M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, reconnu moi-même handicapé et en tant qu’ancien président de la MDPH du Pas-de-Calais, vous comprendrez ma sensibilité à la question du handicap et mon attachement à toute initiative permettant d’améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap. Je suis d’ailleurs intervenu à plusieurs reprises auprès de vous, madame la secrétaire d’État, et j’ai défendu plusieurs amendements en ce sens, en particulier dans le cadre des débats relatifs à la loi ÉLAN, pour améliorer l’adaptation du logement des personnes handicapées.
Aussi, au nom du groupe du RDSE, je salue l’initiative de notre collègue Alain Milon, dont le texte vise à améliorer la prestation de compensation du handicap. Je me félicite également de l’adoption unanime de ce texte par la commission des affaires sociales.
Pour bien comprendre les enjeux de ce texte, il me semble nécessaire de revenir quelques instants sur les reproches qui ont pu être faits à cette prestation depuis sa mise en place par la loi de février 2005, dont elle constituait une des mesures phares.
Tout d’abord, et alors qu’elle a pour objet de répondre aux difficultés quotidiennes spécifiques engendrées par une situation de handicap, elle ne couvre pas les besoins réels des personnes. J’en veux pour seul exemple l’impossibilité de mobiliser la PCH pour les interventions au titre de l’aide-ménagère.
Ensuite, la PCH laisse encore de lourds restes à charge aux bénéficiaires, notamment sur les aides techniques ou sur l’aménagement du logement.
En outre, elle ne répond pas, ou insuffisamment, aux besoins spécifiques des enfants en situation de handicap ou des personnes souffrant d’un handicap psychique.
Enfin, et je m’arrêterai là, les personnes dont le handicap survient après 59 ans ne peuvent y prétendre.
Plusieurs de ces difficultés avaient d’ailleurs été pointées dans un rapport de l’IGAS, remis en 2016, dont les préconisations n’ont malheureusement pas été traduites dans notre droit.
Nous partageons l’objectif et la philosophie de l’article 1er, qui supprime la limite d’âge des 75 ans au-delà de laquelle il ne serait plus possible de former une demande de PCH pour un handicap survenu avant 60 ans. Elle n’avait aucun sens ni aucune justification. Je pense néanmoins que nous devons aller plus loin en supprimant la barrière des 60 ans. Aujourd’hui, en effet, un handicap survenu après 60 ans sera traité au titre du vieillissement, donc avec une prise en charge moins favorable.
Il nous faut ainsi relancer la réflexion engagée sur la création d’un dispositif unique, à savoir celui d’une prestation universelle autonomie permettant de compenser toute forme de perte d’autonomie, qu’elle soit liée à l’âge ou au handicap.
Cette évolution, qui a fait l’objet d’engagements pris par plusieurs Présidents de la République, était d’ailleurs déjà présente dans la loi de 2005, qui allait même plus loin en prévoyant la suppression, dans les cinq ans, de toute référence à l’âge. Près de quinze ans plus tard, nous en sommes toujours au même point ! Pourtant, l’OMS n’opère plus cette distinction depuis 2001. Cette évolution, outre le fait qu’elle adresserait un message extrêmement fort à nos concitoyens les plus fragiles, permettrait un triple progrès : réaffirmer la solidarité nationale à l’égard des personnes souffrant d’une perte d’autonomie ; mettre fin à cette incompréhensible discrimination par l’âge ; enfin, opérer une simplification de la gouvernance des différents dispositifs mobilisés.
L’article 2 aborde, quant à lui, la sensible question du reste à charge, fréquemment décrié par les familles et les associations. Nous nous félicitons que notre commission des affaires sociales soit allée plus loin que la proposition de notre collègue député Philippe Berta. Cet article apporte enfin la clarification que l’État n’a jamais souhaité opérer, jusqu’à en être condamné par le Conseil d’État. Il répond ainsi à une double attente : celle des personnes en situation de handicap et de leurs familles de ne pas limiter les interventions des fonds départementaux de compensation aux seuls bénéficiaires de la PCH ; celle des départements de ne pas voir leurs budgets croître de manière exponentielle en n’inscrivant pas les interventions des fonds dans la limite des crédits qui leur sont affectés.
Là encore, le sujet mériterait d’être approfondi. N’est-on pas en droit de s’interroger sur l’existence même d’un reste à charge pour des personnes confrontées au quotidien aux limites et contraintes que leur impose leur handicap ? La question doit en tout cas se poser à nous au regard des coûts énormes que peuvent représenter certains appareillages, parfois vendus moitié prix à l’étranger.
