M. le président. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Claude Kern. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce qu’il y a de plus incontestable dans ce projet de loi, c’est son intitulé. En effet, le gaspillage est intolérable, tout le monde en conviendra. Quant au passage d’une économie linéaire à une économie circulaire, elle est la condition sine qua non pour que notre civilisation perdure.
Mais passé l’intitulé du texte, les choses se corsent… Notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis très sévère sur le projet de loi. Je dois dire, madame la secrétaire d’État, que nous le partageons : sorti de la transposition des directives, de l’élévation au rang législatif de mesures réglementaires qui figuraient déjà dans la feuille de route pour l’économie circulaire et des fameuses habilitations à légiférer par ordonnance, le texte nous paraissait très en retrait par rapport à ce que nous pouvions en attendre. Pis, la fameuse consigne sur les bouteilles en plastique, pourtant présentée comme la mesure phare du projet…
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Je ne l’ai jamais présentée ainsi !
M. Claude Kern. … est un non-sens écologique. Alors, parlons de cette consigne pour purger la question.
Je commencerai par une petite mise en perspective : il est amusant de constater que cette mesure a polarisé les esprits et risque d’occuper une bonne partie de la discussion parlementaire, alors même que les bouteilles en plastique ne représentent que 0,2 % de l’ensemble des déchets générés en France chaque année. Il est vrai que la pollution du plastique, à laquelle les bouteilles participent largement, est l’une des plus graves qui soit. Toutefois, il faut admettre que le sujet de l’économie circulaire est autrement plus vaste.
On ne compte plus les arguments contre l’instauration de cette consigne.
Premièrement, elle est décidée par le Gouvernement sans véritable concertation. En audition, les responsables de l’Ademe, organisme auquel incombe institutionnellement l’évaluation de tels dispositifs, se sont dits incapables de se prononcer aujourd’hui sur ce sujet ; il leur faut plus de temps.
Deuxièmement, nous avons de bonnes raisons de penser que l’instauration d’une consigne sur les bouteilles en plastique n’est pas indispensable pour atteindre l’objectif européen de 90 % de bouteilles recyclées en 2025. C’est ce que révèle le rapport Stefanini commandé cet été par la commission du développement durable. Quand on ne prend en compte que ce qui est collecté auprès des ménages, les taux actuels de recyclage sont bons et progressent de manière constante. De plus, la marge d’amélioration sur la collecte hors foyer est importante. À ce niveau, je voudrais également évoquer une disposition du Grenelle qui, une fois mise en œuvre, donne d’excellents résultats au niveau de la collecte ; il s’agit de la tarification incitative, plus particulièrement de la redevance incitative.
Troisièmement, la consigne est une mauvaise nouvelle pour le consommateur. Aujourd’hui, il paye sa bouteille à un prix donné et, quand elle est vide, il la jette en bas de chez lui dans le bac approprié. Simple, basique ! Demain, avec la consigne, il devra la payer plus cher et la rapporter au magasin. Madame la secrétaire d’État, vous vous prévalez du soutien de l’opinion publique pour défendre la consigne ; il suffit pourtant d’expliquer cela aux gens pour qu’ils changent d’avis.
De plus – c’est mon quatrième point –, la consigne est un cadeau fait aux industriels. Un cadeau indirect, puisqu’elle pérennisera un modèle économique – autant de profits sanctuarisés ! –, et un cadeau direct, si la consigne ne fonctionne pas autant qu’espéré, car toute bouteille qui ne sera pas rapportée fera gagner au metteur en marché le montant de la consigne correspondante.
Pendant ce temps-là, les collectivités auront investi à perte. C’est le cinquième argument. Alors que les collectivités sont incitées à moderniser le tri depuis des décennies et qu’elles ont déjà réalisé la moitié des investissements nécessaires, on leur impose, du jour au lendemain, un virage à 180 degrés.
