M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour débattre des conclusions du rapport intitulé Catastrophes climatiques. Mieux prévenir, mieux reconstruire, adopté à l’unanimité par les membres de la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation, créée en janvier dernier.
Je tiens tout d’abord à remercier la rapporteure, Nicole Bonnefoy, pour la qualité de ses travaux, dont le seul objectif a été l’amélioration de la prévention des risques et de l’indemnisation des catastrophes climatiques pour les sinistrés.
Mes chers collègues, au mois de juillet dernier, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’énergie et au climat, nous étions tous d’accord sur un point : l’urgence climatique n’est plus à démontrer.
En octobre 2018, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a publié un rapport qui alerte sur les conséquences du réchauffement : montée et acidification des océans, impact important sur la biodiversité et les écosystèmes, multiplication des épisodes extrêmes – tornades, pluies torrentielles… – ou des risques socio-économiques majeurs.
Au quotidien, pour nos concitoyens, ce sont des catastrophes ayant un impact direct sur leur vie, leur emploi, leurs ressources.
Au quotidien, pour nous parlementaires, ce sont de nombreuses sollicitations depuis des années, de la part de particuliers, d’entreprises ou d’exploitants agricoles qui nous alertent sur les difficultés qu’ils rencontrent en matière d’indemnisation des dommages résultant de catastrophes naturelles.
Plus les années passent, plus la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes entraîne de lourdes conséquences. Je ne citerai que deux exemples, qui me semblent assez symptomatiques.
Le 5 février dernier, mon collègue Dominique Théophile, sénateur de la Guadeloupe, rendait au Premier ministre un rapport sur la prolifération des sargasses dans la Caraïbe. Nous le savons, cette prolifération est liée à l’élévation des températures, à l’augmentation des taux de gaz carbonique et aux conséquences des activités anthropiques. Les vagues successives de sargasses, de plus en plus massives depuis 2011, représentent un véritable désastre écologique, sanitaire et économique pour les pays de la Grande Caraïbe. Je salue, à ce titre, l’accompagnement de l’État, qui a créé en octobre 2018 un plan national d’intervention. Cet engagement a été renouvelé par le Premier ministre en Guadeloupe, il y a quelques jours, lors de la conférence internationale organisée par le Gouvernement français et le conseil régional de Guadeloupe sur le sujet. Il aura fallu néanmoins attendre plusieurs années pour que ce problème majeur pour la Guadeloupe soit pris en considération.
En juin dernier s’est abattue sur le nord de la Drôme, mon département, une tempête de grêle, de vent et de pluie d’une violence jamais connue jusqu’alors sur notre territoire. En l’espace de quelques minutes, un secteur allant du nord Drôme-Ardèche jusqu’à la Savoie, en passant par l’Isère, a été dévasté : vignes, abricotiers, noyers, serres, toitures, voitures, écoles, bâtiments publics, monuments historiques, rien n’a été épargné. Une personne a même perdu la vie en Haute-Savoie, et le bilan aurait pu être bien plus lourd.
Le Gouvernement avait alors répondu rapidement aux inquiétudes des agriculteurs : reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour une partie seulement des communes sinistrées, mise en œuvre du dispositif relatif aux calamités agricoles, exonération ou allégement de certaines charges à la suite des pertes d’exploitation, indemnisation du chômage des personnels agricoles. On note, malheureusement, que les procédures et méandres administratifs retardent souvent l’accompagnement et l’indemnisation et mettent en grande difficulté un secteur agricole déjà peu épargné.
De ces épisodes tragiques résulte un objectif, partagé avec les auteurs de ce rapport : agriculteurs, particuliers, entrepreneurs et maires doivent être accompagnés dans leurs démarches. Le constat et la photographie des dégâts occasionnés ne sont déjà pas chose aisée dans un temps d’urgence et de grande difficulté pour les sinistrés. Je tiens, à cet égard, à remercier de nouveau la rapporteure d’avoir mis en exergue, dans son rapport, la détresse et la souffrance des habitants confrontés à ces catastrophes.