L’amélioration de la PCH, mes chers collègues, ne pourra se faire à budget constant, d’autant que la situation, à certains égards, se dégrade : diminution du nombre de logements accessibles dans la loi ÉLAN ; mise en cause du complément de ressources ou encore désindexation de l’AAH par rapport à l’inflation. Certaines associations déplorent également un resserrement de l’évaluation des besoins, ainsi que des décisions des CDAPH de plus en plus restrictives. On le sait, les départements sont confrontés à de réelles difficultés financières, et le rapport de l’IGAS, que je citais en référence, pointait déjà la tension des moyens dédiés aux MDPH.
Les départements doivent avoir les moyens d’un accompagnement sans faille de nos concitoyens les plus fragiles, et l’État doit impulser cette dynamique en la traduisant dans la future loi de finances.
J’en viens à l’article 3, qui nous semble frappé au coin du bon sens. En effet, il tend à limiter les procédures administratives imposées aux personnes souffrant d’un handicap par l’harmonisation des durées d’attribution des différents éléments de la prestation.
Nous saluons également le progrès considérable que constitue l’instauration d’un droit à vie à la PCH pour les handicaps qui ne sont pas susceptibles de connaître une évolution positive.
Satisfaisante, aussi, est l’évolution concernant une nouvelle approche de l’effectivité de l’aide, afin, espérons-le, de mettre fin aux effets pervers de la récupération des indus, qui pouvait conduire certains bénéficiaires à renoncer par anticipation à une partie de leurs prestations.
Enfin, l’article 4 crée un comité stratégique, placé auprès de vous, madame la secrétaire d’État. Si la concertation apparaît toujours comme une bonne chose, il est nécessaire qu’elle soit effective et productrice d’effets. Nous serons donc vigilants quant à la gouvernance de ce comité, sa composition, ses attributions et ses modalités de fonctionnement.
À cet égard, nous formons le vœu que le décret prévu dans le texte suive rapidement l’adoption de la loi, afin de ne pas revivre l’expérience douloureuse du reste à charge. Les enjeux sont en effet énormes en ce qui concerne les deux champs ciblés par l’article 4, à savoir la question du handicap chez l’enfant et celle du transport. Les dysfonctionnements constatés sont nombreux et épuisent les familles. Ce comité devra faire en sorte d’apporter des réponses concrètes, optimales et basées sur les réalités du terrain.
Je l’ai exprimé à plusieurs reprises par le passé, et je le redis aujourd’hui : les familles et les personnes en situation de handicap attendent depuis 2005 que notre société évolue ! Il est temps que les engagements pris se traduisent enfin dans leur vie quotidienne !
Pour toutes ces raisons, et avec beaucoup d’espoir, notre groupe votera favorablement la proposition de loi de notre collègue Alain Milon. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (M. Martin Lévrier applaudit.)
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par le président Alain Milon, et adoptée par notre commission, a recueilli un large soutien, dont celui du groupe La République En Marche, car elle apporte dans l’immédiat des solutions concrètes à certaines difficultés rencontrées par les personnes handicapées pour accéder à la prestation de compensation du handicap, ou PCH. Elle fait suite au rapport d’information du groupe de travail mené par notre excellent collègue Philippe Mouiller sur le financement de l’accompagnement médico-social des personnes handicapées. J’en profite pour le remercier du travail accompli en qualité de rapporteur de la présente proposition de loi.
Le dispositif, créé en 2005, a connu une montée en puissance régulière pour bénéficier aujourd’hui à plus de 280 000 personnes. Alors qu’il se voulait souple et universel, comme l’a rappelé notre rapporteur, il est en pratique vu par les intéressés comme inutilement complexe et, à bien des égards, injustement rigide.
Ce constat n’est pas propre à la PCH ; il vise l’ensemble des démarches administratives liées à une situation de handicap. J’en veux pour preuve les conclusions de l’enquête de la direction interministérielle de la transformation publique sur la complexité administrative, telle qu’elle est perçue par les usagers, en 2018. Le dispositif de démarches liées à la situation de handicap pour soi-même ou pour un proche cristallise à ce point les difficultés qu’il est classé deuxième politique publique la plus complexe par les usagers.
