compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Catherine Deroche,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi de finances rectificative pour 2019 est parvenue à l’adoption d’un texte commun. (Exclamations réjouies et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect de son temps de parole et au respect des uns et des autres.
effondrement du pont de mirepoix-sur-tarn
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – M. René-Paul Savary applaudit également.)
M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, un pont s’est effondré lundi à Mirepoix-sur-Tarn, dans mon département. Mes premières pensées, auxquelles j’associe mes collègues de Haute-Garonne, vont, bien évidemment, aux familles des deux victimes de ce drame.
L’heure n’est pas aux polémiques. Il est trop tôt pour incriminer qui que ce soit, même si les circonstances de cet accident semblent maintenant connues.
Triste coïncidence, ce drame intervient six mois après la publication du rapport de la mission d’information sur la sécurité des ponts, présidée par Hervé Maurey.
Notre pays compte plus de 200 000 ponts ; 90 % d’entre eux sont gérés par les collectivités locales. Parmi eux, 25 000 sont d’ores et déjà répertoriés comme étant en mauvais état structurel.
La situation est particulièrement inquiétante pour les 100 000 ponts qui relèvent des communes ou des intercommunalités. Ces collectivités ne disposent ni de l’ingénierie ni des moyens nécessaires pour assurer le diagnostic, la surveillance et, quand cela s’avère nécessaire, la remise à niveau de ces infrastructures. À l’heure du congrès des maires, nos collectivités s’interrogent sur leurs ressources et ont absolument besoin d’aide !
Ce rapport très pertinent préconise de mettre en œuvre un véritable plan Marshall pour les ponts, en créant un fonds d’aide aux collectivités.
Comme on l’a fait pour les tunnels après la catastrophe du Mont-Blanc, avec la mise en place de moyens importants pour les sécuriser, il faut aujourd’hui débloquer des crédits pour remettre en état les ponts.
Monsieur le secrétaire d’État, s’agissant des ponts gérés par l’État, le projet de loi d’orientation des mobilités prévoit une augmentation des moyens dédiés à leur entretien ; cette augmentation n’est toutefois pas suffisamment rapide par rapport aux besoins estimés.
À quand un accompagnement adapté, urgent et nécessaire, pour les communes et les intercommunalités qui n’ont pas les moyens financiers, techniques et humains requis pour assurer, seules, la sécurité de ces ouvrages ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Brigitte Micouleau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé le drame survenu avant-hier matin à Mirepoix-sur-Tarn ; je veux à mon tour avoir une pensée pour les victimes et leurs familles, pour les services de secours, qui se sont mobilisés très tôt, et pour certains des témoins du drame, qui ont eu le courage de porter assistance aux personnes alors en péril.
Vous savez qu’une enquête judiciaire est en cours ; j’ai par ailleurs confié au Bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre le soin de tirer toutes les conclusions techniques de cet accident.
Sans anticiper sur le résultat de ces enquêtes, il semble qu’un poids lourd qui avait emprunté le pont ce matin-là dépassait très largement le tonnage de 19 tonnes autorisé sur ce pont. Celui-ci avait été inspecté en 2017 par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) : aucun défaut n’était alors apparu. Une inspection diligentée par les services départementaux avait confirmé ce diagnostic en 2018.
Je tiens, monsieur le sénateur, à répondre à votre question relative aux moyens engagés pour les ponts. J’ai eu ici même avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a quelques semaines, un débat sur la sécurité des ponts à la suite du rapport remis par MM. Patrick Chaize et Michel Dagbert sur l’initiative du président Hervé Maurey. J’ai alors rappelé l’engagement du Gouvernement, inscrit dans le projet de loi d’orientation des mobilités : augmenter de manière très significative les crédits alloués aux ponts. Ainsi, 70 millions d’euros leur auront été consacrés en 2019, et plus de 120 millions d’euros en 2026, ce qui permettra d’accéder à cette sécurité si nécessaire.
