M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 37 rectifié.
M. Jean-François Rapin. Je le retire !
M. le président. L’amendement n° 37 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 27.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l’amendement n° 29.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je pense que nous n’avons pas eu un débat suffisamment approfondi sur la question des établissements stables.
Nous venons tous de reconnaître que la taxation du chiffre d’affaires n’était pas satisfaisante et qu’elle ne garantissait pas l’égalité de traitement avec d’autres entreprises en France.
La seule façon d’aller vers cette égalité est de considérer un certain nombre d’établissements numériques travaillant en France, selon des critères pouvant différer en fonction des analyses, comme établissements virtuels stables.
Chaque fois que nous en avons discuté dans cet hémicycle, notamment lors de l’examen des lois de finances, on ne nous a pas dit qu’il s’agissait d’une aberration, et ce d’autant moins que cette notion va être débattue au sein de l’OCDE et qu’il s’agissait de l’un des deux piliers de l’action prévue par la Commission européenne, aux côtés de la taxation sur le chiffre d’affaires.
Cette notion est vitale pour mettre en place, à terme, un dispositif égalitaire, moins contestable et moins « détournable » en termes de fiscalité.
Nous avons voté cet amendement à deux reprises. À chaque fois, le Gouvernement et parfois même notre rapporteur nous ont opposé qu’un tel dispositif ne serait pas efficace avant longtemps, car il faudrait renégocier toutes les conventions fiscales. Mais plus on tarde, moins il sera facile de rouvrir le débat sur les établissements virtuels stables.
Cette notion n’est pas contradictoire avec la proposition dont nous discutons. Il s’agit d’une première étape. Si nous n’engageons pas le débat sur la définition de l’établissement virtuel stable, qui existe déjà en Inde et en Israël et dont il est question dans les instances de l’OCDE, nous allons passer à côté d’une question majeure. Si la France veut donner l’exemple, avec cohérence et stabilité, elle doit engager ce débat.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 19 rectifié est présenté par M. Cadic, Mme Billon, MM. Kern et Guerriau et Mme Guidez.
L’amendement n° 40 est présenté par M. Frassa.
L’amendement n° 45 rectifié est présenté par MM. Bizet, Brisson, Cambon, Charon, Danesi et del Picchia, Mmes Duranton et Garriaud-Maylam, M. Grand, Mme Gruny, MM. Kennel et Laménie, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mme M. Mercier, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, M. Poniatowski, Mme Ramond et MM. Savary et Vaspart.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 7, première phrase
Supprimer le mot :
, notamment
et les mots :
de la livraison de biens ou
II. – Alinéas 30, 31 et 36
Supprimer les mots :
de livraisons de biens ou
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié.
M. Olivier Cadic. Cet amendement vise à exclure du champ des services taxables les services de mise à disposition, par voie de communications électroniques, des interfaces numériques permettant aux utilisateurs d’entrer en contact avec d’autres utilisateurs et d’interagir en vue de la livraison de biens directement entre eux.
Contrairement à la fourniture de services numériques, la vente de biens présente un degré élevé de substituabilité. L’utilisateur peut indifféremment obtenir le même bien auprès d’un utilisateur de l’interface numérique, d’un commerçant en ligne ou encore d’un commerce physique. En d’autres termes, en ciblant spécifiquement le service de mise à disposition d’une interface numérique permettant la livraison de biens entre utilisateurs, la taxe sur les services numériques, dans sa mouture actuelle, aboutit à pénaliser les circuits courts de distribution par rapport aux circuits longs, dans lesquels vient s’interposer une grande enseigne entre le petit fournisseur et le consommateur final.
Je le répète, le calibrage de la taxe et les nombreux effets d’incidence et de répercussion, souvent méconnus lorsque l’on crée une taxe, risquent finalement de renforcer les positions établies des quatre Gafa américains et d’envoyer au tapis les acteurs français et européens, soit l’exact inverse de l’objectif affiché. Cet amendement a donc pour objet d’atténuer au mieux les conséquences dommageables de cette taxe pour nos entreprises.
M. le président. L’amendement n° 40 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Max Brisson, pour présenter l’amendement n° 45 rectifié.
M. Max Brisson. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié quater, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, M. Bascher, Mmes L. Darcos et Morhet-Richaud et MM. Paccaud, Charon, Brisson, Mandelli, Houpert et Karoutchi, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Supprimer les mots :
, notamment
La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. Cet amendement reprend en partie l’objet de l’amendement précédent.
