PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
suppression des exonérations sur les services à la personne pour les seniors
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Bernard Bonne. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’action et des comptes publics, mais je vois que c’est Mme Muriel Pénicaud qui me répondra.
Madame la ministre, le Gouvernement semble poursuivre sans relâche un objectif : baisser le pouvoir d’achat des retraités !
Il y a eu la hausse de la CSG ; il y a eu la sous-indexation des retraites ; et maintenant ce sont les déductions fiscales accordées aux personnes âgées de plus de 70 ans employant une aide à domicile qui sont dans le collimateur.
Décidément, la personne âgée est bien malmenée par ce gouvernement !
Priver les personnes âgées des moyens qui leur permettent d’être accompagnées dans leur vie quotidienne serait une double erreur, mais sans doute allez-vous nous confirmer que vous renoncez à cette mesure.
Ce serait une erreur d’abord parce que le vieillissement de la population appelle des réponses multiples. Le rapport Libault, comme le mien du reste, a démontré, s’il en était besoin, que le maintien à domicile reste une priorité absolue pour le bien-être des personnes âgées et pour l’équilibre des finances publiques. Ce serait une faute ensuite parce que faire des retraités les nouveaux boucs émissaires n’est pas digne !
Les personnes âgées méritent notre respect. Vous ne pouvez pas les considérer comme une variable d’ajustement budgétaire.
Il a été annoncé que vous reculiez sur la suppression des avantages fiscaux accordés pour l’emploi d’aides à domicile. Cette décision est conforme aux déclarations de M. Darmanin sur RMC le 6 février dernier. Il avait alors indiqué qu’il n’était pas favorable à l’éventuelle suppression de niches fiscales en faveur des emplois à domicile. On ne peut qu’être d’accord.
J’espère, madame la ministre, que cet épisode de va-et-vient, peu glorieux pour le Gouvernement, vous éclairera sur le sens que vous devez donner à la réforme des retraites : il ne faut pas toucher au pouvoir d’achat des retraités.
Nous espérons tous, madame la ministre,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Bernard Bonne. … que cette volte-face sera l’occasion pour le Gouvernement de renforcer tout ce qui contribue au maintien des personnes âgées à leur domicile.
Pouvez-vous nous dire où en est le Gouvernement sur ces sujets ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le sénateur Bernard Bonne, ces dernières heures, les exonérations de charges patronales pour les personnes âgées non dépendantes employant des aides à domiciles ont suscité beaucoup…
M. Philippe Dallier. De changements !
M. Jean Bizet. Cafouillage !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je vous rappelle qu’il existe trois types d’aides pour les emplois à domicile.
Première aide : un crédit d’impôt correspondant à la prise en charge de la moitié des coûts salariaux et des cotisations pour tous les employeurs à domicile, soit environ 600 000 personnes, qu’ils soient employeurs directs ou qu’ils passent par des associations ou des entreprises spécialisées.
Deuxième aide : l’exonération partielle des charges patronales, pour tous les employeurs à domicile également, quel que soit leur âge.
Troisième aide : une exonération complète des charges patronales exclusivement réservée aux personnes âgées dépendantes et aux personnes âgées de plus de 70 ans.
Alors oui, nous avons travaillé sur l’hypothèse de ne conserver que le crédit d’impôt et les baisses de charges pour tous, et de réserver l’exonération complète des charges patronales aux personnes qui en avaient le plus besoin, les plus faibles, notamment les personnes dépendantes.
M. Jacques Grosperrin. Il y a eu un rétropédalage !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Compte tenu de l’incompréhension suscitée par cette mesure, mais aussi du peu de temps qu’il nous restait avant le début de l’examen prochainement du projet de loi de finances, le Gouvernement a décidé d’y renoncer. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
Cela étant, la question que vous posez est beaucoup plus importante et va plus loin : c’est celle de l’accompagnement du grand âge et des personnes en situation de dépendance. Nous allons tous vieillir, vivre en meilleure santé et plus longtemps : c’est bien, mais il faut dans ce contexte accompagner l’emploi à domicile. Tel sera l’objet du projet de loi sur le grand âge et la dépendance que portera Agnès Buzyn l’année prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)
poursuite de la grève dans les services d’urgence
M. le président. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme Sophie Joissains. Ma question s’adresse à Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et porte sur la grève dans les services d’urgence, grève qui a débuté il y a six mois.
