Mme Élisabeth Borne, ministre. Le Gouvernement partage l’objectif consistant à disposer de moyens de contrôle efficaces pour les zones à faibles émissions ; la satisfaction de cet objectif est la condition de l’utilité desdites zones.
Toutefois, le déploiement des dispositifs de contrôle doit aussi veiller à ne pas porter des atteintes disproportionnées aux libertés individuelles, ce qui nécessite de trouver un compromis entre la portée des contrôles et leur proportionnalité.
En supprimant l’encadrement, l’adoption des amendements nos 418 rectifié bis et 998 rectifié créerait un risque d’inconstitutionnalité. Je rappelle que le Conseil d’État a lui-même indiqué que les limitations et précautions dont est assortie la procédure de contrôle étaient « de nature à assurer la conciliation qu’il incombe au législateur d’effectuer entre, d’une part, le respect de la vie privée des personnes et la liberté d’aller et venir et, d’autre part, la répression des infractions aux règles édictées dans la zone à faibles émissions pour réduire la pollution ».
Le Conseil d’État a bien noté qu’était prévu un plafonnement tant du taux de contrôle que du nombre de dispositifs installés. Nous souhaitons par conséquent maintenir ces deux leviers, étant entendu que ce taux et ce nombre pourront être retravaillés avec les collectivités, mais sur la base des exemples concrets qui nous seront soumis. Ce travail pourra nous conduire, le cas échéant, à modifier les seuils présentés au Conseil d’État.
Je voudrais en tout cas attirer l’attention de votre assemblée sur le fait que c’est bien la présence dans le texte de ces deux dispositions, à savoir le caractère mesuré du taux de contrôle prévu et le plafonnement du nombre de dispositifs, qui a conduit le Conseil d’État à considérer qu’il n’y avait pas, en la matière, de risque constitutionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Je précise que, dans un premier temps, nous avions prévu de porter le taux de contrôle à hauteur de quasiment 100 %, avant de décider, en commission, à l’issue de nos discussions, d’abaisser ce taux à 50 %, considérant qu’il appartiendra à l’État et aux collectivités de déterminer le nombre pertinent de dispositifs de contrôle à déployer.
Les amendements nos 418 rectifié bis et 998 rectifié visent à supprimer totalement ces limitations. Toutefois, compte tenu du caractère potentiellement intrusif des dispositifs de contrôle, il est nécessaire que la loi fixe certaines limites. C’est pourquoi j’invite les auteurs de ces amendements à les retirer au profit de la solution de compromis adoptée en commission.
Quant à l’amendement n° 937 rectifié du Gouvernement, il vise à revenir à la version initiale du projet de loi, ce qui ne permettrait pas, à notre sens, d’assurer un contrôle suffisant des ZFE.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 418 rectifié bis et 998 rectifié ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Pour les raisons que j’ai évoquées, l’avis du Gouvernement est défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Françoise Gatel, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Nous avons déjà eu l’occasion de dire quel chemin de crête délicat il faut suivre, sur ce sujet, lorsque nous avons traité de l’article 16 et des voies réservées.
L’article 28 facilite la mise en place de dispositifs de contrôle automatisé des véhicules circulant dans les zones à faibles émissions. Il faut donner un caractère efficace et dissuasif au contrôle tout en respectant les droits et libertés des automobilistes. Mais, à la différence des voies réservées, qui peuvent généralement être évitées par les automobilistes, les zones à faibles émissions concernent des quartiers entiers, auxquels il pourra être impossible d’accéder sans s’exposer à un dispositif de contrôle-sanction automatisé, dispositif dont, par ailleurs, nous comprenons l’esprit.
L’avis du Conseil d’État est assez clair sur ce sujet : il est bien précisé que les dispositifs de contrôle automatisé de ces zones doivent être assortis de garanties spécifiques pour ne pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir ou à la vie privée des automobilistes.
Sur la base de la définition de ces atteintes, qui ne doivent pas être disproportionnées, la commission des lois considère qu’il est indispensable d’inclure dans le texte des garanties spécifiques supplémentaires pour encadrer la mise en place du contrôle-sanction automatisé des ZFE : limitation du nombre de contrôles journaliers, absence de contrôle de l’ensemble des véhicules.
