M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.
M. Pascal Savoldelli. Cet article est extrêmement important. C’est d’ailleurs lui qui nous a conduits à déposer une motion tendant à opposer la question préalable. Son contenu est un pied de nez aux décisions du Sénat. Alors que nous avons unanimement acté dans cet hémicycle l’autonomie fiscale et financière des collectivités territoriales, l’exécutif national l’ignore totalement.
Il n’est qu’à voir la taxe d’habitation. Le taux de 2017 s’apparente à un petit saupoudrage accordé à cause de la colère des élus : on revient à une hausse de 0,9 % des valeurs locatives.
Des problèmes de fond se posent également. On nous annonce un projet de loi Décentralisation, différenciation et déconcentration, ou 3D, après les élections municipales, avec un volet relatif à la décentralisation. Or l’article 5 est centralisateur ! À partir du moment où les collectivités territoriales n’ont plus la liberté de décider de l’impôt, de faire le lien entre le citoyen – le contribuable – et les politiques publiques, que se passe-t-il ? Ne nous étonnons pas de connaître une crise des institutions et une crise de la politique. Nous allons au désastre !
M. Roger Karoutchi. On y est déjà !
M. Pascal Savoldelli. Que deviendront les collectivités territoriales ? Des guichets de l’État ?
Regardez ce qui se passe pour les départements ! Avec 11 milliards d’euros, ils assument les trois allocations nationales de solidarité, si importantes pour la cohésion et l’unité de notre pays. Or, pendant ce temps, on leur enlève la taxe foncière sur les propriétés bâties en leur disant qu’on leur donnera une part de la TVA.
Je le dis avec solennité : il y a là un problème de sincérité politique de la part de l’exécutif national.
On parle également de différenciation. De quoi s’agit-il ? Cela va se traduire par une mise en concurrence entre les communes, les départements et les régions.
Pourtant, il y a bien longtemps, mes chers collègues, nous avons créé un dispositif extraordinaire : la clause générale de compétence. Voilà une initiative audacieuse, parce qu’elle nous permet à l’échelon communal, qui est l’échelon le plus bas de la démocratie dans notre pays, de prendre l’initiative dans le cadre de l’intérêt public local. Or c’est ce qui est mis en cause.
Évidemment, nous allons discuter et débattre d’amendements sur tous les sujets qui fondent de cet article. Toutefois, pour être respectés et entendus, nous devrions décider ici même de ne pas accepter de débattre de cet article et de le supprimer de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, sur l’article.
M. Claude Raynal. Je ne reviendrai pas sur les conséquences directes de cette réforme sur le lien entre le citoyen et la collectivité.
M. Philippe Dallier. C’est pourtant le sujet !
M. Claude Raynal. Oui, mais il date de l’élection présidentielle et, d’une certaine façon, il est tranché. C’est ainsi. On peut le regretter et en parler à l’envi, mais la volonté de supprimer la taxe d’habitation pour 80 % des foyers n’est pas une opération masquée : il s’agit d’un élément de la campagne présidentielle. Certes, dès le départ, nous avions indiqué que cette mesure devrait s’appliquer à 100 % des Français – c’était une évidence quasi constitutionnelle.
C’est une promesse du Président de la République. Il la tient. Je ne suis ni étonné ni spécialement surpris.
Toutefois, la question qui nous préoccupe ici, en dehors de ce premier thème, c’est l’objet de l’article 5. Comment cette mesure est-elle mise en œuvre ? Les collectivités locales s’y retrouveront-elles ?
Je le dis : certains éléments de méthode sont bien meilleurs que ceux qui ont été décidés lors de la réforme de la taxe professionnelle, avec la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et le Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR). Avec la solution technique proposée, on part déjà d’une meilleure base. C’est le seul point positif que je pourrais relever.
En revanche, il existe un certain nombre d’angles morts qui doivent faire l’objet de précisions. Surtout, il y a ce que certains ont appelé la réforme cachée de la taxe d’habitation : une fois la taxe d’habitation supprimée, comment recalcule-t-on les potentiels financiers à partir desquels on fixe la distribution de la DGF ou du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) ?