S’agissant des ponts de rétablissement, qui font l’objet de la loi du 7 juillet 2014, dite loi Didier, un recensement est en cours ; il ouvrira droit à cofinancement dès qu’il sera complet, d’ici à la fin de cette année.
Enfin, les services de l’État et le Cerema sont tout à fait disponibles pour apporter aux collectivités un appui en ingénierie. Je partage notamment l’ambition de MM. Chaize, Dagbert et Maurey : disposer très rapidement d’un carnet de santé de l’ensemble des ponts et les doter de capteurs permettant de surveiller leur état en temps réel.
Sur ce sujet, monsieur le sénateur, soyez assuré de la mobilisation de l’État, qui partage votre ambition en la matière ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.
M. Pierre Médevielle. L’accident est une chose ; il n’en reste pas moins que les sommes allouées à l’entretien des ponts, des routes et des voies ferrées sont insuffisantes ! Nous ne pouvons pas rester à regarder passivement nos infrastructures se dégrader ! Nous ne pouvons pas jouer avec la sécurité de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et Les Républicains.)
situation des hôpitaux
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Aujourd’hui, l’hôpital est malade, mais il est vrai que cela vient de loin. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains.) L’hôpital n’a pas supporté les évolutions successives qui lui ont été infligées depuis plusieurs années, tant en matière financière que pour son organisation, sans parler de l’exercice médical de ville, qui a beaucoup évolué depuis vingt ans et dont la pratique est, à mon avis, en partie responsable de l’engorgement des urgences.
Le malaise hospitalier est arrivé à son apogée, comme en témoigne la manifestation qui a réuni, il y a quelques jours, praticiens et personnel hospitalier de façon assez massive.
Devant cette situation, madame la ministre, en conférence de presse, ce matin, M. le Premier ministre et vous-même avez apporté une réponse forte, concrète et rapidement applicable, qui permet de faire face à l’urgence. Elle s’articule autour d’une accélération de la stratégie « Ma santé 2022 » et donne suite aux demandes des professionnels de santé à travers trois mesures phares.
La première est un abondement de 1,5 milliard d’euros sur trois ans pour l’hôpital : l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) hospitalier passe à 2,4 %, ce qui permet une vision pluriannuelle.
La deuxième est la reprise de la dette de l’hôpital à hauteur d’un tiers, soit 10 milliards d’euros.
La troisième, enfin, consiste dans le renforcement de l’attractivité des hôpitaux par le biais de plusieurs dispositions, telles qu’une prime annuelle de 800 euros nets pour le personnel hospitalier des secteurs sous tension, une valorisation financière des équipes engagées, à hauteur d’environ 300 euros, ou encore une revalorisation des métiers d’aide-soignant.
Madame la ministre, nous avons vécu ces trente dernières années plusieurs réformes hospitalières ; elles ont eu des conséquences diverses : parfois optimales, parfois déstructurantes. (Exclamations d’impatience sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains.)
M. Rachid Temal. La question !
M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, laissez l’orateur s’exprimer : il lui reste une seconde pour poser sa question !
M. Bernard Cazeau. La voici, monsieur le président, si je peux m’exprimer. (Exclamations ironiques de satisfaction sur les mêmes travées.) En quoi les décisions prises par le Gouvernement nous permettent-elles d’espérer que, demain, l’hôpital va jouer le rôle fondamental qu’attendent les Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Vincent Éblé. Tout ça pour ça !
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Bernard Cazeau, vous avez raison (Exclamations moqueuses sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains.) : la crise de l’hôpital public est très ancienne. Elle connaît depuis quelques semaines l’une de ses phases les plus aiguës. Après des années de statu quo, et malgré l’augmentation des crédits alloués à l’hôpital que le Parlement avait adoptée l’année dernière, il nous a fallu prendre la mesure de cette crise légitime et, surtout, proposer des solutions nouvelles qui répondent aux attentes.
