M. Laurent Duplomb. L’espoir fait vivre…
M. Cédric O, secrétaire d’État. Nous concentrons donc tous nos efforts sur cette démarche. Mettre en place une coopération renforcée est difficile et demande beaucoup de temps. Cela étant, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. L’amendement n° 66, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 100
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. L’alinéa 100 dispose que le rapport remis annuellement par le Gouvernement « peut » faire l’objet de débats au Parlement dans les conditions prévues par le règlement des assemblées parlementaires : cela relève de la responsabilité de chaque assemblée, le Parlement fait ce qu’il veut !
M. Jean-François Husson. Inacceptable !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Le Président de la République a parlé de lois « bavardes » : cet alinéa est totalement inutile et scandaleux, supprimons-le ! (M. Jean-Paul Émorine applaudit.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien ! Excellent amendement !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié n’est pas soutenu, non plus que les amendements identiques nos 42 et 58 rectifié bis.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est près de minuit. Je vous propose de poursuivre nos travaux : si chacun fait preuve de concision, nous pouvons achever l’examen de ce texte à une heure raisonnable.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Lurel, Carcenac, Kanner, Raynal, Éblé et Botrel, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly et Lalande, Mme Artigalas, MM. Bérit-Débat et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Mazuir, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le I de l’article 164 B est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« h. Dans les conditions définies à l’article 209 C, les bénéfices réalisés à raison de la livraison ou de la fourniture de biens ou de services en France au sens des articles 258, 259, 259 A, 259 B, 259 C et 259 D. » ;
2° Le premier alinéa du I de l’article 209 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés d’après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 108 à 117, 237 ter A et 302 septies A bis :
« a) pour les personnes autres que celles mentionnées à l’article 209 C, en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l’article 164 B ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ;
« b) pour les personnes mentionnées à l’article 209 C, en tenant compte uniquement, dans les conditions prévues par cet article, des bénéfices réalisés à raison de la livraison ou de la fourniture de biens ou de services en France mentionnés au h du I de l’article 164 B ou, pour les exercices ouverts jusqu’au 31 décembre 2028, des bénéfices mentionnés au a du I du présent article s’ils sont supérieurs. » ;
3° Après l’article 209 B, il est inséré un article 209 C ainsi rédigé :
« Art. 209 C. – I. – Pour les personnes appartenant à un groupe au sens du II du présent article qui, au cours de l’exercice ou des douze derniers mois, livre des biens ou fournit des prestations en France au sens des articles 258, 259, 259 A, 259 B, 259 C et 259 D dont la valeur excède 100 millions d’euros, les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés en retenant, dans les conditions définies au IV du présent article, l’ensemble des résultats de leurs exploitations directes ou indirectes, qu’elles soient situées en France ou à l’étranger, du groupe auquel elles appartiennent.
« Les dispositions du premier alinéa du présent I sont également applicables à toute entité juridique n’appartenant pas à un groupe qui, au cours de l’exercice ou des douze derniers mois, livre des biens ou fournit des prestations en France au sens des articles 258, 259, 259 A, 259 B, 259 C et 259 D dont la valeur excède 100 millions d’euros.
« II. – Le groupe au sens du I comprend les entités juridiques, personnes morales, organismes, fiducies ou institutions comparables, établies ou constituées en France ou hors de France placés sous le contrôle exclusif ou conjoint d’une même personne au sens de l’article L. 233-16 du code de commerce.
« III. – Une société membre du groupe mentionné au II est constituée, à son initiative ou, à défaut, par désignation de l’administration, seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû par elle-même et les autres entités juridiques membres du même groupe.
« Le résultat d’ensemble est déterminé par cette société en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des entités du groupe dans les conditions prévues aux articles 223 A à 223 K.
« IV. – La part du résultat d’ensemble du groupe mentionné au II correspondant aux bénéfices réalisés par ses membres à raison de la livraison ou de la fourniture de biens ou de services en France au sens du h du I de l’article 164 B est réputée égale à la part des ventes et prestations du groupe en France dans le total des ventes et prestations réalisés par le groupe en France et hors de France.