Aujourd’hui, le Gouvernement nous demande de voter ce texte et se donne un an pour régler cette question. C’est un peu comme si on vous lâchait depuis une falaise, en vous disant : « Ne vous inquiétez pas, on va vous envoyer le parachute ! » (Sourires.)
Sur ce sujet, je partage l’avis de la commission : il faudrait résoudre l’ensemble de ces problèmes avant de voter ce texte, afin de disposer de tous les éléments.
Le délai d’un an proposé par le rapporteur général ne me paraît pas dilatoire. Au contraire, cela revient à accepter un an de dégrèvements supplémentaires, ce qui revient à se donner tout le temps pour régler correctement les conséquences de ce texte.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, sur l’article.
M. Vincent Delahaye. Il est vrai que nous ne partagions pas la volonté de supprimer la taxe d’habitation et, partant, le lien local entre le contribuable et la commune. Maintenant que cette mesure est décidée, comment la compense-t-on ?
Je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit : ce qui est proposé me semble meilleur que ce que l’on a déjà vécu. C’est une nette amélioration, car le remplacement de la taxe professionnelle a été une usine à gaz.
De précédents allégements avaient fait l’objet de compensations, dont on nous avait à l’origine promis qu’elles se feraient à l’euro près. Or, au fur et à mesure, elles sont devenues des variables d’ajustement, au point que nous n’avons jamais connu la compensation à l’euro près.
Cette fois, on calcule des coefficients et, monsieur Savoldelli, on retient les propositions du Sénat ! La commission des finances du Sénat, qui a constitué un groupe de travail spécial sur ce sujet, a proposé, pour assurer la compensation, que la taxe foncière sur les propriétés bâties des départements soit transférée au bloc communal. Nous avions suggéré qu’un faible pourcentage de la CSG – pas forcément de la TVA – revienne aux départements. En tout cas, nous avions proposé une mesure de ce type et je dirais que c’est une bonne indication.
Pour autant, tout n’est pas réglé. Je pense notamment aux conséquences sur le potentiel financier et le potentiel fiscal. En la matière, dans un passé récent, de nombreuses décisions ont été prises à l’aveuglette : tous les critères de toutes les dotations ont été modifiés, ce qui fait que personne n’y comprend rien aujourd’hui.
En disant cela, je m’adresse au rapporteur général que je ne vois plus…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je suis là ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Delahaye. C’est vrai, vous soignez votre torticolis… Je croyais que vous étiez en train de nettoyer la poussière ! (Sourires.)
Je pense que la commission des finances devrait formuler des propositions de fond sur un toilettage des dotations, afin que nous y voyions plus clair.
D’autres sujets doivent être examinés. Cela prendra-t-il un an, deux ans ? Nous en rediscuterons lors de l’examen des amendements.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. À voir le nombre important d’amendements déposés, on voit bien que cet article suscite de nombreuses interrogations et inquiétudes.
Certes, pour le Gouvernement, c’est un enjeu et une priorité, mais, pour notre part, nous nous interrogeons sur l’autonomie financière des collectivités locales. C’est ce problème qui nous préoccupe.
Le montant de la taxe d’habitation, tout confondu, représente plus de 22 milliards d’euros – 15,4 milliards d’euros sont perçus par les communes et plus de 7 milliards d’euros par les intercommunalités. Ce ne sont pas de petites sommes !
Pour les petites communes, je peux modestement en témoigner – on peut tous le faire pour nos départements respectifs –, la taxe d’habitation constituait l’une des principales ressources, aux côtés du foncier non bâti et du foncier bâti, avec les bases et valeurs locatives sur lesquelles elles sont calculées.