Il s’agit de faire en sorte que la taxe se concentre sur les revenus issus de la monétisation des données privées des utilisateurs français et sur la désintermédiarisation destructrice de valeur, permise par certaines de ces plateformes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Des raisons à la fois juridiques et politiques conduisent la commission à émettre un avis défavorable sur ces amendements.
Sur le plan juridique, exclure les services d’intermédiation ou les restreindre peut fragiliser le dispositif, éventuellement poser des problèmes d’égalité devant l’impôt. Ainsi, pourquoi exclure certains services et pas d’autres ? Il faut tout de même une cohérence d’assiette. C’est d’ailleurs ce que regarde le Conseil constitutionnel pour apprécier le principe d’égalité devant l’impôt, même si cela ne signifie pas que tout le monde doit payer les mêmes impôts. Au sein d’une catégorie, toute exclusion doit faire l’objet d’une justification particulière. Or aucune raison juridique ne permet d’exclure tel ou tel service à l’intérieur de cette catégorie.
Restreindre la taxe de manière importante en excluant les services d’intermédiation provoquerait des pertes de recettes importantes sur une taxe déjà fragile. En outre, ce serait non conforme à la proposition européenne – nous venons d’avoir ce débat.
Sur le plan politique, ce serait totalement contraire à la position que le Sénat a exprimée à deux reprises : d’une part, lors de l’examen de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, adoptée à l’unanimité, qui prévoit de taxer les services d’intermédiation ; d’autre part, lors de la discussion de la proposition de résolution sur le projet européen de taxe sur les services numériques, puisque les services d’intermédiation font partie de l’assiette de la taxe.
Soyons donc cohérents avec les positions qu’a exprimées le Sénat. En outre, la taxe serait fragilisée si son assiette n’était pas cohérente.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Je ne reviens pas sur les arguments du rapporteur. Exclure les services d’intermédiation reviendrait à diminuer le revenu de la taxe, ce qui poserait un problème en soi.
Si les livraisons de biens étaient concernées, cela toucherait une part importante des revenus d’Amazon, ce qui serait un peu baroque au regard des objectifs de la taxe.
Certes, l’effet sur les prix est un élément d’inquiétude.
D’une part, la concurrence continue d’exister : d’autres plateformes – certaines plateformes françaises marchent très bien – continueront à proposer ces services de place de marché et tireront les prix vers le bas.
D’autre part, les commissions d’intermédiation ne représentant qu’environ 10 % du prix, si je ne me trompe pas, l’effet risque donc d’être limité.
Par conséquent, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 rectifié et 45 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 28, présenté par MM. Savoldelli et Bocquet, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 8 à 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Pourquoi exclure les fournisseurs de contenus numériques, de services de communication, de services de paiement du champ de la taxe ? La question se pose en ces termes, et il faut y répondre. Nous ne comprenons pas les raisons pour lesquelles ils devraient être dispensés de la taxe. Cela a été souligné, y compris par le ministre de l’économie et des finances et par le rapporteur. Netflix ? Pas concerné ! PayPal ? Pas concerné ! Inutile de dresser une liste exhaustive, ces exemples suffisent.
Une autre question se pose autour du fait que les firmes soient assujetties à d’autres contributions. Ce débat a eu lieu tout à l’heure. Pourquoi une taxation unique des firmes devrait-elle prévaloir ? Si les firmes entrent dans les critères de la taxe sur le numérique, c’est-à-dire de la fiscalité numérique que nous décidons, rien ne justifie qu’elles passent à travers les mailles du filet : elles doivent être assujetties comme les autres. Il s’agit d’être cohérent avec le développement d’un secteur économique tel qu’il est.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de retirer ces exceptions.
Une fois achevé l’examen de ce texte, on en écrira le récit, comme on le fait chaque fois : au départ, on borne ; ensuite, on pose des exceptions. On a fait un geste, mais pas pour baisser les seuils. Que restera-t-il à la fin de la grande ambition, du grand courage, de la grande fermeté ? Tout cela ne fera pas événement !