« Pour calculer la part des ventes et prestations réalisée en France dans le total des ventes et prestations réalisées en France et hors de France, il n’est pas tenu compte des ventes et prestations réalisées entre entités appartenant au groupe. Il n’est pas non plus tenu compte des ventes et prestations réalisées à des entités domiciliées ou établies dans un État étranger ou un territoire situé hors de France et qui y sont soumises à un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A.
« Pour les entités mentionnées au dernier alinéa du I du présent article et n’appartenant pas à un groupe, la part des bénéfices réputée réalisée à raison de la livraison ou de la fourniture de biens ou de services en France au sens du h du I de l’article 164 B est égale à la part des ventes et prestations de l’entité en France dans le total des ventes et prestations réalisées par l’entité en France et hors de France. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2021.
III. – La perte de recettes pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la majoration du taux mentionné au 1° du B du 1 de l’article 200 A du code général des impôts.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Il est défavorable. Cet amendement est contraire aux conventions fiscales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er bis A (nouveau)
En l’absence de notification préalable de la taxe sur les services numériques prévue à l’article 299 du code général des impôts à la Commission européenne en application de l’article 108 paragraphe 3 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le Gouvernement remet, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport au Parlement sur les raisons pour lesquelles la taxe précitée n’a pas été notifiée à la Commission européenne.
M. le président. L’amendement n° 21, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État. La commission des finances du Sénat demande au Gouvernement un rapport justifiant une éventuelle absence de notification de la TSN à la Commission européenne.
Nous sommes à peu près sûrs que ce n’est pas nécessaire. Certes, la taxe sur certains services numériques n’est applicable qu’aux entreprises dont le chiffre d’affaires se situe au-delà des seuils d’assujettissement, ce qui conduit de facto à placer hors du champ de la taxe les entreprises dont le chiffre d’affaires se situe en deçà.
Pour autant, ce dispositif ne peut être qualifié d’aide d’État, dès lors que les différenciations introduites s’appliquent à des entreprises qui, au regard des objectifs de la taxe, ne se trouvent pas dans une situation factuelle et juridique comparable.
Le Conseil d’État a confirmé cette analyse dans son avis sur le présent projet de loi, indiquant que les entreprises entrant dans le champ d’application de la taxe ne sont pas dans une situation objectivement comparable à celles qui en sont exclues en raison de leur taille, compte tenu du modèle économique spécifique sur lequel leur activité repose. Un arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 mai 2019 relatif à une taxe progressive sur le chiffre d’affaires vient par ailleurs conforter cette analyse.
Dès lors, notifier la TSN à la Commission européenne n’étant pas nécessaire au regard de la réglementation en matière d’aides d’État, l’article 1er bis A nous semble devoir être supprimé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Après avoir entendu le Gouvernement, j’ai encore plus envie de voter contre cet amendement…
M. Laurent Duplomb. Nous aussi !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. « Nous sommes à peu près sûrs », avez-vous dit, monsieur le secrétaire d’État. Or, aux termes de l’avis du Conseil d’État, la Cour de justice de l’Union européenne ne s’est jamais prononcée sur cette question. L’arrêt que vous mentionnez concerne un pays qui avait précisément pris la précaution de notifier à la Commission européenne.
Nous avons connu quelques contentieux assez douloureux par le passé, alors que l’on nous expliquait que tout allait bien…
M. Jean-François Husson. Tout à fait !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Le minimum de sécurité juridique, c’est donc de notifier. Votre analyse est sans doute exacte – rien ne dit qu’il y aura requalification en aide d’État –, mais si l’on ne prend pas cette précaution procédurale, il faudra rembourser la taxe en cas de requalification.
M. Laurent Duplomb. C’est déjà arrivé !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Je souhaite donc sécuriser cette taxe en la notifiant à la Commission européenne. Comme nous ne pouvons pas donner injonction au Gouvernement de le faire, nous lui demandons, afin de l’y inciter, d’expliciter dans un rapport les raisons pour lesquelles il considère que la notification n’est pas nécessaire.
