît que justice que les entreprises continuent de participer à notre système de solidarité nationale à hauteur de leurs moyens. C’est pourquoi nous vous proposons de rétablir le taux de 30 % de la contribution applicable aux grandes entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Je suis résolument pour l’actionnariat des salariés dans les entreprises, comme je suis pour la participation des salariés aux fruits de la croissance de celles-ci. Je considère qu’il s’agit d’un mode d’intéressement particulièrement vertueux qui permet à tous de s’assurer du bon fonctionnement des entreprises. Car ce bon fonctionnement permet la création d’emplois et donc des cotisations supplémentaires à la sécurité sociale. Bref, c’est un système vertueux, qu’il faut encourager.
Alors, a fortiori, il ne faut pas se priver de la distribution d’actions gratuites aux salariés. Pourquoi vouloir taxer plus les entreprises qui décident de le faire ? Cela conduit à pénaliser les salariés ! Or nous voulons favoriser ces derniers, car nous disons que, si les salariés sont bien dans l’entreprise, celle-ci fonctionnera bien et ses résultats seront meilleurs.
La rémunération des salariés ne comprend pas seulement le salaire direct : elle inclut d’autres modes de rémunération, que ce soit la participation aux chèques vacances, les tickets restaurant, la protection sociale complémentaire et, bien entendu, l’épargne salariale et l’actionnariat salarié. Il faut être enthousiaste sur le sujet et se dire qu’il profitera à tout le monde et à notre pays.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. L’avis est également défavorable. Le dispositif d’actions de performance existe depuis des années, ce n’est pas la loi Macron qui l’a institué. Il ne faut pas confondre le BSPCE, qui est précisément orienté vers les start-up qui ont des difficultés à recruter des cadres, et le dispositif d’actions de performance ou, si vous préférez, d’actions gratuites.
M. le président. L’amendement n° 558 rectifié, présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 225-94 du code du commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La rémunération variable accordée aux personnes mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article ne peut être supérieure à leur rémunération fixe. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Selon le code de gouvernance arrêté par l’AFEP et le MEDEF, « le conseil débat des performances des dirigeants mandataires sociaux exécutifs, hors la présence des intéressés.
« La détermination de la rémunération des dirigeants mandataires sociaux exécutifs relève de la responsabilité du conseil d’administration qui les nomme et se fonde sur les propositions du comité des rémunérations. Le conseil motive ses décisions prises en la matière.
« La rémunération de ces dirigeants doit être compétitive, adaptée à la stratégie et au contexte de l’entreprise et doit notamment avoir pour objectif de promouvoir sa performance et sa compétitivité sur le moyen et long terme en intégrant un ou plusieurs critères liés à la responsabilité sociale et environnementale.
« La rémunération doit permettre d’attirer, de retenir et de motiver des dirigeants performants.
« Le conseil peut décider d’attribuer une rémunération variable annuelle dont le paiement peut, le cas échéant, être différé.
« Les règles de fixation de cette rémunération doivent être cohérentes avec l’évaluation faite annuellement des performances des dirigeants mandataires sociaux exécutifs et avec la stratégie de l’entreprise. Elles dépendent de la performance du dirigeant et du progrès réalisé par l’entreprise.
« Les modalités de la rémunération variable annuelle doivent être intelligibles pour l’actionnaire et donner lieu chaque année à une information claire et exhaustive dans le rapport sur le gouvernement d’entreprise.
« Le conseil définit les critères permettant de déterminer la rémunération variable annuelle ainsi que les objectifs à atteindre. Ceux-ci doivent être précis et bien entendu préétablis.
« Il doit être procédé à un réexamen régulier de ces critères dont il faut éviter les révisions trop fréquentes. »
À la vérité, ce code se substitue, dans les faits, à la moindre disposition tendant à réduire ou encadrer la rémunération des dirigeants d’entreprise. Tout, dans ce code de gouvernance, fait de chaque situation un cas d’espèce, uniquement résolu par les décisions du conseil d’administration de l’entreprise, où, de manière générale, on peut coopter ceux qui sont, ailleurs, en situation de dirigeant salarié.
Sans autre règle que celle de la décision interne de l’aréopage des dirigeants de l’entreprise, nous aboutissons aux situations excessives maintes fois dénoncées et dont l’affaire Ghosn est une sorte de point d’orgue. C’est donc pour poser des règles claires de salubrité publique et sociale que nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Notre collègue Olivier Cadic pourrait vous expliquer beaucoup mieux que moi qu’il faut plus de liberté dans les entreprises.
Vous voulez introduire des contraintes, ce à quoi, vous le comprendrez, nous ne pouvons être favorables.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je ne comprends pas du tout cet amendement, qui vise la rémunération des administrateurs et des membres du conseil de surveillance. Or la majorité d’entre eux ne sont pas comme M. Carlos Ghosn – pour reprendre votre exemple –, puisqu’ils ne dirigent pas l’entreprise ; ils participent à la décision stratégique.
En fait, le variable et le fixe sont en règle générale fondés sur des règles de présence au conseil d’administration. Si vous ne venez pas, vous n’êtes pas payé, ce qui ne me paraît pas illégitime.
Tout cela est très clairement précisé dans le document de référence, qui est consultable en ligne. Pour le public, la transparence est donc totale.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Il s’agit simplement d’encadrer les salaires. Je vais vous dire ce que j’ai sur le cœur.
Prenons un exemple concret, celui de Vallourec, où le directeur pompe carrément la société, malgré le CICE et toutes les autres aides. Ce sont les salariés qui pâtissent de la situation ! Il s’agit donc, à mes yeux, d’un amendement très important.
M. le président. Je mets aux voix l’article 59 bis.
(L’article 59 bis est adopté.)