Nos collègues de la commission du développement durable ont partiellement, mais pas totalement, partagé notre avis. Il faut, me semble-t-il, être très précautionneux : il existe un risque de fragilisation du dispositif en cas de recours, qui ne manqueront pas – contestation des amendes, questions prioritaires de constitutionnalité.
Peut-être la navette va-t-elle permettre de trouver un équilibre satisfaisant. Quoi qu’il en soit, au vu de ces éléments, la commission des lois ne saurait être favorable aux amendements nos 418 rectifié bis et 998 rectifié, dont je comprends l’esprit, mais dont l’adoption supprimerait toute garantie.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Nous suivrons l’avis des rapporteurs. Ces questions sont extrêmement complexes, et passionnantes à traiter. J’ai pu assister à deux auditions de représentants de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Lorsque l’on s’intéresse aux questions de transport, on mesure l’importance des contrôles automatisés ; or, à suivre cette pente faible, on risque finalement de porter atteinte aux libertés individuelles. Précisément, une institution comme la CNIL a su nous rappeler les risques que nous encourions en termes de protection de ces libertés.
À ce stade de la discussion, la position équilibrée adoptée par nos rapporteurs me semble satisfaisante.
Mme la présidente. Madame Vullien, l’amendement n° 418 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Michèle Vullien. J’entends bien ce qu’on nous dit : il faut respecter la liberté, c’est-à-dire la liberté de mourir prématurément – c’est bien ça ? On crée des ZFE, mais on nous dit que les contrôles sont impossibles, parce qu’ils gênent les gens. Résultat : tout le monde entrera dans les ZFE ; certains, de temps en temps, se feront pincer ; ils paieront une amende, et basta !
On nous objecte toujours la liberté, celle des uns, celle des autres. Mais jamais on ne parle de la liberté de préserver sa santé. À quoi bon créer des ZFE si on ne les assortit pas des points de contrôle nécessaires ? J’ai moi aussi participé aux auditions – je remercie notre rapporteur de les avoir organisées. J’entends bien ce que dit la CNIL ; ou plutôt, j’entends bien la frilosité de la CNIL. À propos des voies réservées, il était bien difficile de démêler le « oui » du « non », dans un discours parsemé de « peut-être ».
À un moment donné, arrêtons de tergiverser ! Si l’on crée des ZFE, acceptons les contrôles ; si l’on n’est pas capable de contrôler, abandonnons les ZFE !
Je ne retire donc pas cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur de Nicolaÿ, l’amendement n° 998 rectifié est-il maintenu ?
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je considère – je parle au nom de M. Husson – qu’il s’agit plutôt d’un amendement d’appel. Il y a un vrai problème de contrôle et d’efficacité du contrôle. J’ai bien compris qu’un travail serait effectué, sur la base de ces amendements, pour trouver des solutions susceptibles de répondre à la question de Michèle Vullien, tout en garantissant les libertés individuelles.
Je retire donc cet amendement, madame la présidente, tout en rappelant qu’il faut travailler sur ce sujet.
Mme la présidente. L’amendement n° 998 rectifié est retiré.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous débattons pour savoir s’il faut limiter le taux de contrôle à 15 % ou à 50 %. Tout à l’heure, Philippe Dallier évoquait la Seine-Saint-Denis ; je voudrais évoquer une ville de 62 000 habitants située en région parisienne : Ivry-sur-Seine. On s’apprête à créer une ZFE : 2 500 véhicules seront concernés, dès juillet 2019, par l’interdiction de circulation ; 4 500 véhicules de plus le seront en 2021, et encore 10 000 supplémentaires en 2024, sur un parc de 23 000 véhicules particuliers immatriculés dans la ville.
Il y a, d’une part, le débat sur la question des libertés, qui a été évoquée par plusieurs d’entre vous, mes chers collègues. D’autre part, il y a aussi, peut-être – et Mme la ministre me dira si je me trompe, mais j’y vois la raison pour laquelle elle penche pour un chiffre de 15 % –, une autre question : celle du faible accompagnement de cette mesure, dont l’encadrement fait l’objet des amendements dont nous discutons.
Dans une ville comme la mienne, on demande à une partie de nos concitoyens d’opter pour l’achat d’un véhicule propre. Or le reste à charge pour l’achat d’une nouvelle voiture sera de 10 000 euros pour un ménage non imposable et de 18 000 euros pour un ménage imposable. Vous voyez bien, donc, que, si l’on discute du taux de contrôle en mettant en place les ZFE, c’est que va s’aiguiser, pour l’exécutif national, une contradiction, qui va se traduire, du côté des habitants, en exaspération, vu les ressources nécessaires pour pouvoir acquérir un véhicule propre.