La complexité du nouveau dispositif suscite également de nombreuses interrogations. Pour les départements, la situation n’est pas plus simple, puisque leur seule ressource en termes de fiscalité directe locale sera la taxe foncière sur les propriétés bâties. Or le montant de cette taxe affecté aujourd’hui aux départements serait directement transféré aux communes. Par ailleurs, les départements et les intercommunalités percevraient une part de TVA. Face à cette grande complexité, nous faisons confiance aux travaux de la commission et à notre institution pour trouver les bonnes solutions.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, sur l’article.
M. Alain Richard. Je crois que nous contribuons là à un acte politique important. Il s’agit d’une réforme fiscale majeure, qui aura un impact de 18 milliards d’euros répartis sur la durée de la mandature, ce qui représente le quart de l’impôt sur le revenu. Nous sommes tous conscients que l’on n’engage qu’une grande réforme fiscale majeure par mandature. La voilà.
Le choix qui est opéré dans ce texte, qui est connu depuis les premières déclarations du Président de la République au mois de juillet 2017 ici même,…
Mme Sophie Primas. Sûrement bien inspirées !
M. Alain Richard. … c’est le remplacement de la taxe d’habitation par une ressource fiscale conforme à la réalité économique et assurée d’une dynamique. En ce qui concerne les communes, ce remplacement sera assuré par le basculement de la taxe foncière sur les propriétés bâties des départements.
C’est un bon remplacement pour les communes : leur pouvoir de taux ainsi que leur accès aux bénéfices de la dynamique urbaine sont intégralement préservés.
Nous y reviendrons dans le débat, mais je souhaite insister sur le fait qu’à travers le mécanisme du coefficient correcteur les communes recevront ultérieurement l’exact produit de la croissance urbaine qu’elles auraient eu en maintenant la taxe foncière communale et la taxe d’habitation.
M. Stéphane Piednoir. Les communes urbaines, pas rurales !
M. Alain Richard. J’en ferai la démonstration dans la suite du débat.
Pour les départements et les agglomérations, le choix retenu est celui de la TVA, qui assure une dynamique égale pour tous, alors que, si vous regardez la géographie de la France et ses effets économiques, vous comprenez qu’une grande partie des départements français seraient à terme perdants s’ils conservaient la ressource du foncier bâti qui ne sera pas dynamique dans les régions en affaiblissement, alors qu’avec la TVA ils bénéficient de la dynamique nationale.
Mme Sophie Primas. Sauf que ce n’est pas juste !
M. Alain Richard. Je fais remarquer au Gouvernement que, en ce qui concerne l’attribution de TVA aux agglomérations, lesquelles connaissent des variations démographiques beaucoup plus amples que celles des départements, il sera judicieux de prévoir à terme une prise en compte de la dynamique démographique des agglomérations dans le calcul de l’attribution de leur part de TVA.
Le choix du calendrier est bon. Nous en discuterons, puisque le rapporteur général avance une autre proposition qui mérite débat.
En ce qui concerne le remplacement des dotations, tout le monde partage l’objectif politique de stabilité des dotations après la réforme. Remplacer les indicateurs par d’autres est donc un travail technique que l’on peut accomplir dans les deux ans qui précèdent l’entrée en application des dotations après la réforme fiscale.
M. le président. Monsieur le sénateur, vous avez dépassé votre temps de parole de trente-cinq secondes. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Or de nombreux orateurs sont inscrits. J’espère qu’il en sera tenu compte lors de l’examen des amendements.
La parole est à M. Alain Houpert, sur l’article.
M. Alain Houpert. Sur cet article, je m’inscris dans la ligne du rapporteur général et de la commission des finances : il faut donner du temps au temps. C’est pourquoi il convient de repousser l’entrée en vigueur de la réforme du financement des collectivités territoriales à 2022, en prévoyant un an de plus que ce que fixe le Gouvernement pour mener cette réforme d’ampleur, sans que cela ait d’incidence pour le contribuable, puisqu’il n’est pas question de remettre en cause la suppression de la taxe d’habitation.