Article 59 ter A
(Non modifié)
Le VII de l’article 135 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois les sociétés peuvent prévoir dans leurs statuts que les actions nominatives détenues directement par les salariés et régies par l’article L. 225-197-1 du code de commerce dont l’attribution a été autorisée par des assemblées générales extraordinaires antérieurement à la publication de la présente loi sont également prises en compte pour la détermination de la proportion du capital détenue par le personnel en application de l’article L. 225-102 du code de commerce. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 59 ter A
M. le président. L’amendement n° 500 rectifié, présenté par Mme Deromedi, MM. Retailleau, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bonhomme, Mmes Bories et Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux et Brisson, Mme Bruguière, MM. Buffet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Chatillon, Chevrollier, Courtial, Cuypers, Danesi, Darnaud, Daubresse et Dériot, Mmes Deseyne et Di Folco, M. Dufaut, Mmes Dumas, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, M. Ginesta, Mme Giudicelli, MM. Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houpert et Hugonet, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Kennel, Mmes Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et Leleux, Mme Lherbier, M. Longuet, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes M. Mercier et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Paccaud, Paul, Pellevat, Pemezec, Piednoir, Pierre, Pillet et Poniatowski, Mmes Primas et Ramond, MM. Rapin, Regnard, Reichardt, Revet, Savary, Savin, Segouin et Sido, Mme Thomas et MM. Vaspart, Vogel et Gilles, est ainsi libellé :
Après l’article 59 ter A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux première et deuxième phrases de l’article L. 225-179 du code de commerce, le mot : « extraordinaire » est remplacé par le mot : « ordinaire ».
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Les attributions d’options d’achat d’actions, à la différence des attributions d’options de souscription d’actions, ne donnent pas lieu à augmentation du capital social, puisque les actions remises aux bénéficiaires sont des actions existantes rachetées par la société. De telles attributions n’étant pas dilutives, une autorisation par une assemblée générale extraordinaire ne se justifie pas.
Il est rappelé que, par l’ordonnance du 31 juillet 2014, la compétence pour décider de l’émission de valeurs mobilières non dilutives, comme les obligations convertibles en actions existantes, a été transférée de l’assemblée générale extraordinaire vers le conseil d’administration de la société émettrice. De la même manière, les conditions d’autorisation des attributions d’options d’achat d’actions existantes pourraient être allégées, favorisant ainsi le développement de l’actionnariat salarié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Les opérations relatives à l’actionnariat relèvent normalement de l’assemblée générale extraordinaire. Sur ce point, que je ne sais comment appréhender, je souhaiterais connaître l’avis du Gouvernement.
En tout état de cause, la commission a émis un avis défavorable, considérant que l’amendement, mal rédigé, n’était pas applicable en l’état.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. La compétence de l’assemblée générale extraordinaire est justifiée dans toutes les opérations d’accès au capital.
Vous avez raison de distinguer les attributions d’options d’achat d’actions et les attributions d’options de souscription d’actions, qui conduisent à une augmentation de capital. Néanmoins, il s’agit bel et bien du même instrument. L’adoption de votre proposition créerait une nouvelle charge pour l’entreprise, alors que l’autre type d’attribution est dilutif pour les actionnaires, ce qui n’est pas illégitime.
Cet amendement introduit un biais entre options d’achat et actions de performance, mais aussi entre options d’achat et options de souscription. Je ne crois pas que cela soit justifié. Par ailleurs, ce serait la porte ouverte au contournement de l’assemblée générale extraordinaire.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Afin de cautionner cet amendement, dont je n’avais pas eu connaissance préalablement, je rappelle que le changement d’actions au sein de la même société, notamment les agréments en cas de regroupement des actions de plusieurs actionnaires dans une société civile en participation, relève non pas de l’assemblée générale extraordinaire, mais de l’assemblée générale ordinaire.
À mon avis, s’il n’y a pas d’augmentation de capital, s’il s’agit simplement d’un problème d’agrément et de transfert d’actions au sein de la société, cela relève d’une assemblée générale ordinaire.
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour explication de vote.
Mme Jacky Deromedi. Comme le dit M. Gabouty, à partir du moment où les actions ne sont pas dilutives, cela relève de l’assemblée ordinaire et non pas d’une assemblée extraordinaire.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 500 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. L’amendement n° 501 rectifié, présenté par Mme Deromedi, MM. Retailleau, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bonhomme, Mme Bories, MM. Bouloux et Brisson, Mme Bruguière, MM. Buffet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Chatillon, Chevrollier, Courtial, Cuypers, Danesi, Darnaud, Daubresse et Dériot, Mmes Deseyne et Di Folco, M. Dufaut, Mmes Dumas, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, M. Ginesta, Mme Giudicelli, MM. Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houpert et Hugonet, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Kennel, Mmes Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et Leleux, Mme Lherbier, M. Longuet, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes M. Mercier, Morhet-Richaud et Noël, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Paccaud, Paul, Pellevat, Pemezec, Piednoir, Pierre, Pillet et Poniatowski, Mmes Primas et Ramond, MM. Rapin, Regnard, Reichardt, Revet, Savary, Savin, Segouin et Sido, Mme Thomas et MM. Vaspart, Vogel et Gilles, est ainsi libellé :
Après l’article 59 ter A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 225-197-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Aux premier, deuxième, quatrième et sixième alinéas, le mot : « extraordinaire » est remplacé par le mot : « ordinaire » ;
2° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Les autorisations de procéder à une attribution gratuite d’actions existantes de la société sont du ressort de l’assemblée générale ordinaire. Les autorisations de procéder à une attribution gratuite d’actions à émettre sont du ressort de l’assemblée générale extraordinaire. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. C’est le même amendement, mais il s’agit cette fois d’attribution gratuite d’actions existantes, non dilutives, qui ne donne pas lieu à une augmentation du capital social.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. La commission spéciale est défavorable à cet amendement, qui n’est pas opérationnel en l’état, car il soulève des problèmes de coordination avec des articles du code.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 501 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 59 ter
Le premier alinéa du II de l’article L. 214-165 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce dernier cas, d’une part, les salariés représentant les porteurs de parts sont élus sur la base du nombre de parts détenues par chaque porteur et d’autre part, le président du conseil de surveillance a voix prépondérante en cas de partage des voix. »
M. le président. L’amendement n° 443 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 992, présenté par M. Canevet, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2021.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Canevet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 59 ter, modifié.
(L’article 59 ter est adopté.)
