M. le président. La parole est à M le rapporteur. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Bonne, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 13 juin dernier, dans sa déclaration de politique générale devant notre Haute Assemblée, le Premier ministre, M. Édouard Philippe, avait annoncé que ce PLFSS serait « une première étape » de la grande réforme de la prise en charge du grand âge, elle-même « grand marqueur social » du quinquennat.
La volonté politique est manifeste. Elle est en outre soutenue par la société civile et alimentée par les réflexions de l’administration. La mission confiée à Mme Myriam El Khomri sur l’attractivité des métiers du grand âge vient de rendre ses conclusions ; elles se situent dans la lignée du rapport rendu par M. Dominique Libault en conclusion de la concertation « Grand âge et autonomie », rapport qui avait été unanimement salué en mars dernier.
Or les unanimités sont souvent louches et inquiétantes. Ce n’est pas que les préconisations du rapport Libault soient contestables. Au contraire ! Nous en approuvons largement les grandes orientations, comme la nécessité du virage domiciliaire, la baisse du reste à charge ou la hausse du taux d’encadrement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). D’ailleurs, nous avions déjà en grande partie préconisé de telles mesures, voire voté certaines d’entre elles, comme l’indemnisation du congé de proche aidant.
Non, je crains plutôt que l’accord sur les préconisations ne soit lié au fait que l’on ne parle pas encore de l’essentiel, c’est-à-dire du financement d’une véritable politique de prise en charge des bientôt 2,5 millions de personnes dépendantes dans notre pays.
C’est d’abord cela et, en conséquence seulement, la restructuration de l’offre de service à destination de nos concitoyens qu’il faudrait évoquer en loi de financement de la sécurité sociale. Hélas, je n’ai que cinq minutes ! Mais il paraît que nous y reviendrons bientôt.
La minceur du volet médico-social du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale conduirait à considérer le teasing législatif comme un des beaux-arts.
Au titre de 2019, il faut, certes, saluer le renfort inédit de 130 millions d’euros pour l’Ondam médico-social, qui correspond à la sous-exécution attendue des soins de ville, même si c’est à peu près ce qui avait été gelé par précaution en début d’année, comme chaque année.
Au titre de 2020, la plupart des mesures nouvelles censées engager le virage domiciliaire sont curieusement consacrées aux établissements. Il s’agit pour l’essentiel de la poursuite de la convergence tarifaire. Un seul signal financier est envoyé aux métiers du grand âge : la revalorisation de la prime d’assistant de soins en gérontologie, pour un montant de 15 millions d’euros. Toutefois, cela ne représente en moyenne que 150 000 euros par département !
J’en viens à l’aide à domicile. L’enveloppe de 50 millions d’euros de l’an dernier est reconduite en 2020, alors que le rapport Libault estimait les besoins de l’aide à domicile à 550 millions d’euros d’ici à 2024 et qu’il faudrait environ cinq fois plus pour seulement hisser tous les professionnels du secteur au niveau du SMIC !
Je ne dirai pas grand-chose à ce stade de l’indemnisation du congé de proche aidant par une section du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), chaque année en déficit, puis par les réserves de la Caisse, et moins encore du financement des établissements médico-sociaux par le surplus du produit tiré des amendes radars avec l’abaissement de la vitesse sur les routes à 80 kilomètres par heure. Nous aurons ces débats en temps utile.
La commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l’adoption des dispositions médico-sociales de ce PLFSS, celles-ci valant mieux qu’une absence totale de mesures. Toutefois, nous regrettons de devoir attendre la réforme promise pour travailler à clarifier les compétences, à unifier la gouvernance et le pilotage de la politique du grand âge et, surtout, à pérenniser son financement pour les générations à venir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les excédents cumulés de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), qui culmineront à 4,8 milliards d’euros en 2020, sont en passe de se transformer en cagnotte. Le Gouvernement ne souhaitant pas poursuivre la baisse du taux de cotisation AT-MP, le solde de la branche s’établira à 1,4 milliard d’euros en 2020 et se maintiendra à ce niveau jusqu’en 2023 ; de quoi alimenter, paraît-il, la trésorerie des autres branches.
Le gonflement des capitaux propres de la branche, de même que le transfert, au bénéfice de l’assurance maladie, d’un milliard d’euros pour la sixième année consécutive, amène à s’interroger sur les fondements assurantiels de la branche AT-MP.