Les dispositions de cette proposition de loi s’attachent donc à simplifier et à rendre plus effectifs plusieurs éléments du dispositif de la PCH, ce qui va dans le bon sens.
Il y a tout d’abord la suppression de la barrière d’âge de 75 ans pour les personnes qui étaient éligibles à la PCH avant 60 ans, prévue à l’article 1er. Cette mesure équitable, déjà adoptée à l’Assemblée nationale sur l’initiative de notre collègue Philippe Berta, prendra en compte la réalité de l’allongement de l’espérance de vie et les changements de circonstances dans la vie des personnes handicapées.
Ensuite, pour les fonds départementaux de compensation, le texte permet de mettre fin à une situation insatisfaisante. Il précise que le reste à charge des bénéficiaires ne pourra excéder 10 % de leurs ressources personnelles « dans la limite des financements des fonds ». Les obstacles au décret d’application, attendu, je le rappelle, depuis 2005, seront enfin levés.
Par ailleurs, l’article 3 apporte plusieurs améliorations pour les usagers relatives à l’attribution de la PCH et aux contrôles assurés par le président du conseil départemental. Ainsi, les durées d’attribution des différents éléments de la PCH seront désormais unifiées, alors qu’elles oscillent aujourd’hui entre trois ans, cinq ans et dix ans. Un décret viendra vraisemblablement fixer cette durée à dix années, pour le plus grand bénéfice des personnes handicapées, qui pourront toujours, entre deux renouvellements, demander un réexamen de leur situation.
Autre simplification attendue : la disparition des formalités inutiles de renouvellement de la PCH quand le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement. L’article 3 prévoit que la décision d’attribution de la PCH sera dans ce cas prise sans limitation de durée.
Cet article apporte en outre des précisions favorables aux usagers s’agissant du contrôle exercé par les présidents de conseil départemental : désormais, la période de référence pour ces contrôles ne pourra être inférieure à six mois, et le contrôle s’exercera sur les sommes effectivement versées et non sur la base du plan d’aide. Je remercie la commission d’avoir adopté l’amendement proposé par notre groupe afin de rendre suspensive la réclamation de l’usager contre la décision de récupération de l’indu. Cette règle nous semble juste et nécessaire pour mieux protéger les bénéficiaires.
Le dernier article de la proposition de loi crée un comité stratégique auprès du ministre chargé des personnes handicapées pour préparer les réformes et adaptations à venir en matière de transport des personnes handicapées, ainsi qu’en faveur des enfants handicapés. Ce second point a été ajouté en commission sur proposition de notre groupe. Il est en effet essentiel que le comité stratégique soit compétent pour proposer des adaptations du droit à compensation du handicap des enfants, car la complexité actuelle ne peut perdurer.
Aujourd’hui, les parents d’un enfant handicapé ont la possibilité d’opter, soit pour l’allocation de base de l’AEEH, avec éventuellement un complément, soit pour l’allocation de base de l’AEEH et la PCH, soit encore, troisième possibilité, pour l’allocation de base de l’AEEH, avec un complément et un troisième élément de la PCH. Madame la secrétaire d’État, vous l’avez dit vous-même, ce droit d’option est beaucoup trop complexe, trop technique et trop peu orienté vers l’usager. Sa mise en œuvre entraîne un temps d’évaluation et de traitement considérable pour les agents de la MDPH, pour un droit bien peu effectif, puisque, in fine, la PCH n’est choisie que par peu de parents. Il est temps de réfléchir à une refondation de la PCH Enfant.
Plus largement, il nous semble indispensable d’interroger les modes de fonctionnement des services publics engagés dans la politique publique du handicap. Il leur faut répondre aux attentes en se basant sur les besoins des personnes et non sur des structures administratives ou des dispositifs. Les chantiers engagés dans le cadre de la conférence nationale du handicap mobilisent l’ensemble des parties prenantes autour de ces objectifs. Nous suivrons attentivement leur aboutissement et les engagements qui en résulteront.
La proposition de loi amorçant une évolution, notre groupe la votera. Madame la secrétaire d’État, nous connaissons votre attachement à ce sujet, et nous vous remercions très sincèrement de votre implication tenace. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, les personnes en situation de handicap, ainsi que leurs familles, attendent depuis trop longtemps une amélioration des conditions d’octroi de la prestation de compensation du handicap. Elles réclament toujours des actes forts du Gouvernement. Le Premier ministre ne s’est-il pas engagé, lors de son discours de politique générale, le 4 juillet 2017, à faire de l’action en faveur des personnes en situation de handicap l’une des priorités de ce quinquennat ? Celui-ci doit donc apporter des réponses rapidement.