Article 59 quater A
(Non modifié)
La première phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 214-164 du code monétaire et financier est ainsi modifiée :
1° Après les mots : « est composé », sont insérés les mots : « , pour moitié au moins, » ;
2° Les mots : « , pour moitié au plus, » sont supprimés.
M. le président. L’amendement n° 331, présenté par M. Tourenne, Mme Espagnac, MM. M. Bourquin, Lalande, Kanner, Durain et Lurel, Mmes Tocqueville et Artigalas, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le I de l’article L. 214-164 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le conseil de surveillance est composé d’au moins 2/3 de salariés représentants les porteurs de parts, eux-mêmes porteurs de parts, et de représentants de l’entreprise. » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Le règlement du fonds précise la composition et les modalités de désignation de son conseil de surveillance, qui peut être effectuée soit par élection sur la base du nombre de parts détenues par chaque porteur de parts, en respectant qu’au moins 2/3 des membres du conseil de surveillance représentent les salariés, soit dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent I. »
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Permettez-moi de vous vous faire part d’une curiosité concernant les conseils de surveillance des fonds communs de placement d’entreprise, les FCPE, qui sont le résultat du placement de l’argent des salariés.
Dans la pratique – je ne l’invente pas, c’est indiqué dans l’exposé des motifs du Gouvernement –, ces conseils de surveillance comprennent deux tiers de salariés : « En 2017, plus de 2 millions de salariés sur les 4,2 millions ayant versé dans un fonds d’épargne salariale l’ont fait dans un fonds disposant d’une gouvernance, avec au moins deux tiers de salariés parmi les administrateurs. La bonne pratique est donc largement diffusée et n’attend que sa généralisation. »
Or l’Assemblée nationale a adopté un amendement ramenant à 50 % le nombre de représentants des salariés dans les conseils de surveillance. Il est tout de même curieux d’abaisser ce seuil, après avoir annoncé qu’on était favorable à la représentation des salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Je comprends tout à fait l’objectif visé par notre collègue, mais l’entreprise ayant la faculté de moduler la participation, peut-être est-il préférable de lui laisser la liberté de fixer les choses. Il est possible d’aller au-delà du seuil de 50 %, mais cela relève plutôt de l’accord local. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. À l’heure actuelle, les salariés ont la majorité dans les conseils de surveillance des FCPE. À chacun de s’organiser. L’important est d’avoir le mot final. L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je ne comprends pas : vous parlez de liberté, alors que vous inscrivez dans la loi un seuil de 50 %. Où est la liberté ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 59 quater A.
(L’article 59 quater A est adopté.)
Article 59 quater
Le chapitre Ier du titre IV du livre III de la troisième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 3341-1 est abrogé ;
2° L’article L. 3341-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3341-2. – Les administrateurs des SICAV d’actionnariat salarié représentant les salariés actionnaires ou les membres du conseil de surveillance des fonds communs de placement d’entreprise représentant les porteurs de parts bénéficient, dans les conditions et les limites prévues à l’article L. 2145-11, d’une formation économique, financière et juridique, d’une durée minimale de trois jours.
« Cette formation est dispensée par un organisme figurant sur une liste arrêtée par voie réglementaire. » – (Adopté.)
Article 60
L’article 31-2 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique est ainsi rédigé :
« Art. 31-2. – I. – En cas de cession par l’État au secteur privé d’une participation significative au capital d’une société dont il détient plus de 10 % du capital ou en cas de dilution significative des titres de capital d’une société dont l’État détient plus de 10 % du capital, 10 % des titres cédés sont proposés aux salariés de l’entreprise, à ceux des filiales dans lesquelles elle détient, directement ou indirectement, la majorité du capital, aux retraités éligibles au plan d’épargne de l’entreprise et de ses filiales, ainsi qu’aux anciens salariés s’ils justifient d’un contrat ou d’une activité rémunérée d’une durée accomplie d’au moins cinq ans avec l’entreprise ou ses filiales. Les titres sont proposés dans le cadre du plan d’épargne de l’entreprise.
« La participation cédée ou la dilution des titres de capital est significative au sens du premier alinéa si elle est supérieure à des seuils exprimés à la fois en pourcentages du capital de la société et en montants.
« Si la capacité de souscription des personnes éligibles est insuffisante au regard du nombre de titres proposés, ce nombre peut être réduit.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent I, notamment les seuils mentionnés au deuxième alinéa.
« II. – Les titres proposés par l’État sont cédés directement aux personnes mentionnées au I ou, avec l’accord de celle-ci, à l’entreprise dont les titres sont cédés, à charge pour elle de les rétrocéder à ces mêmes personnes selon l’une des modalités suivantes :
« 1° Soit l’entreprise acquiert auprès de l’État le nombre de titres déterminé en application du I et les rétrocède dans un délai d’un an. Durant ce délai, ces titres ne sont pas pris en compte pour déterminer le plafond de 10 % prévu à l’article L. 225-210 du code de commerce et les droits de vote ainsi détenus par la société sont suspendus ;
« 2° Soit l’entreprise, après avoir proposé aux personnes mentionnées au I du présent article les titres qui leur sont destinés et recensé le nombre de titres qu’elles ont réservés, acquiert auprès de l’État les titres correspondants et les rétrocède sans délai. L’État peut prendre en charge une partie des coûts supportés par l’entreprise au titre de ces opérations, dans des conditions fixées par décret.
« III. – Dans le cadre d’une cession par l’entreprise, le prix de cession et, le cas échéant, les rabais applicables sont fixés conformément aux dispositions de la section 4 du chapitre II du titre III du livre III de la troisième partie du code du travail.
« IV. – Tout rabais sur le prix de cession ou tout autre avantage consenti aux salariés est supporté par l’entreprise. Par exception, lorsque la cession a pour effet de transférer au secteur privé la majorité du capital de la société, un rabais peut être pris en charge par l’État, dans la limite de 20 % et dans le respect des dispositions de l’article 29 de la présente ordonnance. Si un rabais a été consenti par l’État, les titres acquis ne peuvent être cédés avant deux ans, ni avant paiement intégral.
« À l’exception du rabais pris en charge par l’État, les avantages consentis sont fixés par le conseil d’administration, le directoire ou l’organe délibérant en tenant lieu.