Le Gouvernement nous rétorquera que ce décalage n’est pas acceptable, pis, que c’est une mesure dilatoire ! Dans le même temps, il propose de ne réviser les valeurs locatives des locaux d’habitation qu’en… 2026 ! Quand on sait l’importance de la distorsion de richesses imposée par la non-actualisation des valeurs locatives, on ne peut que déplorer ce calendrier.
Pour voter cette réforme en toute connaissance de cause, nous devons avancer sur certains sujets centraux, qui nécessiteront du temps d’analyse et de concertation : je pense avant tout à la question de la péréquation. Ce travail est vital et ne doit pas être mené à la va-vite.
Il est vital, parce que tout le reste de l’édifice financier local n’a plus de bases tangibles : la fiscalité est régulièrement réformée, souvent sans que les élus locaux le demandent ; les dotations sont dépassées, mais leur réforme n’est visiblement pas pour demain… Restent les dotations et les fonds de péréquation qui, eux aussi, souffrent d’indicateurs souvent obsolètes. La suppression de la taxe d’habitation et la réforme du financement des collectivités territoriales qu’elle entraîne doivent être l’occasion de s’y pencher.
Ce travail ne doit toutefois pas être mené au pas de charge, sous peine de se solder par un énième mécanisme de neutralisation des effets de la réforme, comme on en connaît tant. Nous nous y attellerons dès le début de l’année prochaine avec les rapporteurs spéciaux, pour tenter de trouver des critères et les indicateurs de péréquation plus justes, plus contemporains et plus adaptés à la diversité de nos territoires.
Nous sommes à un carrefour, qui nécessite également de s’interroger sur la gouvernance globale des finances locales, en particulier sur leur encadrement par les contrats de Cahors. La libre administration des collectivités territoriales, clef de voûte de notre fonctionnement, est mise à mal par ces contrats.
La réforme qui nous est proposée aujourd’hui par le Gouvernement doit donc être mise en perspective : un nouveau schéma de financement des collectivités territoriales ne peut être mis en œuvre sans que l’on revoie les règles actuelles d’encadrement et de gouvernance des finances locales. Pour cela, il nous faut « le juste temps » : c’est le sens du report d’un an proposé par la commission des finances, que je soutiens.
M. le président. Encore un dépassement d’une trentaine de secondes…
La parole est à M. Bernard Delcros, sur l’article.
M. Bernard Delcros. Cette réforme fiscale suscite de nombreuses inquiétudes chez les élus locaux. On peut les comprendre au regard de toutes les réformes précédentes, tous gouvernements confondus, qu’ils ont eu à subir et qui se traduisent aujourd’hui, pour le seul bloc communal, par une perte annuelle de recettes fiscales de plus de 2 milliards d’euros par an !
Pour ma part, je défends le principe général de cette réforme, qui, comme le rappelait d’ailleurs Vincent Delahaye, reprend quasi intégralement les propositions formulées par la commission des finances en 2018. Pour la première fois, on remplace intégralement une perte de recettes fiscales par une nouvelle recette fiscale et on garantit ainsi aux trois niveaux de collectivités une ressource pérenne et dynamique. Les communes retrouveront la taxe foncière sur les propriétés bâties des départements, ce qui est cohérent avec leurs compétences ; les intercommunalités auront une part de TVA – c’est aussi cohérent au regard de leurs compétences en matière de développement économique. Se pose enfin la question des départements, qui vont perdre la taxe foncière sur les propriétés bâties et retrouver une part d’impôt national.
Évidemment, il en résulte une perte d’autonomie fiscale pour les départements, mais vous savez ce que je pense de l’autonomie fiscale ! Élu du Cantal, je mesure très bien les limites de ce dispositif qui revient à donner aux élus le droit de prélever l’impôt sur les contribuables du territoire. (Mme Sophie Primas s’exclame.) Or, dans les territoires où il n’y a pas de croissance démographique, l’autonomie fiscale est virtuelle !
Pour ma part, je considère qu’une part d’impôt national est un mécanisme péréquateur.