Au titre de la solidarité « interbranches » – c’est un terme qui vient de sortir ! –, les cotisations AT-MP, qui sont pourtant censées responsabiliser les employeurs sur la sinistralité de leurs établissements, sont en partie détournées au profit du rééquilibrage d’une branche maladie toujours en difficulté. Dans le même temps, quand bien même la branche AT-MP dispose d’une cagnotte qui dépassera rapidement les 5 milliards d’euros, les rentes AT-MP resteront sous-revalorisées, à hauteur de 0,3 % en 2020, bien en deçà de l’inflation.
De même, les excédents de la branche ne seront pas mobilisés pour le développement de la prévention au sein des entreprises. Les moyens du Fonds national de prévention des AT-MP ne représenteront que 2,7 % des dépenses en 2020. Le Gouvernement préfère ne pas toucher aux excédents qui dorment confortablement en trésorerie à l’Acoss.
Parmi les mesures relatives aux AT-MP, je me concentrerai sur le fonds d’indemnisation des victimes des pesticides. Nous nous félicitons effectivement de la création de cet outil, que notre collègue Nicole Bonnefoy – vous l’avez rappelé, madame la ministre – avait défendue en présentant sa proposition de loi dans cet hémicycle. Mais les avancées du nouveau fonds sont, en définitive, très limitées. La réparation reste forfaitaire et le niveau d’indemnisation des salariés agricoles ne changera pas par rapport à ce qu’ils peuvent aujourd’hui espérer de la Mutualité sociale agricole.
Seul un effort est réalisé en faveur des travailleurs agricoles non-salariés, notamment les chefs d’exploitation retraités avant 2002, avec un alignement de leurs conditions d’indemnisation sur celles des salariés agricoles et le versement d’un complément d’indemnisation. En outre, les enfants exposés en période prénatale pourront être indemnisés au titre de la solidarité nationale, mais à la condition que l’un des parents ait été exposé professionnellement.
Si la création d’un fonds apparaît généreuse, notre commission ne peut que regretter que le Gouvernement en fasse intégralement reposer le financement sur les agriculteurs et les employeurs. Ces derniers supporteront le coût des transferts des branches AT-MP des différents régimes et du relèvement de la taxe sur les pesticides.
Or – faut-il le rappeler ? – c’est l’État qui autorise l’usage des pesticides. C’est lui qui a permis l’utilisation du chlordécone, qui a durablement contaminé les sols antillais et dont le lien avec les récidives de cancer de la prostate est de plus en plus étayé par la science. Pourquoi ne pas avoir retenu une participation de l’État au financement du fonds au titre de sa responsabilité, comme cela avait été le cas pour l’amiante ou les contaminations transfusionnelles ? Notre commission a adopté plusieurs amendements pour améliorer le dispositif d’indemnisation.
Au final, étant donné qu’il y a un excédent global, et eu égard à l’avancée que constitue une telle compensation pour les victimes, la commission vous demande d’adopter, sous les réserves que je viens d’énoncer, les dispositions du PLFSS relatives à la branche AT-MP. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’indiquait M. le rapporteur général, le compte n’y est pas !
Mêmes causes, mêmes effets ! L’année dernière, je profitais de la discussion générale pour indiquer aux membres du Gouvernement que la commission des affaires sociales du Sénat avait adopté deux amendements relatifs à la branche vieillesse. L’un visait à supprimer l’article qui sous-revalorisait les prestations sociales par rapport à l’inflation ; l’autre tendait à reculer l’âge minimum légal de départ à la retraite de 62 ans à 63 ans pour apporter une première réponse durable au déséquilibre de la branche, qui se profilait déjà ; c’était dans l’annexe B du PLFSS pour 2019.
Mêmes causes, mêmes effets ! Cette année, notre commission a adopté deux amendements similaires à ceux de l’année dernière. Le premier vise à supprimer l’article 52, qui prévoit un mécanisme complexe de revalorisation différenciée des prestations sociales, et singulièrement des pensions, dont la constitutionnalité est douteuse. Le deuxième tend à décaler, cette fois-ci, l’âge minimum légal de 62 ans à 64 ans à compter du 1er janvier 2025 pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1963. Je le rappelle, l’âge moyen de départ à la retraite à taux plein est actuellement de 63,1 ans, hors départs anticipés.