« V. – La Commission des participations et des transferts est saisie de l’offre directe de titres par l’État ou de leur cession à l’entreprise si cette offre ou cette cession interviennent en dehors de la durée de validité, prévue à l’article 29, de l’avis relatif à la cession par l’État de sa participation.
« VI. – Un arrêté du ministre chargé de l’économie précise à l’occasion de chaque cession mentionnée au I du présent article le nombre de titres proposés aux personnes éligibles et le prix de cession à ces dernières ou à l’entreprise ainsi que, le cas échéant, la durée de l’offre, les modalités d’ajustement de l’offre si la demande est supérieure à l’offre, le rabais et la partie des coûts pris en charge par l’État en application du 2° du II. »
M. le président. L’amendement n° 26 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 330, présenté par M. Tourenne, Mme Espagnac, MM. M. Bourquin, Lalande, Kanner, Durain et Lurel, Mmes Tocqueville et Artigalas, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Supprimer les mots :
dont il détient plus de 10 % du capital
et les mots :
dont l’État détient plus de 10 % du capital
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Nous nous opposons à l’absence d’obligation d’offre réservée aux salariés en cas de cessions de l’État dans les sociétés où il détient moins de 10 % du capital. Je le rappelle, si l’État détient plus de 10 % du capital, les salariés ont une priorité d’achat.
Nous proposons de supprimer ce seuil de 10 %. Ainsi, dans toute entreprise dans laquelle l’État cède son capital, une offre privilégiée sera faite aux salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Je le rappelle, les offres réservées aux salariés interviennent dans le cadre d’opérations significatives. En effet, il s’agit de procédures assez lourdes, qu’il serait onéreux de mettre systématiquement en place, ce qui irait sans doute à l’encontre du but recherché.
Dans la mesure où il convient de rechercher la simplification, le texte me paraît cohérent. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 788, présenté par MM. Lévrier, Yung, Patient, Patriat, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Supprimer les mots :
aux retraités éligibles au plan d’épargne de l’entreprise et de ses filiales,
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Dans une version antérieure, l’article 60 relatif à l’actionnariat salarié des entreprises à capitaux publics prévoyait que les anciens salariés, s’ils justifiaient d’un contrat ou d’une activité rémunérée d’une durée accomplie d’au moins cinq ans avec l’entreprise ou l’une de ses filiales, faisaient partie des bénéficiaires de l’obligation d’offre réservée.
Dans une logique de simplification, cet amendement rédactionnel vise à supprimer un alinéa qui, s’il était maintenu, créerait une redondance inutile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. L’avis est défavorable sur cet amendement qui vise à supprimer une précision introduite par la commission spéciale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 60.
(L’article 60 est adopté.)
Section 2
Repenser la place des entreprises dans la société
Article 61
I. – Le chapitre Ier du titre IX du livre III du code civil est ainsi modifié :
1° L’article 1833 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité dans les conditions prévues par la loi. » ;
2° Après l’article 1836, il est inséré un article 1836-1 ainsi rédigé :
« Art. 1836-1. – Les statuts peuvent définir une raison d’être dont la société se dote, en complément de son objet, en vue de laquelle elle entend affecter des moyens dans le cadre de son activité. » ;
3° L’article 1844-10 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les références : « des articles 1832, 1832-1, alinéa 1er, » sont remplacées par les références : « de l’article 1832 et du premier alinéa des articles 1832-1 » ;
b) Au dernier alinéa, après le mot : « titre », sont insérés les mots : « , à l’exception du dernier alinéa de l’article 1833, ».
II. – La section 2 du chapitre V du titre II du livre II du code de commerce est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article L. 225-35 est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « , conformément à son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité dans les conditions prévues par la loi » ;
b) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il prend également en considération, s’il y a lieu, la raison d’être de la société définie en application de l’article 1836-1 du code civil. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 225-64 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Il détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en œuvre, conformément à son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité dans les conditions prévues par la loi. Il prend également en considération, s’il y a lieu, la raison d’être de la société définie en application de l’article 1836-1 du code civil. »
II bis (nouveau). – Au second alinéa de l’article L. 235-1 du code de commerce, après le mot : « livre », sont insérés les mots : « , à l’exception des deux premières phrases du premier alinéa de l’article L. 225-35 et des deux dernières phrases du premier alinéa de l’article L. 225-64, ».
III. – Le livre Ier du code de la mutualité est ainsi modifié :
1° L’article L. 110-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles sont gérées en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de leur activité dans les conditions prévues par la loi. » ;
2° Après le même article L. 110-1, il est inséré un article L. 110-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 110-1-1. – Les statuts des mutuelles et unions peuvent définir une raison d’être dont la mutuelle ou l’union se dote, en complément de son objet, en vue de laquelle elle entend affecter des moyens dans le cadre de son activité. » ;
3° Le premier alinéa de l’article L. 114-17 est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « , en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité dans les conditions prévues par la loi. Il prend également en considération, s’il y a lieu, la raison d’être définie en application de l’article L. 110-1-1. »
IV. – Le chapitre II du titre II du livre III du code des assurances est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 322-1-3, il est inséré un article L. 322-1-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 322-1-3-1. – Les statuts des sociétés de groupe d’assurance mutuelles peuvent définir une raison d’être dont la société se dote, en complément de son objet, en vue de laquelle elle entend affecter des moyens dans le cadre de son activité. » ;
2° Après l’article L. 322-26-1-1, il est inséré un article L. 322-26-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 322-26-1-2. – Les statuts des sociétés d’assurance mutuelles peuvent définir une raison d’être dont la société se dote, en complément de son objet, en vue de laquelle elle entend affecter des moyens dans le cadre de son activité. »
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Je considère que cet article est très mal placé. Il aurait dû être l’article 1er, parce qu’il définit l’entreprise. Après tout, il n’aurait pas été plus mal de commencer un projet de loi de 200 articles sur l’entreprise par sa définition, qui remonte à près de deux siècles.
