Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.
M. Antoine Karam. Je n’insisterai pas trop, car je viens d’avoir un excellent avocat… Merci, cher collègue Michel Magras.
Dans cet hémicycle, nous sommes un certain nombre d’anciens enseignants – en tant que sénateurs, nous n’avons plus le droit d’enseigner –, et chaque enseignant est maître de sa pédagogie dans sa classe.
Si je souhaite que l’on inscrive cette mesure dans la loi, c’est parce que nous avons été oubliés pendant trop longtemps. Souvent, les enseignants d’histoire ne savaient même pas comment avaient été construits les outre-mer ! Il a fallu une loi – du reste, nombreux ont été celles et ceux qui l’ont commémorée dans le jardin du Luxembourg, il y a quelques jours – pour graver dans le marbre que l’esclavage est un crime contre l’humanité. C’est pour cette raison que, dans toutes les salles de classe en France et en outre-mer, on enseigne cet épisode de notre histoire.
J’insiste sur cette visualisation pour éviter de s’entendre dire à La Poste ou ailleurs quand on veut faire un envoi en Guyane : la Guyane, ce n’est pas la Guinée ? On se trompe toujours de continent ! Il faut en finir une fois pour toutes ; c’est une question de bon sens et c’est tout à l’honneur de la France, dans son immensité, dans sa dimension multimondiale. C’est, pour nous, un acte de foi très fort que d’afficher une telle carte. Je demande qu’elle soit affichée non dans chaque salle de classe, mais dans les salles où sont dispensés les cours d’histoire et de géographie. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Nous sommes d’accord avec un certain nombre des propos tenus.
L’amendement de notre collègue Karam est fort bien adapté. Que toutes les salles de classe de lycée, où il y a des salles de chimie, de biologie, etc., ne disposent pas de carte, pourquoi pas ? Mais avant d’arriver dans le secondaire, l’élève poursuit son parcours à l’école primaire. Or, dans ces salles de classe, sont affichées des cartes de France. Et il semble normal que l’outre-mer y soit représenté. Imaginez une carte de France sans la Corse et Belle-Île ! Tout le monde crierait au scandale ! Eh bien, au même titre, l’outre-mer fait partie de notre pays.
En tant que sénateurs, nous défendons les territoires. Il nous appartient aussi de défendre l’outre-mer. C’est pourquoi nous voterons en faveur de l’amendement de M. Karam.
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu, pour explication de vote.
M. Robert Laufoaulu. Je soutiens l’amendement de M. Karam, qui va dans le sens d’une meilleure connaissance des outre-mer.
Je m’en souviens, lorsque j’avais reçu, au Sénat, voilà une quinzaine d’années, le président de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna, un responsable du Sénat lui avait demandé si Wallis-et-Futuna se situait bien à côté de La Réunion. (Rires.) J’avais alors eu honte et j’étais gêné.
L’amendement de M. Karam est de nature à faire progresser la connaissance des outre-mer.
Je m’en souviens également, il y a une dizaine ou une quinzaine d’années, lorsque les chauffeurs de taxi me demandaient d’où je venais, ils n’avaient aucune réaction lorsque je répondais : « de Wallis-et-Futuna ». Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui, dès que je prononce le nom Wallis, disent : « Wallis-et-Futuna ? » Je suis vraiment heureux de constater que nos territoires d’outre-mer sont un peu mieux connus.
Avec l’adoption de l’amendement de M. Karam, nos enfants auront une meilleure connaissance de nos outre-mer et aimeront davantage les territoires d’outre-mer et leurs camarades qui y vivent.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour explication de vote.
M. Jacques Grosperrin. Ces amendements sont en discussion commune, alors qu’ils n’ont rien en commun.
Le rapporteur l’a bien expliqué, la commission a supprimé le fait de pouvoir afficher dans les salles de classe la carte de France et des territoires d’outre-mer parce que cet affichage ne nous semblait pas opportun dans la mesure où tellement de choses doivent déjà figurer sur les murs que nous avons laissé aux enseignants la liberté pédagogique.
En revanche, l’amendement de M. Karam est différent. Là où est affichée une carte de France ne peuvent pas ne pas être représentés les outre-mer sur ce document.
Mmes Françoise Laborde et Josiane Costes. Tout à fait !
M. Jacques Grosperrin. Aussi, la question que l’on doit se poser est la suivante : doit-on supprimer l’ensemble des cartes de France et des outre-mer ?
Dans les salles de classe où est affichée la carte de l’Hexagone, il serait inadmissible – et je comprends votre émotion ou, en tout cas, votre mécontentement – d’ignorer les territoires d’outre-mer qui font aussi notre richesse. C’est pourquoi je serai de ceux qui voteront votre amendement, monsieur Karam. (M. Michel Vaspart applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.