Destinée à compenser la perte d’autonomie dans la vie quotidienne et à prendre en charge les besoins des personnes en situation de handicap, la prestation de compensation du handicap souffre en effet de nombreuses insuffisances.
La PCH n’est pas revalorisée depuis 2006, alors que les montants et tarifs des prestations de service, des produits, du matériel ont explosé.
Le dispositif actuel ne tient pas compte de toutes les conséquences du handicap, l’aide à l’activité ménagère, pourtant essentielle, n’étant toujours pas prise en compte.
Les délais d’instruction des demandes et des décisions relatives à l’attribution de la PCH sont beaucoup trop longs. Ils peuvent varier d’un département à l’autre de trois à douze mois. Ainsi, nombreuses sont les personnes handicapées qui renoncent à leur droit ou bien qui se retrouvent en grande précarité financière, endettées parfois, car elles doivent avancer des sommes importantes en attendant une décision, laquelle peut être finalement défavorable. Les agents des MDPH chargés d’instruire les dossiers dénoncent d’ailleurs depuis des années un manque de moyens humains pour l’accomplissement de leurs missions.
La proposition de loi discutée aujourd’hui apporte quelques réponses aux nombreuses demandes des personnes handicapées, mais, à notre sens, elle ne va pas assez loin.
Il y a d’abord, à l’article 1er, la suppression de la limite d’âge de 75 ans, âge avant lequel les personnes en situation de handicap doivent inscrire leur demande de prestation. Cette disposition est à saluer. Néanmoins, la proposition de loi ne revient pas sur une demande légitime des personnes handicapées : suppression de la limite d’âge de 60 ans avant laquelle la personne handicapée doit présenter un handicap pour pouvoir bénéficier de la prestation.
La loi du 11 février 2005 ayant créé la PCH dispose en son article 13 que le critère de l’âge comme condition d’attribution de la prestation doit être supprimé au plus tard en 2010. Voilà donc bientôt dix ans que ce critère discriminatoire perdure. Combien de temps va-t-il falloir attendre encore ?
Ensuite, la proposition de loi met fin, à juste titre, à une contradiction concernant le double plafonnement du financement du reste à charge des personnes en situation de handicap par le Fonds départemental de compensation du handicap. Cependant, le texte proposé instaure une autre limite, à savoir celle des financements du Fonds départemental de compensation.
À notre sens, les financements de ce fonds doivent être assurés et, surtout, permettre une prise en charge complète des restes à charge. Il ne devrait pas être question d’une limitation. Mieux, nous pensons que ce fonds ne devrait même pas exister, car la PCH est justement censée couvrir la totalité des besoins des personnes en situation de handicap. Cela nous montre que cette prestation doit être urgemment revalorisée, et que le véritable sujet est bien là.
Par ailleurs, le texte prévoit une amélioration de la procédure d’attribution de la PCH, avec l’instauration d’une automaticité du droit à prestation lorsque le handicap n’est pas de nature à évoluer favorablement. Cette disposition va dans le bon sens.
Il nous est également proposé de mettre en place des contrôles d’effectivité sous l’autorité des présidents de conseil départemental. Même si l’intention est louable, nous pensons qu’il faudrait supprimer ce contrôle, car il fait peser sur les personnes en situation de handicap des contraintes trop lourdes. Il est de nature à stigmatiser les personnes handicapées, lesquelles sont déjà confrontées à de nombreux obstacles et difficultés. Faut-il rappeler que la moitié des personnes en situation de handicap ont des ressources inférieures à 1 540 euros par mois ? Tel est le constat de l’IGAS dans son rapport de 2016. Alors, n’ajoutons pas davantage de difficultés dans la vie de personnes qui ont déjà du mal à accéder à l’emploi.
Enfin, concernant la dernière disposition de la proposition de loi, nous louons cette volonté de progresser sur la problématique des besoins spécifiques des enfants et des modes de transport des personnes handicapées. Néanmoins, la réalité à laquelle font face les personnes en situation de handicap est connue : elles demandent une meilleure prise en charge des besoins des enfants, notamment en matière de sièges modulables et évolutifs, et une augmentation du montant de l’aide allouée à la mobilité.