M. le président. L’amendement n° 34 rectifié ter, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, M. Bascher, Mmes L. Darcos et Morhet-Richaud et MM. Paccaud, Charon, Brisson, Pointereau, Houpert et Karoutchi, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
, ou dont le mode de rémunération repose sur l’abonnement payé par les utilisateurs
La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. Il s’agit de prévoir une exclusion supplémentaire, celle des services dont le mode de rémunération repose sur l’abonnement payé par les utilisateurs, afin de se recentrer sur le ciblage publicitaire, la vente de données et l’intermédiation. En effet, ce mode de règlement d’abonnement donne lieu à paiement de TVA et à impôt sur les sociétés. Par conséquent, il ne paraît pas légitime de taxer en outre le chiffre d’affaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Je ne veux pas faire le travail du Gouvernement, mais je vais le faire un peu tout de même ! (Sourires.)
Nous avons déjà expliqué que ce dispositif était conforme au projet européen. L’idée qui prévaut, c’est en quelque sorte de taxer le travail gratuit qui est apporté par l’utilisateur – lorsqu’il y a une mise en relation, un service de rencontres. En revanche, vendre un contenu, qu’il s’agisse de musique ou de films, comme le fait Netflix, est considéré comme la vente d’un bien ou d’un service. Il n’y a donc pas d’intermédiation, et la plus-value apportée est tout à fait différente : il n’y a pas de travail gratuit, par exemple d’exploitation des données lorsque l’on fait une recherche sur Google.
C’est une question de cohérence d’assiette. La commission a souhaité en rester à l’assiette telle qu’elle avait été négociée avec nos partenaires européens. C’est la raison pour laquelle elle émet un avis défavorable sur l’amendement n° 28.
La précision que tend à apporter l’amendement n° 34 rectifié ter est utile, mais cette démarche nous semble satisfaite par le texte existant, qui considère que le mode de rémunération est neutre pour l’assujettissement à la taxe. Si le Gouvernement le confirme, la commission demandera le retrait de cet amendement ; dans le cas contraire, on peut toujours le voter…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Je reviens à la question de Netflix. Le sujet n’est pas de taxer indifféremment les grandes entreprises de l’internet, c’est d’aller chercher des acteurs qui posent des problèmes systémiques, car ils utilisent un nouveau modèle dit immersif, qui fait qu’ils connaissent tout de vous, réutilisent vos données et les monétisent. Pour cela, il s’agit de chercher, à travers un certain nombre de critères certes perfectibles, mais issus d’une négociation européenne, un certain type de modèle d’affaires fondé sur la réutilisation des données.
C’est la raison pour laquelle nous avons choisi trois critères : la vente de services d’intermédiation, la vente de données, la capacité à cibler la publicité. C’est pour cela que Netflix n’est pas concerné. Cette plateforme paie par ailleurs une taxe sur la création – taxe dite YouTube – ; elle n’est donc pas exemptée de cette obligation.
On cherche à attraper ces nouveaux types d’acteurs qui posent des problèmes, qui poussent certains à appeler à leur démantèlement, qui ont construit un modèle immersif.
Pour cette raison de fond et pour la nécessité de rester en cohérence avec la proposition européenne, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 28.
J’avoue ne pas avoir totalement compris le sujet du débat autour de l’amendement n° 34 rectifié ter. Le Gouvernement a cherché un mode de taxation qui soit neutre au mode de rémunération, soit sur abonnement ou sur commission. C’est la raison pour laquelle il émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. À défaut d’avoir été totalement convaincu par vos explications, monsieur le secrétaire d’État, et comme M. le rapporteur n’a pas fermé la porte à un vote qui serait au pire superfétatoire, mais qui garantirait en tout cas que les sociétés qui payent de l’impôt sur les sociétés et de la TVA parce qu’elles reçoivent des abonnements puissent être exemptées de cette taxe, il vaut mieux que je maintienne l’amendement et que nous le votions, mes chers collègues.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission sur l’amendement n° 34 rectifié ter ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Sagesse.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 1 rectifié bis est présenté par MM. Delahaye et Henno, Mme Férat et MM. Longeot, Cadic, Détraigne et Capo-Canellas.
L’amendement n° 36 rectifié est présenté par Mme Estrosi Sassone, MM. Husson, Daubresse, Chaize, Paccaud et de Nicolaÿ, Mme Troendlé, M. Milon, Mmes Morhet-Richaud, A.M. Bertrand et Gruny, MM. Mouiller, Bascher, Lefèvre, Calvet et Savary, Mme L. Darcos, MM. Vogel et Brisson, Mme Puissat, MM. Laménie et Bazin, Mme M. Mercier, MM. Genest et Darnaud, Mmes Duranton, Canayer et Lamure, M. Kennel, Mme Lassarade et MM. Vaspart, Mandelli, Bonhomme, Karoutchi, Poniatowski, B. Fournier et Segouin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« – les systèmes informatisés de réservation au sens du Règlement (CE) n° 80/2009 du Parlement européen et du Conseil du 14 janvier 2009 instaurant un code de conduite pour l’utilisation de systèmes informatisés de réservation et abrogeant le règlement (CEE) n° 2299/89 du Conseil ;
La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié bis.