Mme Samia Ghali. Je voterai bien sûr l’amendement de mon ami Karam, car il est d’une grande justesse. M. le rapporteur a évoqué précédemment la liberté pédagogique en parlant de la carte des outre-mer. Mais il n’a pas été question de liberté pédagogique quand il s’est agi du drapeau.
Si, dans les salles de classe de Guyane, ne figurait que la Guyane sur la carte, cela ne poserait-il pas problème ? Je ne comprends donc pas que nous nous posions une telle question. On ne peut pas, d’un côté, dire que nos enfants sont la République et qu’ils doivent la respecter et, de l’autre, leur expliquer que l’on reconnaît certains territoires et pas d’autres. Cet amendement est complètement utile. J’espère vraiment qu’il sera adopté ce soir.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. L’amendement d’Antoine Karam est effectivement empreint de sagesse. La France est plurielle par son histoire et sa géographie, et c’est ce qui fait sa richesse. Je veux rassurer mon collègue.
Le jeune sénateur et vieux professeur d’histoire-géographie que je suis peut lui assurer que l’immense majorité des cartes de France affichées dans les salles de classe d’histoire-géographie font figurer non seulement l’Hexagone, mais aussi toutes ces belles possessions d’outre-mer qui sont la France. Si des cartes de France incomplètes sont apposées dans certaines classes d’histoire-géographie, alors il faut les compléter. Aussi, je voterai bien volontiers son amendement.
M. Antoine Karam. Merci, mon cher collègue !
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. Je dois avouer que, ce matin, en commission, dans le flot des amendements qui ont été examinés dans un laps de temps très court, j’avais aussi voté contre l’amendement de notre collègue Karam. J’avais la préoccupation de ne pas surajouter d’obligations.
Toutefois, en relisant calmement cet amendement et après avoir entendu les arguments des uns et des autres, mon avis a évolué. Comme l’a dit Jacques Grosperrin il y a quelques instants, cet amendement ne s’inscrit pas du tout dans le même esprit.
Au travers de son amendement, Antoine Karam défend une mesure de bon sens, et le bon sens, quand il est écrit, prend encore plus de puissance. C’est pourquoi je le voterai.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Max Brisson, rapporteur. Mes chers collègues, le débat sert à faire avancer les choses.
C’est le professeur d’histoire-géographie que je demeure qui a réagi vivement tout à l’heure, estimant que la carte est un document pédagogique, qui répond à un programme. Lorsqu’il s’agit de situer la France dans le monde, il est d’une évidence absolue que les territoires d’outre-mer doivent être représentés.
S’il s’agit, à l’instar des symboles de la République que nous avons évoqués précédemment, d’afficher la France dans sa plénitude, je n’ai jamais imaginé ne pas considérer les territoires ultramarins comme pleinement français. S’il s’agit donc d’un symbole, alors oui, la carte doit représenter la France située en Europe et dans le reste du monde. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – MM. Jacques Grosperrin et Michel Vaspart applaudissent également.)
Comme l’a relevé Laurent Lafon, la commission n’a peut-être pas examiné la question sous le même angle. En conséquence, j’émets un avis de sagesse sur l’amendement de M. Karam. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 231.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er bis B est rétabli dans cette rédaction.
Article 1er bis C
Après l’article L. 511-3 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 511-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 511-3-1. – Aucun élève ne doit subir de harcèlement scolaire. »
Mme la présidente. L’amendement n° 406, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 511-3-1. – Aucun élève ne doit subir, de la part d’autres élèves, des faits de harcèlement ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions d’apprentissage susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’altérer sa santé physique ou mentale. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Cet amendement présente, à mes yeux, une grande importance dans la mesure où, pour la première fois, il vise à consacrer juridiquement la lutte contre le harcèlement scolaire.
Il convient de prendre très au sérieux ce phénomène, qui n’est pas spécifiquement français. Ce phénomène mondial, qui a des racines anciennes dans l’école, ce phénomène anthropologique d’une certaine façon, conduit à ce que des élèves peuvent se sentir persécutés par d’autres élèves, notamment des groupes d’élèves.
Il faut lutter d’autant plus résolument contre ce phénomène scolaire et anthropologique que les nouvelles technologies sont telles qu’il se déploie encore plus. Je pense évidemment au cyberharcèlement, qui est devenu très grave : le harcèlement ne s’arrête pas aux portes de l’établissement ; il poursuit nos enfants dans leur vie hors de l’école, ceux-ci étant très souvent sur les réseaux sociaux. Aussi, ce problème doit évidemment être pris à bras-le-corps, même s’il est très difficile de le résoudre.