Transformer le système de soins, tel était l’objectif de la stratégie « Ma santé 2022 ». Nous avons engagé cette réforme afin de replacer le patient au cœur du système et de privilégier la qualité des soins, plutôt que des logiques comptables. Ce plan visait à réorganiser la médecine de ville et à réarmer les hôpitaux de proximité, afin d’assurer la continuité des soins pour nos concitoyens.
C’est également le sens du pacte de refondation des urgences, qui vise à éviter des passages inutiles dans les services d’urgences en réorientant les patients qui peuvent être pris en charge ailleurs.
Enfin, la suppression du numerus clausus et la réforme des études de médecine visent à nous permettre de bénéficier enfin, dans les années qui viennent, d’un peu plus de médecins.
Nous savons bien que ces réformes prendront du temps pour produire tous leurs effets. Chose essentielle, un consensus existe quant aux orientations de la stratégie « Ma santé 2022 ».
Pour autant, l’hôpital public a aujourd’hui besoin de mesures d’urgence. Les annonces faites ce matin s’inscrivent dans la logique du plan « Ma santé 2022 » et répondent à trois objectifs forts.
Il fallait d’abord restaurer l’attractivité de l’hôpital public, notamment en redonnant aux professionnels l’envie de s’engager dans ce secteur public…
Mme Laurence Cohen. Il faut augmenter les salaires !
Mme Agnès Buzyn, ministre. … et d’y construire une carrière, mais aussi en récompensant leur engagement.
Cette réforme vise aussi à assouplir le fonctionnement des hôpitaux : nous faisons confiance aux responsables de terrain et nous voulons faciliter les prises de décisions.
Enfin, la réforme présentée par M. le Premier ministre vise à redonner des moyens considérables à l’hôpital, immédiatement, par le biais d’une augmentation des budgets, et dans la durée, au travers d’un allégement significatif de la dette des hôpitaux.
Je préciserai le détail de ces mesures dans mes réponses à d’autres questions. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Éric Jeansannetas, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Jeansannetas. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Madame la ministre, le congrès des maires de France s’est ouvert hier, alors que débute l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique. Ce texte, que le Sénat a adopté à l’unanimité moins deux voix, vise à remettre la maire au centre de la gouvernance locale, alors que de nombreux élus font part de leur désarroi. Certains sondages indiquent même que seul un maire sur deux envisagerait de se représenter.
Nous ne dirons jamais assez combien le mandat de maire constitue la quintessence de la vie démocratique, le cœur battant de notre République. Le Président de la République l’a d’ailleurs rappelé hier dans son hommage aux maires de France. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SOCR.)
Vous le savez bien, madame la ministre, le Sénat a beaucoup travaillé pour aboutir à un texte d’équilibre, ce dont votre collègue Sébastien Lecornu, qui était chargé de représenter le Gouvernement lors de nos débats, s’est d’ailleurs félicité.
C’est donc avec une certaine circonspection – doux euphémisme – que nous avons pris connaissance du texte issu des travaux de la commission des lois de l’Assemblée nationale. Cette version marque à nos yeux un recul par rapport à celle que nous avions adoptée.
C’est le cas concernant les compétences « eau » et « assainissement », l’assouplissement de l’intercommunalité, les indemnités des élus ou encore la territorialisation des compétences intercommunales facultatives.
M. Lecornu l’a dit lui-même : l’une des ambitions de ce texte, que vous avez voulu coproduire avec le Sénat, est de répondre au sentiment de dépossession des élus, en particulier face à la complexité normative. C’est ce que notre Assemblée a souhaité faire en introduisant davantage de proximité et de souplesse dans la gouvernance des collectivités, et en remettant la commune au cœur du pacte républicain pour redonner du sens, du contenu, de l’attrait et des moyens au mandat de maire.
Dans ce contexte, ma question est la suivante, madame la ministre : comment voyez-vous la convergence se faire entre les visions de nos deux assemblées, afin de parvenir à un compromis ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, le Gouvernement a en effet déposé le projet de loi Engagement et proximité, que M. Sébastien Lecornu a construit avec l’ensemble des élus, qu’il s’agisse des députés, des sénateurs, ou des élus locaux représentés par leurs associations.
