M. Philippe Dallier. C’est pavlovien !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Alors, je dirai que nous courons dans la même direction ! (Sourires.) Nous voulons tous agir avec la même ambition pour la préservation de la planète. Vous l’avez montré : c’est votre ambition. Elle est présente, cette ambition collective, dans toutes les modifications que vous avez proposées. Loin des clichés, vous avez souhaité, vous aussi, illustrer votre engagement environnemental.
Je veux citer, à cet égard, plusieurs des avancées que, de notre point de vue, vous avez apportées à ce projet de loi et sur lesquelles, avec mes services, nous avons travaillé.
J’y ai relevé des dispositions contre la publicité incitant au rebut, le renforcement de la compétence des régions, des précisions relatives aux modalités d’étiquetage, des mesures visant à mieux lutter contre le gaspillage alimentaire, ainsi que l’intégration dans le fond du texte de nombreuses dispositions que le Gouvernement prévoyait de prendre par ordonnance, concernant notamment le renforcement des pouvoirs de police des élus locaux et le régime de sanctions applicables aux éco-organismes. Enfin, j’ai noté l’adoption, au premier article de ce texte, d’un amendement porté par le groupe communiste, visant à inscrire dans la loi l’objectif fixé par le Président de la République de 100 % de plastique recyclé. Sur tous ces points, j’applaudis des deux mains.
Certaines divergences subsistent peut-être encore entre nous, mais je crois que, même là, nous avons le même objectif. Ni vous ni moi ne sommes arc-boutés sur l’article 8, relatif à la consigne, article qui a fait l’objet de beaucoup de débats.
Très objectivement, je crois que nous partageons plusieurs objectifs qui sont communs à tous les responsables, à tous les élus.
Avant tout, nous voulons protéger, à tout prix, le système public de gestion des déchets, qui est une remarquable spécificité française.
Nous voulons aussi permettre aux collectivités de ne pas regarder passer le train du changement de modèle qui se profile. Qu’on le veuille ou non, en réalité, certains acteurs industriels veulent imposer des changements, et ce, parfois, sans mettre les collectivités locales dans la boucle.
Il faut distinguer deux choses. On relève, d’une part, une volonté globale de la société d’aller vers la réutilisation, le réemploi, les produits réutilisables. Cela, mesdames, messieurs les sénateurs – vous le savez encore mieux que moi –, nous devons l’accompagner. D’autre part, il est quelque chose que nous ne pouvons pas tolérer, c’est que certaines entreprises, pour leurs profits, ou pour se verdir, utilisent certains moyens, comme le déploiement de ce que j’appelle la consigne sauvage, sans mettre les collectivités locales dans la boucle.
Nous partageons encore deux objectifs : sortir du tout-plastique pour aller vers le réemploi et la réutilisation, et répondre aux demandes répétées des Français d’instaurer un système qui leur permette, outre la lutte contre la prolifération du plastique à la source, d’avoir les moyens de faire plus pour lutter contre la pollution plastique. Ainsi, 83 % des Français interrogés souhaitent qu’on leur donne plus de moyens pour lutter contre cette pollution.
Ils veulent aussi davantage de moyens pour consommer autrement, pour consommer plus en réemployant et en réutilisant les produits qu’ils ont.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je cherche simplement, en toute humilité, à vous expliquer certains de nos choix. Je sais que certains s’y opposeront, je le comprends, mais je fais le pari de la sincérité devant vous.
Pourquoi avons-nous inscrit, dans ce projet de loi anti-gaspillage, le mot « consigne », l’expression « consigne pour réemploi, réutilisation, ou recyclage » ? Les raisons en sont multiples.
Nous pensons, d’abord, que l’avenir de la consommation est le réemploi et la réutilisation. Nous voulons mener la France vers une société où le tout-jetable n’a plus sa place, où la quantité d’emballages utilisée est drastiquement réduite, et où les emballages sont tous, à terme, réutilisables. C’est pourquoi nous avons précisé, au sein des propositions que je vous présenterai à l’article 8, qu’aucun système de consigne pour recyclage ne pourra être mis en œuvre s’il n’est pas adossé, d’une façon ou d’une autre, à une consigne pour réemploi.
