M. Loïc Hervé. C’est une question !
Mme Laurence Rossignol. On ne comprend rien à vos méthodes, ou plutôt on comprend bien une seule chose : vous ne voulez bouger sur rien ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Il s’agit de mesures de bon sens !
Prenons l’exemple d’un père muni d’un bracelet anti-rapprochement. Il peut encore exercer son autorité parentale et il doit donc aller au domicile de sa victime, autrement dit de son ex-conjointe, car il a la garde du ou des enfants le week-end. Comment fait-il, étant donné qu’il est frappé d’une mesure d’éloignement l’empêchant de se rendre près de sa victime ? Combien de délits ont-ils été commis par des ex-conjoints violents sur le chemin de l’école ou devant l’école, en présence des enfants ? Vous voulez nous empêcher d’ajouter un bouclier supplémentaire de protection, de manière provisoire, dans l’attente d’un jugement sur le fond. J’avoue que je ne comprends pas. Il y a des moments où je me demande ce que nous faisons là.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Nous voterons bien sûr en faveur de l’amendement n° 60 rectifié. J’ai l’impression de me répéter sur cette question de l’autorité parentale. Je vous engage à vous reporter au rapport d’information de la délégation aux droits des femmes du Sénat intitulé 2006-2016 : un combat inachevé contre les violences conjugales. Des textes ont été adoptés en 2010, d’autres initiatives ont été prises, et c’est vrai que l’on piétine un peu.
Certains de mes collègues, avocats ou autres, préconisent même d’aller plus loin vers le retrait de l’autorité parentale en disant que le père qui pourrait récupérer l’autorité parentale a une emprise – cela doit vous dire quelque chose –, par le biais des enfants, sur la femme battue, qui, de fait, a peur.
On connaît son adresse personnelle, son numéro de téléphone, ses adresses internet. Et aujourd’hui, on chipote sur un retrait immédiat de l’autorité parentale ! Je conçois qu’on examine les différentes possibilités envisageables pour protéger la femme menacée, mais là, j’avoue que ce remake me déplaît beaucoup. Je le répète, je voterai cet amendement, et je pense que je ne serai pas la seule.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Nous sommes confrontés à un réel dilemme. On le sait, les drames sont nombreux, des épouses sont lâchement assassinées ; on sait ce que vivent les enfants. Toutes ces personnes sont des victimes. Le bon sens doit vraiment l’emporter. Il y a réellement urgence à trouver des solutions à ce problème crucial et cruel qui est malheureusement fort ancien.
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour explication de vote.
Mme Sylviane Noël. J’apporterai également mon soutien à cet amendement en vous relatant le témoignage d’une femme victime de violences, alors qu’une ordonnance de protection avait exigé l’éloignement de son mari. L’un des enfants avait été particulièrement traumatisé par toutes les scènes de violences auxquelles il avait assisté. La mère avait voulu faire intervenir un éducateur spécialisé, mais en vain malheureusement, puisque le père s’y opposait en vertu de son autorité parentale.
On voit donc là toutes les limites de la décision de maintenir l’autorité parentale au profit du père violent, alors qu’il est lui-même responsable des troubles vécus par l’enfant, pour lequel un éducateur spécialisé aurait été d’un grand secours.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je voudrais rectifier deux ou trois choses que j’ai entendues et qui, je le dis avec tout le respect que je vous dois, mesdames, messieurs les sénateurs, me choquent un peu.
Quand j’entends dire qu’on piétine, qu’on chipote, quand on nous prête des propos selon lesquels nous affirmerions que tout est sous contrôle, alors que rien ne l’est, quand j’entends certains d’entre vous se demander à quoi ils servent, je tiens à vous dire que j’ai du Parlement, et du Sénat, en particulier, une autre vision et j’ai pour lui un respect plus profond que vous-mêmes ne semblez le signifier.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous examinez un texte, avant de l’adopter, je l’espère du moins, qui porte sur trois points essentiels inexistants à ce jour : l’amélioration de l’ordonnance de protection,…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Qui existe déjà !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … avec un délai de délivrance plus rapproché ; la création d’un bracelet anti-rapprochement…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Jamais expérimenté !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je n’aime pas répondre à la volée, mais pourquoi ne l’a-t-on jamais expérimenté, madame la sénatrice ? Pourquoi ai-je souhaité, avant que M. le député Pradié ne dépose sa proposition de loi, une accroche législative ? En réalité, le dispositif prévu par les textes précédents était tellement restrictif – il ne pouvait fonctionner qu’en post-sentenciel – que son utilité était quasiment nulle.
