Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, qui nous est présenté bien souvent comme un texte technique, est en réalité lourd de conséquences pour l’organisation de notre modèle sportif – nous avons déjà abordé la question. En effet, le cœur de ce projet de loi, c’est évidemment la création de l’Agence nationale du sport, contrairement à ce que son titre laissait entendre.
Madame la ministre, cette méthode ne fait pas honneur à votre ministère. Il aurait été plus opportun de conduire un large débat sur notre modèle sportif, sur ses atouts, sur ses défauts et sur les éventuelles modifications à lui apporter, avant de définir les structures et les outils nécessaires à la mise en œuvre d’une politique sportive.
De ce point de vue, vous garantissez un projet de loi d’ampleur sur le sport d’ici à 2020, mais le Premier ministre n’en a pas dit mot dans son récent discours de politique générale, ce qui n’est pas pour nous rassurer.
De plus, sans attendre cet hypothétique débat, vous réformez profondément le modèle sportif français par la création, que vous demandez au Parlement de ratifier a posteriori, d’une agence dont les missions consacrent une nouvelle séparation en France entre le sport de haut niveau – la haute performance – et le sport de masse. Or tous les acteurs de terrain le savent : il est absurde et vain de vouloir l’un sans l’autre. C’est là importer une vision étrangère, anglo-américaine pour être précise, sur laquelle notre culture nationale, totalement différente, ne peut se calquer, et qui est d’ailleurs loin de tenir toutes ses promesses dans les pays où elle s’applique, même en prenant en considération les seuls critères du sport de haut niveau.
Plus grave encore : cette agence, à laquelle vous nous demandez, pour la forme, de donner notre assentiment, marque un désengagement inédit de l’État et ouvre la porte à une privatisation du sport, qui rompt avec tout ce qu’est le modèle français du sport. Ainsi le monde économique aura-t-il son mot à dire sur la politique du sport et l’utilisation des deniers publics en matière sportive. On se demande bien au nom de quoi l’État se dessaisirait volontairement de ses prérogatives au profit d’un groupement d’intérêt public tout en continuant à le financer. C’est le contraire qu’il faudrait faire : désintoxiquer le sport, tout au moins certaines disciplines, de l’argent, qui conduit parfois aux antipodes des valeurs de l’olympisme.
En revanche, dans d’autres disciplines, dans le sport amateur, et ce dans nombre de nos territoires, on tire le diable par la queue, si vous me permettez l’expression. Au-delà des questions de fond que pose votre projet, nous craignons que cette réforme ne se traduise par une véritable usine à gaz dans les territoires, précisément, même si M. le rapporteur et la commission ont tenté de clarifier les choses.
Ainsi, la circulaire du 12 juin dernier indique que l’Agence nationale du sport déploiera son action au niveau régional via les Creps, pour ce qui concerne le sport de haut niveau, Creps dont la voilure – doit-on le rappeler ? – a été amputée d’un tiers et qui, aujourd’hui, reposent essentiellement sur les régions. Mais c’est via les directions académiques des services de l’éducation nationale que s’organiserait le sport pour tous, en même temps que le préfet serait le délégué territorial de l’Agence. Et il faut ajouter la création d’un délégué auprès du recteur de région académique pour animer le réseau des équipes chargées de ses missions.
Ministère, Agence nationale du sport, Creps, Dasen, préfet, recteur, sans même parler des modifications impliquées par le service national universel concernant le sport : nos élus locaux devront avoir un bon sens de l’orientation pour trouver le bon interlocuteur et, ainsi, mener à bien les projets sportifs dans leur commune ou leur bassin de vie !
Ce que vous nous proposez n’est donc pas davantage justifié par un besoin de simplification que par le projet de fond qui le sous-tend ; et on voit difficilement ce que le pays, les élus comme les citoyens, a à gagner dans tout cela. A contrario, ce que nous y perdrions est assez clair.
La logique globale, c’est la mise en cause de l’existence même d’un véritable ministère des sports. Le travail de sape a déjà commencé, comme en témoigne la baisse du budget du sport de 6 % cette année, après une baisse de 7 % l’année précédente.
Le sort réservé aux CTS est, dans ce cadre, tragiquement parlant : le Gouvernement veut transférer un CTS sur deux vers les fédérations sportives et supprimer le concours, ce qui conduirait de fait à l’extinction, à moyen terme, de ce corps.