Chaque année, en France, malgré les efforts sans relâche et les performances remarquables de certaines collectivités, a minima 200 millions de bouteilles, de canettes et de briques se retrouvent dans la nature. De fait, sur les 16,7 milliards de bouteilles et de canettes que nous consommons, près de 7 milliards ne sont pas recyclées. Or la tendance actuelle n’est pas bonne. La consommation nomade, hors foyer, se développe ; vous le savez encore mieux que moi. Nous voulons donner aux collectivités les moyens de faire face aux effets néfastes de ces modes de consommation.
Quant aux industriels, au travers de leurs éco-organismes, ils n’ont pas toujours honoré leurs engagements vis-à-vis des collectivités. Disons-le ! Je sais que vous le savez. Eh bien, aujourd’hui, ils ont décidé d’avancer de leur côté, sans associer les collectivités. Vous le savez comme moi, car vous l’avez vu sur vos territoires. De grands industriels du secteur agroalimentaire font alliance avec la grande distribution et installent des systèmes de consigne en vase clos, sans en parler aux élus, sans en parler aux collectivités locales.
M. Jean-François Husson. Et vous laissez faire ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Vous avez raison, monsieur le sénateur : nous ne laissons pas faire ! (Exclamations dubitatives sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Quelle vertu…
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Travaillons ensemble pour faire en sorte que cela ne soit pas possible en France ! Travaillons ensemble pour laisser les collectivités, nos collectivités, au cœur du système de gestion des déchets ! Donnons-leur les moyens, non seulement de se défendre contre ce genre de choses, mais encore d’accompagner les Français dans leurs demandes de modes de consommation différents. Voilà l’objectif !
Il faut aussi donner aux collectivités locales les moyens de lutter, comme elles le font déjà, contre une certaine opacité du système de gestion des déchets, en amont de leur responsabilité. Rendez-vous en compte : il y a des élus qui font, depuis des années, un travail remarquable de collecte, de tri et d’éducation. Or combien savent où finissent, précisément, ces plastiques ? Savent-ils seulement qu’ils finissent encore, parfois, trop souvent, en Asie ou ailleurs ? S’ils le savaient, si leurs administrés le savaient, continueraient-ils à faire confiance à certains gros acteurs du secteur ? Je n’en suis pas sûre ! Des entreprises qui ont pignon sur rue, qui se vantent d’avoir les meilleures performances possible, travaillent-elles en toute transparence, disent-elles aux élus où finissent les déchets ? Les maires peuvent-ils regarder leurs administrés les yeux dans les yeux en leur assurant savoir parfaitement où les déchets sont acheminés, savoir qu’ils ne vont pas en Asie ? Cela fait partie des questions que les Français nous posent et auxquelles nous devons répondre. Il nous faut, mesdames, messieurs les sénateurs, défendre le système public de gestion des déchets.
Dans notre projet de loi, nous avions fait le choix d’un principe de consigne large, dont les modalités resteraient à définir avec les parties prenantes concernées. Pourquoi ? Eh bien, qui est mieux placé que vous pour définir et mettre en place un système de consigne qui soit protecteur ? J’ai largement partagé cette méthodologie. J’ai eu l’occasion de vous dire que, selon nous, vous étiez les mieux placés pour mettre en place des garde-fous. Je l’ai dit au président de votre commission, M. Hervé Maurey, à Mme la rapporteure et à Mme la rapporteure pour avis. Je l’ai également dit à bien des parties prenantes.
Je souhaite que les débats qui s’ouvrent nous offrent l’occasion de mettre en place ces garde-fous et de réguler ce système de façon à ce que les dindons de la farce soient non pas les collectivités, mais bien plutôt les grands industriels.
Je ne m’explique pas pourquoi aucun amendement de régulation n’a été déposé. Je me l’explique d’autant moins que les opposants au projet ont, par exemple, autorisé la consigne pour recyclage dans les territoires ultramarins. Alors, devrait-il y avoir en France deux poids, deux mesures ?