La discussion sur cette proposition de loi est l’occasion pour nous de réaffirmer notre attachement à l’égalité des droits et à la solidarité nationale, qui consistent aussi à permettre à nos concitoyennes et concitoyens en situation de handicap de vivre dignement.
Voilà un an, la majorité sénatoriale a refusé de voter notre proposition de loi qui supprimait la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’allocation aux adultes handicapés, au prétexte qu’elle souhaitait une refonte globale du système de compensation de handicap. Nous ne sommes pas rancuniers, et nous voterons en faveur de ce texte, seule l’amélioration, même partielle, des conditions de vie des personnes en situation de handicap nous importe. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SOCR, RDSE, Les Indépendants et UC. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants., ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Franck Menonville. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite, en propos liminaires, saluer l’excellent travail réalisé par le sénateur Philippe Mouiller, en sa qualité de rapporteur, et par le président Alain Milon, auteur de cette proposition de loi. Le texte que nous examinons aujourd’hui vise à favoriser l’accès à la prestation de compensation du handicap. Il s’agit d’une prestation personnalisée créée par la loi du 11 février 2005 en remplacement de l’allocation compensatrice pour tierce personne, sous l’impulsion du Président Jacques Chirac.
Cette prestation modulable est ouverte sans condition de ressources. Elle a la double particularité de ne pas être plafonnée et de couvrir un large champ de besoins ne se réduisant pas aux seules aides à domicile. Elle couvre aussi bien le financement de l’aménagement du logement, du véhicule que les besoins en matière d’aide animalière ou d’assistance humaine et technique.
Ce dispositif témoigne de la volonté des pouvoirs publics de redéfinir les politiques de soutien au handicap.
L’accessibilité est le premier pilier de cette politique. Basée sur l’intégration des personnes handicapées, elle permet d’améliorer l’accès à l’éducation, à la santé, à l’emploi et à la liberté de mouvement.
La solidarité nationale représente le deuxième pilier, à travers le versement de la prestation de compensation du handicap, mais le dispositif initial, bien qu’ambitieux, reste perfectible. Nous savons que les barrières d’âge représentent le premier obstacle d’accès à cette prestation. En effet, la PCH n’est accessible ni aux personnes de plus de 75 ans ni aux personnes âgées de 60 à 75 ans dont le handicap se serait déclaré après 60 ans.
Le vieillissement de la population nous invite à supprimer ce seuil, qui apparaît désormais inopportun. C’est d’ailleurs l’objet de l’article 1er de la proposition de loi, qui apporte donc une réponse concrète à cette difficulté.
L’article 2 va également dans le bon sens. En effet, il propose de diminuer les montants restant à la charge des personnes handicapées, grâce au concours des fonds départementaux.
L’article 3, quant à lui, harmonise les durées d’attribution des aides à dix ans afin de limiter les démarches administratives indispensables à leur renouvellement. Cet article prévoit aussi d’octroyer un droit à vie à la prestation de compensation du handicap lorsque le handicap ne présente pas de possibilité d’évolution favorable.
Enfin, l’article 4 crée un comité stratégique chargé de mener une réflexion globale et prospective sur les modes de transport des personnes handicapées.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants apporte tout son soutien à cette initiative.
L’objectif premier de la prestation de compensation du handicap est de garantir à chaque citoyen une égalité devant la loi, notamment en matière d’accès aux droits fondamentaux. Néanmoins, de nombreuses actions restent encore à mener. Pour preuve, dix ans après l’entrée en vigueur de l’obligation d’accessibilité des établissements recevant du public, 300 000 structures restent encore inaccessibles. Nous savons également que près de 10 000 personnes cumulant plusieurs handicaps restent sans solution d’accompagnement.
Enfin, j’appelle votre attention sur le manque de places dans les établissements français accueillant les personnes autistes, ce qui oblige leurs proches à se diriger vers des établissements étrangers, notamment situés en Belgique. Cette situation est bien connue dans mon département de la Meuse.
Je pourrais aussi multiplier les exemples sur l’accès aux soins dans les territoires ruraux, l’isolement ou encore l’insertion sur le marché du travail, mais cela dépasserait largement le cadre de cette proposition de loi. Madame la secrétaire d’État, nous vous savons mobilisée, et je ne peux que vous encourager à poursuivre votre action, vos efforts pour faire du principe d’égalité une réalité pour les douze millions de personnes touchées par un handicap en France. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, RDSE et UC. – M. Jean-Marie Morisset et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de saluer l’initiative du président Milon, auteur de ce texte, ainsi que le travail de M. Philippe Mouiller, rapporteur de la commission des affaires sociales, qui a fait un rapport particulièrement objectif.