On nous propose une évolution sur la base du rapport de M. Senard et de Mme Notat. Je vous l’avoue, j’avais lu ce rapport en diagonale au moment de sa parution, n’y trouvant pas grand-chose. Puis, quand nous avons eu connaissance du changement de définition introduit par la loi PACTE, qui intègre les notions d’impact social et environnemental, j’ai entendu quelques collègues hurler, ce qui m’a fait revenir sur mon opinion.
Il y a là une vraie question : en restons-nous à une définition de l’entreprise datant de près de deux siècles et reposant sur le seul intérêt des associés ou bien entrons-nous de plain-pied dans le XXIe siècle, où la notion d’entreprise inclut bien autre chose ? Une entreprise comprend des directions, des salariés et des actionnaires. Elle a des impacts sociaux, environnementaux et même territoriaux sur un bassin de vie. Toutes ces dimensions font aujourd’hui la définition de l’entreprise, sans oublier les savoir-faire ou les machines-outils.
Pour le coup, nous soutenons cette nouvelle définition. Je sais que le débat fera rage dans quelques minutes, puisqu’un certain nombre d’entre nous souhaitent supprimer cet article. Pour notre part, nous souhaitons imposer, dans le cadre de la définition donnée, la notion d’impacts sociaux et environnementaux.
Je le répète, nous aurions dû avoir ce débat en préambule. Cela aurait été plus clair.
M. le président. L’amendement n° 653 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Retailleau, Babary, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bonhomme, Mme Bories, MM. Bouloux, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Buffet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Chatillon, Chevrollier, Courtial, Cuypers, Danesi, Darnaud, Daubresse et Dériot, Mmes Deromedi, Di Folco et Dumas, M. Duplomb, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, M. Ginesta, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet, Houpert et Hugonet, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi et Kennel, Mmes Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et Leleux, Mme Lherbier, M. Longuet, Mme Malet, M. Mayet, Mmes M. Mercier et Morhet-Richaud, MM. Morisset et Mouiller, Mme Noël, MM. Nougein, Paul, Pellevat, Perrin, Piednoir, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mmes Primas et Procaccia, M. Raison, Mme Ramond, MM. Rapin, Regnard, Reichardt, Revet, Saury, Savary, Schmitz et Sido, Mme Thomas et MM. Vaspart, Vogel et Gilles, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. L’article 61 inscrit dans le code civil la gestion des sociétés dans leur intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de leur activité, ainsi que la définition de leur raison d’être.
En complétant deux articles du code civil, cet article fait peser un risque juridique et contentieux important sur les sociétés de toute taille. En effet, ce texte est de nature à favoriser des actions en responsabilité liées à la prise en considération, que certains acteurs pourraient estimer insuffisante, des enjeux sociaux et environnementaux. Comment le juge interprétera-t-il la notion imprécise de prise en considération de ces enjeux ?
Aussi, dans le but de ne pas fragiliser les entreprises, notamment les moins grandes, et au vu de la richesse du droit français en matière de responsabilité sociale et environnementale, cet amendement vise à supprimer l’article 61.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Il s’agit d’un sujet important d’un point de vue philosophique : comment envisage-t-on l’entreprise ?
On le voit bien, nous sommes face à des évolutions sociétales extrêmement importantes. L’entreprise tient une place croissante dans la société. C’est pourquoi, comme nous n’avons cessé de le dire depuis le début de nos discussions, les salariés doivent être mieux associés à la vie et aux décisions de l’entreprise. En outre, plusieurs exemples dans le secteur alimentaire le montrent, les attentes des consommateurs doivent être prises en compte.
On observe dans les entreprises ou les organisations représentatives des entreprises des évolutions en ce sens. Ce matin, la commission des finances interrogeait le commissaire aux participations de l’État pour savoir comment les patrons d’entreprise intégraient la notion de RSE. Il a répondu très clairement, en pointant une véritable prise de conscience, la notion étant désormais tout à fait intégrée dans le pilotage des entreprises.
Comme la plupart de nos collègues, j’ai voulu savoir quel serait l’impact potentiel sur les entreprises. Le risque jurisprudentiel d’une extension des responsabilités des dirigeants d’entreprise existe bel et bien si on ne circonscrit pas les effets d’une telle disposition, qui sera inscrite dans le code civil. La commission spéciale estime donc que cette disposition, qui correspond à des attentes sociétales, doit être bien encadrée. Elle propose, tout en intégrant la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux, d’ajouter la mention « dans les conditions définies par la loi », ce qui permet de circonscrire tout risque éventuel.
Je vous invite, ma chère collègue, non pas à supprimer cette disposition, particulièrement attendue parce qu’elle correspond à une vision réaliste de ce qu’est l’entreprise en France et en Europe, mais à retirer votre amendement. À défaut, je serai contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. La modification de l’article 1833 du code civil, qui remonte à un peu plus de deux cents ans, vise d’abord à consacrer une notion juridique et jurisprudentielle, à savoir celui de l’intérêt social.
Afin de conserver la souplesse de son application, le projet de loi n’introduit pas de définition rigide de l’intérêt social, mais tend plutôt à en consacrer la notion dans la loi. Les sociétés ne sont pas gérées en vue de satisfaire des intérêts particuliers, comme celui de tel ou tel actionnaire ou d’une catégorie de salariés, mais dans leur propre intérêt, dans la poursuite des fins qu’elles se sont fixées.
Je le précise, la rédaction proposée avant la modification introduite par la commission spéciale a été pesée au trébuchet avec le Conseil d’État. Elle reprend une analyse portée par le rapport Notat-Senard, qui a proposé cette évolution du droit, dont l’importance a été évaluée. M. Senard est en effet un grand patron, qui a beaucoup consulté, dans le cadre de ce rapport, s’agissant de la portée juridique de la disposition.
Une telle avancée, il faut savoir le reconnaître, correspond non seulement à une évolution sociétale, mais aussi à une réalité juridique. Les entreprises pourront désormais ajouter, si elles le souhaitent, dans leur objet social, la mention d’enjeux sociaux et environnementaux. Cette évolution correspond assez bien au positionnement des chefs d’entreprise et à leur volonté de faire évoluer l’entreprise. Aujourd’hui, une telle ouverture n’est pas possible, compte tenu de la manière dont est défini l’objet social.