En termes de sécurité juridique et de confiance légitime, c’est un cas d’école ! Le résultat, c’est que les collectivités ont gelé tout nouvel investissement depuis l’annonce de la mise en place de la consigne. Elles ont raison, puisque, si la consigne est créée, les investissements déjà réalisés l’auront été à perte. La matière qui a de la valeur va se retrouver aux mains des industriels, tandis que ne restera plus au service public des déchets que ce dont personne ne veut. La perte non compensée pour les collectivités serait de 240 millions d’euros par an en 2022, alors même qu’il leur faudra mettre en place l’extension de la consigne de tri à tout emballage et, en 2025, la gestion des biodéchets.
Le dernier argument, le sixième, est le plus important. S’il ne fallait en retenir qu’un, ce serait celui-là : la consigne est un non-sens écologique ! Dans sa version initiale, il s’agissait d’une consigne pour recyclage. Or, on le sait, dans la hiérarchie des modes de traitement des déchets, le recyclage n’arrive qu’en cinquième place. Avant d’envisager le recyclage, il faut tâcher de diminuer le volume des déchets et penser à la réparation, à la réutilisation et au réemploi. Si rien de tout cela n’est possible, alors oui, le recyclage devient un mode de traitement.
En l’occurrence, recycler le plastique signifie produire toujours plus de plastique. Car, quand une bouteille est faite avec 30 % de plastique recyclé, cela signifie qu’il a fallu fabriquer 70 % de plastique nouveau ! C’est un cercle vicieux. Tous les pays qui ont adopté un tel système, à commencer par l’Allemagne, pays que je connais bien, ont vu la part du plastique monter en flèche sur leur marché.
C’est bien pourquoi, comme notre rapporteure, nous avons déposé en commission un amendement visant à limiter le principe de la consigne à la réutilisation et au réemploi, ce qui, pour le coup, est vraiment écolo ! Nous ne pouvons que nous en féliciter.
De même, nous approuvons les autres améliorations apportées au reste du texte par nos rapporteures : Marta de Cidrac, saisie au fond, et ma collègue du groupe UC Anne-Catherine Loisier, saisie pour avis. Je les félicite pour l’excellence de leur travail.
Nous saluons les efforts de simplification faits dans le cadre de l’information du consommateur, mais l’apport le plus considérable du Sénat est la valorisation, dans tous les aspects du texte, des modes prioritaires de traitement des déchets : valorisation de la réduction du volume de déchets par la fixation d’objectifs de lutte contre le suremballage ; valorisation de la réparation par la création d’un fonds dédié à ce mode de traitement au sein des éco-organismes ; valorisation du réusage et du réemploi dans tous les achats publics ou par le recentrage de la fameuse consigne.
La commission a aussi effectué un gros travail de refonte du cadre applicable aux éco-organismes, en réformant leur régime de sanction et en leur fixant des objectifs distincts de réduction des déchets, de réemploi et de recyclage. Le groupe UC a pris sa part à cette refonte, en faisant adopter un amendement qui élargit la gouvernance des éco-organismes à toutes les parties prenantes. Chacun le sait, les éco-organismes sont insuffisamment contrôlés. Le nouveau texte devrait remédier à ce problème. De même, nous nous félicitons de l’adoption de notre amendement qui généralise le recours à l’éco-modulation afin de faciliter l’atteinte des objectifs fixés aux éco-organismes.
Au bas de l’échelle des modes de traitement des déchets, la commission et le groupe UC ont aussi œuvré à privilégier la valorisation énergétique pour réduire au maximum le recours au stockage. C’est toute la problématique du développement des combustibles solides de récupération.
Je salue enfin l’effort fourni pour lutter contre les dépôts sauvages. Le Sénat a joué son rôle, en lui consacrant un titre nouveau dans le texte. Le groupe UC pense qu’il faut aller encore plus loin, en renforçant et en simplifiant les pouvoirs de sanction du maire. Nous vous présenterons un amendement qui permet d’aller dans ce sens.