Dans ma ville, le chantier de la ligne 5 du T Zen connaît des retards – je ne vais pas vous ennuyer avec des dénominations qui ne parlent peut-être qu’aux Val-de-Marnais, mais d’autres questions relatives aux transports en commun ont été évoquées tout à l’heure –, et les effets escomptés ne se produisent pas.
Je souhaite donc que, tout en ayant, certes, le débat des 15 % ou des 50 % sur le terrain des libertés, nous mesurions le mécontentement et l’exaspération que ressentiront celles et ceux qui n’auront pas les revenus nécessaires pour acquérir un véhicule propre et pâtiront en même temps des retards de construction des nouvelles lignes – je pense par exemple au prolongement de la ligne 10 du métro qui doit relier la Grande Bibliothèque à Ivry.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je partage complètement le propos de notre collègue Pascal Savoldelli. Nous passons à côté du vrai débat ! Le vrai problème, c’est l’incapacité des ménages à changer de véhicule, et les conséquences qu’emporte cette incapacité en termes d’exclusion.
Nous débattons de pourcentages ; mais la question ne se résume pas à celle du taux de contrôle. Je remercie notre rapporteur pour la sagesse dont il a fait preuve, mais, quant au problème de fond, nous ne sommes pas en train de l’aborder et de le traiter sereinement.
Ce sujet de la mobilité, madame la ministre, est ô combien important pour nombre de femmes et d’hommes sur notre territoire, aussi bien, d’ailleurs, en milieu urbain qu’en milieu rural. Il a nourri le débat qui a agité la fin de l’année 2018, sur la capacité des ménages à supporter les prix du carburant pour se déplacer – les ménages en question aimeraient bien disposer de transports collectifs, mais ils en sont complètement exclus.
Faisons donc attention, au moment où nous légiférons, à ne pas priver encore un peu plus de personnes de la capacité d’exister économiquement sur un territoire.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je suis heureuse que MM. les sénateurs nous aient rejoints, ce qui nous permet de reprendre le débat que nous avons eu à l’occasion de l’examen du précédent article.
Il n’est pas question de mettre en place des ZFE sans accompagnement.
Par ailleurs, il faut évidemment que les élus qui créeront ces ZFE envisagent un processus très progressif, pour ne mettre personne en difficulté. Ce débat, nous l’avons eu précédemment. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, les métropoles qui ont décidé de mettre en place ces zones à faibles émissions le font, en tout cas pour la plupart d’entre elles, avec beaucoup de prudence. Les restrictions concernent d’abord les poids lourds les plus polluants, puis les véhicules de livraison les plus polluants, les véhicules particuliers les plus polluants n’étant concernés que dans un temps futur.
Je le redis : nous avons créé des primes à la conversion qui permettent d’acheter des véhicules d’occasion éligibles aux catégories Crit’Air 1 et 2, et ces primes ont été augmentées à la fin de l’année dernière, jusqu’à 4 000 euros pour les ménages les plus modestes et pour ceux de nos concitoyens dont les trajets domicile-travail sont les plus longs.
Je voudrais revenir sur la question du taux de contrôle. Chacun doit prendre conscience que nous sommes en train de mettre en place des dispositifs de contrôle-sanction automatisé. De tels dispositifs existent d’ores et déjà, aujourd’hui, notamment pour les infractions en matière de vitesse ; mais seuls ceux qui ont commis une infraction sont enregistrés.
Par définition, le dispositif qui est proposé pour contrôler les ZFE lira, quant à lui, l’ensemble des plaques. Plafonner le taux de contrôle à 15 %, comme cela était proposé dans la version initiale du texte présentée par le Gouvernement, revient à permettre, chaque jour, le contrôle de 15 % des flux. Or il n’existe actuellement aucun dispositif de police permettant, à l’échelle d’une zone aussi vaste qu’une ZFE, de contrôler 15 % des flux ! Les policiers sont loin, par exemple, de contrôler 15 % des véhicules entrant dans Paris.