Comme c’est souvent le cas pour ces sujets, l’actualité nous rattrape. Au-delà de l’empathie, de tels phénomènes méritent des réponses rapides, mais aussi simples, pour ne pas ajouter des lourdeurs administratives aux difficultés causées par l’épisode climatique.
Nous avons collectivement l’obligation de rendre nos régimes d’indemnisation justes, transparents, efficaces, de donner à nos élus locaux et aux particuliers les moyens de réduire leur vulnérabilité et de mieux protéger les agriculteurs contre les aléas climatiques.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à saluer le travail de la mission d’information, et en particulier celui de Michel Vaspart et de Nicole Bonnefoy, qui n’ont pas ménagé leurs efforts, durant des mois, et ont accordé une large place aux propositions des autres membres de cette mission, dans un esprit constructif.
Le dérèglement climatique compte parmi les plus grands défis que l’humanité a eu et aura à affronter, et il mérite à ce titre que nous mobilisions nos forces vives pour tenter d’en limiter les effets et nous préparer à ses conséquences. Au travers de l’élaboration du récent rapport d’information sur l’adaptation de la France aux changements climatiques, le Sénat a rempli de nouveau pleinement son rôle de chambre haute, capable de s’extraire des urgences du temps présent pour anticiper les bouleversements auxquels nos sociétés devront faire face à l’avenir.
L’excellent rapport de la mission d’information s’inscrit dans cette démarche et apporte des solutions pour réformer notre système assurantiel, mis à mal par la multiplication des aléas climatiques, dont chacun constate la recrudescence et la violence accrue. On a désormais du mal à compter les maisons fissurées par le retrait-gonflement des argiles lié à la sécheresse, les villages dévastés par les inondations et les coulées de boue ou les exploitations agricoles ravagées par les orages violents. Les exemples se multiplient à un rythme qui devient difficilement soutenable pour la pérennité du régime d’indemnisation actuel, dont l’intervention à temps est pourtant indispensable si l’on veut éviter que nos concitoyens perdent les fruits d’une vie de travail. La multiplication des risques ne manquera pas de poser, à terme, la question du financement du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles et des calamités agricoles, que le rapport commence à évoquer.
Ce rapport comporte plusieurs propositions pour développer le fonds Barnier, que le Gouvernement serait avisé de reprendre à son compte plutôt que de siphonner les ressources de ce fonds, projet de loi de finances après projet de loi de finances…
Le rapport préconise également de renforcer le régime d’indemnisation des calamités agricoles en améliorant les garanties pour les agriculteurs et en abaissant les seuils de déclenchement de l’indemnisation. Madame la ministre, nous vous interpellons sur l’indispensable proposition n° 25 du rapport : ouvrir l’indemnisation dès que l’un des deux critères, perte de rendement ou perte de produit brut, est rempli.
Aujourd’hui, la totalité des productions, et non pas uniquement celles affectées par la catastrophe naturelle, étant intégrées dans le calcul, certaines exploitations se voient exclues du bénéfice du régime alors qu’elles ont subi une perte de rendement très importante pour certaines cultures seulement. Il en résulte un paradoxe : ce sont les exploitations présentant une meilleure résilience face aux aléas tant climatiques que de marché, à savoir celles de polyculture, qui sont les plus pénalisées par le système. C’est aberrant ! Il faut absolument que le Gouvernement agisse pour corriger cela.
J’évoquerai également le risque de sécheresse, qui s’amplifie, et la gestion de la ressource en eau, sujet qui ne fera que gagner en importance et en gravité dans les années à venir. Épisode de sécheresse après épisode de sécheresse, on constate, à l’écoute des propos du ministre de l’agriculture, que le Gouvernement n’a aucune réponse réfléchie et pérenne à apporter à cette problématique, que ce soit sur le court terme ou sur le moyen terme. Il faut engager une vaste réflexion sur la gestion de la ressource en eau, mais aussi accompagner et soutenir des pratiques moins gourmandes en eau et plus respectueuses de la biodiversité.
