Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé de la loterie nationale. Je dois vous rappeler que la Française des jeux va être privatisée et, après ce que vous allez lui faire subir, ne sera donc plus vraiment nationale !
M. Pierre Ouzoulias. Je fréquente beaucoup les bistrots. Je suis un élu de terrain et cela fait partie de mon métier ! (Sourires.) En revanche, je ne joue jamais aux jeux de hasard.
J’ai bien compris que le Gouvernement avait pris pour engagement ferme d’arrêter le plan de casse de ses services, qu’un moratoire avait été décidé et qu’une concertation était lancée. Je vous suis reconnaissant de la clarté de cet engagement.
Pour autant, je vous mets en garde : il ne faudrait pas qu’il y ait une sorte de transfert des services publics des départements urbains, comme les Hauts-de-Seine, vers les départements ruraux pour suppléer le manque de services publics dans ces territoires. Malheureusement, la fracture numérique et territoriale est aussi importante dans les territoires urbains et les usagers du service public ont autant besoin que les autres de pouvoir avoir accès à ces services publics.
souveraineté de la france sur le tombeau des rois à jérusalem
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 819, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Gilbert Roger. J’appelle l’attention de M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la contestation de la souveraineté de la France sur le Tombeau des rois par des rabbins israéliens issus de la mouvance ultra-orthodoxe.
Le Tombeau des rois, situé à Jérusalem-Est dans la partie palestinienne de la ville annexée en 1967 par Israël, appartient au domaine national français en Terre sainte depuis la fin du XIXe siècle. Le Hekdesh du Tombeau des rois, association cultuelle juive, a engagé le 15 mai 2019 une procédure judiciaire en France via son défenseur, en assignant le ministère des affaires étrangères et le consulat de France à Jérusalem devant le tribunal de grande instance de Paris. Les plaignants revendiquent la propriété du monument, qui constitue le plus grand complexe funéraire de la région. Deux fois millénaire, le Tombeau des rois a été récemment restauré par la France.
Cette procédure judiciaire engagée contre l’État français, qui met en cause la propriété française d’un monument situé dans le quartier musulman de Cheikh Jarrah, fait partie d’une stratégie globale de « grignotage territorial » de la part des nationalistes religieux.
Aussi, je souhaite que le ministre puisse rappeler solennellement les droits de la France sur le site du Tombeau des rois à Jérusalem.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Gilbert Roger, je vous remercie de cette question, qui va permettre de réaffirmer très clairement cette propriété de la France.
Permettez-moi tout d’abord de revenir, comme vous l’avez fait, sur l’histoire et le statut du Tombeau des rois et d’en rappeler l’importance.
Il s’agit d’un site archéologique datant du Ier siècle avant Jésus-Christ, situé à Jérusalem-Est, à quelques centaines de mètres de la vieille ville. C’est donc l’un des rares vestiges antérieurs à la destruction de la ville par Hadrien, en 135 de notre ère. Il a fait l’objet de fouilles par des archéologues français dès les années 1860 avec, à l’époque, la permission des autorités ottomanes.
Il s’agit de l’un des quatre domaines nationaux français de Jérusalem, avec l’église Sainte-Anne, le site de l’Eléona sur le mont des Oliviers et le couvent d’Abou Gosh. Le site du Tombeau des rois a été légué en 1886 à la France par les frères Pereire.
La République française, représentée par le consulat général de France à Jérusalem, est depuis cette date l’unique propriétaire du site. Aussi, nous ferons valoir notre titre de propriété, également reconnu à l’échelon international par l’accord de Constantinople, dans le cadre des procédures qui seraient engagées.
En outre, en tant que propriétaire et seul responsable de la gestion du site, la France a conduit d’importants travaux de sécurisation, de restauration et d’aménagement, afin que le Tombeau des rois – comme les autres domaines nationaux français à Jérusalem – reste accessible à un public varié et selon des modalités adaptées à la préservation et à la dignité des lieux, ainsi qu’à la sécurité des visiteurs.