Il faut donc réaliser le caractère novateur de tels contrôles par rapport à ceux qui sont difficilement faits, aujourd’hui, par les forces de police, et traiter, par conséquent, ces taux de contrôle avec beaucoup de précaution.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 418 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 171 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Alinéas 30 à 36
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous souhaitons, par cet amendement, supprimer de cet article tout ce qui a trait à la constitution de fichiers.
Soyons clairs : nous partageons l’idée de la mise en place obligatoire de ZFE avant le 31 décembre 2020 dans les territoires où les normes de qualité de l’air ne sont pas respectées.
Nous sommes, en revanche, moins convaincus par la possibilité créée par le présent article, pour les services de police et de gendarmerie nationales et pour les services de police municipale, de mettre en œuvre des dispositifs de contrôle automatisé de ces zones et, une nouvelle fois, de constituer des fichiers, même périssables.
Selon les termes de cet article, en effet, ces traitements automatisés peuvent comporter la consultation du fichier des véhicules identifiés au titre de leur contribution à la limitation de la pollution atmosphérique, ainsi que des fichiers des véhicules autorisés à circuler sur les voies et espaces concernés.
En commission, le texte a évolué, les contrôles étant renforcés : le nombre maximal de véhicules contrôlés chaque jour a été fixé à hauteur de 50 % du nombre moyen journalier de véhicules circulant au sein de la zone.
Je ne reviens pas sur les raisons de notre opposition à cette augmentation, qui ont été développées par Pascal Savoldelli – nous pensons, tout simplement, qu’elle est source d’exclusion.
En revanche, des efforts ont été faits sur la question du contrôle d’identité : il est prévu désormais que ces contrôles devront faire l’objet d’un traitement afin de masquer de manière irréversible l’identité des passagers du véhicule et des tiers, ce qui nous semble positif.
Pour autant, le Conseil d’État avait émis un certain nombre de réserves sur ce procédé.
Il avait ainsi jugé la création d’un tel dispositif de recueil massif de données potentiellement identifiantes comme susceptible d’attenter aux principes constitutionnels de respect de la vie privée et de liberté d’aller et venir. Il avait finalement estimé, en raison du motif d’intérêt général recherché et de la nécessité de faire respecter les restrictions de circulation qui en découle, que ces mesures étaient équilibrées au regard des limitations et précautions dont est assortie la procédure de contrôle, ces limitations étant de nature à assurer la conciliation qu’il incombe au législateur de garantir entre les différents principes et intérêts en cause.
L’évolution du texte en commission, le taux de véhicules contrôlés passant de 15 % à 50 %, rompt cet équilibre et porte donc une atteinte disproportionnée au principe constitutionnel de respect de la vie privée.
Mme la présidente. L’amendement n° 946, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les données relatives aux autres véhicules peuvent être, après un traitement des images empêchant l’identification des occupants du véhicule, enregistrées et conservées pour une durée qui ne peut excéder huit jours ouvrés à compter de leur collecte, sous réserve des besoins d’une procédure pénale.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. J’ai déjà eu l’occasion de présenter un amendement du même type à propos d’autres dispositifs de contrôle. La commission a introduit l’obligation d’un masquage irréversible des tiers et des passagers du véhicule. Comme j’ai eu l’occasion de le dire, en l’état des technologies, il n’est pas possible de sélectionner, parmi les passagers, le seul conducteur ; par ailleurs, il est nécessaire de pouvoir « démasquer », si je puis dire, ce dernier. Nous ne savons donc pas mettre en œuvre des contrôles efficaces tout en respectant les obligations fixées par le texte issu des travaux de la commission.
Je voudrais aussi redire que le principe de minimisation des données collectées qui découle notamment du RGPD, le règlement général sur la protection des données, et de la directive d’avril 2016, impose en tout état de cause de recourir à la technologie la plus performante protégeant au maximum les libertés publiques, si bien que, tant qu’une technologie permettant d’accéder à l’image du conducteur tout en masquant de façon irréversible les tiers et les passagers ne sera pas disponible, la CNIL n’autorisera pas la mise en œuvre de dispositifs qui ne respecteraient pas cette obligation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Très simplement, je ne vois pas l’intérêt de faire des contrôles si l’on ne peut pas consulter les fichiers. Avis défavorable, donc, sur l’amendement n° 171 rectifié.