Nous présenterons aussi des amendements visant à améliorer le recyclage des téléphones portables – ces propositions sont issues du rapport de Jean-François Longeot –, à éviter la sortie du statut de déchet des terres excavées, à créer une éco-contribution sur les produits non recyclables, à forcer à l’éco-conception des produits, à renforcer la lutte contre le gaspillage alimentaire ou encore à améliorer le futur traitement des biodéchets.
En conclusion, je dirai que du chemin reste à parcourir, mais le texte proposé par la commission nous permet de nous engager sur la bonne voie. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Maryse Carrère applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Didier Mandelli. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, enfin, nous y sommes ! Il aura fallu quelques décennies pour parvenir à mettre à l’ordre du jour du Parlement un projet de loi qui soit consacré entièrement à la question de nos ressources en termes de disponibilité et d’utilisation.
Bien sûr, d’autres textes ont traité partiellement ces sujets, mais la notion d’économie circulaire est apparue relativement récemment. Cette notion recouvre en réalité une approche ou des pratiques basées uniquement sur le bon sens.
Bien sûr, des citoyens, des collectivités, des entreprises, des associations, des parlementaires sont sensibles à ces thématiques, se sont investis par le passé et ont pris de nombreuses initiatives.
Bien sûr, les attentes autour de ce texte sont fortes et légitimes. Il nous revient de traduire dans la loi de façon subtile et équilibrée cette aspiration collective.
Ce projet de loi est issu d’une large concertation de plusieurs mois qui a regroupé de nombreux acteurs du secteur – entreprises, associations, collectivités… – et qui a débouché sur la publication de la feuille de route pour l’économie circulaire.
Avec Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, nous avons craint – nous l’avons écrit – que ce projet ne soit pas à la hauteur de cette concertation. Il ne semblait pas concevable qu’un projet aussi attendu ne soit composé que d’ordonnances et ne puisse pas faire l’objet d’un débat réel dans notre hémicycle. Nous sommes satisfaits de voir que nos remarques ont été entendues. Nous avons bel et bien un projet de loi qui nous a permis de débattre en commission et nous allons poursuivre nos échanges en séance durant les prochains jours.
À cet égard, je me dois de saluer le travail de la rapporteure, Marta de Cidrac, qui a permis, avec les contributions de nos collègues, de donner au texte une autre dimension. Et, contrairement à ce que vous avez déclaré dans Ouest-France, madame la secrétaire d’État, je pense que les sénateurs n’ont pas été frileux ! (Mme Jocelyne Guidez applaudit.)
Madame la secrétaire d’État, nous ne pouvons que nous réjouir que ce projet de loi puisse être examiné aujourd’hui en priorité dans la chambre haute, représentante des collectivités locales, qui sont les partenaires indispensables pour la réussite des mesures qu’il contient.
Parmi les nombreux sujets abordés, il en est un qui concerne très directement les collectivités locales, c’est celui de la gestion et du traitement des déchets.
J’ai la conviction, comme l’a démontré l’Ademe, que la redevance incitative est un élément essentiel de la réalisation des objectifs et de la compréhension de nos concitoyens à l’égard du concept d’économie circulaire – Claude Kern vient de l’évoquer. J’ai pu l’éprouver dans l’intercommunalité que j’ai eu l’honneur de présider et au niveau d’un département comme celui de la Vendée, qui obtient des résultats très positifs en termes de tri et de performance.
En incluant les collectivités qui ont engagé des études préliminaires, 16 millions de Français sont ou seront concernés par la tarification incitative – c’est insuffisant. Une incitation forte en faveur des collectivités optant pour ce système permettrait d’accélérer le développement de ce modèle vertueux – cette mesure avait d’ailleurs été suggérée dans les cinquante propositions de la feuille de route.
Avec l’élargissement des consignes de tri, les performances s’améliorent. La question du plastique ne se cantonne pas aux seules bouteilles. Comment s’appelle le geste de tri qui consiste à mettre dans un sac jaune ou un point d’apport volontaire ses bouteilles ou produits plastiques, si ce n’est une consigne non marchande ?
L’économie circulaire, c’est aussi la création de nouveaux gisements d’emplois. J’en veux pour preuve le développement du secteur du réemploi et de la réparation, qui compte désormais 6 700 structures en France et emploie 34 000 personnes, ce qui est considérable.