M. Vincent Delahaye. Cet amendement a pour objet de préciser le champ des services exclus de la taxe et clarifier la situation pour les systèmes informatisés de réservation. En effet, les systèmes informatisés de réservation ne sont pas des interfaces mettant en contact les utilisateurs entre eux ; il s’agit d’un service proposant à ceux-ci un contenu numérique.
La taxe sur certains services numériques n’a vocation qu’à appréhender les services dans lesquels ce sont les utilisateurs qui jouent un rôle déterminant dans la création de valeur. Or tel n’est pas le cas des systèmes informatisés de réservation, utilisés notamment dans le domaine des transporteurs aériens. Il s’agit donc de les exclure de la future taxe sur les services numériques.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour présenter l’amendement n° 36 rectifié.
Mme Dominique Estrosi Sassone. La taxe sur les services numériques vise également à toucher les entreprises exerçant une activité économique sur un territoire où elles ne disposent d’aucune présence physique. Or certaines entreprises spécialisées dans les systèmes informatisés de réservation disposent d’un établissement stable en France et payent normalement leurs impôts. Aussi risqueraient-elles de se voir frapper par cette nouvelle taxe, ce qui aurait un impact non négligeable tant sur les capacités de recrutement du groupe que sur le secteur du voyage.
Je précise en outre qu’il existe déjà un règlement européen qui encadre strictement l’utilisation des données SIR des voyagistes, empêchant de créer de la valeur à partir des données des utilisateurs. Les données SIR ne sont pas monnayées comme les informations recensées sur les réseaux sociaux par exemple, qui enregistrent les données pour les revendre ensuite.
Au regard de ces éléments, les SIR doivent être exemptés du champ de la taxe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Avec ces amendements identiques, nos collègues abordent un type d’activité particulier.
Si une partie est monnayée, il existe un service offert aux compagnies aériennes et aux professionnels du tourisme sur lequel l’information n’est pas monnayée. Il s’agit donc d’un système tout à fait différent : la valeur, c’est l’internaute qui la crée par ses recherches.
Le Gouvernement devra préciser, notamment par instruction fiscale, le champ de la taxe pour éviter de taxer des activités qui, dans l’esprit, ne relèvent pas de cette activité d’intermédiation gratuite taxable. Peut-on aller jusqu’à l’exclusion ? Il s’agit là d’un sujet technique.
À l’Assemblée nationale, le ministre a déclaré que les services de Bercy travaillaient – ils travaillent toujours ! – avec des entreprises, notamment avec la société Amadeus pour ne pas la citer, à déterminer, pour les entreprises ayant une activité mixte, c’est-à-dire un peu spécifique, la part de services qui n’entre pas dans le champ de la taxe. Cela justifie, à mon sens, que le Gouvernement nous éclaire s’il en a la possibilité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Un travail est en effet en cours avec les entreprises concernées, car il nous apparaît qu’il n’y a pas de base légale pour les exclure totalement : si une partie des services qu’ils peuvent offrir est concernée, une autre ne l’est pas.
Nous travaillons étroitement avec les services fiscaux de manière à pouvoir leur donner une idée de l’assiette qui sera concernée et, dans des cas particuliers bien précis, leur donner plus de certitudes, par le biais d’un rescrit.
Il n’y a pas de base légale permettant d’exclure les services d’information et de réservation du champ de la taxe. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Navette !
M. le président. Voilà un avis que je ne connais pas ! (Sourires.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Sagesse ! On verra au cours de la navette.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monsieur le secrétaire d’État, j’avoue avoir du mal à suivre ces débats.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Moi aussi ! (Sourires.)
M. Fabien Gay. Le Gouvernement manifestait une ambition forte, que l’on partageait, même si l’on n’était pas tout à fait d’accord avec le mécanisme.
On a commencé par émettre une restriction pour les entreprises dégageant un chiffre d’affaires entre 350 millions et 500 millions d’euros, et nous sommes en train de voter toute une série d’amendements qui exonèrent tel ou tel secteur. Allons plus vite et ne votons pas ce texte, car je ne sais pas ce qu’il en restera à l’arrivée !