Comme vous le savez, nous avons pris un certain nombre de mesures dans la continuité, là aussi, de celles qui ont été engagées par les gouvernements précédents, en portant l’accent sur les actions de sensibilisation au harcèlement en général, mais aussi à certains types de harcèlements. Nous voulons aller beaucoup plus loin en demandant à chaque établissement d’évoquer ce sujet, en faisant en sorte que cette question soit systématiquement envisagée dans le cadre de la formation des professeurs. Nous devons avoir la culture de la lutte contre ce harcèlement à la racine. Il faut également que les élèves soient formés à lutter eux-mêmes contre le harcèlement quand ils le rencontrent.
Nous avons eu précédemment une discussion sur la morale. On ne peut évidemment ne pas y penser sur ce point. On met les mots que l’on veut sur les sujets, mais il s’agit là, selon moi, d’un sujet moral : ce n’est pas bien de harceler autrui. On doit en prendre conscience le plus tôt possible.
Peu importe la façon dont on qualifiera le harcèlement, ce qui compte, c’est la lutte contre ce phénomène. À cet effet, il faut prévoir une base juridique renforcée.
Tel est le sens de cet amendement que je vous présente.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 489, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Amendement n° 406, alinéa 3
Supprimer les mots :
, de la part d’autres élèves,
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le ministre, par le biais de votre amendement, qui est logique, vous limitez volontairement le harcèlement scolaire à celui entre les élèves.
Cette disposition est quelque peu restrictive. En effet, nous pouvons imaginer que le harcèlement soit malheureusement le fait d’autres acteurs de l’école, des enseignants, des parents, des personnels « civils ». Voilà pourquoi il conviendrait de ne pas viser uniquement les enfants. L’actualité, les faits divers montrent que se trouvent parfois dans l’école des personnes qui ne devraient pas y être ! Leur place est ailleurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Permettez-moi de revenir sur les raisons pour lesquelles la commission a réécrit, sur ce sujet grave, le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Nous avons estimé que la rédaction était trop complexe, car ce sujet mérite d’être explicité de manière extrêmement simple et forte.
Voilà pourquoi nous avons proposé une rédaction d’une grande simplicité,…
Mme Sonia de la Provôté. Exactement !
M. Max Brisson, rapporteur. … mentionnant : « Aucun élève ne doit subir de harcèlement scolaire. »
Mme Sonia de la Provôté. Tout à fait !
M. Max Brisson, rapporteur. M. le ministre nous propose une autre rédaction qui, certes, a aussi le mérite de dire les choses fortement, simplement et clairement.
En conséquence, concernant cet amendement, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Pour ce qui concerne le sous-amendement de notre collègue Grand, qui tend à supprimer la référence aux « autres élèves », les éventuels faits de harcèlement commis par un enseignant, un personnel ou un parent d’élève relèvent d’un autre cadre et, essentiellement, du droit pénal. Aussi, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 489 ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Mes arguments rejoignent ceux du rapporteur. Je ne méconnais pas les phénomènes que vous avez décrits, monsieur le sénateur, mais il est bon de distinguer les faits qui relèvent de l’action d’élèves envers d’autres élèves, autrement dit de mineurs envers d’autres mineurs, de ceux qui relèvent de l’action d’adultes vis-à-vis de mineurs. C’est un problème distinct, qui ne s’apparente pas forcément au harcèlement. Nous n’avons pas intérêt à mettre ces actions répréhensibles sur le même plan.
J’émets donc un avis défavorable sur ce sous-amendement, même si j’en comprends l’inspiration.
Mme la présidente. Monsieur Grand, le sous-amendement n° 489 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Grand. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 489 est retiré.
La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote sur l’amendement n° 406.
Mme Maryvonne Blondin. La lutte contre le harcèlement scolaire est un sujet vraiment difficile, et il me semble important que vous la développiez, monsieur le ministre. Je souhaite toutefois vous demander des précisions sur le plan de lutte contre les violences à l’école. Est-il déjà mis en œuvre ? Dans le cas contraire, quand le sera-t-il ? Intégrera-t-il le thème du harcèlement ? Enfin, comment sera-t-il diffusé ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.