M. Laurent Duplomb. Très bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Tout le monde est aujourd’hui dans la dénégation, mais des analyses très précises de juristes que j’ai lues font état des plus grands doutes sur cette question. L’arrêt du Conseil d’État est beaucoup moins clair que vous ne le laissez entendre : il dit seulement que la CJUE ne s’est pas prononcée sur ce point. Le Conseil d’État reste donc assez prudent. Soyons-le nous aussi, afin de ne pas avoir, le cas échéant, à rembourser aux Gafa la taxe perçue.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État. Monsieur le rapporteur, c’est par une forme d’humilité que j’ai employé l’expression « à peu près » ! Nous sommes absolument sûrs que cette taxe n’a pas à être notifiée à la Commission européenne. Elle est d’ailleurs un décalque assez fidèle du projet de directive.
En outre, si nous devions être amenés à notifier la TSN, ce qui, je le répète, nous semble inutile, elle ne pourrait probablement pas entrer en vigueur en 2019, la procédure prenant six bons mois.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous suivrons la commission, une grande confiance n’excluant pas une petite méfiance… Dans le passé, on a pu voir que le Gouvernement aurait dû suivre la commission des finances du Sénat quand elle préconisait d’appliquer le principe de précaution.
M. Jean-François Husson. Oh oui !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. On nous avait expliqué que la convention avec Panama était parfaite !…
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis A.
(L’article 1er bis A est adopté.)
Article 1er bis
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport dressant un état des lieux de la fiscalité pesant sur les entreprises du secteur du commerce. Il précise les différences de prélèvement entre les entreprises du commerce physique et les entreprises du commerce en ligne, notamment transnationales.
Ce rapport élabore des propositions en vue d’aboutir à un cadre fiscal plus équitable entre les différentes formes de commerce. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 1er bis
M. le président. L’amendement n° 31, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 4° du 1 de l’article 39 du code général des impôts, après les mots : « État ou territoire avec la France », sont insérés les mots : «, la taxe sur les services numériques ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. L’amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 31.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
(Non modifié)
I. – Le deuxième alinéa du I de l’article 219 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, pour les exercices ouverts du 1er janvier au 31 décembre 2019, le taux normal de l’impôt est fixé, sans préjudice des dispositions prévues au 2° du c du présent I, à 33,1/3 % pour les redevables ayant réalisé un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 250 millions d’euros. »
II. – Le chiffre d’affaires mentionné à la seconde phrase du deuxième alinéa du I de l’article 219 du code général des impôts s’entend de celui réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené s’il y a lieu à douze mois. Pour la société mère d’un groupe mentionné à l’article 223 A ou à l’article 223 A bis du code général des impôts, le chiffre d’affaires est apprécié en faisant la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
III. – Au premier alinéa du 2° du F du I de l’article 84 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, les mots : « , dans sa rédaction résultant du 1° du présent F, » sont supprimés.
IV. – Les dispositions des I et II s’appliquent aux exercices clos à compter du 6 mars 2019.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié ter, présenté par MM. Delahaye, Henno, Longeot, Cadic, Moga, Détraigne et Capo-Canellas et Mme Guidez, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Même si l’heure est un peu avancée, je vous soumets un amendement de principe.
Nous prônons le respect de la parole donnée et des engagements pris : il y va de la crédibilité du politique. Le gouvernement précédent, soutenu par de nombreux collègues socialistes ici présents, avait déjà annoncé la baisse progressive du taux de l’impôt sur les sociétés jusqu’à 25 %. (M. Claude Raynal s’exclame.) C’est la vérité, monsieur Raynal ! Je me souviens très bien de certaines prises de position en commission des finances à l’époque.
Le gouvernement actuel a repris cette annonce à son compte. Une baisse de l’impôt sur les sociétés a été inscrite dans la loi de finances pour 2019, et les entreprises ont sans doute tenu compte de cette perspective dans leurs prévisions. Aujourd’hui, on nous dit que, le Président de la République, suivi par le Parlement, ayant décidé d’augmenter les dépenses de 10 milliards d’euros, il faut trouver les recettes correspondantes. La mesure prévue à l’article 2 du présent projet de loi rapportera 1,7 milliard d’euros.