Que s’est-il passé entre-temps ?
D’abord, il y a eu une crise sociale majeure qui a placé la question du pouvoir d’achat, en particulier des retraités, au centre des revendications. Cette crise a conduit le Gouvernement à revenir en partie sur deux décisions dont le Sénat avait souligné l’an dernier le risque quant à leur effet cumulatif : d’une part, le retour à un taux de CSG de 6,6 % pour les retraités dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 2 000 euros, prévu dans le cadre de la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales (MUES) ; d’autre part, le maintien, prévu dans ce PLFSS, d’une sous-revalorisation à 0,3 % en 2020 pour les seules pensions de retraite dont les assurés perçoivent un montant total, base et complémentaire, supérieur à 2 000 euros, l’ensemble des allocations familiales étant concernées par cette sous-revalorisation.
L’autre changement, c’est la sévère dégradation de la trajectoire financière de la branche vieillesse, qui accuserait un déficit de 4,6 milliards d’euros en 2020. Ce déficit se dégraderait jusqu’en 2023 pour atteindre 6,6 milliards d’euros.
À la fin du mois, le Conseil d’orientation des retraites devrait rendre son diagnostic sur les perspectives financières du système dans son ensemble, mais certains estiment que son déficit pourrait avoisiner 10 milliards d’euros à 15 milliards d’euros par an vers 2025 ! Et ce n’est pas la réforme envisagée qui va résorber un tel déficit : dans les propositions du haut-commissaire, le mode de calcul différentiel se fonde sur la même trajectoire financière !
C’est à la lumière de ces deux changements qu’il faut examiner les propositions qui vous seront soumises par le Sénat cette semaine, madame la ministre. Je vous invite à nous écouter. En supprimant l’article 52, notre Haute Assemblée réaffirme sa conviction que la baisse des pensions n’est pas le levier souhaitable pour rééquilibrer financièrement la branche vieillesse.
La sous-revalorisation, parce qu’elle emporte des effets de base qui se répercutent d’année en année, est une rupture fondamentale avec le principe contributif au cœur du système des retraites, mais aussi avec le contrat social implicite de notre pays, selon lequel, une fois liquidée, la retraite évolue en fonction de l’inflation pour garantir le pouvoir d’achat des retraités. Cette question est également au centre de la confiance que les jeunes générations peuvent avoir en leur retraite.
Notre amendement tendant à porter l’âge minimum légal à 64 ans ne doit pas être balayé d’un revers de main, comme ce fut le cas l’an dernier : il pose en toute transparence la question du recul de l’âge effectif de départ à la retraite. C’est le moyen le plus efficace de garantir l’équilibre, donc de donner confiance à nos concitoyens, notamment les plus jeunes.
Oui, il faut assumer le fait qu’avec l’allongement de l’espérance de vie, donc du temps passé à la retraite, et alors que la France accuse un retard important en matière de taux d’emploi des 60-64 ans, les Français, comme les habitants des autres pays européens, devront travailler plus longtemps pour financer un bon niveau de retraite, sachant que la retraite sera plus longue. D’ailleurs, le rapport entre cotisants et retraités devient de plus en plus inquiétant.
Le recul de l’âge doit être assumé, afin d’envisager sereinement la question de ce qu’un rapport récent du Sénat a appelé « le défi des fins de carrière ». Je souhaite que le Gouvernement puisse examiner la pertinence du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue pour le recentrer sur les carrières pénibles.
Madame la ministre, n’hésitez pas à suivre nos propositions. (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mmes Élisabeth Doineau, Françoise Gatel et Sophie Joissains applaudissent.) Nous devons avoir un débat éclairé, apaisé et sincère sur le recul de l’âge de départ à la retraite. Le Sénat y contribue et assume ses responsabilités à travers ces deux amendements, que je vous inviterai à adopter.
Sinon, mêmes causes, mêmes effets ! Quand ce n’est pas le Parlement qui est écouté, c’est la rue qui parle, et c’est le Gouvernement qui capitule ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la famille. Le présent projet de loi comporte des avancées pour les familles, que nous avons approuvées, mais il ne permet pas, à notre grand regret, de relancer une politique familiale victime de trop nombreux renoncements, et ce depuis de nombreuses années.