Cet article, qui consacre une jurisprudence, nous paraît donc équilibré. Il ne présente pas de risque, n’ouvre aucune boîte de Pandore, tout cela ayant été fortement analysé. Il faut avoir le courage de faire évoluer notre vision de l’entreprise, comme le Gouvernement le propose. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. C’est vrai, le monde change, les aspirations des chefs d’entreprise et des employés aussi, mais nous ne sommes pas là dans notre rôle !
M. Senard a une entreprise extraordinaire, c’est le seul patron auditionné par la commission des affaires économiques qui soit sorti en étant applaudi sur tous les bancs, il a une vision géniale de l’entreprise, qu’il applique dans son entreprise, dans laquelle les salariés ont envie d’aller travailler. Transformer son entreprise en ce sens engendre une différence concurrentielle énorme pour lui. Très bien ! Mais je ne comprends pas pourquoi on est obligé de légiférer sur ce point.
Ma peur est d’ordre juridique, même si vous nous dites que tout a été vérifié et que vous n’ouvrez pas la boîte de Pandore. Telle n’est pas mon analyse. Je considère en effet qu’il s’agit d’une contrainte supplémentaire qui permettra ensuite d’attaquer juridiquement une entreprise sur tel ou tel point.
Je ne veux pas que cette nouvelle façon de « faire entreprise » avec les employés constitue un nouvel alibi juridique. Aujourd’hui, avec l’abondance de textes sur le sujet, certaines entreprises pratiquent le RSE comme un alibi. Ça fait pitié !
Selon moi, l’élan dans les créations d’entreprises, la nouvelle façon de « faire entreprise » comme on « fait Nation » ne dépendent pas de nous. Ce sont les chefs d’entreprise qui doivent en décider, pour forger des outils de différentiation, dans le cadre d’une nouvelle façon de gérer.
Je comprends l’élan que vous voulez donner et le sens de ce que vous voulez faire, mais faire figurer une telle mention dans le code civil n’a pas de sens à mes yeux. Cela annihile l’élan réel. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Je croyais, madame la secrétaire d’État, que la philosophie générale de ce texte était de simplifier et de sécuriser la vie de nos entreprises…
Sans être un grand juriste, je me pose des questions sur la portée juridique de ce texte. « La société est gérée dans son intérêt social » – jusqu’ici, tout le monde peut comprendre – « en prenant en considération… » Quelle est la portée juridique de la « prise en considération » ? Je peux, quant à moi, considérer que, par moments, vous prenez en considération les amendements du Sénat. Cela peut arriver ! Mais il m’arrive assez souvent de penser que le Gouvernement ne les prend pas assez en considération. Vous allez pourtant, vous, avoir le sentiment que vous les prenez en considération.
Je suis donc un peu gêné que l’on puisse mettre dans un texte aussi important cette notion de « prise en considération », qui n’a strictement aucune portée juridique. Vous pourriez me dire, après tout, que cela n’est pas grave ; sauf que nous sommes là – excusez-moi de le rappeler – pour faire la loi ! Or la loi ne doit pas être bavarde, et cet alinéa 3 me semble vraiment bavard.
J’en viens à l’alinéa 5 : « Les statuts peuvent définir… » Mais – nom d’un chien ! – notre droit, en France, est un droit positif. Depuis quand la loi peut-elle dire « on peut faire telle ou telle chose » ? La loi est là pour interdire, pas pour dire « on peut » ! Va-t-on lever la main pour aller demander au Gouvernement et au législateur ce que l’on doit faire ?
Je rejoins donc, bien évidemment, les conclusions de Sophie Primas : cet article est certes animé de bonnes intentions, mais de telles intentions, précisément – l’expérience le prouve –, l’enfer en est pavé. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. J’irai dans le même sens : la démarche est généreuse, intéressante, philosophiquement enrichissante, mais je ne vois pas vraiment ce qu’elle apporte à la notion d’entreprise.
Comme mon collègue, je lis des choses qui me laissent un peu pantois : l’entreprise est gérée « en prenant en considération » – encore une fois, on ne sait pas bien ce que cela veut dire – « les enjeux sociaux et environnementaux de son activité dans les conditions prévues par la loi ». Si je résume, cela veut dire : respectez la loi ! Or, cela, je ne pense pas qu’il y ait vraiment besoin de l’écrire. Une entreprise peut être gérée de différentes manières ; en tout état de cause, elle est faite pour produire des biens et des services, pas pour faire de la philosophie.
Qu’on réfléchisse au rôle de l’entreprise dans la société, à l’égard des salariés ou de l’environnement, très bien ! Cela peut donner lieu soit à un travail d’ordre philosophique ou sociétal, soit à l’élaboration de réglementations qui devront être respectées. Mais, en l’occurrence, on nous propose un mix entre les deux, via la notion de « prise en considération dans les conditions prévues par la loi ». Il suffirait de dire que la loi doit être respectée !
Je n’adhère pas du tout à cette philosophie. Croyez-moi, lorsqu’un créateur d’entreprise ou un chef d’entreprise se lève le matin et commence à réfléchir à la raison d’être de son entreprise – ce diagnostic vaut pour tout individu lorsqu’il commence à réfléchir à sa raison d’être –, ça peut mal se terminer : c’est l’expression d’un état plutôt dépressif. (Sourires et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. J’ai déposé un amendement de repli, mais ses dispositions correspondent tout à fait à l’esprit de celui qui vient d’être présenté.
J’ai été assez intéressé par votre explication, madame la secrétaire d’État : tout, dites-vous, a été pesé au trébuchet. Mais, précisément, ce qui nous gêne, c’est que la notion que vous proposez d’introduire dans la loi est risquée – et vous le reconnaissez vous-même.
D’abord, elle est extrêmement large : elle signifie que tout dirigeant de société doit, notamment, évaluer, avant toute prise de décision, son impact sur l’emploi, la santé, la formation, l’identité de traitement, la pollution, le changement climatique – encore cette énumération ne comprend-elle qu’une petite partie de la liste des facteurs qui devraient, le cas échéant, être étudiés.