M. Roger Karoutchi. Ce ne serait pas la première fois !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Il faut faire attention : nous devons veiller à fournir des garde-fous également dans la consigne pour recyclage. En l’état, nous n’apportons pas suffisamment de garanties attendues par les collectivités locales pour répondre aux interrogations parfois légitimes que soulève ce nouveau système.
La version adoptée en commission conduit in fine à laisser le champ totalement libre aux acteurs industriels de la boisson et de la grande distribution. Ils pourraient organiser à leur main, sans concertation, un système de consigne dans lequel les collectivités seraient hors-jeu et n’auraient pas leur mot à dire. Cela est d’autant plus grave que, dans le même temps, de nombreux acteurs industriels se sont déjà organisés pour mettre en place, sans contrainte, ce que le projet initial visait à encadrer.
C’est pourquoi nous avons déposé des amendements qui illustrent plusieurs de nos principes.
Premier principe : un dispositif de consigne pour recyclage, s’il devait être mis en place, devrait permettre de soutenir et de renforcer les initiatives de consigne pour réemploi. Il n’y a pas d’opposition entre les deux systèmes ; bien au contraire, de nombreuses synergies existent. Aucun système de consigne pour recyclage ne pourra être mis en œuvre sans qu’il soit adossé, en parallèle, à un objectif de réemploi pour la filière emballage.
Deuxième principe : ce dispositif doit avoir un impact financier positif pour les collectivités, et ce au travers de deux leviers.
Le premier de ces leviers est la réaffirmation de ce que prévoit la loi Grenelle I sur la prise en charge par l’éco-organisme de 80 % des coûts nets optimisés du bac jaune – la collecte et le tri –, et ce qu’il y ait disparition ou non des bouteilles en polytéréphtalate d’éthylène, ou PET, et des canettes, en admettant que ce soit le scénario retenu, ce que j’ignore. Cette mesure législative est sanctuarisée par une directive européenne de 2018, nous la réaffirmons dans le présent texte et nous pourrons le faire encore par voie d’amendement.
En outre, les bouteilles pourront être déconsignées en sortie de centre de tri. Cela représente des montants financiers très importants, environ cinq fois supérieurs aux sommes versées aujourd’hui par Citeo pour la collecte et le tri de ces mêmes bouteilles. On estime même que cela pourrait représenter un gain financier pour les collectivités compris entre 50 et 124 millions d’euros par an selon les hypothèses retenues. Il s’agit là des bouteilles captées par le bac jaune.
Troisième principe : les collectivités territoriales doivent être associées à la gouvernance du système de consigne qui sera mis en place. Rien ne pourra être fait sans les collectivités locales. Elles doivent avoir leur mot à dire sur les conditions et les modalités du déploiement de ces consignes et, notamment, sur l’emplacement des machines à déconsignation, de manière à accompagner les politiques de redynamisation territoriale et, en particulier, pour éviter que ces machines, si elles devaient voir le jour de façon massive, se retrouvent sur les parkings des supermarchés, modèle contre lequel nous nous élevons tous. Soyons cohérents ! Les collectivités doivent également pouvoir, si elles le souhaitent, acquérir des machines et être rémunérées par l’éco-organisme pour le service rendu.
Nous poursuivrons dans les prochaines semaines, avant l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale, la consultation commencée cette année avec les collectivités pour définir ensemble la gouvernance du dispositif, son financement et son organisation à la lumière des questionnements et des recommandations qui seront apparus lors de l’examen parlementaire du projet de loi.
Je défendrai nos amendements sur ce sujet au cours de ces débats, parce que je crois que nous avons le même objectif : définir le cadre le plus sécurisé et le plus sécurisant possible pour les collectivités. Notre volonté est bien d’agir en garant de l’intérêt général, comme vous, de manière à nous assurer que les conditions de mise en œuvre d’une consigne généralisée, si elle devait voir le jour sur les territoires, répondent bien à une ambition environnementale et à un intérêt économique ; il faut aussi que cette consigne soit développée de manière complémentaire à notre outil de collecte de tri organisé depuis des années et qui fonctionne très bien, géré qu’il est par les collectivités territoriales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en arrive au terme de cette longue présentation… (Exclamations amusées de soulagement sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais vous n’en avez pas fini avec moi ! (Sourires.)