C’est donc véritablement à regret que de violents incidents survenus à la suite de la réouverture du domaine public, le 27 juin dernier, nous ont contraints à procéder à la suspension temporaire de ces visites. Alors que les individus qui ont semé le trouble devraient dire merci à la France d’avoir restauré ce domaine et fait en sorte qu’il demeure un joyau, ils font montre d’une démarche hostile et d’une autre nature.
Cette question fait l’objet d’un dialogue régulier entre la France et les autorités. Notre secrétaire général s’en est ouvert à l’ambassadrice israélienne avec une note verbale invitant une nouvelle fois Israël à s’exprimer sur la question du droit de propriété.
Je le répète, il n’y a aucune ambiguïté en droit comme dans la réalité : la France est propriétaire de ce site.
Mme Laure Darcos. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Roger, pour la réplique.
M. Gilbert Roger. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de la clarté de vos propos, qui réconforteront particulièrement les archéologues de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem, lesquels travaillent beaucoup à la restauration et à l’embellissement de très nombreux sites au Moyen-Orient.
Évidemment, le consulat de France sera aussi satisfait de cette position.
obtention du numéro d’enregistrement pour la collecte de la taxe de séjour
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la question n° 830, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le secrétaire d’État, comment résoudre les problèmes de collecte de la taxe de séjour et de connaissance par les communes de leur parc de meublés de tourisme ? Vous savez que la situation est très critique.
Je ne reviens pas sur le diagnostic lié à la multiplication de ces meublés de tourisme avec la montée en puissance des plateformes numériques spécialisées. En 2014 et en 2016, deux lois ont essayé de réguler cette situation avec un décret d’application du 28 avril 2017.
En pratique, un numéro d’enregistrement peut être instauré dans un certain nombre de territoires et, dans les territoires qui ne sont pas visés, par décision du préfet sur proposition du maire par le biais d’une procédure sur laquelle je ne reviens pas. Dans la pratique, la loi concernant la déclaration simple d’une mise en location en mairie n’est pas respectée, notamment parce que les hébergeurs ne se déclarent pas toujours en mairie, de sorte que les offices de tourisme ou les mairies n’ont pas de visibilité sur le parc de logements saisonniers. À titre d’exemple, dans une intercommunalité tarnaise, après un petit tour sur les réseaux sociaux, il apparaît qu’à peu près la moitié des meublés de tourisme sont effectivement déclarés. En outre, la pratique de ce numéro d’enregistrement est différente suivant les préfectures.
Ma question concerne donc les conditions dans lesquelles les préfets prennent leurs décisions, avec des pratiques différentes suivant les territoires. Dans l’esprit des deux textes que j’ai rappelés, comment harmoniser les choses et faire en sorte que ces numéros d’enregistrement et la connaissance par les communes des meublés de tourisme puissent être sensiblement améliorés ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Bonnecarrère, en matière d’encadrement des locations meublées touristiques, le code du tourisme précise un certain nombre de dispositions aux articles L. 324-1-1 et L. 324-2-1.
Vous faites référence à des appréciations préfectorales différenciées. Pour répondre en partie au problème que vous soulevez, je vous indique que la direction générale des entreprises a rédigé une fiche technique portant sur l’application territoriale des mesures de régulation de la location touristique meublée, qui vient d’être mise en ligne récemment sur son site, ce dont les services préfectoraux ont été informés le 1er octobre 2019. Ce document vise à apporter des éléments ayant vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire national au préfet de département pour qu’il apprécie, en toute rigueur, la demande d’un maire de mettre en place une procédure d’enregistrement des meublés de tourisme.
La teneur de ce document apporte d’utiles précisions, intéressant à la fois les loueurs en meublé et l’action des communes en la matière. En effet, la demande du maire doit reposer sur une analyse de l’existence d’une tension locale sur le marché du logement.
C’est pourquoi une distinction est établie entre les communes ou les territoires où la mise en place est obligatoire – les communes de plus de 200 000 habitants et les trois départements de la petite couronne parisienne –, car le marché immobilier y est objectivement tendu, et l’ensemble du territoire national, où cette tension peut se retrouver en certains endroits, auquel cas il faut agir.