Mes chers collègues, je crains que nous ne perdions le point marqué ensemble, ici, la semaine dernière, en excluant les CTS des détachements d’office prévus dans le projet de loi sur la fonction publique, si nous décidions de les transférer à l’Agence nationale du sport. Puisqu’une pause dans ces transferts a été obtenue – madame la ministre, vous l’avez confirmé une nouvelle fois –, puisque la mission Cucherat Resplandy-Bernard doit rendre ses conclusions au mois d’octobre prochain – vous l’avez également rappelé –, n’optons pas pour un remède qui pourrait se révéler pire que le mal.
Le sport, en France, c’est bien davantage que le sport. Dans beaucoup de nos territoires, une partie essentielle de la cohésion sociale s’y joue. Sur le plan national, de grands événements jouent un rôle fédérateur, de cohésion nationale, à l’image du soutien populaire qui s’est tout récemment exprimé à l’égard de notre équipe féminine de foot. C’est aussi, au quotidien, un vecteur d’engagement pour des milliers de bénévoles qui font vivre le sport de proximité, dans presque toutes nos communes.
Déstabiliser ce modèle sans même avoir conduit un débat de fond sur les orientations en matière de politique sportive, alors que le haut niveau se prépare pour les prochains jeux Olympiques et Paralympiques et que la France elle-même se prépare à accueillir les JO de 2024 ; déstabiliser ce modèle, qui repose sur l’engagement de plus en plus fragile de ces millions de bénévoles, est extrêmement risqué. Nous voudrions vous en convaincre, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, par ses articles 1er et 2, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui porte ratification de l’ordonnance du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. En outre, il porte dérogation aux dispositions de droit commun s’appliquant aux contentieux des déférés préfectoraux devant les tribunaux administratifs.
Je ne m’appesantirai pas sur ces deux articles, portant application de la loi du 26 mars 2018. Mon intervention se concentrera sur l’article 3, qui vient avaliser la création, déjà effective, de l’Agence nationale du sport.
Fallait-il appréhender la refonte du modèle sportif français par un texte de circonstance, par un seul article, en procédure accélérée, d’un projet de loi visant à sécuriser juridiquement l’Agence nationale du sport à la demande du Conseil d’État ? Ou bien fallait-il fixer législativement le cadre d’une politique sportive nationale, à l’intérieur duquel l’Agence serait appelée à jouer, ou non, un rôle d’opérateur ?
Le moment n’était-il pas venu de réinterroger les notions de missions de service public, de délégation ou encore d’agrément, le sport et la société de 2019 n’étant pas le sport et la société de 1984 ou de 2000 ? Je fais bien sûr référence à la loi du 16 juillet 1984, dite Avice, relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, corrigée par la loi dite Buffet du 6 juillet 2000.
Raccrocher la problématique de l’Agence, créée en avril dernier, aux questions de voies réservées et de police de la circulation inhérentes aux JO de 2024 n’est-il pas pour le moins cavalier ?
Fallait-il inviter les parlementaires à cette importante phase de consultation de 2018 sur la gouvernance du sport, consultation sous-jacente à la mise en œuvre de l’Agence ?
Fallait-il limiter la réforme du modèle sportif à une mutation du CNDS, par une modification de ses règles statutaires et l’élargissement de son mode de gouvernance, ou bien aller plus loin ?
Fallait-il faire le choix de la forme juridique du GIP, d’un établissement public à caractère administratif, voire d’un établissement public à caractère industriel et commercial ? Fallait-il commencer par installer une agence ayant comme objet la haute performance, en reprenant la formule de Tony Estanguet – « isoler le haut niveau, en mode commando » –, avant, éventuellement, de l’élargir au développement des pratiques ? Ou bien fallait-il, dès le départ, tenter de relever les deux défis ?
Je pose beaucoup de questions et reste muet sur les réponses. Pourquoi ? Tout simplement parce que le texte dont nous sommes saisis ne nous sollicite pas sur ces questions majeures ! Pourtant, le cap fixé par l’Agence ne saurait résulter d’une confusion entre les fins et les moyens.
Il importe de créer les conditions pour que se déploie une bonne combinaison entre les politiques sportives territoriales et les plans de développement des fédérations. Ne pas réunir ces conditions compromettrait l’atteinte des ambitions affichées : 80 médailles aux JO de 2024 et 3 millions de pratiquants supplémentaires.