C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité, le dépôt d’une proposition de loi permettant une véritable concrétisation de ce bracelet anti-rapprochement.
La proposition de loi que vous examinez aujourd’hui a donc un intérêt majeur sur les deux points que je viens de citer – l’ordonnance de protection et le bracelet anti-rapprochement –, ainsi que sur le téléphone grave danger. Ce n’est pas rien, c’est même tout à fait essentiel !
En revanche, lorsque vous évoquez les questions liées à la suspension de l’autorité parentale, vous posez là un vrai sujet. J’ai dit simplement que depuis plusieurs semaines, des groupes de travail très sérieux se réunissent.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous aussi nous sommes sérieux !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ils sont composés de membres d’associations qui se sont impliquées, de magistrats, de personnes au contact des femmes en difficulté et des enfants. Ils viennent de rendre leurs premières conclusions. Les conclusions définitives seront exposées par le Président de la République ou le Premier ministre le 25 novembre.
La question de l’autorité parentale est traitée très sérieusement dans ces groupes de travail. Je le rappelle, l’article 515-11 du code civil que nous examinons précise expressément que le juge se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Il peut donc, dans ce cadre, attribuer l’exercice exclusif de l’autorité parentale à l’un ou l’autre des deux parents, c’est-à-dire à la personne qui a été victime des violences, ce qui me semble correspondre, d’une certaine manière, à votre souhait.
On ne peut pas, comme cela, par le biais d’une ordonnance de protection, suspendre l’autorité parentale. Une telle mesure est extrêmement grave. Si nous prenons cette décision, ce qui est bien sûr souhaitable et ce que le Premier ministre a annoncé, nous devons faire en sorte de l’entourer d’un certain nombre de garanties. L’étude en cours a pour objet de s’assurer que le dispositif qui sera proposé est conforme à la Constitution.
Je le dis donc clairement : non, nous ne faisons pas rien ! Oui, le code civil permet déjà d’attribuer l’exercice exclusif de l’autorité parentale à l’un des deux parents de manière provisoire ! Et nous aurons, dans quelques jours ou quelques semaines, un dispositif verrouillé et performant.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Je voudrais juste vous rappeler le droit actuellement en vigueur.
Aux termes de l’article 515-11 du code civil, l’ordonnance de protection est délivrée dans les meilleurs délais. Le juge aux affaires familiales se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Quand il délivre son ordonnance de protection, le JAF peut donc déjà retirer l’autorité parentale. Ne pensons pas qu’il ne peut rien faire ! Cette possibilité est déjà prévue dans le code.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Si tout est déjà dans la loi, comment est-il possible qu’il n’ait pas été décidé de suspendre l’autorité parentale du mari d’une femme victime de ses violences, permettant ainsi à cet homme d’exercer des pressions et des manipulations sur ses enfants surtout quand ils sont adolescents dans le cadre de son droit de garde ? Récemment, une femme m’a exposé des faits de ce genre. Le père, en particulier quand il est resté dans le logement, dit à ses enfants, qui par nature se laissent manipuler facilement, qu’il est dans son bon droit. Comment admettre que la femme, victime de violences, qui vit une situation déjà difficile, se trouve accusée par ses enfants d’être, en quelque sorte, celle par qui tout le scandale arrive ?
Il me paraît évident qu’il faut suspendre l’autorité parentale pour protéger les enfants auxquels il faut aussi penser !
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Madame la ministre, je n’arrive pas à être convaincu que cette proposition de loi n’est pas le bon véhicule. Pourquoi faut-il encore attendre, d’autant que nous n’avons aucune certitude sur la suite et alors que le Premier ministre va dans ce sens ? Nous voyons dans cet hémicycle se créer un certain consensus. Je ne pense pas que les auteurs de la proposition de loi soient opposés à un enrichissement du texte sur l’autorité parentale ; je pense même le contraire.
Mme Annick Billon. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 60 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les sénateurs constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 26 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l’adoption | 116 |
Contre | 214 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 122.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme Josiane Costes. Monsieur le président, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 117 rectifié est retiré.