En revanche, il ne saurait être excipé de cette possibilité pour mettre en place cette régulation là où il n’y a pas de tension. C’est pourquoi, depuis le 1er octobre dernier, nous avons tenu à donner tous ces éléments d’appréciation aux préfets pour statuer.
Plus généralement, je travaille ardemment sur la question de la cohabitation entre l’hôtellerie traditionnelle et les logements meublés, pour que l’ensemble de ces solutions puissent s’articuler sur notre territoire, dans la mesure où elles répondent à des demandes différentes. Ma conviction, c’est qu’il y a de la place pour tout le monde, dès lors que la France est toujours plus attractive sur le plan touristique. D’ailleurs, les statistiques de cette année le montrent, avec 90 millions de touristes internationaux.
Je serai toujours en contact avec les acteurs pour trouver les bonnes solutions.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le secrétaire d’État, j’entends bien les complémentarités que vous évoquez, mais, sur le terrain, nous sommes face à un véritable problème pratique et je ne suis pas certain que la fiche technique suffira à le résoudre. Il avait été envisagé un bilan de l’application des textes au cours du premier semestre 2020. Je vous invite à mener cette étude et à en tirer les conséquences pratiques.
opérations d’évacuation de migrants à grande-synthe
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, auteur de la question n° 530, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Olivier Henno. Monsieur le secrétaire d’État, les forces de l’ordre organisent régulièrement des évacuations des camps de migrants, notamment dans les communes des côtes de la Manche, notamment à Grande-Synthe. Si l’évacuation de ces camps illicites dans lesquels les populations migrantes survivent dans des conditions sanitaires déplorables ne peut être que saluée, de nombreux retours de ces mêmes migrants sont constatés après chaque opération d’évacuation.
La situation du littoral du Nord et du Pas-de-Calais est depuis plusieurs années insupportables, tant pour les maires des communes concernées que pour les habitants de ces territoires, bien sûr. Elle est aussi tragique pour les migrants. Hier encore, deux personnes sont décédées au large des côtes de la Manche.
Au-delà des démonstrations de force et des évacuations qui se répètent et se ressemblent, mais n’apportent finalement que peu de solutions pérennes, je souhaite savoir si le Gouvernement compte mener une action plus large s’agissant du suivi des reconduites aux frontières et de l’accompagnement des mineurs isolés.
L’accompagnement des mineurs isolés, mais aussi leur répartition, est particulièrement injuste. Ce sont en effet les départements ayant une population jeune qui supportent financièrement l’accueil et l’accompagnement de ces personnes. Une autre clé de répartition serait plus juste.
Enfin, le Gouvernement envisage-t-il des mesures exceptionnelles d’accompagnement, notamment financières, des collectivités territoriales et locales concernées par ces migrations ? Je pense notamment au département du Nord, qui se voit soumettre un nombre exponentiel de demandes d’accueil de migrants considérés comme des mineurs isolés.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Olivier Henno, le ministre de l’intérieur et le secrétaire d’État auprès de lui étant retenus, je vais vous faire part de leur réponse. Je sais que vous avez participé il y a peu à une réunion qui s’est tenue au ministère de l’intérieur sur la question que vous soulevez. Très clairement, la région des Hauts-de-France fait face à une pression migratoire particulièrement forte, nous le savons.
Vous avez évoqué la dernière opération de démantèlement du campement de Grande-Synthe, le 17 septembre dernier. De telles opérations de démantèlement ont deux objectifs : d’une part, encadrer les flux irréguliers et lutter contre les trafics d’êtres humains ; d’autre part, procéder à une mise à l’abri respectueuse des droits fondamentaux de ces populations. Elles nous permettent aussi de connaître la situation administrative de ces personnes afin de pouvoir leur proposer ensuite une prise en charge.
Très clairement, ces campements ne sont que des solutions illusoires. Ils ne sont effectivement pas dignes des conditions d’accueil et de traitement que la France se doit de proposer. Il nous faut donc éviter leur reconstitution et apporter à ces personnes une réponse pérenne.