J’en reviens au texte qui nous occupe aujourd’hui. Au vu de la place qu’y occupent les dispositions relatives à l’Agence nationale du sport et conformément à l’avis du Conseil d’État rendu le 6 juin dernier, je me réjouis que l’on ait pu en modifier l’intitulé, par la voie d’un amendement sénatorial adopté en commission de la culture, pour y faire apparaître ce sujet. Ainsi, nous pourrons enrichir et sécuriser juridiquement cette agence, créée par un arrêté paru au Journal officiel du 20 avril 2019.
Rappelons que, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, et alors que cette instance n’avait aucune existence juridique, un amendement gouvernemental a désigné « l’Agence nationale du sport chargée de la haute performance sportive et du développement à l’accès à la pratique sportive » comme affectataire, au plus tard le 1er septembre 2019, des financements jusque-là versés au Centre national pour le développement du sport. Cette annonce posait immédiatement la question du respect des engagements financiers en cours et suscitait l’inquiétude des collectivités territoriales pour le financement et la pérennité de leurs projets.
Par un amendement, je propose d’élargir le développement des pratiques par la notion d’« activités physiques et sportives ».
Du Front populaire au début de la Ve République, l’option qui prévalait était une forme d’éducation populaire reposant sur des pratiques physiques qui n’étaient ni sportives ni compétitives. Aujourd’hui encore, la demande sociale transcende largement, et de plus en plus, les disciplines olympiques – certains évoquent une « ubérisation » du sport – avec les activités hors structures, moins élitistes, parfois activités physiques de pleine nature, parfois activités d’essence très urbaine. Ainsi l’offre du service public doit-elle dépasser la seule pratique sportive et prendre en compte les expressions corporelles nouvelles.
L’article 3 ne fait pas référence à la dimension budgétaire de l’Agence, alors même que la traduction administrative du projet de politique sportive s’est toujours heurtée, en France, au manque de moyens. Quand une organisation nouvelle se met en place – c’est le cas ici –, elle implique une nouvelle économie qui devra faire ses preuves. Une dynamique de financement est donc attendue, créée par une coopération harmonieuse des quatre acteurs impliqués, sans sous-estimer la faiblesse actuelle du mécénat d’entreprise et les difficultés financières des collectivités territoriales. Le succès de la démarche sera évalué à l’aune de la mobilisation de nouvelles ressources.
Je rappelle que les moyens affectés au CNDS ont chuté de moitié depuis deux exercices budgétaires, passant de 260 millions d’euros à 131,4 millions d’euros entre 2017 et 2019. Cette large diminution des ressources est directement liée au plafonnement de la part du produit de deux des trois taxes affectées alimentant son budget, ainsi qu’à la suspension, depuis 2018, du prélèvement exceptionnel supplémentaire de 0,3 % sur les gains de la Française des jeux, qui permettait de dégager 25 millions d’euros chaque année.
Je me permets un clin d’œil : 25 millions d’euros, c’est exactement le montant nécessaire pour expérimenter le pass sport de 500 euros pour 50 000 bénéficiaires !
Aujourd’hui, le sport n’est plus seulement du sport, tant il est évident que des facteurs qui lui sont a priori extérieurs ont investi son domaine propre, au point parfois de le dénaturer. Le sport est nu ; il ne recèle aucune vertu propre. Tout dépend de l’usage que l’on en fait. Michel Serres écrivait : « Instrument pédagogique hors pair, le sport interdit le mensonge, le sport apprend le réel. Mais maintenant, s’il ne s’agit que de gagner, alors je suis écœuré jusqu’à la mort. »
Aussi sommes-nous très attachés à l’efficacité que nous sommes en droit d’attendre de l’État dans l’affirmation de la mise en œuvre d’une vision éthique du sport, par-delà le simple énoncé des valeurs dont tout le monde se gargarise et que chacun conjugue à sa propre sauce. L’histoire est là pour nous rappeler que c’est au nom des grands principes que les pires dérives cherchent leurs justifications : nationalisme, tricheries, manipulation de compétitions, corruption, dopage, violence, alors que le sport est d’abord un humanisme.
Puisque l’Agence devient la pierre angulaire du sport de la République, il faudra préciser ses missions en matière d’exploitation optimale des vertus et des apports des APS, et dans tous les domaines : sport et éducation, sport et entreprise, sport et emploi, sport et aménagement du territoire, sport et tourisme, sport et insertion sociale, sport et lutte contre toutes formes de discrimination, sport et développement durable, etc.