Après dix ans de déficits, la branche famille a retrouvé un solde excédentaire en 2018 et pourrait donc apurer sa dette à l’horizon de 2022. Cette situation financière pourrait être l’occasion de renforcer la politique familiale. Pourtant, le PLFSS demande encore des efforts aux familles.
En effet, le Gouvernement a engagé l’année dernière un quasi-gel de l’ensemble des prestations familiales alors que l’inflation serait de 1 % en 2019. Cette économie de 260 millions d’euros pour la branche représente une perte de pouvoir d’achat équivalente pour les bénéficiaires de prestations familiales, en particulier pour les parents isolés. Pour une famille monoparentale avec deux enfants, aux revenus compris entre un et deux SMIC, cela représente 140 euros de moins pour cette année.
Le Gouvernement nous propose de reconduire cette sous-revalorisation des prestations familiales à 0,3 % en 2020, pour une économie de 100 millions d’euros environ, alors que l’inflation devrait atteindre 1 % l’année prochaine. Comme l’an dernier, la commission s’est opposée à cette mesure, ainsi que mon collègue René-Paul Savary vient de l’exposer.
Je le rappelle, sur l’initiative de Gérard Dériot, la commission a aussi souhaité maintenir la majoration des indemnités journalières au bénéfice des familles nombreuses, qu’il est proposé de supprimer à l’article 56. Il est temps de mettre un terme à ces mesures d’économies sur les familles et de se donner les moyens de relancer une politique familiale ambitieuse, alors que le nombre de naissances a baissé de 8,5 % en dix ans.
Le premier objectif assigné à la branche famille est de compenser les charges de famille, selon une logique de redistribution horizontale. Or, depuis quatre ans, la modulation des allocations familiales permet une économie de 770 millions d’euros par an. Les bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant ne cessent de diminuer depuis sa création, car ses conditions de recours sont trop rigides et son montant trop faible. Il faut tirer les conséquences de l’échec d’une telle réforme.
Le développement des modes de garde devrait être davantage soutenu : actuellement, pour deux places de crèche qui s’ouvrent, une place se ferme. La mise en place des bonus « inclusion handicap », « territoire » et « mixité sociale » va dans le bon sens. Nous serons attentifs à leur déploiement dans les mois à venir pour vérifier qu’ils permettent effectivement de développer des places d’accueil sur tous les territoires.
D’autres mesures de ce PLFSS présentent des avancées pour les familles. Je mentionnerai la mise en place d’une intermédiation financière pour le recouvrement et le versement des pensions alimentaires par les caisses d’allocations familiales (CAF), qui permettra de réduire les taux d’impayés de pension, encore trop élevés. Saluons à cet égard les moyens supplémentaires, notamment en effectifs, qui seront attribués aux CAF pour la mise en œuvre du dispositif.
Le fameux article 49 fait couler beaucoup d’encre et suscite beaucoup d’amendements.
L’affichage de la disponibilité des places dans les crèches et chez les assistants maternels sur le site internet monenfant.fr facilitera l’accès aux modes de garde pour les familles ; vous le savez, aujourd’hui, les jeunes parents sont sur leur iPhone et regardent les disponibilités. Cela permettra de répondre aux besoins des parents pour des gardes ponctuelles et s’adaptera au développement des plateformes de services en ligne, alors que de nombreux sites promeuvent déjà les modes de garde privés. Un tel mécanisme renforcera ainsi l’attractivité des différents modes de garde, en particulier des assistants maternels, en leur offrant davantage de visibilité.
En revanche, les assistants maternels, dont j’ai reçu plusieurs représentants, s’inquiètent – et je les comprends – de la mesure prévue à l’article 49, en raison des contraintes qui découleront de cette obligation et du risque de retrait d’agrément qui pèserait sur ceux qui ne la respecteraient pas. C’est pourquoi la commission a adopté un amendement tendant à préciser que le manquement à ces obligations de déclaration ne pourra pas constituer à lui seul un motif de retrait d’agrément. Cela permet de lever les inquiétudes exprimées sans renoncer à cette offre de services proposée aux familles ; celle-ci est soutenue par les associations familiales que j’ai rencontrées.