Les services de l’État sont pleinement mobilisés : 321 filières ont été démantelées en 2018, contre 303 en 2017 ; les éloignements forcés ont augmenté de 10 % en 2018 par rapport à 2017.
Vous le savez – un débat sur l’immigration s’est tenu au sein de votre assemblée il y a quelques jours –, nous sommes pleinement mobilisés autour d’un diptyque d’action : humanité et fermeté.
Le Président de la République est très attaché à ce que des personnes éligibles au droit d’asile compte tenu des persécutions qu’elles subissent puissent trouver asile. C’est le principe d’humanité. En revanche, lorsqu’une personne séjourne sur le sol national sans y être autorisée, pour des raisons économiques, le principe de fermeté s’applique.
De ce point de vue, je peux vous dire que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères est particulièrement mobilisé pour obtenir la délivrance des laissez-passer consulaires (LPC), qui permettent la reconduite aux frontières d’un certain nombre de ces personnes. Le taux de délivrance de ces LPC connaît, selon les pays, une croissance à deux chiffres. Certes, on part parfois d’une base un peu faible, mais notre détermination est pleine et entière.
J’en reviens aux personnes se disant « mineurs non accompagnés ». L’État a souhaité mettre en place un fichier national permettant d’accélérer le processus d’évaluation de la minorité et d’éviter le détournement de la protection de l’enfance par des majeurs.
L’État a par ailleurs renforcé son appui financier aux départements lors de la phase d’évaluation de la minorité. Il apporte ainsi de 500 euros par jeune à évaluer, plus 90 euros par jour pour l’hébergement pendant quatorze jours.
L’État est donc très investi pour éviter la reconstitution des campements et prendre en charge les personnes en fonction de leur situation administrative, que cela se termine par l’octroi de l’asile ou par une reconduite à la frontière.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.
M. Olivier Henno. Merci pour cette réponse, monsieur le secrétaire d’État. Je sais parfaitement que ces questions sont complexes et humaines, et qu’elles ne peuvent pas être résolues par un coup de baguette magique.
Un dialogue est évidemment nécessaire avec les pays de l’Afrique subsaharienne, d’où proviennent nombre des mineurs non accompagnés.
Permettez-moi de revenir sur la question de la clé de répartition, qui fait actuellement l’objet d’une réflexion. Répartir les mineurs non accompagnés en prenant uniquement en compte la proportion de jeunes du département n’est pas très juste, les départements ayant une population jeune ayant plus de charges que ceux dont la population est plus âgée. Il me semble donc nécessaire de proposer une autre clé de répartition.
mission de secours aux personnes des sapeurs-pompiers
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 891, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
Mme Laure Darcos. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. Depuis plusieurs mois, les sapeurs-pompiers demandent une amélioration significative de leurs conditions de travail. Ce sujet est évoqué de façon récurrente par nombre de mes collègues ici.
Devenus les acteurs majeurs du secours aux personnes, les sapeurs-pompiers paient les conséquences de la désertification médicale, du vieillissement de la population, des dysfonctionnements de la régulation médicale ou encore des carences ambulancières.
Chaque année, les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) doivent absorber entre 100 000 et 120 000 interventions nouvelles, au prix d’une mise sous tension croissante des hommes, des matériels et des budgets.
Dans mon département, l’Essonne, l’activité des sapeurs-pompiers est très impactée par la situation particulièrement tendue du SAMU 91, qui ne dispose pas des ressources humaines adéquates, notamment d’assistants de régulation médicale, au centre de réception et de régulation des appels.
Nos sapeurs-pompiers sont en outre les victimes expiatoires d’une société désinhibée, où la violence frappe tous ceux qui sont détenteurs d’autorité ou porteurs d’un uniforme. J’en veux pour preuve les 57 plaintes déposées par les pompiers depuis le début de l’année dans mon département, dont 4 pour des agressions graves le même week-end le mois dernier. Cette situation ne peut plus durer et nous impose d’agir. Elle vous impose d’agir, monsieur le ministre !