L’amendement n° 85 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Lepage, Meunier, Jasmin, Monier et Blondin, MM. Antiste, Assouline, M. Bourquin, Daudigny et Duran, Mmes Grelet-Certenais et Harribey, MM. Manable, Marie et Mazuir, Mme Préville, M. Tissot, Mme Tocqueville et MM. Tourenne, Vallini et Temal, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le 6° bis, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Autoriser la partie demanderesse à dissimuler l’adresse de l’établissement scolaire de son ou ses enfants ; »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Puisque le Sénat vient de rejeter une suspension de l’autorité parentale dans le cadre de l’ordonnance de protection, nous allons essayer de prendre des mesures qui peuvent protéger la victime des effets de l’autorité parentale conjointe.
Parmi ces effets, il y a le droit, pour chacun des parents exerçant cette autorité, de connaître l’établissement dans lequel les enfants sont scolarisés.
Je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement, qui est presque un amendement de repli. Nous proposons que la victime puisse demander que l’ordonnance de protection prévoie l’interdiction pour l’autre parent, le père le plus souvent, de connaître l’établissement scolaire. C’est en effet devant ce lieu qu’il va venir chercher les enfants et la mère, enfreignant la protection que le juge a cru leur assurer !
Madame la garde des sceaux, vous avez évoqué tout à l’heure les groupes de travail « sérieux » qui réfléchissaient et faisaient des propositions dans le cadre du Grenelle. Eh bien, nous aussi, nous faisons un travail sérieux, et surtout, nous ne travaillons pas en vase clos. Les amendements soumis à la discussion en séance publique ne sont pas le fruit d’un colloque singulier que chaque sénateur aurait avec lui-même ou avec quelques collègues membres de sa commission ou de ses amis.
Ils sont le produit de nos rencontres avec les mêmes associations que vous consultez depuis deux mois dans le cadre du Grenelle, avec les personnes que nous voyons dans nos circonscriptions et nos permanences. Nous avons construit nos propositions à partir des cas concrets que nous connaissons, nous les avons élaborées en faisant appel à l’expertise d’associations, de structures et d’avocats. Nous discutons avec eux au minimum depuis plus d’un an. Oui, voilà plus d’un an que la commission des lois et la délégation aux droits des femmes procèdent à des auditions et travaillent sur tous ces sujets ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. Loïc Hervé approuve.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à permettre au juge aux affaires familiales d’autoriser la victime de violences à dissimuler l’adresse de l’établissement scolaire des enfants dans le cadre d’une ordonnance de protection.
Il s’agit de retirer à l’un des parents l’exercice de l’un des attributs de l’autorité parentale. Il n’est donc pas possible de le faire si le juge ne retire pas l’autorité parentale au défendeur à une ordonnance de protection.
Mme Laurence Rossignol. Eh bien, voilà, vous êtes coincés !
Mme Marie Mercier, rapporteur. Les deux sont liés : si le juge confie l’exercice exclusif de l’autorité parentale à l’un des deux parents, alors, il est possible de le priver de certaines informations relatives à la vie quotidienne et à l’éducation de l’enfant.
Mme Laurence Rossignol. On a compris !
Mme Marie Mercier, rapporteur. Je sais bien que vous avez compris, mais ce n’est peut-être pas le cas de tout le monde. Je me permets donc de redonner les explications !
Mme Laurence Rossignol. Tout le monde a compris !
Mme Marie Mercier, rapporteur. Alors, tout le monde a compris qu’on essaye de faire au mieux !
Cela étant dit, la nouvelle interdiction de paraître que prévoit la proposition de loi permettra, le cas échéant, d’interdire au défendeur de se rendre dans le périmètre de l’école des enfants si le juge l’estime nécessaire.
C’est donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous venons d’assister à une démonstration extraordinaire ! Nous essayons de défendre des amendements, parce que, en tant que sénatrices et sénateurs, nous croyons au travail législatif. Madame la garde des sceaux, je n’ai pas l’habitude de vous apostropher, mais vous dites que vous êtes en train de faire un travail sérieux, procédant à des auditions, constituant des groupes de travail, etc. Cela nous donne un peu l’impression d’être méprisés, relégués à l’enfilage de perles ou autre activité moins sérieuse que les vôtres !
Je veux le dire à mon tour, nous aussi, nous réalisons des auditions et accomplissons un travail sérieux, non seulement dans l’hémicycle, mais aussi sur le terrain, que nous connaissons bien, car nous sommes, pour certains d’entre nous en tout cas, des militantes et des militants associatifs, politiques. Le travail sérieux, nous le faisons, et depuis très longtemps !