Je comprends que les départements qui connaissent une forte croissance de leurs bases se trouveront pénalisés, mais les autres départements ne le seront pas – au contraire.
En revanche, il reste un certain nombre de points à régler. Certains d’entre eux ont été rappelés : la taxe d’habitation pose la question de la réévaluation de l’année de référence des bases, c’est-à-dire de 2020 – c’est un vrai sujet. Il n’y a aucune raison que les bases de 2020 ne soient pas réévaluées dans le droit actuel : la hausse de 0,9 % votée à l’Assemblée n’est pas à la hauteur.
Par ailleurs, il faut assurer aux départements une garantie de recettes dans le temps, quels que soient le contexte national et les décisions qui peuvent être prises. Des amendements ont été déposés en ce sens par la commission…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Bernard Delcros. … pour que, quelle que soit l’année, le département ne puisse avoir une recette inférieure à l’année précédente.
Enfin se pose la question du potentiel financier,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Bernard Delcros. … qu’il faudra régler, car c’est le problème majeur de cette réforme.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, sur l’article.
M. Philippe Dallier. Nous ne proposons pas la suppression de l’article 5. Pour autant, cela ne signifie pas que nous sommes convertis au bien-fondé de cette réforme.
M. Philippe Dallier. Non, monsieur Bargeton, ce serait trop facile ! Ce que nous voulons, c’est en discuter et essayer de limiter les dégâts.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. Philippe Dallier. Le Président de la République au congrès des maires a apostrophé les maires en leur souhaitant bien du courage pour expliquer à leurs concitoyens qu’ils étaient contre la suppression de la taxe d’habitation. Monsieur Bargeton, les maires ont plus de courage que ne le croit le Président de la République ! Lorsque j’étais maire, j’ai dit que la suppression de la taxe d’habitation était une mauvaise réforme et qu’elle aurait des conséquences. C’est de cela que nous voulons discuter, parce que l’on sait bien que tout sera réglé à la fin par l’Assemblée nationale.
Pourquoi est-ce une mauvaise réforme ? On va « couper le cordon » entre grosso modo 50 % des citoyens et la commune, ce qui pose un problème de démocratie.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Voilà !
M. Philippe Dallier. La capacité des communes à augmenter les taux ne pèsera que sur le foncier bâti. C’est une mesure dont on ne peut pas considérer qu’elle favorisera le développement et la construction de logements. C’est un vrai problème !
Il y a aussi le problème de la péréquation, dont on sait bien qu’elle sera touchée de manière extrêmement forte. C’est pourquoi le rapporteur général a proposé ce report d’un an. Cela ne change rien pour le Gouvernement, mais il faut se donner le temps d’apprécier les effets de cette mesure sur la péréquation. En effet, il n’y aurait rien de pire que de bouleverser encore une fois les ressources sur lesquelles les communes pourront compter, d’autant plus qu’il se pourrait bien que ce soient les communes les plus pauvres, notamment en région Île-de-France, qui trinquent avec ce nouveau système.
Enfin, sur la péréquation, monsieur le ministre, je demande à voir le détail de l’impact ! Le problème, c’est que personne n’est capable de nous le donner aujourd’hui.
Enfin, je termine sur les exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties, car c’est un problème fondamental.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !
M. Philippe Dallier. Monsieur le ministre, si vous ne réglez pas ce problème et si vous ne sortez pas les exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties des variables d’ajustement, vous n’aurez plus de construction, plus de logements sociaux, plus de logements intermédiaires. (Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Sophie Primas applaudissent.) Il n’y en aura plus ! Quel maire acceptera de construire du logement, d’accueillir de nouveaux habitants et de n’avoir aucune recette fiscale en retour ?
C’est à cela que nous allons aboutir. Cela fait plusieurs années que je tiens ce discours ici, mais, pour le coup, c’est devenu une urgence absolue. Je ne sais pas quelle est la bonne solution : peut-être faut-il que l’État sorte les 400 millions d’euros de sa poche pour assumer les exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties, et non les communes. Si vous ne le faites pas, vous verrez les conséquences.