Je voudrais aussi aller un peu plus loin que les préconisations du rapport en évoquant le risque de la grêle, aujourd’hui uniquement couvert par le régime assurantiel privé au travers de la garantie multirisque tempête, grêle, neige, ou TGN, et par des contrats « grêle » spécifiques pour les agriculteurs.
Le risque de grêle devient de plus en plus important, avec des orages redoublant d’intensité et dont les ravages vont même jusqu’à la perte de vies humaines, comme au mois de juin 2019 en Isère. La multiplication de ces orages de grêle entraîne un renchérissement du coût des assurances privées, jusqu’à des montants devenant prohibitifs pour certains de nos concitoyens, en particulier les agriculteurs, le plus exposés à ce risque, qui ne sont que 60 % à être en mesure de s’assurer. À titre d’exemple, pour un petit arboriculteur, le coût de l’assurance contre la grêle peut représenter jusqu’à la moitié de son bénéfice annuel…
Aussi nous faut-il réfléchir à la possibilité d’intégrer le risque grêle aux régimes « CatNat » et « calamités agricoles » quand les orages dépassent un certain seuil, comme c’est le cas pour le risque tempête, assuré par le privé mais dont l’indemnisation relève du régime « catastrophes naturelles » quand les épisodes venteux dépassent 145 kilomètres à l’heure. Pour mesurer ces seuils, des classements existent, comme le « grêlimètre » proposé par l’Association nationale d’étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques, l’Anelfa. En tout état de cause, il conviendrait que Météo-France mette en œuvre un classement similaire, dont les usages seraient multiples.
Inscrire la grêle parmi les catastrophes naturelles et, surtout, parmi les calamités agricoles, nous paraît indispensable. Si le système assurantiel privé n’est pas en mesure de faire face, il faut lui donner la possibilité de s’adosser à la puissance publique. Il nous paraît légitime de faire jouer la solidarité nationale pour protéger davantage nos agriculteurs des aléas climatiques, notamment de la grêle.
Je conclurai mon propos en insistant sur la nécessité de prévenir les risques plutôt que de les subir. Le Gouvernement est trop souvent animé avant tout par la volonté de simplifier, ce qui aboutit à détruire des normes. Cette politique est dangereuse et nous expose à une multiplication d’incidents ou d’accidents, qu’ils aient une cause humaine ou naturelle. Ubu n’a jamais gouverné la France : aucune de nos normes, notamment en matière d’urbanisme, n’a été édictée pour compliquer inutilement la vie de nos concitoyens et de nos entreprises. Ces normes visent à prévenir les risques naturels, les aléas climatiques, les erreurs humaines.
Madame la ministre, le Sénat vous fournit un rapport clé en main. Il doit permettre au Gouvernement de s’attaquer aux urgences du présent et de prévenir l’avenir. Je vous invite vivement à vous en saisir. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le contexte actuel de remise en cause des critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle par les citoyens et les élus, il devenait urgent de dresser un état des lieux et de faire des propositions en vue de renforcer l’efficacité et l’acceptabilité des décisions étatiques.
Je me félicite que le Sénat soit force de proposition sur ce sujet, et je tiens à remercier la mission d’information, son président et notre collègue Nicole Bonnefoy pour le travail fourni, éclairant comme à l’habitude et d’une actualité sans pareille.
La problématique n’est pas récente, mais la prise de conscience des politiques et des citoyens l’est, à l’image de celle de notre jeunesse.
Les catastrophes climatiques se multiplient et s’intensifient dans nos territoires. Les températures moyennes ont fortement augmenté depuis trente ans. Les gouvernements prévoient leur augmentation de 1 degré d’ici à 2050. En réalité, elle sera plutôt 2 degrés à l’horizon 2030, ce qui est catastrophique pour la planète !