M. Éric Bocquet. Pas tous !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Vous avez adopté un texte à l’unanimité : c’est normal, car c’était le texte du Sénat ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est normal, c’est votre rôle : vous êtes des parlementaires. Mais si vous en êtes, les députés en sont aussi ! (Mêmes mouvements.)
M. François Grosdidier. Aux ordres du Gouvernement !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les députés entament ces jours-ci leur travail législatif. Ce n’est pas dans cet hémicycle qu’on déniera le rôle du bicamérisme ! (Applaudissements sur des travées des groupes LaREM et Les Indépendants. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je vais prendre trois exemples pour que les choses soient claires, monsieur le député… (Rires et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) – pardon, monsieur le sénateur ! Ce n’est pas une provocation !
En premier lieu, concernant les dispositions adoptées par le Sénat quant aux compétences facultatives et, notamment, ce que M. le rapporteur Mathieu Darnaud appelait « l’intercommunalité à la carte », l’Assemblée nationale a respecté le texte adopté : elle l’a simplement réécrit pour en rendre la rédaction plus précise. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Deuxièmement, concernant les indemnités des élus, nous avons repris l’idée qui présidait à l’amendement de Mathieu Darnaud adopté par votre Assemblée sur l’initiative de votre rapporteur. (Exclamations ironiques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
Troisièmement, concernant l’eau et l’assainissement, je me permettrai de rappeler que, aux termes de la loi NOTRe, le transfert de ces compétences aurait dû être obligatoire en 2020. C’est ce gouvernement-ci qui a reporté à 2026 ce transfert, avec minorité de blocage ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous assouplissons encore ces dispositions dans le projet de loi Engagement et proximité…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … en offrant des possibilités de délégation de ces compétences aux communes. Je crois que c’est un grand progrès : nous avons entendu le Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
Mme Catherine Troendlé. C’est le travail du Sénat.
limites des annonces du gouvernement sur l’hôpital public face à l’ampleur de la crise sociale
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Guillaume Gontard. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Depuis des mois que couve la crise de l’hôpital, on aurait pu imaginer que l’examen du projet de loi Santé ou celui du budget de la sécurité sociale pour 2020 permettrait d’associer le Parlement à la recherche de solutions. On aurait pu aussi imaginer une concertation des partenaires sociaux, voire un Grenelle de l’hôpital !
Rien de tout cela : votre mépris du Parlement et des corps intermédiaires n’est pas nouveau, mais sa violence continue de nous heurter. Il y a un an, votre méthode a été exactement la même pour répondre aux « gilets jaunes » ! Vous ne réagissez que quand la colère sociale vient enrayer la mécanique de votre machine néolibérale qui broie, jour après jour, le service public.
Après avoir minimisé les problèmes, après avoir louvoyé, il vous aura fallu plus de huit mois de mouvement social pour commencer à mesurer la gravité de la situation, mais comme d’habitude, vous faites le service minimum !
Vous reprenez une partie de la dette ; c’était indispensable. On rappellera que ce sont les règles européennes qui obligent les hôpitaux à se financer auprès des banques privées : une aberration !
Pour revaloriser les salaires, pour embaucher, pour soulager les personnels et éviter les fermetures de lits, le monde hospitalier vous demande de doubler l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, soit une augmentation de 4 à 5 milliards d’euros par an. Vous proposez dix fois moins !
Sur les augmentations de salaire, rien ! Sur l’ouverture de lits, rien ! Sur les embauches, rien ! Sur les internes, rien non plus !
Ce que vous concédez d’une main avec des primes insuffisantes, pour certaines catégories de personnel seulement, vous le reprendrez demain avec la réforme des retraites.
Nous ne pouvons donc pas imaginer que votre réponse soit exhaustive. Monsieur le Premier ministre, merci de nous préciser les autres mesures que vous envisagez pour répondre à la crise hospitalière ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Gontard, la situation que vous décrivez, nous ne l’avons pas créée : nous l’avons reçue en héritage, et vous le savez ! (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM. – Protestations sur les travées des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains.)