Je suis heureuse d’engager avec vous un débat constructif et apaisé.
Je veux, pour conclure, vous dire combien ce projet de loi constitue la première brique du nouveau modèle de société que nous devons inventer ensemble : un modèle qui valorise un rapport différent et, oserai-je dire, plus sain, avec notre environnement et les objets qui peuplent notre quotidien ; une société capable de produire de la richesse à partir de la richesse déjà produite, et non simplement en creusant un peu plus profond encore dans les ressources d’une terre qui exprime presque chaque jour son épuisement ; une société, aussi, qui crée des emplois pour tous, une société qui a du sens, grâce à une nouvelle économie, une société progressivement libérée du plastique, une société écologique qui partage les responsabilités pour ne pas faire peser sur quelques-uns seulement la charge des excès de tous les autres.
Nous aurons, bien sûr, des discussions sur des détails ; nous aurons parfois, je le sais, des désaccords. Mais il nous appartient ici, au-delà des habitudes et, parfois, des rentes, de ne pas perdre de vue cette grande ambition, parce que, là encore, comme disait Romain Gary, « l’inaccessible, on le fabrique soi-même ». Je vous remercie de m’avoir écoutée et je me réjouis d’avance de nos débats ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen ; Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis, applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme Marta de Cidrac, rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dont nous commençons aujourd’hui l’examen, doit porter un message clair.
En tant que rapporteure de ce texte, je nous appelle collectivement à être au rendez-vous et à ne pas nous tromper de message. L’épuisement de nos ressources naturelles, la dégradation toujours plus rapide de nos écosystèmes, le réchauffement climatique, ou encore l’accumulation de déchets plastiques dans nos océans ne nous laissent pas le choix : nous devons aller plus loin dans notre façon de gérer nos déchets, mais nous devons surtout agir sur la prévention.
Comment produire moins de déchets ? Voilà la vraie question. Voilà ce qui nous fera sortir vraiment de l’ère du tout-jetable, ce que nous appelons tous de nos vœux, madame la secrétaire d’État.
Votre texte a été déposé sur le bureau du Sénat le 10 juillet dernier et envoyé à notre commission au fond. Je ne reviens pas sur les mesures qu’il comporte, puisque vous les avez bien présentées à l’instant.
Je ne vous cache pas, en revanche, que nous avons été nombreux, au sein de notre commission, à être déçus par son manque d’ampleur. Le Gouvernement auquel vous appartenez a placé haut les ambitions et les espoirs portés par ce texte. Le Premier ministre a lui-même souhaité en faire le premier acte de « l’accélération écologique » du quinquennat.
En réalité, il semble que ce projet de loi présente une double faiblesse. Premièrement, les mesures qu’il comporte sont pour une grande partie techniques et viennent prolonger des dispositifs déjà existants.
M. Jean-François Husson. C’est vrai !
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Deuxièmement, il n’assume pas d’orientations claires.
Je ne reviendrai pas non plus sur la forme, madame la secrétaire d’État, puisque nous avons déjà eu l’occasion de regretter certains choix, comme celui de recourir largement aux ordonnances pour des sujets que nous jugeons pourtant importants, comme les sanctions, ou encore la lutte contre les dépôts sauvages.
Je préfère vous livrer notre état d’esprit. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a largement exprimé le regret que le recul environnemental que constitue la consigne telle qu’elle était envisagée dans le texte initial vienne éclipser les avancées de ce projet de loi, comme l’interdiction de la destruction des invendus ou encore la création de nouvelles filières REP.
En effet, vous avez vous-même fait de la consigne, madame la secrétaire d’État, le « symbole » de votre texte, alors que le dispositif de consigne pour recyclage sur les bouteilles en plastique envisagé par le Gouvernement nous paraît au contraire, au mieux, anecdotique, au pire, à rebours des véritables défis environnementaux du XXIe siècle.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Ni concertée ni évaluée, cette mesure revient pour nous en réalité à donner une prime à la production de plastique et à sanctuariser, dans le même temps, la consommation de produits en plastique à usage unique. Le cas de l’Allemagne, souvent pris en exemple comme pays ayant atteint l’objectif européen des 90 % de recyclage grâce à la consigne, montre que la mise en place de cet outil a coïncidé avec une augmentation de la consommation des emballages et des contenants en plastique à usage unique. (Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, applaudit.) Ce n’est pas un hasard si les associations de protection de l’environnement se sont publiquement positionnées contre ce projet de consigne.