Pour notre part, monsieur le secrétaire d’État, nous pensons que, au-delà du respect des engagements pris et de la parole donnée, quand on décide des dépenses supplémentaires, il faut prévoir des économies à la même hauteur. Le Sénat a fait des propositions à cet égard : lors de la discussion du PLF pour 2019, nous avions proposé plus de 1,7 milliard d’économies, qui ont été votées dans cette enceinte mais n’ont pas été retenues par le Gouvernement. À un moment donné, il faudra avoir le courage de baisser la dépense publique plutôt que de revenir sur des baisses d’impôt pour les sociétés qui sont bienvenues pour développer l’emploi. Il importe que les entreprises se portent bien et puissent ainsi investir et embaucher.
Cet amendement est à mon sens très important. Si l’on veut que le politique soit crédible, il faut savoir maintenir le cap annoncé. En l’occurrence, le Gouvernement nous propose d’en changer : nous considérons que c’est une grave erreur. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. L’argumentation est excellente. Un engagement a effectivement été pris, et tous les pays d’Europe convergent vers un taux d’impôt sur les sociétés d’environ 20 %. La France compte parmi les pays où ce taux est le plus élevé. Comme nous sommes dans une économie ouverte, cela entraîne un déficit de compétitivité. C’est la raison pour laquelle des gouvernements, de droite et de gauche, ont proposé d’aller vers une baisse de l’impôt sur les sociétés.
M. Jean-François Husson. La main sur le cœur !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Aujourd’hui, la confiance fait défaut. Lorsque l’on annonce une trajectoire pluriannuelle de baisse, il faut s’y tenir, quels que soient les événements perturbateurs. Nous avons été amenés à voter dans l’urgence un certain nombre de dépenses supplémentaires, mais le mieux aurait été de ne pas se trouver amenés à devoir compenser des hausses d’impôts votées quelques jours auparavant…
Ce qu’a répondu Bruno Le Maire, quand je lui ai demandé s’il était prêt à s’engager concernant le PLF pour 2020, ne m’a pas du tout rassuré : je le prédis, on nous refera le coup en décembre prochain ! (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.) On nous annoncera alors que, finalement, on n’a pas les moyens de baisser le taux de l’impôt sur les sociétés à 31 %, et la baisse sera reportée d’une année. M. le ministre l’a avoué en creux. C’est même écrit en filigrane dans le programme de stabilité, mes chers collègues ! On nous dit que le taux de l’impôt sur les sociétés sera de 25 % en 2022, mais il faudra alors dégager une marge de 6 milliards d’euros d’un coup.
M. Laurent Duplomb. Surtout avec la suppression progressive de la taxe d’habitation !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Il est évident que l’on ne fera pas ce cadeau aux entreprises en fin de quinquennat.
M. Jean-François Husson. On allongera le quinquennat !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, un minimum de confiance est nécessaire. Lorsque l’on prend un engagement, on s’y tient. Les entreprises ont besoin de visibilité. Il est totalement contradictoire d’en appeler à la confiance et, en même temps, de revenir sur une telle disposition.
J’émets un avis de sagesse au nom de la commission, mais, à titre personnel, je voterai l’amendement, M. Le Maire ayant laissé entendre que la loi de finances pour 2020 ne comporterait pas la baisse d’impôt annoncée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. La baisse de l’impôt sur les sociétés est un élément clé de l’attractivité du territoire français. Elle fait partie des engagements pris par le Président de la République. Nous tiendrons l’objectif de ramener à 25 % le taux de l’impôt sur les sociétés en 2022.
Par ailleurs, nous respecterons le profil de baisse prévu pour les entreprises réalisant moins de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires, même si, compte tenu des annonces du Président de la République, nous avons suspendu cette baisse pour l’année 2019.