Pour ce qui concerne l’amendement du Gouvernement, j’ai déjà eu l’occasion, notamment à l’article 16, de m’exprimer sur le sujet. Pour les raisons alors exposées, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 171 rectifié ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. J’ai exposé mes réserves sur le taux prévu actuellement. Pour autant, celles-ci ne doivent pas conduire à supprimer toute possibilité de contrôle. Malheureusement, mettre en place des restrictions sans mettre en place un contrôle, revient à ne pas mettre en place de restrictions.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Les dispositions de l’amendement n° 171 rectifié me semblent beaucoup trop radicales. Il existe des solutions technologiques qui pourront nous aider à lutter contre la congestion et à fluidifier le trafic ; en l’occurrence, nous discutons, à l’article 28, des ZFE, mais nous avons déjà traité, dans le même sens, des voies réservées et des péages à flux libre. Tous ces dispositifs, dont celui des ZFE, nécessitent des contrôles.
Je regrette néanmoins le sort réservé à un projet dont ma collègue Martine Filleul a parlé lors de son intervention sur l’article – je veux parler du projet de péage inversé, un beau projet lancé à Lille qui impliquait de contrôler l’ensemble des plaques d’immatriculation des véhicules entrant dans la ville pour proposer à leurs conducteurs de modifier leurs comportements. Ce projet a été retoqué au titre de la protection des libertés.
Au début de l’examen de ce texte, je m’insurgeais contre cet abandon. Mais – je le répète –, en écoutant la CNIL, on comprend les réserves qu’il faut avoir sur de tels dispositifs, quand bien même ils apporteraient de belles solutions.
Le Cérema, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, teste des méthodes de contrôle automatisé du tonnage des poids lourds. On peut aussi imaginer que, demain, le contrôle du transit puisse être appréhendé de manière automatisée. Reste à trouver un équilibre entre une trop grande liberté et le refus de principe que vous opposez, chers collègues, au recours à la vidéosurveillance. Il faut que ce recours soit mesuré, protégé par une instance plus que digne de confiance comme la CNIL.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Le sujet que nos collègues du groupe CRCE ont soulevé suscite des inquiétudes. Nous partageons tous l’objectif d’avoir des mobilités plus écologiques, mais nous ne pourrons pas l’atteindre aux dépens de la liberté individuelle et de la capacité de chacun de se protéger contre les excès possibles des fichiers. On crée un fichier pour quelque chose, puis on en change la finalité, et on se retrouve dans un pays qui n’est plus une démocratie !
De surcroît, le Gouvernement indique que les technologies ne permettent pas de garantir un niveau de protection suffisant. Nous devons en tenir compte. Le Sénat s’enorgueillit d’ordinaire de défendre les libertés individuelles. Il ne faut pas qu’il se retrouve dans un rôle absolument différent, même avec l’objectif le plus digne ! On ne peut pas atteindre un objectif aussi digne que la mobilité écologique au détriment de la liberté des Français !
Dès lors que nous ne disposons pas des technologies permettant d’avoir suffisamment d’assurances, il faut, me semble-t-il, aller dans le sens indiqué par nos collègues du groupe CRCE.
Mme la présidente. L’amendement n° 938, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 38
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Pour le contrôle des ZFE, l’alinéa 38, dans sa rédaction issue des travaux de la commission, affecte les recettes des amendes aux communes.
Le Gouvernement partage l’objectif de donner des moyens aux collectivités qui mettent en œuvre les dispositifs de contrôle. Mais, dans la pratique, plusieurs schémas seront sans doute choisis, selon les cas et les compétences des différentes collectivités. L’adaptation du dispositif général d’affectation des recettes de contrôle automatique au compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » pour le cas spécifique des zones à faibles émissions doit donc faire l’objet de réflexions et de concertations approfondies. En attendant, je vous propose de supprimer l’alinéa 38.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer une mesure que nous avons ajoutée en commission. Il paraît cohérent que les communes ayant mis en place et financé elles-mêmes les dispositifs de contrôle perçoivent le produit des amendes résultant des infractions.
J’entends vos arguments, madame la ministre. Vous indiquez que vous allez engager une réflexion interministérielle. Mais, dès lors que vous ne proposez pas de solution de remplacement, nous préférons maintenir le dispositif que nous avons adopté. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 28, modifié.