Le volume de biens réemployés ou réutilisés est passé en trois ans de 780 000 tonnes à 1 million, soit une augmentation de plus de 28 %. Avec 100 millions de biens échangés en 2017 via des plateformes internet ou des recycleries, les Français sont de plus en plus nombreux à opter pour des biens déjà utilisés. Une seconde vie, voire des vies multiples, s’offre à de nombreux objets et équipements.
Je suis convaincu que nous pouvons aller plus loin, en introduisant des réductions de TVA sur les produits issus du réemploi – nous pourrons évoquer ce sujet dans le cadre du projet de loi de finances.
De nombreuses entreprises ont investi dans l’économie circulaire avec l’idée que produire à partir de matières recyclées doit coûter moins cher que d’en extraire de nouvelles, ce qui paraît logique. De nombreuses barrières, comme le faible cours de certaines matières premières, ralentissent le développement du recyclage. Là encore, des dispositifs incitatifs devront être mis en place.
Il reste à écrire de nouvelles pages au-delà de ce projet de loi. Toutefois, je suis convaincu que nos débats, sous la houlette de notre rapporteure et avec la bienveillance de Mme la secrétaire d’État et du Gouvernement, enrichiront ce texte d’une manière équilibrée et permettront à la France de devenir un modèle en matière d’économie circulaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui nous oblige, une fois encore, à nous interroger sur la manière d’atteindre les objectifs de lutte contre la pollution de notre planète. Ainsi, alors que nous sommes tous d’accord pour reconnaître l’urgence d’un sursaut, nous sommes face à un texte qui prévoit des normes et des délais traduisant une méconnaissance de la vie des entreprises et des logiques économiques qui prévalent dans le monde.
Prenons l’article 1er et ses obligations d’étiquetage ou de marquage des produits s’agissant de l’incorporation de matière recyclée, l’emploi de ressources renouvelables, la durabilité ou la réparabilité.
Pour des exemples concrets, je vous invite à visiter la Cité de l’économie, qui vient d’ouvrir à Paris.
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme Élisabeth Lamure. L’un des ateliers montre, pour différents produits, le nombre incroyable de fournisseurs venant du monde entier pour des produits aussi simples, par exemple, qu’un pot de yaourt produit en France, dont la colle servant à sceller le couvercle en plastique peut provenir d’Asie. Pensez-vous que les producteurs français, notamment les plus modestes, vont être en mesure, d’ici à un an, d’obliger tous leurs fournisseurs à leur transmettre des informations aussi exhaustives, techniques et complexes à déterminer que celles requises par l’article 1er ? Fort heureusement, le texte adopté en commission prévoit un délai supplémentaire d’un an pour l’entrée en vigueur de cette mesure, comme pour celles des articles 2 à 4.
Un autre facteur de découragement de nos entreprises vient de notre tendance à surtransposer les directives européennes. Comme l’a rappelé notre collègue Pierre Médevielle au nom de la commission des affaires européennes, les mesures de transposition partielle du projet de loi sont complétées par des obligations purement nationales, c’est-à-dire des obligations que le droit européen n’impose pas.
C’est très bien d’être ambitieux en matière de protection de l’environnement, mais cela ne doit pas empêcher de prendre en compte les conséquences économiques de la surtransposition en matière de normes applicables aux entreprises françaises. C’est d’ailleurs ce que nous disons très souvent aussi pour l’agriculture.
Avec la délégation aux entreprises, nous rencontrons en permanence des dirigeants qui nous expliquent que leurs concurrents européens, auxquels des normes moins contraignantes s’appliquent, ne cessent de gagner des parts de marché en France. La faiblesse française vient de ce que nous n’évaluons jamais précisément les conséquences de telles surtranspositions, y compris s’agissant des distorsions de compétitivité. Et les grands perdants sont essentiellement nos PME !