Mme Samia Ghali. Cet amendement est intéressant, monsieur le ministre. J’insiste de nouveau sur l’importance des notions de bien et de mal. Les élèves ont souvent l’impression de se prêter à un jeu et n’ont pas le sentiment de faire du mal. Malheureusement, ces jeux aboutissent parfois à la mort. Je connais ainsi le cas d’un adolescent qui s’est pendu parce qu’il n’en pouvait plus. Pourtant, il avait déposé plainte au commissariat, où il s’était rendu avec ses parents. L’école avait fait son travail, en accompagnant cet enfant. Mais aucune mesure n’a été prise ensuite. La police et la justice doivent également mieux prendre en compte la parole de ces adolescents en souffrance. Il ne suffit pas toujours d’attendre pour que cela s’arrange, et, sur ce point, monsieur le ministre, j’ai peur que ce texte ne s’arrête aux portes de l’école, alors qu’il faudrait aller au-delà, jusqu’au niveau de la justice.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J’interviendrai brièvement, notamment pour répondre à la question de Mme Blondin sur la lutte contre la violence à l’école.
Nous devons avoir une stratégie complète et cohérente de lutte contre les phénomènes de violence dans le système scolaire, le harcèlement en faisant évidemment partie.
La question des violences a déjà fait l’objet, en novembre dernier, d’un premier train de mesures concernant l’éducation nationale stricto sensu – on ne le souligne pas assez. Je pense au signalement systématique de tous les faits, à la simplification des conseils de discipline, et plus généralement au travail sur la remontée de l’information et la réaction de l’institution.
Nous avons parlé des équipes que nous avons formées sur la laïcité, le racisme et l’antisémitisme. Elles sont parfois amenées à intervenir également sur les problèmes de violence.
Certains sujets de violence scolaire relèvent du niveau interministériel. Ce n’est pas le cas du harcèlement, que l’éducation nationale a la capacité de régler seule, même si des coopérations peuvent exister avec d’autres instances.
Les sujets interministériels sont par définition complexes, ils impliquent également la justice, la police et les affaires sociales, et il est vrai que nous avons à plusieurs reprises repoussé l’échéance pour approfondir la réflexion. Mais il a toujours été prévu que ce travail aboutisse à la rentrée 2019, et ce sera effectivement le cas.
Votre question comportait une triple dimension, madame la sénatrice : la sécurité aux abords des établissements – et donc, dans une certaine mesure, la coopération entre l’éducation nationale, la police et la justice –, la coresponsabilisation des familles – ce sujet, que nous avons commencé à aborder, suppose une approche fine et individualisée, en lien avec les administrations sociales et les collectivités locales – et, enfin, la création ou la réarticulation de structures dédiées aux élèves « polyexclus », lesquels nécessitent un suivi particulier, notamment au travers des dispositifs relais.
Sur ces trois volets, le travail interministériel débouchera sur des annonces au mois de juin. Il emportera des dispositions réglementaires, qui feront l’objet de toute la concertation et la publicité nécessaires pour être opérationnelles à la rentrée de septembre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis C, modifié.
(L’article 1er bis C est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er bis C
Mme la présidente. L’amendement n° 322 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 312-16 du code de l’éducation est complétée par les mots : « et sensibilisent les élèves aux violences sexistes et sexuelles ».
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Les séances d’information et d’éducation à la sexualité dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées doivent permettre de faire reculer les violences sexistes et sexuelles, afin de véritablement contribuer à la lutte contre ces violences et de promouvoir effectivement une vision égalitaire entre les femmes et les hommes.
L’âge moyen auquel se fait une première visite sur un site pornographique est de 14 ans et 5 mois, selon une étude de l’IFOP. Il s’agit là de visites volontaires, mais si nous parlons d’exposition à des images pornographiques, un enfant a en moyenne 11 ans lorsqu’il est exposé pour la première fois à du contenu pornographique en ligne, selon une enquête conduite par l’association Ennocence. Sont notamment en cause les fenêtres pop-up, les publicités ou le visionnage forcé par une tierce personne.
L’exposition à ces images n’est pas sans conséquence, les enfants et les adolescents ayant du mal à prendre de la distance avec celles-ci. Comme le souligne le docteur Laurent Karila, psychologue et spécialiste de l’addiction sexuelle, cela génère des traumatismes. Visionner une scène pornographique à un âge très précoce – 7 ou 8 ans – est psychiquement similaire à un abus sexuel, à cause de la violence des images.
Le visionnage de scènes pornographiques a aussi une incidence sur la construction de la sexualité. Selon le sondage de l’IFOP, près d’un adolescent sur deux a tenté de reproduire des scènes vues dans des films pornographiques. Au-delà des pratiques, les élèves visionnant ces images intériorisent les rapports de force et des stéréotypes dégradants pour les femmes.
Les femmes sont très souvent représentées comme des objets et leur « non » signifie un « oui ». L’exposition précoce à la pornographie favorise donc la culture du viol.