Madame la ministre, en tant que médecin, vous mesurez à quel point les personnels soignants sont engagés dans l’exercice de leur métier. Cet engagement profond s’apparente le plus souvent à de l’abnégation. Nous le saluons bien bas.
Aujourd’hui, ces personnels sont à bout : impossibilité de prendre leurs jours de repos, heures supplémentaires pas toujours payées, sous-effectifs, dépressions, burn-out, risques d’erreurs médicales accrus.
Le triste accident survenu aux urgences psychiatriques de Niort le dimanche 15 septembre, en raison de l’absence d’un service de sécurité de jour, en est une terrible illustration.
La crise des urgences n’est certes pas nouvelle. Le nombre de passages annuels a doublé en vingt ans et triplé depuis 1988. La situation, qui s’est aggravée d’année en année, est aujourd’hui critique : manque de lits aux urgences et dans les services appropriés, effectifs insuffisants, revalorisation salariale inexistante.
Le pacte de refondation des urgences que vous avez présenté il y a quinze jours ouvre certes des pistes intéressantes, mais force est de constater qu’il ne répond pas à l’ensemble des besoins des personnels de santé. La grève se poursuit.
Envisagez-vous des mesures complémentaires et nouvelles afin de débloquer cette situation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je vous prie d’excuser l’absence de Mme Buzyn, qui est actuellement à l’Assemblée nationale pour l’examen du projet de loi de bioéthique.
Je ne reviendrai pas sur les causes de la saturation des services d’urgence. Le constat est connu et partagé par tous ici. Je vous parlerai de l’avenir et des solutions que nous mettons en œuvre.
Avant l’été, le Gouvernement avait demandé au député Mesnier et au professeur Carli de lui soumettre des propositions concrètes. Sur la base de leur travail, Agnès Buzyn a présenté la semaine dernière un pacte de refondation en douze mesures, salué par bon nombre de professionnels de santé.
Nous souhaitons mettre en place un service universel d’accès aux soins pour les patients afin de répondre à leurs besoins immédiats, sans rendez-vous, ce service venant en plus du médecin traitant, lequel reste le premier palier. Il faut également organiser un accès direct à l’hôpital pour les personnes âgées, sans passage par les urgences, et tout entreprendre pour éviter leur hospitalisation, chaque fois que cela est possible.
Nous voulons rendre les métiers des personnels paramédicaux plus attractifs. Nous avons accordé une prime à tous les professionnels des urgences, que nous avons étendue aux assistants régulateurs, ainsi qu’une prime de 80 euros aux personnels paramédicaux dans le cadre des protocoles de coopération.
Nous allons développer un nouveau métier, celui d’infirmier en pratique avancée, avec une rémunération augmentée.
Par ailleurs, il faut généraliser à l’hôpital une gestion informatisée des lits, avec du personnel. Il faut inviter les hôpitaux à contractualiser avec tous les établissements de leur environnement afin que ces derniers accueillent les patients après leur passage aux urgences.
Enfin, nous entendons poursuivre notre lutte contre l’intérim, qui pèse sur le budget des hôpitaux.
Les moyens alloués sont au rendez-vous et importants : ils s’élèvent à 750 millions d’euros, qui viennent s’ajouter aux 70 millions d’euros déjà engagés en juin. Nous écoutons les professionnels sur le terrain : 80 % de cette enveloppe sera consacrée à des moyens humains supplémentaires. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour la réplique.
Mme Sophie Joissains. Ces mesures paraissent en effet ambitieuses ; mais peut-être faudra-t-il aller plus loin.
plan anti-drogues présenté à marseille
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Antoine Karam. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, il y a une semaine, à Marseille, vous avez dévoilé les contours d’un nouveau plan anti-drogues destiné à réorganiser la lutte contre le trafic de stupéfiants en France.
Outre la création d’un nouvel office spécial, l’Ofast, vous avez annoncé la reconduction du plan d’action interministériel lancé en mars dernier pour renforcer la lutte contre le trafic de stupéfiants en provenance de Guyane. Pour rappel, ce trafic représenterait, selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, près de 30 % du marché français, évalué entre 25 et 30 tonnes.