(L’article 28 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 28
Mme la présidente. L’amendement n° 244 rectifié bis, présenté par Mme Vullien, M. Détraigne, Mme Sollogoub, MM. L. Hervé, Janssens, Cigolotti, Bonnecarrère et A. Marc et Mmes Billon et Renaud-Garabedian, est ainsi libellé :
Après l’article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Après l’article 1609 quater A du code général des impôts, il est inséré un article 1609 quater B ainsi rédigé :
« Art. 1609 quater B – I. – La Métropole de Lyon, la Métropole d’Aix-Marseille-Provence, la Métropole du Grand Paris ou toute métropole créée en application de l’article L. 5217-1 du code général des collectivités territoriales, peuvent instituer une taxe sur les déplacements effectués au moyen de véhicules terrestres à moteur, dénommée “tarif de dissuasion du transit” afin de limiter les nuisances associées au trafic de transit et inciter au report de ce trafic sur les axes de contournement prévus dans et en dehors des agglomérations. Cette taxe n’est pas applicable aux déplacements effectués pour le compte d’une personne de droit public.
« L’institution d’une telle taxe doit être précédée de l’établissement d’une étude d’impact préalable du projet de tarif de dissuasion du transit ainsi que d’une consultation du public et des gestionnaires de voiries et des collectivités concernées. Les modalités de cette consultation sont définies par décret.
« II. – La qualification de transit est définie par l’État et la métropole qui institue le tarif de dissuasion du transit selon les conditions de circulation de la zone considérée, par référence aux coordonnées des sections d’axes routiers ou à un périmètre.
« Des dérogations, prenant la forme d’exonération ou d’abattement, à l’application du tarif de dissuasion du transit peuvent être décidées par la métropole au regard de l’impact socio-économique du dispositif ou au bénéfice des véhicules de transport public particulier de personnes, des véhicules de transport sanitaire et des véhicules des services publics.
« III. – Le tarif de dissuasion du transit est dû par le propriétaire, le conducteur ou tout utilisateur du véhicule terrestre à moteur. Toutefois lorsque le véhicule fait l’objet d’un contrat de crédit-bail ou d’un contrat de location de deux ans ou plus, la taxe est due par le locataire ou le sous-locataire. Dans ce dernier cas, le propriétaire est solidairement responsable du paiement de la taxe ainsi que, le cas échéant, de la majoration de retard applicable.
« Le tarif de dissuasion du transit s’applique aux véhicules seuls ou tractant une remorque, dont le poids total en charge autorisé, ou dont le total autorisé pour les ensembles articulés, est égal ou inférieur à 3,5 tonnes, ainsi qu’aux autobus ou autocars.
« IV. – Le montant du tarif de dissuasion du transit est fixé, dans la limite d’un seuil défini par décret en Conseil d’État, par la métropole concernée en fonction de l’itinéraire de contournement proposé le plus court. La métropole peut prévoir des modulations selon les catégories de véhicule et selon les heures de la journée, les jours de la semaine et les périodes de l’année. Ces modulations sont portées à la connaissance des usagers par tout moyen.
« Le produit de la taxe est affecté à la métropole ayant institué la taxe.
« V. – La métropole peut décider de suspendre l’application du tarif de dissuasion du transit lorsque la sécurité, l’ordre public ou des difficultés de circulation routière le justifient.
« Une telle suspension est alors portée à la connaissance des usagers par tous moyens.
« VI. – Pour la mise en œuvre de cette taxe, il est possible de recourir à des dispositifs de contrôle automatique homologués. Les conditions de mise en œuvre et d’homologation de ces dispositifs de contrôle sont définies par décret. Les constatations effectuées par ces dispositifs de contrôle homologués font foi jusqu’à preuve du contraire.
« La métropole est autorisée à créer un dispositif de traitement automatisé de données à caractère personnel, dans le respect des conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés pour l’établissement de l’assiette, le recouvrement et la collecte du tarif de dissuasion du transit.
« VII. – Les gestionnaires du domaine public routier sont tenus de laisser gratuitement à disposition les terrains relevant de leur compétence qui sont nécessaires à l’implantation des équipements techniques destinés au recouvrement ou au contrôle du tarif de dissuasion du transit. »
II. – Le I de l’article L. 330-2 du code de la route est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« … Aux agents de la métropole concernée pour les besoins de la mise en œuvre de la taxe prévue à l’article 1609 quater B du code général des impôts. »
La parole est à Mme Michèle Vullien.