Au total, la commission regrette que ce PLFSS ne consacre pas davantage de moyens à la politique familiale, qui devrait être vue comme une politique d’investissement dans l’avenir face au vieillissement de notre population. Elle vous proposera donc de vous opposer à la sous-revalorisation des prestations familiales et d’adopter les autres articles relatifs à la branche famille sous réserve des amendements évoqués. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, le Gouvernement nous avait annoncé la fin du déficit de la sécurité sociale dès 2019. Le présent projet de loi de financement en apporte un cruel démenti.
L’exercice 2019 marque une vraie rupture avec la trajectoire de retour à l’équilibre annoncée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Le déficit cumulé du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) devrait atteindre 5,4 milliards d’euros, alors qu’un excédent de 0,1 milliard d’euros était espéré en début d’exercice.
Nous allons évidemment débattre de la non-compensation des mesures d’urgence économiques et sociales. Leur impact est estimé à 2,8 milliards d’euros. La sécurité sociale a donc été utilisée pour répondre à des impératifs politiques d’augmentation du pouvoir d’achat, en contradiction avec ses missions originelles. Le traitement de la crise des « gilets jaunes » a en fait été financé par la sécurité sociale.
Cependant, de telles mesures ne peuvent pas justifier à elles seules le creusement du déficit des comptes sociaux, qui résulte pour moitié d’un défaut de pilotage. Le ralentissement de la croissance économique était en effet prévisible. La progression des dépenses aurait pu être mieux contenue. Un tel retournement trahit un manque de crédibilité des prévisions soumises au Parlement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Venons-en désormais aux perspectives pour 2020. Le projet de loi de financement prévoit un déficit cumulé du régime général et du FSV établi à 5,1 milliards d’euros et diffère donc le retour à l’équilibre à l’horizon de 2023. D’ailleurs, une telle perspective peut apparaître optimiste compte tenu des hypothèses retenues en matière de progression de la masse salariale et en l’absence de mesures structurelles visant les dépenses de l’assurance maladie. Je pense en particulier aux indemnités journalières, plus de 11 milliards d’euros chaque année hors congés de maternité, ou au transport médicalisé, qui représente une dépense de plus 5 milliards d’euros chaque année. L’Ondam annoncé sera-t-il par ailleurs tenu face à la crise constatée au sein des hôpitaux ? Ce sera bientôt, me semble-t-il, l’actualité de la commission des affaires sociales.
Le texte confirme la non-compensation par l’État d’un certain nombre de dispositions ayant un impact sur les comptes sociaux, dont les mesures d’urgence économiques et sociales. Certaines de ces dérogations à la loi Veil, si modestes soient-elles – je pense notamment aux exonérations visant les jeunes entreprises innovantes ou les indemnités de rupture conventionnelle des fonctionnaires –, démontrent bien que la logique sur laquelle reposent ces transferts de financement reste confuse et se révèle inadaptée aux difficultés que rencontrent par ailleurs les comptes sociaux. Elles traduisent une lecture à géométrie variable par le Gouvernement de sa propre doctrine, telle qu’il l’avait définie en loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
La volonté affichée de clarifier les relations financières entre l’État et la sécurité sociale ne résiste pas à celle de minorer l’effet pour le budget de l’État de nouveaux dispositifs plus ou moins coûteux. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 privilégie de fait la confusion et la gestion à vue par rapport à la rationalisation, qui avait pu susciter un certain consensus.
Je ne suis bien entendu pas hostile à l’idée que l’État puisse bénéficier du retour à meilleure fortune de la sécurité sociale et limite donc les compensations. Cependant, si cette option pouvait s’entendre en 2018, elle est aujourd’hui à rebours de la réalité des comptes sociaux. Faute de recettes nouvelles, le PLFSS table sur une stabilisation de leur montant en 2020. Celle-ci relève cependant pour partie du faux-semblant, en se cantonnant à supprimer les rétrocessions à l’État de fractions de TVA et de CSG d’un montant de 3,1 milliards d’euros votées l’an dernier et à majorer la fraction de TVA versée à la sécurité sociale, qui atteindra plus de 50 milliards d’euros. Aucune réflexion n’est véritablement engagée pour réduire le coût des niches fiscales, estimé à 90 milliards d’euros.