Dans le même temps, en Guyane, les réseaux sociaux, puis la presse, ont révélé que, le 5 août dernier, un colis contenant 8 kilos de cocaïne avait été retrouvé « par hasard » sur la coque du cargo MN Toucan, navire essentiellement dédié au transport d’éléments de la fusée Ariane entre Kourou et l’Hexagone. Je dis bien : « par hasard », puisque le colis aimanté à la coque du cargo se serait détaché seul, attirant ainsi l’attention du personnel du port de Pariacabo, qui a donné l’alerte aux autorités.
Je ne suis pas de ceux qui s’émerveillent de l’ingéniosité des trafiquants. Je suis plutôt de ceux qui s’inquiètent qu’une telle information soit découverte plus d’un mois après les faits. Je suis de ceux qui sont ahuris par le fait qu’un cargo puisse quitter un port aussi surveillé que celui de Kourou, principalement utilisé pour les besoins du Centre spatial guyanais, avec à son bord du matériel spatial et de la cocaïne !
Vous l’avez dit, monsieur le ministre, la France ne peut pas être le terrain de jeu des trafiquants. De l’autre côté de l’Atlantique, la Guyane non plus ne peut pas être un territoire où tout est permis, où tous les moyens sont bons pour faire transiter de la drogue vers l’Europe.
Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser comment ce nouveau plan anti-drogues permettra de mieux lutter contre les trafics, de Marseille à Cayenne en passant par Paris ? Enfin, quelles mesures spécifiques entendez-vous prendre pour sécuriser les voies maritimes entre la Guyane et l’Hexagone ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – Mmes Catherine Conconne et Samia Ghali applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, la lutte contre les trafics de stupéfiants en provenance de la Guyane est une priorité de Christophe Castaner, de moi-même et de l’ensemble du Gouvernement.
Nous avons créé une antenne Ocrtis à Cayenne en 2017, laquelle est désormais complètement opérationnelle. Nous avons renforcé les effectifs, implanté des officiers de liaison au Suriname et en Guyana. Nous avons lancé en mars 2019 un plan interministériel de lutte contre les trafics de « mules », ces personnes qui voyagent avec des produits stupéfiants in corpore, notamment de la cocaïne. Nous avons accru les contrôles aux aéroports de Cayenne, d’Orly, mais aussi à la frontière, à Saint-Laurent-du-Maroni, et le long du Suriname. Nous avons de nouveau augmenté les effectifs pour lutter contre ce trafic de cocaïne.
Vous avez évoqué le plan national lancé à la demande du Président de la République et du Premier ministre pour lutter contre les trafics de stupéfiants. Il intègre bien évidemment les deux mesures que je viens d’évoquer, les actions engagées depuis 2017 et le plan d’action interministériel de lutte contre le phénomène des mules en provenance de Guyane. Ce plan va permettre d’accroître la coordination entre l’ensemble des administrations concernées et les contrôles par toutes les administrations, sur terre comme sur mer, de renforcer notre réseau d’officiers de liaison dans les différents pays d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale et d’augmenter les contrôles dans les ports d’entrée en France. Les mesures de ce plan permettront de lutter contre les trafics de stupéfiants en provenance de Guyane.
Je rappelle par ailleurs que, depuis 2016, nous avons triplé le nombre de saisies de cocaïne en Guyane. Nous sommes en effet passés de plus de 300 kilos à plus de 900 kilos entre 2016 et 2018.
Ces plans produisent d’excellents résultats, et je ne doute pas que le nouveau plan national produira les mêmes effets. Le mode opératoire que vous avez décrit, monsieur le sénateur, totalement inédit, vise à détourner les contrôles renforcés que nous mettons en place. Nous avons bien évidemment sensibilisé la gendarmerie maritime pour prévenir de nouvelles tentatives de fraude de cette manière.
Vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement pour lutter contre le trafic de stupéfiants en provenance de Guyane. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
fermeture des urgences
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Yves Roux. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
L’été est terminé et le bulletin de santé des services d’urgence est très inquiétant. Les faits sont là, abrupts. Dans nos départements, les plus ruraux en tête, ce sont des organes vitaux et structurants des territoires qui lâchent les uns après les autres.