Les vagues de chaleur sont plus fréquentes, plus fortes qu’autrefois. Le régime des précipitations évolue, avec des effets sur les cultures et des phénomènes d’inondation. Les glaciers fondent, la neige est moins abondante. Voilà deux ou trois ans, avec quelques membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, j’ai eu l’occasion de constater de visu la situation dans l’océan Arctique. Ce qui se passe est très grave et la responsabilité en incombe avant tout aux humains.
La question du changement climatique doit être prise en compte dans l’action publique au sens large. Les catastrophes climatiques se faisant plus nombreuses et plus dévastatrices, il semble que notre seul mot d’ordre doive être l’adaptation.
La prévention, qui est mise en avant de manière très pertinente dans le rapport, devra passer par le développement et l’aménagement durables de nos territoires. Cela se fera aussi de manière différenciée. En effet, les zones rurales comme les zones urbaines devront apprendre à lutter contre différents phénomènes.
Il faut également renforcer l’information des élus locaux, des professionnels, mais aussi de chaque citoyen en matière de prévention et d’indemnisation.
Les questions du financement et de la rapidité d’action sont également de premier plan.
Nous soutenons les observations faites sur la nécessité d’adapter notre système d’indemnisation. L’efficacité et la transparence doivent être de mise. Il en est de même pour l’accompagnement des populations, des assurés et des élus locaux.
Nous préconisons également une meilleure protection du secteur agricole, cœur et base de l’alimentation française et européenne. À cet égard, un partage de bonnes pratiques entre territoires français et européens, ainsi qu’une solidarité accrue, sont nécessaires.
Il faut tenir compte de la fréquence et de la violence nouvelles des catastrophes climatiques. Nous n’en sommes qu’au début !
Les mécanismes existants, tels que le fonds Barnier ou le régime « CatNat », doivent être réformés et adaptés aux réalités actuelles. Il y va de notre futur.
Dans mon département de la Vienne, en 2017, près de la moitié des communes ont été déclarées en état de catastrophe naturelle en raison de la sécheresse. Plus de 3 600 dossiers de demande d’indemnisation ont été déposés. L’année 2019, comme partout, s’annonce malheureusement pire.
Grâce au travail du Gouvernement, les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ont bien été révisés pour 2018.
Les citoyens souhaitent qu’il soit tenu compte de l’importance des dégâts qu’ils constatent tous les jours. Il faut encore y travailler et faire preuve de pédagogie.
Nous partageons les conclusions du rapport quant à la nécessité, d’une part, de proposer un système d’indemnisation plus efficace – des efforts ont été faits à cet égard –, juste et transparent, et, d’autre part, de développer une véritable culture du risque.
Encore une fois, madame la ministre, ces difficultés ne sont pas récentes, et la tâche est difficile. Nous connaissons votre détermination et nous vous faisons confiance. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Yves Bouloux applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Yves Bouloux applaudit également.)
Mme Évelyne Perrot. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, aléas climatiques, inondations, coulées de boue, inondations dues aux remontées des nappes phréatiques, mouvements de terrain, vents cycloniques, affaissements de terrain dus à des cavités souterraines, mouvements de terrain liés à la sécheresse et à la réhydratation des sols : voilà toutes les catastrophes naturelles que le village dont j’ai été maire durant vingt-cinq ans a connues ou pourrait connaître.
Territoire parmi tant d’autres, notre pays souffre plus que certains de ce changement climatique. Cette année, la canicule a été encore plus forte que l’an dernier. L’agriculture est un livre ouvert dont la lecture est simple : les prairies sont desséchées, les récoltes, pour certaines cultures, sont catastrophiques. Et je ne parle pas de nos forêts, grandes oubliées de l’État !