Les élèves concernés par ces séances sont de plus en plus exposés, et ce de plus en plus jeunes, à des images violentes qui peuvent les traumatiser et influencer leur comportement.
Face à la diffusion de ces images, les établissements scolaires sont des lieux privilégiés pour déconstruire ces contenus violents et lutter contre la reproduction des violences sexistes et sexuelles.
En informant et en sensibilisant les élèves, on peut aussi les avertir. Si jamais ils sont victimes ou témoins de tels comportements, ils sauront que ces actes sont à dénoncer et ne sont pas acceptables.
Alors que les images et les vidéos pornographiques banalisent les violences sexistes et sexuelles, les établissements scolaires doivent combattre celles-ci et contribuer à l’apprentissage d’un comportement et d’une sexualité se pratiquant dans le respect des autres et de soi.
Mme la présidente. L’amendement n° 320 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Blondin, Monier et Lepage, M. Antiste, Mme S. Robert, M. Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 542-3 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au moins une séance annuelle d’information et de sensibilisation les violences faites aux femmes et sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles est inscrite dans l’emploi du temps des élèves des écoles, des collèges et des lycées. »
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Les lieux d’enseignement sont des places privilégiées pour sensibiliser chacune et chacun aux violences faites aux femmes, aux violences sexistes et sexuelles.
Ces violences se pratiquent dans les établissements scolaires et prennent de très nombreuses formes, comme le montre le dossier de L’Express « Sexisme à l’école, silence dans les rangs », qui dénonce des attouchements sexuels et d’autres formes de violence.
Afin d’endiguer ces violences sexistes et sexuelles et les violences faites aux femmes, il est nécessaire que, dès le plus jeune âge et tout au long de leur scolarité, les élèves y soient sensibilisés. Sans cet enseignement, les violences sexistes et sexuelles se perpétueront.
Il s’agit dès lors de prendre en compte cette problématique pour mieux éduquer nos enfants. L’école est le lieu idéal pour le faire, les parents étant quelquefois complètement démunis.
Nous ne pouvons pas combattre les actes dans les cours d’école, de collège ou de lycée, et plus largement dans la société, si nous ne formons pas les élèves.
Il s’agit également d’informer les jeunes filles, qui ne savent pas forcément quelle réaction adopter, sur les recours, les numéros de téléphone et la manière de se comporter. Il s’agit aussi de leur donner tous les éléments leur permettant de savoir ce qu’est une violence si elles sont concernées.
Par ces séances d’information et de sensibilisation, nous éduquerons les élèves au respect d’autrui et nous leur apprendrons à détecter, combattre et empêcher la reproduction de ces violences.
Grâce à cette sensibilisation, les jeunes seront alors plus à même de repérer les violences faites aux femmes, les violences sexistes et sexuelles et de prévenir les équipes pédagogiques ou toutes les personnes ressources qui sont présentes dans les établissements. De la même manière, les élèves seront armés pour repérer les violences en dehors des établissements scolaires et les combattre. C’est aussi un outil pour les professeurs, qui sont souvent démunis face à la violence des rapports entre les garçons et les filles, un phénomène qui les submerge.
Par cet amendement, il s’agit de former les citoyens et les citoyennes au respect de l’autre et à la construction d’une société non violente et non sexiste.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Ces deux amendements traitent de questions extrêmement importantes. Bien sûr, l’école est un lieu où l’on doit déconstruire un certain nombre de représentations et aborder ces questions.
S’agissant de l’amendement n° 322 rectifié, présenté par Mme Monier, je veux toutefois appeler votre attention sur le fait que la sensibilisation des élèves à cette question fait déjà partie de l’éducation à la sexualité, qui traite dès l’école primaire de la prévention des violences sexistes et sexuelles, en application notamment d’une circulaire du 12 septembre 2018.
En outre, l’article L. 121-1 du code de l’éducation évoque également cette question et prévoit la sensibilisation des personnels enseignants aux violences sexistes et sexuelles et à la formation au respect du non-consentement.
L’amendement n° 322 rectifié me semble donc d’ores et déjà largement satisfait par le droit existant.
Il en est de même de l’amendement n° 320 rectifié, présenté par Mme Jasmin. Ces thématiques sont également abordées dans le cadre de l’éducation à la sexualité et de l’éducation morale et civique.
Par ailleurs, je ne suis pas favorable à ce que la loi prescrive une séance annuelle d’information. L’école peine à répondre à toutes ces injonctions. On en voit bien les limites avec l’éducation à la sexualité, l’obligation de proposer trois séances annuelles étant peu appliquée. Je préfère que ces questions importantes soient pleinement intégrées dans les programmes et qu’on applique ces derniers.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de ces amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.