Vous connaissez mon engagement total en faveur de l’hôpital public. Les propositions que M. le Premier ministre et moi-même avons annoncées ce matin sont très concrètes ; elles sont le fruit d’années d’expérience de terrain, elles sont issues des conférences de présidents d’hôpital et de présidents de commission médicale d’établissement, elles sont issues aussi des syndicats.
Mme Laurence Cohen. C’est pour ça qu’ils sont dans la rue ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Elles ont donc été concertées.
Nous donnons au personnel des hôpitaux – soignants, médecins et agents paramédicaux – des moyens et des primes qui reconnaissent leur engagement permanent dans le soin des patients. Des agents mieux traités et des conditions de travail améliorées, ce sont des patients mieux accueillis et mieux soignés dans des lieux plus adaptés.
Nous donnons également à chaque hôpital une plus grande marge de manœuvre financière, comme ils le demandaient. Nous dégageons 1,5 milliard d’euros sur trois ans : c’est autant d’argent supplémentaire pour recruter, pour moderniser, pour ouvrir des lits là où il en faut. Les établissements auront l’autonomie nécessaire pour investir, parce que nous la leur donnons, mais aussi parce que nous allons les soulager financièrement du poids de leur dette, à hauteur d’un tiers de la dette des hôpitaux, soit 10 milliards d’euros sur trois ans.
Enfin, nous nous sommes engagés à ce que les tarifs des hôpitaux, c’est-à-dire les prix qu’ils facturent à l’assurance maladie, et qui représentent une grande partie de leur budget, non seulement ne baissent plus, contrairement à ce qui s’est passé jusqu’en 2018, mais augmentent trois ans durant. Les hôpitaux auront cette visibilité. En outre, ces tarifs seront encore revus à la hausse chaque fois que la lutte contre les actes inutiles permettra aux hôpitaux de faire des économies : tout cela sera rendu aux établissements de santé.
Je l’ai dit et je le répète : je veux que les hôpitaux bénéficient directement de toutes les économies réalisées par une meilleure programmation et une meilleure pertinence des soins. Nous devons tout cela aux agents hospitaliers : ils attendaient ces annonces, qui sont à la hauteur de leurs espérances ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Il faut arrêter de parler d’héritage : nos concitoyens veulent des actes, tout de suite ! (Protestations sur les travées du groupe LaREM.)
Si vous n’êtes pas en mesure d’ouvrir les yeux, alors les retraités, les chômeurs, les précaires, les étudiants, les pompiers, les personnels de santé, les cheminots, les « gilets jaunes » et tout le peuple que vous mettez à l’agonie finiront par vous les ouvrir ! L’hiver social arrive et il sera rude ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Martial Bourquin et Mme Martine Filleul applaudissent également.)
finances locales
M. le président. La parole est à M. Alain Duran, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Alain Duran. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie évoquait, le 5 novembre dernier, la volonté du Gouvernement d’engager une réforme des impôts de production, accusés de « grever les finances des entreprises ». Cette idée, probablement soufflée par le Medef, résonne de plus en plus au sein de votre ministère, monsieur le ministre de l’action et des comptes publics.
Or on retrouve dans ce panier d’impôts la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui pèse 18 milliards d’euros et la contribution foncière des entreprises (CFE), qui pèse 7 milliards. On y trouve des impôts locaux perçus par les régions, les départements, les EPCI et les communes.
Après la suppression de la taxe professionnelle et, plus près de nous, le tour de passe-passe de la taxe d’habitation, c’est tout simplement la décentralisation que vous continuez de détricoter. Ce coup de canif fiscal « économique » ne ferait en effet que dégrader l’autonomie fiscale de nos collectivités ; par voie de conséquence, il affaiblirait les services rendus aux usagers. En effet, ce sont les élus locaux qui, jour après jour, doivent répondre aux attentes légitimes de leurs administrés ; ce sont ces élus locaux qui œuvrent, jour après jour, pour garantir le développement harmonieux et solidaire d’un village, d’une ville, d’un département, ou d’une région, tout simplement pour construire une République des territoires qui soit plus juste !