Ensuite, comme pour toute obligation de moyens, il convient de se ménager la preuve que celle-ci a bien été remplie. Il s’agit de se prémunir contre toute décision judiciaire susceptible de juger que cette obligation n’a pas été mise en œuvre. Tout ça est irréaliste pour une TPE ou une PME ! Or le non-respect de cette obligation peut entraîner une action en responsabilité contre le dirigeant, pour faute de gestion.
Il est intéressant de regarder votre étude d’impact : vous y précisez vous-même que les conséquences sur la responsabilité de la société et du dirigeant sont « difficiles à anticiper ».
Je pense que vous avez raison, mes chers collègues. Je soutiens donc votre amendement. S’il n’était pas adopté, j’espère que nous voterons mon amendement de repli, dont les dispositions vont dans le même sens.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. L’essentiel a été dit de façon excellente – il faut le dire.
Lorsque nous participons, où que ce soit, à des assemblées générales de chambres consulaires, et notamment de CCI, combien de fois entendons-nous les chefs d’entreprise nous dire : « Simplifiez ! Simplifiez ! » ?
Quelle que soit la taille des entreprises, le mérite revient aux chefs d’entreprise. Il y a tant d’embûches, tant de difficultés, sur leur chemin ! La responsabilité sociale et environnementale est certes importante et d’actualité, mais il faut arrêter de tendre des embûches au monde économique.
Je me rallierai donc moi aussi à cet amendement de qualité.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Fait rare : je vais essayer de soutenir Mme la secrétaire d’État sur cette question – je vais déployer le peu d’énergie qui me reste. (Sourires.)
Je le redis, notre discussion est l’illustration, malheureusement, du déroulement de nos travaux. L’audition de M. Senard par notre commission s’est révélée très intéressante, mais nous n’avons pas eu le temps de faire ce que nous aurions dû faire, c’est-à-dire approfondir le débat, alors qu’il s’agit d’une vraie question.
Je ne suis pas d’accord avec Mme Primas. Elle admet qu’il y a, derrière cette question, une réalité, mais elle doute qu’on doive s’y adapter. Or la loi dont nous parlons date quand même de plus de deux siècles, et, franchement, personne ne peut dire que l’entreprise des années 1800 ou 1900 ressemble à celle d’aujourd’hui ! Certaines entreprises ont désormais une dimension nationale, et même internationale. En outre, le réchauffement climatique représente un défi commun à toute l’humanité, que nous aurons à assumer collectivement, par-delà nos divergences de vision, en lui trouvant, donc, une réponse collective, qu’elle soit politique ou économique. Dans cette affaire, les entreprises auront un rôle, qui devra être moteur !
J’entends l’argument des adversaires de cet article : il est motivé, globalement, par la peur du contentieux. C’est l’argument qui a été brandi par la délégation aux entreprises : si on inscrit l’impact social et environnemental dans la loi, n’importe qui pourra, demain, attaquer les entreprises si elles ne respectent pas ceci ou cela. Mais non !
Nous aurions pu faire un travail de définition et d’accompagnement – M. le rapporteur a creusé une première piste que nous aurions pu essayer, par amendement, d’affiner. Je pense à certaines propositions que nous aurions aimé vous soumettre, mes chers collègues : par exemple, inscrire dans la loi le principe d’une répartition équitable de la valeur ajoutée. Nous aurions pu aller jusque-là, mais je sais que, sur un tel amendement, nous n’aurions pas obtenu le soutien de Mme la secrétaire d’État !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. J’entends ce que dit M. Gay, mais tout cela est déjà bien établi. Des lois relatives au droit du travail ou aux normes environnementales sont déjà venues définir les obligations des entreprises et leurs responsabilités, qu’elles soient sociales ou environnementales.
Monsieur Gay, je vous le dis en toute amitié, à vous qui parlez avec votre cœur et avec vos convictions, comme chacun d’entre nous : la loi est faite, en fonction de ce que nous croyons juste et efficace, non pas pour philosopher, mais pour fixer un cadre et pour sécuriser. En l’occurrence, ce cadre existe déjà. Tous vos souhaits sont donc largement exaucés.
C’est faire prendre un risque aux entreprises que de philosopher ainsi. La loi doit être frugale, sobre, juste et efficace. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Il est certain que ce pays manque de lois. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Lorsque nous rencontrons des chefs d’entreprise, tous nous disent que le code du travail est vraiment trop mince, trop facile à appliquer… Il était vraiment essentiel de leur donner le loisir de se mettre, comme l’a dit notre excellent collègue Jean-Marc Gabouty, à la philosophie économique !
Madame la secrétaire d’État, lorsqu’on veut relancer la croissance dans notre pays et aider les entreprises, écrit-on de tels articles ? Ce n’est vraiment pas sérieux ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Eu égard à l’heure et aux contenus respectifs de l’article et de l’amendement en question, mon intervention sera d’une sobriété totale.
On peut caricaturer, on peut se gausser et penser que ce débat est annexe. Je crains, mes chers collègues, qu’il ne nous rattrape.
Nous ne pouvons pas, d’un côté, soutenir que le rôle de l’entreprise dans la société est toujours plus important, constater une réconciliation – certains l’attendaient – entre la société et l’entreprise et, de l’autre, en rester à une vision et à une définition de l’entreprise qui sont – pardonnez-moi – totalement obsolètes. Preuve en est, d’ailleurs : de nombreux collègues, sur les différentes travées de notre hémicycle, ont reconnu qu’une série de responsabilités, d’injonctions, de cadres ont été introduits qui ont fait profondément évoluer cette vision.
Viendra un jour, extrêmement proche, où nous devrons revenir sur cette définition. Si nous voulons que se réalisent cette adhésion de la société à l’entreprise et cette compréhension par la première du rôle de la seconde, nous ne pouvons pas en rester à cette définition qui a plus de deux cents ans.
Mme Sophie Primas. Les startupeurs vont plus vite que nous !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Canevet, rapporteur. Ce débat est intéressant.
Il me semble qu’on ne saurait passer à côté d’une nécessaire évolution. Le code civil date de plusieurs siècles. Or les choses ont évolué dans le monde. Il faut en tenir compte. Je prendrai un seul exemple, auquel je suis très attaché.