Dans les Alpes-de-Haute-Provence, mais la situation est similaire aux quatre coins de la France et des territoires d’outre-mer, l’organe vital des urgences de Sisteron est touché de plein fouet. Les urgences de nuit ont été suspendues cet été et n’ont pas rouvert depuis. Trois postes et demi manquent à l’appel. L’organe vital des urgences de Digne-les-Bains vient d’être touché à son tour. L’hôpital, qui assure 20 000 urgences par an, alors qu’un tel service est viable avec 12 000 patients, s’apprête à perdre quatre postes. Mêmes maux, mêmes constats pour l’organe des urgences de Manosque. Mes chers collègues, vous connaissez tous la chanson !
Or les médicaments et pratiques réanimatoires mobilisés ne produisent pas les effets escomptés. Je pense au recours massif aux sapeurs-pompiers et à la mutualisation des SAMU. Chacun sait, ici sur ces travées, que ce ne sont pas des solutions durables, humainement, écologiquement et financièrement.
Alors oui, des recrutements sont prévus, mais les candidats ne se bousculent pas. Car comment les hôpitaux peuvent-ils rivaliser avec des structures privées qui s’arrêtent la nuit et sélectionnent les pathologies ? Comment rivaliser quand les services de biologie ou les plateaux techniques ne sont pas sur place ? Comment rivaliser avec des salaires faramineux en intérim de plus de 1 200 euros par jour qui flattent les comportements mercenaires ?
Des mesures structurelles ont été prises. Mais, comme toute mesure structurelle, cela prendra du temps. Or du temps, nous n’en avons pas, parce qu’il s’agit de la vie et de la santé de nos administrés, mais aussi de la survie de nos territoires.
Nous sommes tous des élus engagés au quotidien pour notre développement local, le numérique, les formations, le désenclavement, la lutte contre le réchauffement climatique. Comment pourrions-nous accepter que tout notre travail soit balayé d’un trait faute de médecins dans nos services d’urgence ?
Madame la ministre, ma question est une proposition, car chaque territoire porte en lui ses solutions : quand organiserez-vous des Grenelles des urgences dans tous les départements ? Dans les Alpes-de-Haute-Provence, nous y sommes prêts maintenant ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, j’entends votre question et j’en ferai part à Mme Buzyn, qui ne peut malheureusement pas être parmi nous cet après-midi. Mme la ministre s’est attaquée à ce sujet de préoccupation que sont les urgences dès son arrivée au ministère des solidarités et de la santé, notamment en traduisant dans la loi les orientations de « Ma santé 2022 » afin d’apporter des réponses non pas, dirais-je, aux symptômes, mais sur le long terme.
Pour ces réponses de long terme, comme je viens de le présenter avec la refonte des urgences, il s’agit non plus de regarder en arrière, mais de construire l’avenir de notre nouveau système, de trouver ensemble, avec les professionnels, les collectivités, les élus, des solutions de fond durables et innovantes.
Les urgences ne peuvent plus être la porte d’entrée du système de santé tout entier. Nous pouvons et nous devons passer à l’action pour apporter aux Français une alternative concrète et attractive au « tout-urgences ».
Nous devons créer, Mme la ministre l’a rappelé, le grand service d’accès aux soins qui manque à notre système de santé. Nous devons changer les modes de financement, aller plus loin et plus vite sur la reconnaissance et la valorisation de toutes les compétences des soignants, mais aussi mieux protéger celles et ceux qui nous soignent au quotidien.
Trouver les lits d’aval ne doit plus être un casse-tête ; nous devons le garantir et regarder les besoins en face dans chaque territoire. Il n’y a aucune consigne au niveau national de fermeture des lits. Au contraire, nous devrons en ouvrir là où les besoins sont nécessaires et, surtout, en aval des urgences.
La ministre a décidé de consacrer 750 millions d’euros au pacte de refondation des urgences, auxquels 70 millions d’euros ont été ajoutés avant l’été pour répondre au caractère d’urgence lié à la période estivale. Près de 1 milliard d’euros ont ainsi été engagés sur cette période pour trouver ensemble la réponse à ce problème de santé. Avec ces moyens, c’est tout le système Ma santé 2022 que nous complétons et que nous accélérons. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
réforme des retraites
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail.