Quelles mesures entendez-vous prendre afin de rendre plus simple, plus rapide et plus efficace la réponse opérationnelle en matière de secours aux personnes ?
Les sapeurs-pompiers demandent la généralisation de centres départementaux d’appels d’urgence communs à tous les acteurs – pompiers, police, gendarmerie et SMUR –, avec pour numéro d’appel unique le 112. Accéderez-vous à cette demande ?
Par ailleurs, la mobilisation croissante des sapeurs-pompiers pour des missions ne relevant pas de l’urgence vitale met en tension les budgets des SDIS. L’État accompagnera-t-il l’effort financier déjà très important des collectivités territoriales ?
Enfin, la violence qui frappe les sapeurs-pompiers, confrontés aux difficultés des cités et à la misère sociale, doit être combattue avec la plus grande énergie. Quelles mesures concrètes proposez-vous pour répondre à ce défi ?
Il est urgent de remettre le secours aux personnes au cœur de l’engagement des sapeurs-pompiers, quel que soit leur statut, professionnel ou volontaire.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Laure Darcos, le secours aux personnes représente plus de 80 % des interventions des services d’incendie et de secours à l’échelon national, soit une augmentation de près de 50 % en dix ans. C’est considérable. Je tenais à rappeler cette statistique pour souligner l’acuité du problème.
Face à cette pression opérationnelle, les travaux conduits par le ministère de l’intérieur et celui des solidarités et de la santé ont abouti à six mesures, en cours de réalisation, parmi lesquelles je citerai : la généralisation des coordonnateurs ambulanciers au sein des SAMU-Centre 15 pour diminuer la sollicitation des sapeurs-pompiers pour des missions réalisables par des ambulanciers privés ; la réduction des délais d’attente des sapeurs-pompiers aux services d’urgence afin de limiter les temps d’immobilisation des véhicules de secours et de leurs équipages ; la possibilité pour les SDIS d’effectuer des interventions à deux sapeurs-pompiers, pour certaines missions ; une concertation accrue entre les SDIS, les SAMU et les agences régionales de santé, les ARS.
Une nouvelle vague de mesures sera engagée au second semestre 2019, parmi lesquelles figurent : la réorganisation de la garde ambulancière, afin que plus d’ambulanciers privés soient mobilisables en journée ; la mobilisation d’acteurs, en relais des sapeurs-pompiers, pour dissocier, territoire par territoire, et en fonction des besoins, ce qui relève de l’urgence et ce qui ne nécessite pas l’intervention immédiate des pompiers.
Ce travail complète d’autres initiatives, notamment le projet NexSIS, qui dotera les SDIS d’un outil commun pour mieux gérer les appels et les opérations. Interopérable avec celui du SAMU, de la police nationale et de la gendarmerie nationale, il prépare l’instauration du 112, le numéro unique d’appel d’urgence en France, conformément au souhait du Président de la République.
Soyez assurée, madame la sénatrice, de la détermination du Gouvernement à voir aboutir l’ensemble de ces mesures. Nous sommes tous, dans nos territoires, confrontés au type de situation que vous évoquez. Nous avons sur ce sujet, je le pense, une unité de vue, d’action et d’engagement. Il s’agit de faire en sorte que nos sapeurs-pompiers, quel que soit leur statut, puissent accomplir leur mission dans les meilleures conditions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.
Mme Laure Darcos. Sur le terrain, monsieur le secrétaire d’État, la réponse s’organise. En Essonne, un protocole de coordination entre le SDIS, la gendarmerie et la police nationale vient d’être signé par le préfet afin de protéger nos sapeurs-pompiers dans le cadre particulier des interventions en zones sensibles.
À l’État, il appartient de prendre toutes ses responsabilités pour rétablir la confiance avec les soldats du feu. Ils demandent de la considération et un engagement fort des pouvoirs publics dans plusieurs domaines : le secours aux personnes, le volontariat et la sécurité en intervention.
sécurisation de la gestion de l’eau en agriculture
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 829, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Daniel Laurent. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur les préoccupations des agriculteurs relatives à l’instabilité juridique liée aux autorisations uniques pluriannuelles délivrées aux organismes uniques de gestion collective de l’eau.