Le débat sur la question des plateformes de réservation en ligne fait surgir de nombreux autres débats sur la question du numérique, qui, je ne cesse de le rappeler, est un enjeu d’avenir. Nous devons aller au bout de ce débat, comme de celui sur la société ubérisée.
Aujourd’hui, de grandes plateformes de réservation d’hôtels, alors qu’elles n’ont aucun lit, sont en réalité le premier hôtelier national, voire européen, car une très grande majorité de la population passe par ces plateformes pour réserver une chambre. Cela pose beaucoup de questions, notamment aux commerçants et aux commerçantes et aux hôteliers et aux hôtelières, qui disent se retrouver dépossédés de leur chiffre d’affaires : ils sont obligés de traiter avec ces grandes plateformes, de céder 50 %, parfois 75 %, du prix de la nuitée et se retrouvent parfois empêchés de fixer le prix de la chambre. En outre, les banques elles-mêmes affirment que c’est non pas leur propre chiffre d’affaires, mais celui de la plateforme, et ils ne trouvent plus d’argent pour autofinancer leur propre commerce.
L’examen de ces amendements identiques ouvre un certain nombre de questions que le législateur que nous sommes doit se poser.
Pour notre part, nous ne voterons pas ces amendements identiques. Si on le fait et si on vote d’autres amendements analogues jusqu’au bout de la nuit, on finira par voter un texte qui sera une coquille vide.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié bis et 36 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Lurel, Carcenac, Kanner, Raynal, Éblé et Botrel, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly et Lalande, Mme Artigalas, MM. Bérit-Débat et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Mazuir, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Compléter cet alinéa par les mots :
ou, dans des conditions fixées par décret, s’il consulte la version française d’une interface numérique, notamment identifiée par l’adresse de domaine « .fr »
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Il s’agit de mieux appréhender l’ensemble de la part française des services numériques, donc l’assiette de la taxe.
Sur le plan technique, la référence à un terminal situé en France ne semble pas un critère suffisamment complet. C’est pourquoi cet amendement vise à ajouter un second indicateur dans des conditions qui pourraient être fixées par décret, à savoir la domiciliation de l’interface numérique utilisée lorsqu’elle est identifiée par une adresse de domaine référencée en « .fr ». L’objet est donc de compléter l’assiette de la taxe et non de la restreindre davantage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Cet amendement est étrange.
Je suis d’accord avec le début du raisonnement : l’enjeu, c’est la localisation. Où est l’internaute ? Aux termes du projet de loi, c’est par l’adresse IP ou par tout autre moyen qu’on le sait. Or l’adresse IP, ce n’est pas suffisant. J’ai appris en discutant avec la CNIL pour préparer ce projet de loi, que certains téléphones d’une grande marque avaient tous la même adresse IP. Par ailleurs, certaines entreprises ont des serveurs dont l’adresse IP est étrangère. Ainsi, si l’on consulte un site depuis le poste informatique d’une entreprise, il se peut que l’adresse IP se trouve au Luxembourg, en Angleterre ou ailleurs, parce que le serveur est localisé là-bas.
Par conséquent, à l’avenir, l’adresse IP ne sera pas forcément un moyen fiable et précis de localisation, alors que c’est la base même de la taxation. C’est la raison pour laquelle la commission a introduit un amendement tendant à préciser par décret ces conditions techniques un peu complexes permettant de localiser l’internaute.
Peut-on pour autant considérer qu’une adresse « .fr » suffise ? Voilà qui n’a pas de sens ! Le nombre de sites en « .fr » est assez réduit, me semble-t-il : de nombreux sites commerciaux français ont une adresse « .com ». Enfin, les utilisateurs étrangers peuvent se rendre sur des sites « .fr ».
Par conséquent, l’adresse du site ne permet pas de conclure que l’utilisateur ou l’une des parties est en France. Il vaut donc mieux s’en tenir à l’adresse IP, la compléter par d’autres moyens techniques permettant de localiser de manière fiable l’internaute, plutôt que de voter cet amendement, qui est sans portée pratique à mon sens.
Ce n’est pas parce qu’un site a une adresse « .fr » qu’il est en France ou qu’il n’est pas en France parce qu’il a une adresse « .com ». On ne peut en tirer aucune conclusion sur la localisation de l’internaute, qui est à la base de la taxation.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?