Comment vouloir, madame la secrétaire d’État, sortir de la société du tout-jetable avec un projet de loi centré sur le recyclage des bouteilles en plastique ?
Comment ne pas y voir également un recul dans la prise de conscience écologique, puisque se retrouve « monétarisé » un geste essentiel, aujourd’hui gratuit. Le consommateur vertueux, qui paye aujourd’hui un euro sa bouteille en plastique et la jette dans le bac jaune, devra demain la payer 15 centimes de plus, voire peut-être prendre sa voiture pour la rapporter dans un supermarché. Où est la vertu écologique ? (Murmures d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
En outre, la mise en place de cette consigne créerait de manière sous-optimale deux systèmes de collecte concurrents : le premier sur l’ensemble des emballages plastiques, financé par les contribuables via la collecte séparée, le second sur les seules bouteilles plastiques, financé par les consommateurs via la consigne. Cette dernière impliquerait une infrastructure lourde, coûteuse et ultraspécialisée de collecte, alors que le service public de gestion des déchets est déjà déployé dans la France entière et que sa polyvalence lui permet de traiter de plus en plus d’emballages différents, ce que ne permettront pas les machines de déconsignation des bouteilles.
M. Jean-François Husson. Voilà !
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. D’un point de vue économique, la consigne entraînerait une ponction sur les consommateurs de 150 à 200 millions d’euros et aurait un impact financier négatif sur les collectivités territoriales gestionnaires de déchets, qui pourrait atteindre 150 millions d’euros, avec, en outre, une prime à la sous-performance, puisque ce sont les collectivités les plus performantes en matière de collecte sélective qui seraient mécaniquement les plus pénalisées.
D’ailleurs, et vous vous en doutez, madame la secrétaire d’État, j’ai eu de nombreux échanges avec les associations d’élus locaux comme de consommateurs : elles ont publiquement exprimé leur soutien aux travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
J’en viens à l’important travail réalisé par notre commission. Je salue d’ailleurs l’ensemble de ses membres, issus de l’ensemble des groupes politiques, qui y ont largement contribué, ainsi qu’Anne-Catherine Loisier, rapporteure de la commission des affaires économiques, saisie pour avis : 164 amendements ont été adoptés et le projet de loi comporte désormais 36 articles.
Premier axe de travail, la commission a élargi le texte à la lutte contre l’ensemble des déchets plastiques, les seules bouteilles en plastique représentant moins de 10 % de ces déchets. Elle a introduit des mesures importantes visant à lutter contre le suremballage : la mise en place par les pouvoirs publics d’une trajectoire pluriannuelle de réduction de la mise sur le marché d’emballages ; l’obligation pour les entreprises les plus consommatrices d’emballages de réaliser des plans quinquennaux de prévention et d’éco-conception ; un malus financier pour les entreprises qui suremballent.
Notre commission a également souhaité renforcer la collecte séparée « hors foyer » via l’affectation d’une partie des contributions financières versées par les producteurs. Elle a interdit la distribution gratuite des bouteilles d’eau plate en plastique dans les établissements recevant du public et dans les locaux à usage professionnel.
Au regard de l’impact environnemental et sanitaire considérable de certains produits sur les milieux aquatiques, la commission a souhaité responsabiliser les producteurs de ces produits en les incitant à améliorer la conception de leurs produits ou à financer des opérations de nettoyage des milieux et de traitement de la pollution des eaux.