Madame la ministre, vous avez annoncé renoncer à supprimer, dès l’an prochain, un avantage accordé jusqu’alors à toutes les personnes âgées de plus de 70 ans qui emploient une aide à domicile. Ce n’est pas de l’amateurisme de la part de votre gouvernement, mais le signe de votre déconnexion avec la réalité du quotidien de nos concitoyennes et concitoyens.
Vous espériez ainsi piquer 300 millions d’euros dans les poches des retraités. Mais après la baisse de leur pouvoir d’achat à la suite de la hausse de la CSG et de la désindexation des pensions de retraite, leur colère vous a contraints à renoncer, et c’est tant mieux ! C’était le coup de trop à six mois des élections municipales pour votre majorité.
Ma question est donc la suivante : maintenant que vous avez reculé sur les aides à domicile, quand allez-vous renoncer à votre réforme scélérate des retraites par points qui va en diminuer le montant ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire aux retraites, que nous sommes heureux de retrouver au Sénat et à qui nous souhaitons le meilleur. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis ravi de vous retrouver, et ce d’autant plus, madame Apourceau-Poly, que le projet de société que nous portons, sous votre autorité, monsieur le président, ainsi que celle de nombreux sénateurs, je pense à Jean-Marie Vanlerenberghe, vous l’aviez déjà anticipé, notamment sur le système à points.
Le regard que portent nos concitoyens sur le système actuel est sans ambiguïté. Ils le trouvent injuste, illisible, complexe, difficilement pilotable et surtout inadapté aux mobilités professionnelles nouvelles.
La question de fond que nous nous sommes posée est la suivante : quel est le principe de base de la protection sociale du XXIe siècle ? Comment garantir que l’avenir des retraites se fondera uniquement sur des solidarités professionnelles ?
Nous offrons en réalité, quels que soient les parcours, les statuts, les professions, la solidité de la Nation pour renforcer la cohésion intergénérationnelle et des principes universels clairs : à métier identique, retraite identique ; à cotisation égale, retraite égale. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la réplique.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le haut-commissaire, nous sommes du même département, mais nous ne portons évidemment pas le même projet de société !
Vous refusez d’entendre la voix des milliers de personnes qui ont manifesté samedi dans de grandes manifestations. Vous refusez d’entendre la voix de ceux qui étaient dans la rue tout à l’heure. Nous étions, avec mes collègues du groupe CRCE, aux côtés de ces milliers de manifestants que vous ne voulez pas entendre et qui remettent en cause le régime de retraite que vous leur présentez.
Une société moderne doit accorder aux salariés le repos, et pour cela il faut qu’ils soient en bonne santé. Notre système de retraite universel par répartition garantit cela. Pour permettre à toutes et tous un départ à la retraite dès 60 ans, à 37,5 annuités, nous proposons de soumettre à contribution les 51 milliards d’euros de dividendes versés aux actionnaires au second semestre 2019 ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
immigration
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, je vais y aller franchement, directement : à quoi joue le Président de la République ? Que cherche-t-il en stigmatisant, il y a une semaine, de manière frontale, le droit d’asile dans notre pays ? Quel est ce préjugé qui voudrait que les classes populaires soient obligatoirement anti-migrants ? D’ailleurs, quelle est cette nouvelle division insidieuse que suggère le Président entre les catégories de Français, vision d’une nouvelle division, finalement, entre les Français ?
Je vous interroge sur tout cela parce que nous ne comprenons pas où le Président veut nous emmener, si ce n’est vers des raccourcis contre lesquels il a été élu, dans un front républicain, en mai 2017.
Nous ne comprenons pas non plus quel est le sens, en termes de santé publique, de la restriction voulue par l’exécutif sur l’aide médicale d’État, restriction d’accès qui cède à la plus grande démagogie, que j’ai malheureusement déjà entendue sur la droite de notre hémicycle. (Murmures de protestation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Enfin, et de manière plus circonstancielle, cette nouvelle offensive du Président sur les flux migratoires signifie-t-elle que la loi du 10 septembre 2018, dite loi Asile et immigration, dont l’encre est à peine sèche, était mal faite, monsieur le Premier ministre, comme nous le dénoncions à l’époque ?