Avant de parler des avancées bienvenues figurant dans cette proposition de loi, je commencerai par développer deux points, qui, je l’espère, feront l’objet de modifications prochaines avec le soutien du Gouvernement.
Premièrement, la couverture des frais de transport par la prestation de compensation du handicap pose de réels soucis aux personnes handicapées, notamment lorsque les ressources médico-sociales ne sont pas immédiatement présentes dans leur département de résidence, limitant de fait leur accès aux soins ou leurs liens familiaux, par exemple. De plus, les déplacements sont parfois assurés par leur aidant, ce qui accroît la charge qui leur incombe. Or celle-ci pourrait facilement être allégée par une évolution de cette couverture.
Comme vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, aujourd’hui, 284 000 personnes sont bénéficiaires de la PCH. Concernant la prise en charge au titre des transports, elle est plafonnée à 5 000 euros sur cinq ans et peut être majorée à 12 000 euros dans certains cas, notamment des déplacements aller-retour supérieurs à cinquante kilomètres. Très concrètement, et dans le meilleur des cas, cela revient à une aide mensuelle maximum de 200 euros pour couvrir ce type de frais. Ce montant apparaît inadapté aux besoins des personnes handicapées. Il conviendrait donc de réévaluer le montant de ces plafonds.
S’il nous paraît opportun que le département puisse, comme cela est déjà permis, apporter une aide s’ajoutant au plafond, nous ne souhaitons pas qu’il revienne aux départements de compenser l’absence de réévaluation de ce plafond pour atteindre un niveau acceptable.
Deuxièmement, sur l’accès aux aides techniques, il est aussi nécessaire de revoir ce point très rapidement. En effet, la liste des aides techniques qui entrent dans le champ de la PCH est précisée soit dans l’annexe du code de l’action sociale, soit dans l’arrêté du 28 décembre 2005. C’est la fameuse liste des produits et prestations remboursables, plus connue sous le sigle « LPPR ». Celle-ci demeure importante, car elle précise, de facto, le matériel pris en charge.
Certaines d’entre elles sont très connues : les barres d’appui, les sièges de bain, les accessoires fauteuils, etc. Ils favorisent notamment l’aide à l’habillage, à la mobilité, à la communication, à l’hygiène.
Toutefois, comme en témoigne le rapport de 2018 intitulé Repenser le financement du handicap pour accompagner la société inclusive, des évolutions sont attendues en la matière.
Nous sommes en 2019, et depuis près de quatorze ans, cette liste n’a pas été réévaluée, alors que notre environnement et nos comportements ont évolué. Depuis tout ce temps, les nouvelles technologies ont fait leur apparition et, avec elles, la mise sur le marché de smartphones, de tablettes, etc.
Désormais, nos maisons sont connectées, du nouveau matériel médical ou d’assistance médicale est disponible. Mes chers collègues, avions-nous tout cela à cette époque ? Certainement pas, mais, aujourd’hui, à l’heure où l’on parle d’intelligence artificielle, il existe des nouveautés, des moyens qui peuvent apporter une aide nécessaire pour ces personnes en situation de handicap. Tant de moyens pour améliorer le quotidien, mais qui ne sont pas pris en charge au titre de la PCH ou de la sécurité sociale ! Cela est d’ordre réglementaire et échappe malheureusement à la compétence du législateur.
Madame la secrétaire d’État, ce sont donc deux points d’alerte qu’il serait important d’examiner rapidement pour compléter les travaux de notre rapporteur.
Concernant cette proposition de loi, il figure à son dispositif de grandes avancées attendues par les personnes handicapées.
Tout d’abord, et il convient de le souligner, l’une d’entre elles répond à un principe de justice sociale en supprimant la limite d’âge dont la justification demeurait, il faut le dire, difficilement compréhensible pour les bénéficiaires.
Comme cela a été rappelé, la PCH n’est en effet accessible aujourd’hui qu’aux personnes de moins de 60 ans ou aux personnes de moins de 75 ans dont le handicap s’est déclaré avant 60 ans. Cette mesure était particulièrement attendue.