Je relève en outre que le financement de la sécurité sociale ne repose plus aujourd’hui que pour moitié sur les cotisations sociales. De fait, madame la ministre, je m’interroge à titre personnel – mes propos n’engagent pas la commission des finances – sur la pertinence du maintien d’une loi spécifique pour le financement de la sécurité sociale : aujourd’hui, on ne sait plus très bien qui doit quoi et à qui. À mon sens, une réflexion pourrait être engagée pour n’avoir plus qu’une seule loi de finances, avec – pourquoi pas ? – un grand ministère de la sécurité sociale et de la santé. (M. Gérard Dériot, rapporteur, s’exclame.)
Je souhaite également évoquer la Cades.
Le creusement du déficit du régime général et du FSV ne remet pas en cause l’extinction de la dette sociale, gérée par la Cades, à l’horizon de 2024. Il devrait rester 89,3 milliards d’euros de dette à amortir à la fin de l’année 2019. Le déficit conduit cependant le Gouvernement à renoncer au transfert d’une fraction de CSG vers la Cades, soit 5 milliards d’euros d’ici à 2022, en vue d’un apurement de la dette de l’Acoss à partir de 2020.
Le déficit des comptes sociaux devrait conduire la dette de l’Acoss à progresser pour atteindre 46 milliards d’euros à l’horizon de 2022, cette dette étant par ailleurs très exposée à un risque de retournement des marchés financiers.
L’apurement de la dette de l’Acoss doit donc être envisagé à partir de 2024 via une réaffectation de la CRDS, ce qui rend illusoire sa suppression à cette date et écarte une baisse des prélèvements obligatoires.
Reste enfin la question du financement à long terme de la dépendance. Le rapport Libault table sur un recours au financement public et à la mobilisation de la CRDS. Je tiens à le rappeler – là, je m’exprime bien au nom de la commission des finances –, l’affectation d’une ressource initialement dédiée à l’apurement d’une dette, qui n’est plus une dépense, à une nouvelle charge dégraderait, au sens de la comptabilité nationale et des critères de Maastricht, le solde public. Le cinquième risque devrait plutôt conduire à accélérer les réformes structurelles au sein des régimes sociaux, afin de réduire leurs dépenses et d’améliorer leurs recettes.
Compte tenu de ces observations, mais aussi de vos déclarations depuis l’adoption du rapport pour avis, madame la ministre, la commission des finances s’en remet à la position que la commission des affaires sociales défendra in fine. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, dont nous entamions l’examen voilà exactement un an, et sa promesse du retour à l’équilibre des comptes sociaux auront donc vécu moins de deux semaines, le temps que les mesures d’urgence « gilets jaunes » ne mettent à mal à la fois l’équilibre de la sécurité sociale et le sérieux du Gouvernement en matière de finances publiques !
Avant même ces événements, nous alertions sur les limites de la politique du « en même temps ». Pouvait-on « en même temps » baisser les recettes, tenir l’équilibre et résorber la dette ? Nous en doutions, et l’expérience nous a montré que l’équation était pour le moins difficile.
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, on nous propose une expérience plus originale encore que celle de 2019, puisque, cette fois, il ne s’agit pas d’un texte dont la date de péremption est proche, mais d’un texte frappé d’emblée de caducité.
Nous avons appris, ce dimanche, dans la presse, que le niveau de l’Ondam hospitalier serait augmenté pour financer, notamment, des mesures d’attractivité pour le début de carrière des personnels hospitaliers et que la dette des hôpitaux serait reprise par l’État pour faciliter le financement des investissements. Pour autant, il n’y a pas eu pour le moment d’amendement du Gouvernement, que ce soit dans le PLF ou dans le PLFSS.
On nous annonce des précisions le 20 novembre, au lendemain du vote solennel au Sénat !
Il est permis de s’interroger sur la conformité d’un tel texte à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale et, au-delà des questions juridiques, sur la considération portée à la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
La commission des affaires sociales avait pris, à titre conservatoire, la décision de ne pas adopter un Ondam provisoire. Nous confirmerons donc cette position. Je mets simplement en garde : à trop vouloir se passer du Parlement et des corps intermédiaires, le Gouvernement se trouvera bien seul face aux mouvements sociaux en cours ou à venir,…