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Patrick Kanner. Nous vous demandons des explications, monsieur le Premier ministre, car il est de plus en plus inquiétant que le Président tienne un double discours, qui dénonce les populismes et extrémismes au niveau international, tout en embrayant sur des idées différentes sur le plan national. Parler le langage de son adversaire, c’est un jour prendre le risque de le faire gagner.
Alors oui, monsieur le Premier ministre, quel est ce jeu dans lequel vous voulez nous entraîner ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Kanner, la semaine dernière, avec quelques membres du Gouvernement et les parlementaires de la majorité, j’avais le plaisir d’écouter le Président de la République énoncer des éléments de politique publique auxquels il croit et faire état de ses convictions. Vous n’étiez pas présent, et c’est bien naturel, puisque vous ne soutenez pas l’action du Président de la République et que vous ne votez pas la confiance au Gouvernement. Il n’y a là strictement rien à redire !
Mais, monsieur le président Kanner, les propos prononcés par le Président de la République ne se réduisent pas à la présentation que vous en faites, peut-être parce que ce que l’on vous en a dit était incomplet. Il se trouve que j’étais présent, monsieur le président Kanner, et que j’ai entendu in extenso le discours du Président de la République : un discours d’une grande précision, d’une grande fermeté et d’une grande ouverture.
Monsieur le président Kanner, j’ai indiqué, à l’occasion de ma déclaration de politique générale, que le Parlement, Assemblée nationale et Sénat, aurait l’occasion de discuter, fin septembre, début octobre, de la politique migratoire au sens le plus large pour notre pays, depuis les politiques d’aide publique au développement ou de coopération vers les pays d’origine jusqu’aux conditions d’intégrations des étrangers qui, venus en France, ont vocation à rester sur notre territoire, sans texte ni mesure. Très souvent, en effet, lorsque nous évoquons ce sujet, nous le faisons à partir d’un texte ou d’un ensemble de mesures, ce qui est parfaitement légitime, mais toujours un peu réducteur.
L’objectif du Gouvernement, celui qui a été évoqué par le Président de la République, c’est que la représentation nationale puisse débattre, dans toutes ses dimensions, des questions que posent les migrations internationales, européennes, nationales, de l’amont à l’aval. C’est le premier point.
Deuxième point : parler de l’immigration n’est pas un gros mot et n’est pas un petit sujet. Nos concitoyens en parlent, vivent cette question, ont des avis à formuler. Ils sont parfois divers, souvent contradictoires ; ils sont parfois empreints d’angoisse ou de colère, d’espoir et d’ouverture. Cependant, monsieur le président, imaginer que ce débat n’est pas au centre des préoccupations me semble méconnaître assez largement la réalité de l’opinion publique.
Nous avons parfaitement le droit de ne pas être d’accord, vous et moi, mais j’ai le sentiment qu’évoquer de la façon la plus large possible ce sujet au sein de la représentation nationale n’est pas un contresens.
Troisième point, sans anticiper le débat que nous aurons longuement la semaine prochaine, puisque vous m’interrogez, je rappelle que le Président de la République a toujours affirmé pendant sa campagne et systématiquement depuis, y compris ce jour-là, son attachement au droit d’asile : ce n’est pas un droit sacré, car parler ainsi au Sénat aurait quelque chose de provocateur, c’est un droit consubstantiel à ce que nous sommes, non pas seulement à la République, mais à la France. Il sera préservé : le Président de la République l’a dit, je le dis et je crois que personne ici n’est contre cette idée.
Cependant, regardons la réalité en face, monsieur le président Kanner : les demandes d’asile diminuent nettement en Europe, alors qu’elles augmentent très nettement en France, et seulement en France. Un très grand nombre de ces demandes émane de pays que nous pourrions qualifier de sûrs. Cela ne signifie pas qu’il faudrait toutes les refuser, mais il est évidemment problématique qu’une demande massive provienne de pays considérés comme sûrs.
Nous devons regarder ces problèmes en face, monsieur le président, et ne pas nous abriter derrière des postures. Discutons-en avec un esprit ouvert et précis. C’est en ce sens que le Gouvernement aborde la discussion, pour voir dans tous les domaines ce que nous pouvons faire, conformément aux principes qui nous guident, pour obtenir des résultats à la hauteur des enjeux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)