Je veux surtout souligner que plusieurs apports figurent dans cette proposition de loi, en particulier à l’article 3. Avec l’adoption de ce texte, les personnes concernées n’auront plus besoin de procéder à d’insoutenables démarches de demandes de renouvellement. Les durées d’attribution des différents éléments de la prestation, hors aide humaine, sont homogénéisées, ce qui est une bonne chose. En effet, combien de familles ont exprimé leur ras-le-bol de procéder trop souvent à ces démarches administratives ?
Lors de l’examen du texte en commission, il nous a été précisé que ce délai serait de dix ans. Nous nous en félicitons. C’est une étape majeure, car elle libérera l’esprit des familles, pour lesquelles ces démarches sont fastidieuses.
Il convient surtout de préciser que cette disposition permettra aussi aux agents des MDPH, qui auront moins de dossiers de demandes de renouvellement à traiter, de disposer, je l’espère du moins, de plus de temps de gestion. Encore dernièrement, un habitant de l’Essonne appelait mon attention sur la situation de sa femme au sujet de laquelle un agent lui avait indiqué qu’il n’aurait pas de réponse avant facilement six à neuf mois.
Veillons donc à une meilleure organisation. Ces structures assurent des missions d’accompagnement, dans des cadres d’urgence, de crise, sans oublier de souffrance.
Ce temps est précieux, notamment d’un point de vue financier. En plus de la question des transports évoquée précédemment, ce sujet doit être pris à bras-le-corps. Pour toutes ces raisons, je formule un vœu : j’espère que dans le prochain projet de loi relatif au grand âge et à l’autonomie, la question des délais de traitement sera au rendez-vous.
Par ailleurs, cet article crée un droit à vie à la PCH lorsque le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement. Cette disposition s’inscrit dans le prolongement de ce qui a été accordé pour la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ou l’allocation aux adultes handicapés pour ceux dont le taux d’incapacité permanente est de 80 %.
Je ne reviendrai pas en détail sur les modalités de contrôle du président du conseil départemental, car ce point a été décrit en détail par le rapporteur.
Au-delà de ce sujet, la correction apportée au niveau de la base légale des fonds départementaux de compensation du handicap était attendue. Nous saluons l’adoption en commission de l’article 2 qui entend apporter plus d’égalité au-delà d’un souci de clarté.
Surtout, je souhaite m’arrêter quelques instants sur la création, auprès du ministre chargé des personnes handicapées, du comité stratégique chargé d’élaborer et de proposer des évolutions des modes de transport.
Je le disais dans mon introduction, la question des transports est un sujet épineux. Cette disposition va dans le bon sens. Toutefois, madame la secrétaire d’État, il ne faudrait pas que le temps de la constitution du comité et le temps de la réflexion ne soient plus longs que celui de la réforme attendue. Cet article permet ainsi de poser le sujet sur la table.
Les problématiques sont connues de tous, et les élus locaux nous les font remonter régulièrement : des règles différentes en fonction de la finalité du transport utilisé ; des prises en charge diverses selon que la personne handicapée travaille ou non ; des périmètres différents en fonction des financeurs ; des règles de prise en charge assurées de manière diverse.
Ainsi, de ce comité stratégique doit découler une rationalisation des objectifs et des moyens autour d’une règle, d’un financeur, d’un interlocuteur. Le droit ne saurait s’inscrire dans une autre perspective que celle de la simplification des procédures.
À ce sujet, j’ai créé dans ma commune un accueil de jour Alzheimer. La maladie n’étant pas un handicap, bien qu’elle puisse être handicapante, les personnes touchées par ces symptômes relèvent de l’allocation personnalisée d’autonomie. Outre que sa thématique transport est souvent mal connue, voire méconnue des bénéficiaires, cette allocation ne serait pas assez importante.
Mes chers collègues, cet accueil de jour est sous-occupé, car les personnes qui pourraient l’intégrer n’ont pas les moyens financiers suffisants pour y venir. Or cette structure, construite par la municipalité et gérée par un Ehpad, constitue une véritable offre de répit pour les aidants. Tout cela démontre bien les besoins qui existent sur le plan de la rationalisation des transports.
Monsieur le rapporteur, ce texte apporte de belles innovations, attendues par les intéressés. Nous serons d’autant plus satisfaits lorsque le Gouvernement mettra en œuvre les réformes nécessaires tant pour les transports que pour les aides techniques. Je sais que vous y travaillez.
Pour l’heure, le groupe Union Centriste soutiendra ce texte, dont il espère, madame la secrétaire d’État, une adoption rapide à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, RDSE et Les Indépendants.)