Nous sommes tous offusqués lorsque survient un scandale agroalimentaire. Écrire que les entreprises doivent prendre en compte ce genre de situation ne me semble pas du tout illogique.
La responsabilité sociale et environnementale figure effectivement dans nos textes pour ce qui concerne le code de commerce, mais toutes les entreprises ne relèvent pas du code de commerce. Il paraît donc absolument légitime et logique que cette notion, qui existe déjà en effet, soit étendue à l’ensemble des sociétés ayant des activités dans notre pays, quelle que soit leur forme, quel que soit le code dont elles relèvent.
Il est vrai qu’une différence fondamentale nous sépare du Gouvernement et du texte adopté par l’Assemblée nationale. Je rappelle que la commission spéciale a voulu préciser les choses en tenant compte, justement, de l’évaluation des risques qui avaient été identifiés. Pour qu’il n’y ait pas de difficultés, la commission spéciale a clairement précisé que les enjeux sociaux et environnementaux devaient être pris en compte « dans les conditions prévues par la loi ». Autrement dit, nous n’imposons absolument aucune contrainte nouvelle aux entreprises.
Mme Sophie Primas. Ça ne sert à rien, alors !
M. Michel Canevet, rapporteur. En outre, dans la perspective d’éventuelles actions devant les tribunaux, nous sécurisons le dispositif.
La raison d’être – c’est une des dimensions de l’article – est facultative. Là aussi, mes chers collègues, tenez compte du fait que, sur ce sujet, la société est en train d’évoluer. L’autre jour, avec quelques collègues, nous rencontrions des représentants du MEDEF, qui vient de se doter d’une raison d’être.
Mme Sophie Primas. Très bien, mais il n’a pas eu besoin de la loi !
M. Michel Canevet, rapporteur. Dès lors qu’une organisation qui représente les entreprises comme le MEDEF se dote d’une raison d’être, on peut penser qu’il y a là un objectif que se fixent un certain nombre d’entreprises elles-mêmes.
M. Fabien Gay. Bon argument !
M. Michel Canevet, rapporteur. Lorsque nous écrivons que les entreprises « peuvent » se doter d’une raison d’être, on ne leur dit pas qu’elles le « doivent ».
Mme Sophie Primas. Alors, ça ne relève pas de la loi !
M. Michel Canevet, rapporteur. Il s’agit de leur offrir une faculté dont un certain nombre d’entrepreneurs ont aujourd’hui compris l’importance.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Il me semble qu’on ne peut pas ignorer – et je pense que vous ne l’ignorez pas, évidemment – que l’activité économique a un impact social et environnemental.
Cet impact social et environnemental a deux dimensions : d’une part, il permet, lorsqu’il est pris en compte, de prévenir les risques futurs qui pourraient peser sur l’entreprise ; d’autre part, il a un lien avec la performance de l’entreprise. Beaucoup d’études universitaires établissent en effet un lien entre la prise en compte de la RSE et l’amélioration de la performance de l’entreprise.
Mme Françoise Gatel. Pas besoin de loi !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Écrire que « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité », c’est simplement tirer le fil consistant à considérer que, dans la gestion de l’entreprise, ces deux dimensions comptent.
« En prenant en considération » : cette approche relève plutôt des moyens, en effet. Lorsque vous adoptez une stratégie, vous intégrez dans votre réflexion ces deux dimensions. Pour avoir travaillé notamment sur les actifs immatériels dans le cadre de l’Observatoire de l’immatériel, je pense que c’est utile. Aujourd’hui, une entreprise a intérêt à anticiper ce type de risque. M. Senard n’est pas le seul à le dire : nous répondons à une demande exprimée par de nombreux chefs d’entreprise.
« Dans les conditions prévues par la loi » : il s’agit, monsieur Gabouty, d’un ajout de la commission spéciale. Je rejoins votre analyse : cet ajout ne fait probablement, si je puis dire, que reboucler la boucle, et ne satisfait pas à l’exigence de frugalité de la loi.
M. Jean-François Husson. C’est de la politique circulaire !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je note d’ailleurs que je ne retrouve pas toujours cette exigence de frugalité de la loi, qui m’est chère, dans la revue des multiples amendements déposés, dont les dispositions font parfois redondance avec des dispositions réglementaires ou législatives existantes.
Je voudrais aussi revenir sur la raison d’être. Aujourd’hui, il est juridiquement risqué d’introduire une raison d’être dans l’objet social : on peut être accusé d’aller, notamment, contre l’intérêt des actionnaires.
Cette demande émane des entreprises, en tout cas d’un certain nombre d’entre elles. Oui, le fait d’écrire « peuvent », au sens où cette disposition ne saurait donner lieu à recours, me paraît parfaitement justifié et répond, je le répète, à une demande des entreprises. Ce texte n’a pas été fait hors sol. Il n’est pas là pour porter une philosophie, mais pour tirer les conséquences de l’évolution du monde entrepreneurial. Prendre en compte les risques environnementaux et sociaux et faire de cette prise en compte un élément de construction d’une performance durable, qui se traduira dans la performance financière, cela fait partie du métier de chef d’entreprise.
Mme Sophie Primas. Les entreprises ne vous ont pas attendue !
M. le président. En conséquence, l’article 61 est supprimé, et les amendements nos 593, 714, 142, 255 rectifié bis, 594, 681, 422, 112, 704, 1020 et 735 rectifié n’ont plus d’objet.
Article 61 bis
(Supprimé)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 99 amendements au cours de la journée ; il en reste 125.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 7 février 2019, à dix heures trente, quatorze heures trente et le soir :
Dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes par M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.
Deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord de partenariat sur les relations et la coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la Nouvelle-Zélande, d’autre part (texte de la commission n° 265, 2018-2019) ;
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord de dialogue politique et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République de Cuba, d’autre part (texte de la commission n° 267, 2018-2019).
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises (texte de la commission, n° 255, 2018-2019).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 7 février 2019, à zéro heure cinq.)
Direction des comptes rendus
ÉTIENNE BOULENGER