L’impact du changement climatique sur le nombre et l’intensité des catastrophes naturelles est perceptible et ne peut que s’aggraver. D’ici à 2050, le coût des sinistres liés aux catastrophes naturelles devrait augmenter de 50 %.
Nous devons accompagner les élus locaux, qui se sentent démunis face à des phénomènes nouveaux, en particulier les maires confrontés aux catastrophes naturelles. Une cellule de crise doit être mise en place aussitôt, pour que l’élu puisse obtenir dans l’heure des informations et des orientations à suivre.
Chaque mairie devrait réaliser une étude des sols déterminant la qualité des parcelles, afin d’éviter les constructions en zone à risques et de simplifier ainsi la politique de prévention et d’aménagement durable des territoires. Éduquons la population à une culture du risque. Il convient de changer d’approche, comme le souligne notre rapporteure, et passer du « lutter contre » au « vivre avec ».
Certains drames auraient pu être évités si nous avions pris en considération le comportement sensé et le savoir de nos ancêtres. La modernité, l’évolution du matériel agricole nous ont permis de travailler autrement. Mais comment prendre en compte la réalité du terrain ? Nous savons qu’une sécheresse suivie de fortes pluies entraîne des coulées de boue ou un savonnage des parcelles.
Sensibilisons la population aux risques, en instaurant des programmes différents d’actions de prévention. Le rapport préconise la création d’une journée nationale de la prévention et de la gestion des catastrophes naturelles, avec un temps réservé dans les établissements scolaires. Toutes les communes devraient avoir un plan communal de sauvegarde ; elles pourront ainsi envisager un maillage de leur territoire, élus et habitants bénévoles diffusant les consignes données par le maire.
Le rapport sur les risques climatiques a mis au jour les grandes difficultés de l’après-crise et préconise la mise en place d’un système d’indemnisation plus efficace. Une réforme est indispensable pour moderniser le régime « CatNat » dans la perspective du changement climatique.
J’ai pu constater, dans mon département, la survenue de mini-cyclones, avec des vents de plus de 150 kilomètres à l’heure touchant deux ou trois villages à quelques kilomètres du capteur de vitesse qui, lui, enregistrait des vents dits « normaux ». Pourtant, ce phénomène, à impact court et intense, est de plus en plus fréquent.
Une clause d’appel, en cas de non-reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, devrait être mise en place.
Enfin, le rapport préconise d’accroître le soutien financier apporté par le fonds Barnier aux particuliers réalisant des travaux et de créer un volet spécifique à la sécheresse.
Ce rapport est donc un outil indispensable, à faire diffuser par les ministères, car le changement climatique nous lie tous, comme un alignement de dominos. Agissons, faisons de ce rapport un document d’urgence climatique afin que notre pays puisse prendre des décisions rapides, en cas de cataclysme, et ainsi venir en aide à sa population.
Je remercie Mme la rapporteure de son excellent travail, que je soutiens pleinement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Gisèle Jourda et M. Yves Bouloux applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Yves Bouloux.
M. Yves Bouloux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans la continuité des débats qui se sont tenus au Sénat ces dernières semaines sur le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, il me paraît pertinent d’aborder le sujet crucial des risques naturels et climatiques en évoquant un volet central du rapport de la mission d’information : l’aménagement du territoire et l’accompagnement des élus locaux.
Peu importent les raisons, les moyens, les positions des gouvernements successifs, l’action publique s’inscrit dans un nouveau contexte, caractérisé par la multiplication et l’intensification des événements climatiques extrêmes : précipitations, risques accrus d’inondations, de vagues de chaleur, de sécheresse, de submersions marines ou d’érosion côtière… Ce contexte nous impose d’établir un nouveau paradigme pour l’action publique.
Lorsque l’on parle de l’impact du dérèglement climatique et des politiques de prévention et d’indemnisation des catastrophes naturelles, on parle nécessairement de nos territoires dans toute leur diversité. Il n’est, à ce titre, pas étonnant qu’une telle réflexion soit menée au Sénat.