S’il y a un message que je souhaiterais faire passer – nous ne cessons de le rappeler avec mes collègues de la délégation aux entreprises –, c’est de légiférer en prenant en compte l’impact pour les entreprises, en particulier pour les TPE et les PME. Trop souvent, les projets de loi prévoient des mesures dont les modalités et les délais de mise en œuvre sont totalement déconnectés de la réalité des processus de production. Pourtant, je voudrais rappeler que beaucoup de nos entreprises sont vertueuses. C’est le cas notamment du secteur du BTP, qui devrait atteindre l’objectif de 70 % du taux de valorisation de ses déchets. Nos artisans s’organisent déjà et les PME se mobilisent, mais tous nos chefs d’entreprise sont en permanence déstabilisés par des contraintes irréalistes qu’on leur impose de façon rigide.
Enfin, certains d’entre vous ont pu voir les reportages du journaliste Hugo Clément qui montrent des déchets plastiques de produits français ayant suivi le cheminement du recyclage dans des décharges sauvages en Malaisie : quel scandale, alors que nos entreprises ont déjà réalisé des efforts considérables pour mieux produire, alors que les citoyens ont adopté des comportements plus responsables et que les collectivités territoriales se sont mobilisées en faveur du tri sélectif ! Ces images montrent bien que l’on ne peut appréhender la question de l’économie circulaire sans prendre en compte et contrôler le devenir des déchets jusqu’au bout de la chaîne.
C’est la raison pour laquelle je me réjouis de l’adoption en commission de l’amendement d’Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, qui a pour objet de préciser que l’obligation de taux minimal d’incorporation de matière recyclée doit être évaluée au regard du bilan environnemental global. C’est bien la logique que nous devons avoir toujours en tête : une mesure qui paraît vertueuse a priori peut en réalité entraîner des conséquences néfastes, indépendantes de notre volonté nationale de bien faire.
Mes chers collègues, gardons à l’esprit cette approche, et nous rendrons un grand service non seulement à nos entreprises, mais également à l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, aujourd’hui, face à l’épuisement des énergies non renouvelables et des ressources naturelles, face au réchauffement climatique et à l’augmentation de la population mondiale, l’économie linéaire est incapable de répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux du monde. Il nous faut, et c’est une urgence, accélérer cette vision circulaire que n’aurait pas reniée en son temps Lavoisier – avant de se faire couper la tête, comme d’autres… –, quand il énonçait : « Rien ne se perd, tout se transforme ». C’est aujourd’hui d’une actualité saisissante.
Notre défi consiste donc à participer activement à cette mutation et à repenser non seulement les méthodes de production, mais aussi la distribution et les comportements des consommateurs. Il faut que chacun prenne conscience du virage à prendre. En ce sens, nous ne pouvons que saluer ce projet de loi, qui vise à apporter des solutions durables et crédibles. Nous y souscrivons en partie, à condition qu’il soit suivi d’effet. Nous avons néanmoins souhaité l’enrichir.
À ce propos, je souhaite rendre hommage à l’excellent travail de notre rapporteure au fond, qui n’a pas ménagé ses efforts, malgré les délais contraints. Je me félicite enfin de la position de la commission de l’aménagement du territoire et développement durable, qui a adopté des amendements soutenus par le groupe Les Républicains.
L’objectif à atteindre est bien de responsabiliser les metteurs sur marché dès l’amont, d’encourager les systèmes vertueux, de mieux informer le consommateur pour qu’il développe les bons gestes afin de concourir à une collecte de qualité, mais aussi d’améliorer le système de tri et de recyclage. Cependant, il était primordial, avant toute chose, de favoriser la notion de réemploi et de valorisation, car le texte, dans sa rédaction initiale, n’était centré, me semble-t-il, que sur la question de la gestion des déchets.
Or le réemploi, défini comme toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus, est lui aussi essentiel à l’économie circulaire et peut engendrer une véritable économie sociale. Nous le voyons par exemple avec les meubles et les vêtements.