Et là, face à une proposition tirée de notre travail, la rapporteur convient qu’elle est coincée par la stricte lecture du code civil : faute d’avoir suspendu l’exercice de l’autorité parentale à l’égard du parent violent, on ne peut rien faire ! C’est extraordinaire d’entendre cela ! Cela montre bien l’utilité pour la commission de réfléchir aux conséquences de ses décisions quand elle s’oppose à des amendements.
Madame la rapporteur, au final, à l’issue du vote de cette proposition de loi, les femmes victimes de violences ne vont pas être plus protégées. Quant aux enfants, ils le seront encore moins.
Madame la garde des sceaux, vous êtes revenue sur trois points en effet importants et qui vont dans le bon sens. Mais en fait, vous choisissez de rester sur vos rails, rien que sur vos rails. L’initiative doit venir de votre part, à un moment qui sera utile pour votre communication, autour du 25 novembre, une date emblématique.
Je ne partage pas cette façon de faire parce que les victimes vont rester dans le dénuement ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SOCR et UC. – M. Max Brisson applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je veux être sûre d’avoir bien compris le propos de Mme la rapporteur, approuvé par la garde des sceaux : l’ordonnance de protection pourrait faire obstacle à l’exercice de l’autorité parentale ? (Approbation sur les travées du groupe UC.)
Mme Marie Mercier, rapporteur. Bien sûr !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Mesurez-vous la portée de ce que vous avez affirmé ? Je ne pense pas que ce soit possible, parce que l’autorité parentale se décide dans le cabinet du juge. Elle peut être retirée, accordée, exclusive, partagée, mais on ne peut pas empêcher un parent de l’exercer, sauf à suspendre son exercice.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. L’exercice est très frustrant. Nous avons accompli un travail extraordinaire et sérieux sur le terrain pendant des semaines et des semaines pour formuler les propositions que nous jugions bonnes, pertinentes et légitimes. Tout le travail traduit en séance sous la forme d’amendements nous a pris des heures et des jours. Et aujourd’hui, on apprend en live, comme on dirait dans le monde du spectacle, que quelque chose d’autre est en préparation, que des groupes de travail se réunissent, et qu’il faudrait attendre le 25 novembre pour en connaître les résultats – tant mieux, c’est la Sainte-Catherine ! (Sourires.)
À la limite, on nous demande d’accélérer la voiture et, en même temps, de la freiner ! Que devons-nous faire maintenant ? Continuer de présenter des amendements ? Que va devenir cette proposition de loi à terme, quand arrivera l’autre texte, avec sa centaine de propositions ?
Madame la garde des sceaux, je peux vous dire que le travail que nous avons fourni est important et sérieux. Si nous sommes ici aujourd’hui, ce n’est pas le fruit du hasard. C’est en raison d’une réelle implication, d’une vraie légitimité, qui nous autorise à faire remonter les idées recueillies à bon escient sur le terrain.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je m’associe à mon tour aux différentes interventions et je voterai, bien entendu, en faveur de cet amendement.
Je me suis limitée dans le dépôt d’amendement. En effet, au départ, avant les auditions, nous avions imaginé un vote conforme pour aller vite et répondre à une forte attente sociétale de toutes les femmes en détresse et de ces victimes potentielles.
Aujourd’hui, nous devons examiner plus d’une centaine d’amendements. C’est dire que tout le monde ne s’est pas freiné. Et tous ces collègues ont eu raison. On le voit, il est impossible de traiter les violences faites aux femmes en se limitant à une ou deux mesures.
Moi non plus, je ne comprends absolument pas la volonté de s’opposer systématiquement à ces amendements qui sont le fruit du terrain. La délégation aux droits des femmes a fait un énorme travail lors du dépôt du projet de loi de Mme la secrétaire d’État Marlène Schiappa. La soixantaine de spécialistes que le Gouvernement consulte, elle les a auditionnés. La semaine dernière, j’ai assisté au compte rendu de vos groupes de travail, madame la garde des sceaux. Je n’y ai rencontré que des gens que nous côtoyons depuis des années au sein de notre délégation. Les propositions qu’ils vous font, nous les connaissons depuis des années. Il n’y a rien de nouveau dans celles qui sont débattues ce soir.