Nous ne sommes pas égaux face aux aléas. La diversité des territoires se traduit par des inégalités, à la fois quant à l’impact du dérèglement climatique sur chaque commune, chaque département, chaque région, et quant aux moyens et au niveau de préparation de chaque territoire pour réagir face à une catastrophe naturelle.
Dans mon département, la Vienne, toutes les communes n’ont pas été touchées par une catastrophe naturelle, heureusement. Parmi celles qui l’ont été, toutes n’ont pas été affectées de la même façon. Je vais faire un peu de surenchère, cher collègue de la Vienne Alain Fouché : sur les 266 communes que compte le département, 144 ont fait l’objet, en 2018, d’un arrêté portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle au titre de la sécheresse ou des inondations et coulées de boue, ce qui peut paraître très important.
Devant ces menaces désormais banales, et néanmoins potentiellement graves, les élus locaux, et avant tout les maires, toujours en première ligne, doivent être soutenus et bénéficier des moyens nécessaires pour anticiper.
Dans le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, j’ai relevé une seule occurrence de l’expression « catastrophes naturelles », à l’article 18. Cet article prévoit d’ouvrir au département, par dérogation, la possibilité d’accorder des aides aux entreprises dont l’activité est significativement affectée en raison des dommages subis par son outil de production dans le cadre d’une catastrophe naturelle.
Si cette nouvelle compétence offerte aux départements pourrait être utile, nous avons fait le constat, dans notre rapport, que les risques climatiques ont été insuffisamment pris en compte dans les politiques d’aménagement du territoire. C’est la traduction du fait que l’État n’a pas su engager les moyens nécessaires, pour nos élus et nos concitoyens, afin d’agir en prévention et de réagir dans ces circonstances. En particulier, le plafonnement du Fonds de prévention des risques naturels majeurs pose un véritable problème.
Quels engagements le Gouvernement peut-il prendre en vue d’adopter les mesures nécessaires pour faire face à cette réalité ? Quels nouveaux moyens juridiques, techniques et financiers en faveur de nos élus et de nos territoires peut-il mobiliser ?
Dans le rapport, nous soulevons notamment la nécessité de revoir les normes de construction, de développer un aménagement prospectif tenant compte du changement climatique et du problème des sols argileux et de renforcer l’appui apporté aux élus locaux par les services préfectoraux.
Je souhaiterais insister sur trois axes d’action concrets, d’importance majeure.
Que prévoit le Gouvernement pour systématiser l’assistance et le conseil, par les services préfectoraux, aux maires de communes sinistrées ?
Que compte faire le Gouvernement pour mener à son terme la politique d’élaboration des plans de prévention des risques naturels, les PPRN, dans les territoires ? Envisage-t-il d’engager, comme nous le recommandons, une phase de révision des PPRN pour prendre en compte les retours d’expérience et véritablement instaurer ce qu’il est convenu d’appeler une « culture du risque » ?
Enfin, le Gouvernement compte-t-il lancer une campagne de sensibilisation et d’assistance par les préfectures à destination des maires concernés par l’obligation de se doter d’un plan communal de sauvegarde ?
Je vous remercie par avance de vos réponses, madame la ministre. Je remercie également le président et la rapporteure de la mission d’information pour le remarquable travail réalisé. (M. Alain Fouché applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous le savez, le changement climatique accroît la fréquence des catastrophes naturelles pénalisant notre agriculture. C’est pourquoi, devant la gravité de la situation, je souhaite consacrer la majeure partie de mon intervention à cette thématique.
Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à avoir constaté les effets du réchauffement climatique sur nos territoires : sécheresse, intempéries, incendies… L’urgence de la situation n’est plus à démontrer.
Madame la ministre, un constat s’impose : nos politiques publiques ne sont plus adaptées à la gravité de la situation. Il est temps d’assurer une meilleure indemnisation des risques climatiques en agriculture, en mobilisant tous les outils à notre disposition.