Considérant que notre efficacité de parlementaires, dans les missions d’évaluation et de contrôle qui nous sont confiées, est renforcée lorsque nous sommes pleinement intégrés au sein des différentes structures, je défendrai un amendement prévoyant d’ajouter dans les statuts de l’Agence la présence de deux députés et de deux sénateurs au sein de son conseil d’administration.
Par ailleurs, veillons à ne pas démotiver les bénévoles sur le terrain, qui trouvent souvent le plein accomplissement de leur engagement dans un fonctionnement harmonieux avec les professionnels de l’encadrement. J’ai à l’esprit, bien évidemment, le rôle des conseillers techniques sportifs, dont la situation doit être traitée avec diplomatie et avec un réalisme à la hauteur de l’irremplaçable service qu’ils rendent depuis des décennies au sport français.
Sans les bénévoles, les encadrants et les supporters, que serait le club, cellule de base de toute l’architecture ? L’État doit aussi faire naître et encourager les bonnes volontés qui acceptent d’animer et de diriger les cellules sportives et les aider dans leur action.
J’ai déposé un amendement de suppression de l’alinéa de l’article 3 qui vise à faire de l’Agence, à travers son responsable de la haute performance, le gestionnaire des CTS, tant il me paraît évident qu’un GIP n’a pas à exercer la direction des ressources humaines de fonctionnaires de l’État.
Les conférences des financeurs du sport seront prochainement installées ; j’espère qu’elles le seront dans le respect de la diversité des territoires, j’ai déposé un amendement en ce sens. Elles ne trouveront leur plein effet qu’avec un accompagnement national : en matière d’équipements, par exemple, l’ANDES ne cesse de répéter, fort justement, que 22 % des installations sportives ont plus de cinquante ans d’âge et nécessitent une rénovation.
Tout attendre d’une instance nouvelle, seulement parce qu’elle installerait autour de la table ces quatre composantes, serait illusoire. Il faudra, dans le cadre des dispositifs décentralisés envisagés, des diagnostics partagés, des acteurs volontaires, des choix assumés, des contractualisations et des budgets respectés, une osmose entre sport de performance et sport du quotidien.
Oui, madame la ministre, au-delà des observations que je viens de faire, le temps d’une refondation du sport est venu, vous le dites vous-même ! Une loi en sera le passage obligé. Toutefois, on ne saurait prendre le risque de s’orienter vers une disparition du sport considéré comme un service public. Je note d’ailleurs que la fameuse agence britannique UK Sport, qui semble susciter beaucoup de fantasmes chez nous, est placée sous la tutelle du ministère de la culture, des médias et du sport, mais avec un fonctionnement totalement autonome.
Notre choix final sur ce texte sera lié au déroulement de nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout sauf anodin ! Le projet de loi en discussion ce jour nous avait été présenté par le Gouvernement comme un texte technique, il est pourtant bien plus que cela ! Il représente aujourd’hui pour nous, avant tout, l’opportunité précieuse d’ouvrir un débat devant le Parlement sur un sujet majeur auquel celui-ci n’avait jusqu’ici pas été associé : l’avenir de la politique du sport en France, de son ministère et la création de l’Agence nationale du sport.
Nous saluons l’initiative de notre rapporteur, Claude Kern, qui a replacé l’examen de ce projet de loi dans une perspective cohérente avec la réalité des enjeux qui sont devant nous.
La création de l’Agence nationale du sport pose ni plus ni moins la question de la pérennité du ministère des sports en France à plus ou moins long terme, dans la mesure où cet organisme doit en effet faire sienne une grande partie de ses moyens et de ses prérogatives. Cette nouvelle collégialité dans la conduite d’une politique publique marque une rupture culturelle significative : comme l’a voulu le Conseil national de la Résistance, c’est l’État, et lui seul, qui demeure en France, depuis soixante-quinze ans, le garant de l’intérêt général.
Les acteurs du sport et les collectivités territoriales ont appelé de leurs vœux une évolution du modèle sportif français, ils se sont impliqués dans la réforme en cours, nous ne l’ignorons pas. Aussi, parce que nous voulons le débat, nous ne souscrirons pas à la proposition de suppression de l’article 3, même si les insuffisances de ce texte sont nombreuses.
L’exécutif affiche sa volonté, à travers la création de cette nouvelle agence, de favoriser le dialogue et la concertation sur le terrain, tout en conservant une forme de primauté de l’État. Les travaux de notre rapporteur pointent pourtant le caractère pour le moins précaire d’un tel équilibre.