Je remercie toutes les collègues et tous les collègues qui les ont faites et qui ont décidé de ne pas se prêter au vote conforme initialement envisagé.
On le constate bien, il y a tout un travail à faire avec cette proposition de loi et il serait bien d’accepter des amendements qui sont tout à fait légitimes. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, SOCR et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Madame la garde des sceaux, tout à l’heure, vous avez rendu hommage au Sénat, et je pense que vous étiez très sincère. L’initiative de la loi appartient aussi au Parlement. Or vous voulez la réduire en vous appuyant sur un agenda du Gouvernement dont on ne peut pas dire que la cohérence saute aux yeux.
M. Max Brisson. J’ai le sentiment que vous voulez réduire notre capacité d’utiliser le véhicule législatif qui nous est soumis. Or il s’agit de la proposition de loi, que vous avez soutenue, déposée par un groupe de l’opposition à l’Assemblée nationale.
Nous estimons que ce texte est le bon véhicule, qui nous permet d’aller vite. De plus, nous avons le sentiment d’être à peu près en phase avec les propos du chef du Gouvernement. Nous n’arrivons donc pas à comprendre la logique de votre agenda, de votre démonstration. Vous vous êtes vous-mêmes enfermés dans la quadrature du cercle.
Comme Annick Billon, je voterai cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 85 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les sénateurs constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 27 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 129 |
Contre | 213 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Laurence Rossignol. S’il y avait eu un vote à main levée…
Mme Marie Mercier, rapporteur. Avec des si !
M. le président. L’amendement n° 84 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, Lepage, Meunier, Jasmin, Monier et Blondin, MM. Antiste, Assouline, M. Bourquin, Daudigny et Duran, Mmes Grelet-Certenais et Harribey, MM. Manable, Marie et Mazuir, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Tissot, Mme Tocqueville et MM. Tourenne, Vallini et Temal, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer deux alinéas rédigés :
…) Après le 7°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À sa demande, la partie demanderesse peut poursuivre la dissimulation de son domicile ou de sa résidence prévue aux 6° et 6° bis à l’expiration de l’ordonnance de protection. » ;
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 84 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 62 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol, Lepage et Conconne, M. Courteau, Mmes Blondin et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au dernier alinéa, les mots : « en raison de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants » sont supprimés ;
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Il s’agit de compléter l’article 515-11 du code civil. Dans son dernier alinéa, il était prévu que lorsque, dans le cadre de l’ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales était amené à considérer que des enfants étaient en danger, il devait prévenir le procureur de la République.
Nous proposons de supprimer cette indication « en raison de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants », considérant que le juge doit d’office informer le procureur de la République de l’ordonnance de protection qu’il prend.
Cela paraît d’autant plus indispensable que le même texte prévoit que le dépôt de plainte n’est plus nécessaire au dépôt de la demande d’ordonnance de protection.
Bien évidemment, la démarche peut être faite devant le juge aux affaires familiales sans que le procureur de la République soit informé d’un délit qui est commis à l’égard d’une femme.
Pour rectifier cela, il me semble indispensable de modifier le dernier alinéa de l’article 515-11 du code civil tel qu’il existe aujourd’hui pour prévoir que dans tous les cas, l’ordonnance de protection est communiquée au procureur de la République, à charge pour lui de faire une enquête et de suivre. Si nous voulons protéger les victimes, cette démarche est indispensable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Le présent amendement tend à informer le procureur de la République de toutes les ordonnances de protection qui sont délivrées. Il est déjà satisfait par le droit positif.
Le parquet est présent à tous les stades de l’instance civile. Il reçoit toutes les demandes d’ordonnance de protection et est partie jointe à l’audience dans la plupart des cas.
Enfin, il est informé des suites données à toutes les demandes d’ordonnance de protection, puisque la décision prise par le juge aux affaires familiales lui est notifiée pour information par remise avec émargement ou envoi contre récépissé. Il doit procéder à l’inscription au fichier des personnes recherchées, des personnes faisant l’objet d’une interdiction de contact ou de détention et de port d’armes et, bientôt, de celles qui feront l’objet d’une interdiction de paraître.
Le juge aux affaires familiales effectue en outre auprès de lui un signalement spécifique sans délai de toute ordonnance de protection délivrée en raison de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants. Il s’agit de permettre, le cas échéant, la saisine du juge des enfants.
Par conséquent j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.