Le groupe socialiste avait, dès 2015, pris ce problème à bras-le-corps, au travers d’une proposition de loi qui appréhendait la gestion des risques dans leur globalité. Nous proposions notamment de mettre en place un fonds de stabilisation des revenus agricoles et de mettre en œuvre des expérimentations visant à concevoir et à évaluer des mécanismes de gestion des risques économiques agricoles et de stabilisation des revenus.
L’excellent rapport produit par notre collègue Nicole Bonnefoy va dans ce sens et établit des propositions pertinentes pour permettre un meilleur accompagnement de nos agriculteurs face aux nouveaux risques auxquels ils sont confrontés.
Ainsi, je suis favorable au déplafonnement de la contribution additionnelle au Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA, et à l’interdiction de tout prélèvement sur son fonds de roulement au profit du budget de l’État. Il est alimenté par les agriculteurs via la contribution additionnelle aux primes d’assurance : cet argent doit donc leur revenir !
Ce prélèvement est incompréhensible et injuste, car le fonds ne dispose pas, par ailleurs, des moyens nécessaires pour faire face à la survenance de crises d’ampleur malheureusement de plus en plus fréquentes. Le FNGRA se trouve ainsi totalement dépendant des soutiens ponctuels de l’État, alors même que 80 % de ses dépenses concernent l’indemnisation des calamités agricoles.
Il est également primordial de soutenir davantage les agriculteurs pour la souscription d’une couverture assurantielle par des aides financières accrues. En effet, en 2017, seulement 29,4 % de la superficie agricole hors prairies étaient couverts. Ce taux est insuffisant ! Je suis favorable à l’augmentation de 65 % à 70 % du taux de subvention publique à la prime d’assurance du contrat socle, comme l’autorise le règlement dit « Omnibus ».
Mes chers collègues, protéger notre agriculture face aux risques climatiques passe aussi par la révision des seuils de déclenchement du régime « CatNat » d’indemnisation des catastrophes naturelles. Les taux en vigueur sont trop élevés pour des exploitations agricoles dont la plupart sont déjà en grande difficulté financière. Il apparaît nécessaire d’abaisser le seuil de déclenchement à 20 % de perte de rendement, contre 30 % aujourd’hui, d’autant que cela est permis par le règlement Omnibus de 2017.
Madame la ministre, nous savons que le ministre de l’agriculture a lancé, le 31 juillet dernier, une consultation des organisations agricoles, des banques et des assurances sur « les voies d’amélioration ou de refondation des outils de gestion des risques en agriculture ». Elle a pris fin le 16 septembre et, hormis certaines indiscrétions de la presse spécialisée, nous ne savons pas dans quelle voie concrète pense s’engager le Gouvernement. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Je conclurai en évoquant les conséquences des épisodes de sécheresse qui touchent de plus en plus souvent nos territoires. Comme l’indique le rapport, il est urgent d’agir ! Le phénomène de retrait-gonflement des argiles concerne plus de 60 % des sols métropolitains, et mon département, la Dordogne, n’est pas épargné. Nous devons donc adapter le système d’indemnisation des dégâts liés à ces épisodes. En effet, les dommages, comme les fissures sur les habitations, apparaissent souvent a posteriori et représentent des dépenses très importantes pour nombre de ménages. Il faut mettre en place, comme le préconise le rapport, une clause d’appel, réaliser des études des sols de type G5 ou encore harmoniser les pratiques et référentiels en vigueur pour les experts des compagnies d’assurances et des assurés.
Madame la ministre, mes chers collègues, il est temps de prendre des mesures à la hauteur de l’urgence à laquelle nous sommes confrontés, comme le préconise le rapport de Michel Vaspart et de Nicole Bonnefoy. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et UC. – MM. Yves Bouloux et Bernard Buis applaudissent également.)