Deuxième axe de travail, la commission a souhaité renforcer l’information du consommateur, afin de l’inciter à être toujours plus éco-responsable. C’est dans cette perspective qu’elle a souhaité pénaliser l’apposition d’informations environnementales entretenant des confusions dans l’esprit du consommateur, comme le « point vert », qu’elle a facilité l’accès aux informations environnementales figurant sur les produits via leur dématérialisation, qu’elle a mis fin aux pratiques publicitaires visant à encourager la mise au rebut de produits encore en état de marche et qu’elle a renforcé la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Troisième axe de travail, la commission a décidé de mettre l’accent sur la promotion du réemploi. De ce point de vue, sur une initiative multipartisane de nombreux sénateurs du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et de moi-même en tant que rapporteure, elle a tout d’abord recentré le dispositif de consigne prévu par le projet de loi sur le réemploi. Elle a favorisé le recours à la filière du réemploi dans le cadre de la commande publique.
La commission a également créé un fonds de réparation permettant de prendre en charge une partie des coûts de réparation des produits par des réparateurs labellisés, identifiables par un annuaire en ligne. Elle a enfin fixé des objectifs de réparation au sein des cahiers des charges des éco-organismes.
Sur la question des déchets du bâtiment, qui représentent près de 15 % des déchets produits en France, la commission a choisi de conserver le principe de la création d’une nouvelle REP assorti d’une faculté pour les professionnels concernés d’y déroger par un système équivalent, permettant d’assurer la reprise gratuite des déchets. En revanche, elle a souhaité encadrer ce système par des obligations de maillage territorial des points de reprise, d’accessibilité de ces points et de traçabilité des déchets. En outre, elle a prévu que les professionnels du bâtiment devront remettre au maître d’ouvrage un certificat de traitement des déchets induits par les travaux que ce dernier fait réaliser.
La commission a également souhaité renforcer les moyens permettant de lutter contre les dépôts sauvages, notamment via un renforcement des pouvoirs de police des maires, un renforcement de la REP des véhicules hors d’usage ou encore un financement du nettoyage de ces dépôts sauvages par les éco-contributions acquittées par les producteurs.
La commission a également étendu la nouvelle filière à responsabilité élargie du producteur prévue pour les lingettes pré-imbibées à l’ensemble des textiles sanitaires. Elle a aussi renforcé la prévention et la gestion des déchets outre-mer via une majoration du barème national.
Tels sont, résumés en quelques mots, mes chers collègues, les travaux de notre commission. Madame la secrétaire d’État, nous nous retrouvons, je crois, sur les objectifs que nous souhaitons nous fixer pour aller vers une économie circulaire. Les moyens que nous proposons de mettre en œuvre pour y arriver diffèrent parfois. En tout état de cause, je ne doute pas que nos débats nous permettront d’enrichir encore ce texte important. J’espère que nous nous rejoindrons sur de nombreux points dans l’intérêt collectif, en évitant les infox. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains.)
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’un texte attendu et sous le feu de l’actualité. L’économie circulaire, longtemps abordée par petites touches isolées dans des textes relatifs à l’environnement, à l’agriculture ou à l’énergie, se voit enfin consacrer l’attention qu’elle mérite et je salue votre initiative en ce sens, madame la secrétaire d’État.
Plusieurs mesures de ce projet de loi vont dans le bon sens. C’est le cas de l’amélioration de l’information du consommateur, de l’éco-modulation, de l’interdiction de l’élimination des invendus, de l’indice de réparabilité ou de l’affichage de la disponibilité des pièces détachées. Je ne m’y attarderai pas plus longuement et me concentrerai sur trois points.
Tout d’abord, l’absence d’études d’impact sérieuses et de perspectives clairement définies fragilise ce projet de loi. Ce texte constitue malheureusement un nouvel exemple du peu de considération pour les études d’impact. Celles qui sont jointes au projet de loi s’appuient sur des chiffres établis unilatéralement, qui faisaient encore l’objet de débats voilà quelques jours, puisque les concertations avec les parties prenantes sur ces études d’impact ont été très rapides et ont occulté un certain nombre de réalités.
Or, madame la secrétaire d’État, l’étude d’impact ne doit pas être une formalité administrative. C’est le fondement de l’action, l’assise du projet de loi, une exigence constitutionnelle, un devoir vis-à-vis de nos concitoyens, mais aussi et surtout un enjeu de crédibilité et de compréhension des gouvernants.