À l’heure des mouvements sociaux – « gilets jaunes », étudiants, blouses blanches, policiers, agriculteurs, enseignants –, au moment où la République aurait plutôt besoin de se rassembler, vous ne trouvez rien de mieux à faire que de poursuivre cette entreprise de démolition de la fiscalité locale, en mettant cette fois-ci la CFE et la CVAE dans votre viseur.
M. Jacques-Bernard Magner. Très bien !
M. Alain Duran. Nous savons tous que, dans une démocratie, l’impôt est un lien de citoyenneté.
Il est donc de notre responsabilité de lui redonner toute sa légitimité, en veillant à ce qu’il soit réparti équitablement, dans le respect de la justice sociale. Et ce n’est pas en le supprimant, monsieur le ministre, que vous apporterez plus d’équité.
Ma question est simple. Les maires sont réunis en ce moment en congrès, à la porte de Versailles. Pouvez-vous leur affirmer que cette petite musique qui consisterait à inscrire dans une trajectoire de baisse la CFE et la CVAE va enfin s’arrêter de jouer ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Alain Duran, vous avez évoqué dans votre question plusieurs aspects de la fiscalité locale ; permettez-moi de revenir sur deux d’entre eux.
En premier lieu, je veux à mon tour saisir l’occasion du congrès des maires pour garantir, comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire, de même que M. le Premier ministre à plusieurs reprises, à l’ensemble des élus de France que la suppression de la taxe d’habitation, qui est avant tout une mesure de justice fiscale et de pouvoir d’achat pour nos compatriotes, sera intégralement compensée aux collectivités, non par des dotations, comme cela a toujours été le cas, mais, à l’euro près, par des recettes fiscales dynamiques et pérennes, de manière à ce que l’autonomie financière des collectivités soit assurée et à ce qu’on ne reproduise pas les travers du Fonds national de garantie individuelle des ressources, qui avait été mis en place à l’occasion de la suppression de la taxe professionnelle, de manière aussi à ce que les collectivités ne connaissent pas à nouveau, comme cela a toujours été le cas, un amoindrissement des allocations de compensation, que l’État cesse toujours de verser à un moment ou à un autre.
Nous changeons de modèle, nous faisons en sorte que la compensation soit intégrale, durable et, surtout, dynamique. Je pense que nous pourrons, les uns et les autres, nous accorder sur ce sujet.
En second lieu, vous avez évoqué la fiscalité qui pèse sur les entreprises. Je voudrais d’abord souligner une chose : quand on réfléchit un petit peu aux impôts qui pèsent sur la production – Agnès Pannier-Runacher en témoignerait tout aussi fortement –, on pourrait évoquer encore d’autres impôts que ceux auxquels vous avez fait allusion, notamment la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). En effet, cet impôt particulièrement lourd, puisqu’il représente 4 milliards d’euros, est jugé par le Conseil d’analyse économique comme un impôt particulièrement inefficace, qui devrait être réformé.
Nous pouvons aussi ouvrir un certain nombre de chantiers sans nécessairement poser la question du niveau des ressources. Les barèmes de la CFE sont-ils toujours satisfaisants pour les élus ? Je ne le crois pas. Les recettes de la CVAE sont-elles toujours prévisibles pour les collectivités ? Ce n’est pas le cas non plus ; toutes celles et tous ceux qui ont une expérience intercommunale ont pu le mesurer. Peut-on progresser, comme cela a été le cas lors de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels ?
Oui, et il faut continuer ce travail de « sincérisation ». Nous avons un objectif : faire en sorte que le panier fiscal sur lequel s’appuient les collectivités soit stable, qu’il soit juste et qu’il soit durable ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
scolarisation des enfants handicapés