Elle concerne également les autorisations de construction de réserves d’eau, toutes attaquées devant les tribunaux, alors que le stockage est l’une des réponses à apporter pour une gestion durable de l’eau.
Le tribunal administratif de Poitiers a rendu un jugement le 9 mai annulant les autorisations uniques pluriannuelles sur les bassins de la Charente amont et du Marais poitevin. Il en résulte l’annulation différée des autorisations administratives de gestion collective de l’eau pour l’agriculture, à compter du 1er avril 2021, et une demande de révision des volumes autorisés pour 2019 et 2020.
Il s’agit là d’une très mauvaise nouvelle, qui met à mal le travail réalisé ces dix dernières années par les organisations agricoles impliquées dans la gestion de l’eau et par les irrigants pour répondre aux nouvelles exigences d’une gestion équilibrée et responsable de l’eau.
L’État a fait appel en demandant un sursis à exécution. Peut-être pouvez-vous nous en dire un peu plus, monsieur le secrétaire d’État ?
Dans un contexte de changement climatique, les agriculteurs se retrouvent dans une position incertaine pour les années à venir, alors que l’irrigation va devenir une condition sine qua non pour la production agricole, qu’elle est un facteur de maintien de l’élevage, gage de qualité des produits pour l’aval, vecteur de diversification agricole, favorisant les circuits courts.
Les enjeux économiques, sociaux et territoriaux sont particulièrement importants pour nos territoires ruraux. Vous le savez, je l’espère.
Monsieur le secrétaire d’État, compte tenu de l’urgence de ce dossier, entendez-vous sécuriser juridiquement les outils de gestion de l’eau et les volumes autorisés pour ne pas déstabiliser les exploitations agricoles et les filières économiques qui s’appuient sur l’irrigation ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Daniel Laurent, la question de la gestion de l’eau a été posée lors de la dernière séance de questions d’actualité au Gouvernement. Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation a eu l’occasion d’y répondre.
Concernant le cas particulier que vous mentionnez, les services de l’État ont fait appel du jugement du tribunal de Poitiers. Cela va nous laisser le temps de trouver une solution juridique, parce qu’il faut en trouver une. Les travaux à cet égard ont débuté. Je n’ai pas encore de solution définitive, mais nous sommes déterminés à en trouver une.
Vous avez raison, la gestion de l’eau est essentielle pour l’agriculture. Les conditions extrêmes de cette année nous le rappellent, l’agriculture est l’un des secteurs particulièrement exposés à un risque accru de manque d’eau dans le contexte du changement climatique.
L’accès à cette ressource doit être assuré dans le temps pour notre agriculture. La rareté de cette ressource exige une utilisation optimale, d’un point de vue quantitatif comme d’un point de vue qualitatif.
Nous devons combattre un certain nombre d’idées reçues : très clairement, irrigation et transition agro-écologique vont de pair. À cet égard, je salue les agriculteurs, qui, en dix ans, ont réduit de 30 % le volume d’eau utilisé pour irriguer leurs cultures. On le voit, cette profession s’adapte et anticipe, mais le contexte juridique doit être précisé à la suite du jugement du tribunal de Poitiers.
Pour répondre à ces enjeux, faciliter la mobilisation de la ressource et sécuriser les porteurs de projet, le ministère de l’environnement et le ministère de l’agriculture agissent conjointement. Instruction a été donnée aux préfets de faciliter la construction de nouveaux ouvrages dans le cadre de projets de territoire et de donner la possibilité aux agences de l’eau de financer les projets multi-usages. Pour que les agriculteurs s’emparent de ces sujets, un guide du porteur de projet sera bientôt publié pour les aiguiller et faciliter leur travail.
Nous sommes mobilisés afin d’apporter une réponse pérenne aux questions que vous avez soulevées.