Il est également nécessaire de réduire les déchets à la source et de privilégier l’éco-conception, car nous ne pouvons plus aujourd’hui nous permettre de décorréler l’analyse d’un produit de celle de son cycle de vie, qui comprend à la fois sa fin de vie, son utilisation et les différentes étapes nécessaires à sa production. À ce titre, la réforme et l’extension des filières à responsabilité élargie du producteur s’avèrent plus que jamais nécessaires. Je rappellerai que le Sénat a toujours été en pointe sur le sujet des REP.
Pour ce qui est de préserver les systèmes vertueux, je ne peux, comme d’autres avant moi, passer à côté du sujet de la consigne pour recyclage telle que vous l’avez envisagée, madame la secrétaire d’État. Nous avons fait le choix judicieux de préserver le service public « déchets », ainsi que le système de collecte efficient mis en place par les collectivités, et de concentrer nos efforts vers le hors foyer largement perfectible. Gageons que vous partagerez notre vision !
Il faut enfin une information lisible et claire pour le consommateur, et, bien évidemment, nous ne pouvons que souscrire aux simplifications proposées. Attention toutefois à ne pas déstabiliser nos entreprises qui interviennent sur le marché européen et qui seraient obligées de développer plusieurs emballages selon le marché, puisque, aujourd’hui, de nombreux pays européens continuent à rendre obligatoire le logo « point vert ». À cet égard, j’en appelle expressément au bon sens, qui voudrait que ce logo puisse continuer à être apposé sur l’emballage si celui-ci est multilingue.
En conclusion, j’insisterai sur le fait que c’est bien de la mise en commun des synergies et des actions de toute la chaîne de valeur que dépend la réussite de ce passage à une économie de valorisation. Au fond, il s’agit ni plus ni moins d’un projet politique qu’il faut avoir le courage de porter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Avant d’examiner les articles et les amendements, je voudrais dire à Mme la secrétaire d’État que j’ai été extrêmement surpris par ses propos, ce matin, dans la presse régionale et sur une radio de service public. Certains orateurs s’en sont déjà fait l’écho.
On ne peut pas, à la tribune, expliquer longuement combien on respecte le Sénat et combien on apprécie de collaborer avec lui sur ce texte et dire dans une interview que « les sénateurs n’ont pas pris les dispositions nécessaires pour préserver les intérêts des collectivités ». Il faudrait savoir : soit nous sommes des interlocuteurs responsables avec qui il est possible de travailler, soit nous sommes, comme vous le dites un peu plus loin dans l’interview, à la solde des lobbies.
Madame la secrétaire d’État, prétendre que le Sénat ne défend pas les collectivités, c’est un petit peu excessif. Je dirai même plutôt que c’est inexact et insultant. C’est de surcroît totalement démenti par les communiqués produits par les associations d’élus et de consommateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
Ajouter par ailleurs, comme vous l’avez fait, que nous sommes sous l’emprise des lobbies, notamment du lobby des gros recycleurs, qui aurait défendu ses intérêts auprès de nous, relève purement et simplement de la diffamation.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, si l’on doit parler de lobbies, parlons-en ! Quand nous avons demandé au Gouvernement une étude sur la consigne pour recyclage, qu’avons-nous eu à part un travail fourni par les fabricants de bouteilles ? En fait de demandes insistantes des lobbies, nous avons surtout reçu des messages de Coca-Cola nous expliquant combien votre dispositif était pertinent. Alors, s’il vous plaît, ne parlons pas de lobbies !
Ce que j’aimerais surtout connaître, c’est votre position réelle par rapport au travail que nous avons fait en commission, parce que, encore une fois, vous ne pouvez pas nous envoyer, d’un côté, des fleurs à la tribune et, de l’autre, des cailloux dans les médias. Soit vos propos ont été déformés, et il faut le dire, tout en demandant à la presse de les rectifier, soit vous tenez un double langage, ce qui n’est pas acceptable. Je souhaiterais donc que vous précisiez votre position. De votre attitude dépendront la bonne tenue des débats et la qualité du travail que nous produirons durant ces heures qui nous attendent. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-François Husson. Pas de réponse ?…
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.