M. Jean-François Husson. Il y avait déjà eu une surtaxe de 5 milliards d’euros l’an dernier !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Nous sommes dans une phase de réflexion sur le financement des mesures décidées par le Président de la République, mais je m’engage devant vous, au nom du Gouvernement, à ce que le taux de l’impôt sur les sociétés soit réduit en 2020 pour toutes les entreprises.
M. Jean-François Husson. Vous l’aviez annoncé pour 2019 !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Pour 2019, le taux reste fixé à 33,3 % pour les grandes entreprises et il passe à 31,3 % pour les PME.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Coordonnez-vous avec votre ministre !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Je suis très sûr de moi en l’espèce ! Nous allons poursuivre la baisse selon la trajectoire prévue en 2020, y compris pour les grandes entreprises, le quantum restant à déterminer. En tout état de cause, il y aura bien une baisse : je m’y engage au nom du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Je m’étonne de la présentation cet amendement. On ne peut pas demander tout et le contraire ! On ne peut pas à la fois réclamer des éléments de solution à la crise sociale et rejeter des propositions, somme toute minimes, du Gouvernement, ne permettant de couvrir qu’en partie les 10 milliards d’euros de dépenses supplémentaires. C’est une question de logique.
Nous considérons que les dispositions présentées par le Gouvernement ne sont pas suffisantes, mais elles ont le mérite d’exister. Nous voterons ce qui est une mesure de rééquilibrage temporaire, ne concernant que les entreprises les plus importantes.
De surcroît, les entreprises bénéficient cette année d’un apport de 40 milliards d’euros : 20 milliards d’euros au titre du CICE et 20 milliards d’euros grâce à la baisse des charges. On peut bien leur en reprendre une petite partie au travers de la mesure proposée. Le Gouvernement s’engage par ailleurs sur une baisse de l’impôt sur les sociétés en 2020.
Je comprends bien que certains soient tentés ce soir, avant d’aller se coucher, d’en faire une petite affaire politicienne (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.),…
M. Laurent Duplomb. C’est vrai que les socialistes n’en font jamais !
M. Claude Raynal. … mais, de grâce, ce n’est pas le sujet ! Nous avons là une proposition raisonnable. Pour notre part, nous voterons contre cet amendement, dont je m’étonne qu’il émane des centristes, et non de la majorité sénatoriale. (Exclamations sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.) C’est curieux !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Des événements imprévisibles ont entraîné 10 milliards d’euros de dépenses supplémentaires en fin d’année dernière. Il n’est pas aisé de trouver immédiatement, pour l’année qui suit, un tel montant d’économies en dépenses de fonctionnement de l’État. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Ils ont en tout cas trouvé le moyen de dépenser 11 milliards d’euros !
M. le président. Mes chers collègues, laissez l’orateur s’exprimer !
M. Jean-Marc Gabouty. La proposition du Gouvernement me semble tout à fait raisonnable. Cela étant, je ne suis pas tout à fait d’accord avec M. Raynal quand il dit que les entreprises bénéficieront de 40 milliards d’euros en 2019. La plupart des entreprises préfinançant le CICE, il s’agit plutôt de 20 milliards d’euros au titre de l’année 2018 et de 20 milliards d’euros pour l’année 2019. Je me permets d’apporter ce correctif.
Il faut tout de même se féliciter que la trajectoire de baisse soit maintenue pour toutes les entreprises faisant moins de 250 millions de chiffre d’affaires. Pour ma part, je crois à l’engagement pris par le Gouvernement de ramener le taux de l’impôt sur les sociétés à 25 % en 2022.
Enfin, les uns et les autres, depuis quinze ou vingt ans, nous avons soutenu des gouvernements qui n’ont jamais baissé l’impôt sur les sociétés. Pour une fois qu’un gouvernement a décidé de le faire, allez-vous le flinguer au motif qu’il ne tient pas assez vite ses engagements ? Cela ne me paraît pas très cohérent.
Il faut maintenir ce dispositif, ne serait-ce que pour éviter d’aggraver le déficit et l’endettement publics, et ainsi faire preuve d’une rigueur budgétaire que l’auteur de cet amendement n’a de cesse d’appeler de ses vœux.