Nous ne trouvons pas, dans les réponses qui nous sont apportées aujourd’hui par le Gouvernement, la garantie que notre pays continuera de bénéficier, dans les prochaines années, d’une politique publique du sport pleine et entière. La proposition de notre rapporteur de prévoir la présence de parlementaires au sein de l’Agence nationale du sport permettra ainsi, très opportunément, à la chambre haute et à la chambre basse d’exercer leur pouvoir de contrôle.
Dans la même perspective, la faculté donnée aux commissions des affaires culturelles et à celles des finances du Sénat et de l’Assemblée nationale de formuler un avis sur les conventions d’objectifs signées entre l’État et l’ANS, ou encore de suivre leur mise en œuvre, manifeste notre volonté de veiller à la pérennité d’un service public du sport en France.
La capacité de l’ANS à remplir efficacement ses missions demeure aussi suspendue au sort qui sera réservé aux conseillers techniques sportifs. Nous connaissons la préoccupation constante de notre rapporteur pour la préservation de la précieuse ressource que représentent les CTS, qui se trouvent aujourd’hui dans une incertitude profonde après que le Gouvernement a affiché son intention de les transférer vers les fédérations.
Cette situation de crise est dommageable, d’abord, pour les premiers intéressés, mais également pour l’ensemble du sport de haut niveau français, et ce alors que la France s’apprête à accueillir les Jeux de la trente-troisième olympiade de l’ère moderne. Soucieux d’apporter des éléments de réponse à la situation actuelle, notre rapporteur souhaite faire affecter les conseillers techniques sportifs par le responsable de la haute performance à l’ANS.
Cette initiative s’inscrit dans le même esprit que les précédentes : la Haute Assemblée a ainsi voté, dans le cadre de l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique, une mesure visant à protéger les fonctionnaires exerçant des missions de conseiller technique sportif d’un éventuel transfert obligatoire aux fédérations sportives. Toutefois, une concertation étant toujours engagée entre le ministère et ces agents, nous ne souscrirons pas à la proposition de notre rapporteur, dont l’intention était très louable, car une affectation de ces agents à l’Agence pourrait être interprétée comme une forme d’affaiblissement du ministère. Une éventuelle inscription à l’ordre du jour d’un projet de loi sur le sport – on parle de 2020 – offrira, en outre, un cadre plus approprié pour clarifier la situation des CTS avec le recul nécessaire.
L’incertitude qui les affecte touche également les acteurs locaux, qui ignorent encore tout de l’organisation territoriale de l’Agence. En choisissant d’inscrire d’ores et déjà dans la loi les principes de sa gouvernance territoriale, notre rapporteur fait œuvre utile, car l’absence de calendrier de déploiement de son volet territorial fait en effet craindre aux acteurs locaux la mise en place, d’ici à 2024, d’un dispositif transitoire privilégiant le très haut niveau. Telle n’était pourtant pas leur attente. Aussi le Sénat se veut-il soucieux d’apporter la même clarification quant au rôle joué par les élus locaux au sein de l’Agence que celle que le Gouvernement a introduite s’agissant de l’État.
Les inquiétudes autour des moyens financiers dévolus à l’ANS sont également vives. Le compte risque de ne pas y être. Les ressources allouées au sport en France ne devraient pas sortir intactes de ces bouleversements en matière de gouvernance, qui, comme bien souvent, ont également une motivation budgétaire.
Comme l’a justement relevé le Conseil d’État, la création de l’ANS est lourde de conséquences. Elle conduira l’État à se dessaisir des deux principales dimensions de la politique du sport en France : le soutien au sport de haut niveau et à la haute performance sportive ainsi que le développement de l’accès à la pratique sportive.
Le Gouvernement ayant privilégié la voie réglementaire pour créer l’Agence, le Parlement n’avait pas eu la faculté de débattre de cette réforme, laquelle est tout sauf anecdotique. Le groupe du RDSE se félicite donc que la Haute Assemblée ait pu œuvrer sur ce sujet et entreprendre d’apporter des éléments de réponse aux nombreux points encore en suspens. Notre groupe formulera également des propositions au cours du débat, afin, notamment, d’affirmer le rôle des élus locaux et d’ancrer l’Agence dans la proximité. Comme le disait le baron de Coubertin, l’important, c’est de participer ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)