Franchement, on n’a pas besoin de cela, ni pour le logement social, ni pour l’intermédiaire, ni pour le logement tout court ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. La suppression de la taxe d’habitation, annoncée pendant la campagne électorale, n’était envisagée que pour une certaine catégorie de nos concitoyens ; pas pour tout le monde !
M. Philippe Dallier. Mais il y a le Conseil constitutionnel…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. En l’appliquant à l’ensemble des habitants, elle va accroître les inégalités fiscales : ce ne sont pas les plus démunis qui vont en bénéficier, et il n’y aura aucun effet redistributif.
J’aime beaucoup l’argument : « On l’a dit pendant la campagne, donc on le fait… » Je rappelle que les conditions dans lesquelles le Président de la République a été élu au deuxième tour, si elles ne remettent pas en cause sa légitimité, devraient tout de même l’inciter à réfléchir au caractère massif du soutien des Français à ses propositions de premier tour… S’il existe un Parlement, c’est précisément pour vérifier que des orientations ayant recueilli un peu plus de 20 % des suffrages lors d’une élection qui s’est déroulée dans les conditions que chacun connaît répondent bien à l’attente majoritaire des Français.
Il est aberrant de vouloir remplacer, pour les communes, la taxe d’habitation par la taxe foncière. Cette dernière mérite une réforme structurelle. En l’occurrence, on ne va faire payer que les propriétaires. Personnellement, je ne suis pas une défenseure des propriétaires contre les autres, mais je crois qu’un impôt doit fédérer, et non exacerber les tensions au sein d’une société. Et chacun doit contribuer à proportion de ses facultés ! Il n’y a pas deux camps avec, d’un côté, ceux qui payent et, de l’autre, ceux qui ne payent pas. Il n’est jamais bon de raisonner ainsi pour fonder un pacte républicain.
L’impôt foncier est aujourd’hui vétuste, archaïque et mal calibré. D’abord, les bases n’ont pas été revues. Ensuite, à partir du moment où il existe des exonérations d’impôt foncier pour favoriser la construction de logement social, ce qui est légitime, les communes n’auront pas envie de construire si cette taxe constitue leur recette principale.
Foncer ainsi tête baissée en misant sur un impôt injuste et inadapté dont l’éventail de redevables est au demeurant réduit, au risque de favoriser dans certains cas la spéculation, de pénaliser les capacités de faire du logement social, ce n’est pas une bonne réforme ! Les inégalités fiscales s’aggraveront bien au-delà de ce qu’on appelle « l’autonomie des collectivités locales ».
J’ai entendu le Président de la République indiquer aux maires que le système allemand était « génial ».
M. le président. Ce n’est pas le moment d’avancer un nouvel argument, ma chère collègue : il faut conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je rappelle que l’Allemagne est un État fédéral. Je ne souhaite pas que la France en devienne un ! (M. Arnaud Bazin applaudit.)
Mme Sophie Primas. Pas mieux !
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, sur l’article.
Mme Christine Lavarde. Je ne vais pas ajouter grand-chose sur le fond, car je partage beaucoup des propos que j’ai entendus. Je veux juste dire au Gouvernement que je lui souhaite bien du courage.
Comme on me le dit souvent, je viens d’un département qui compte peu de villes, qui est riche…
M. Roger Karoutchi. Oh, riche, riche… il faut voir ! (Sourires.)
Mme Christine Lavarde. … – il y a donc des services. J’ai adressé à chaque ville les simulations réalisées par les services de la DGCL, en y joignant la notice. Aucune n’a trouvé les mêmes résultats que cette dernière à partir des mêmes hypothèses. Elles m’ont toutes envoyé des courriers, que je tiens à votre disposition, monsieur le secrétaire d’État, pointant ce qu’elles ne comprenaient pas.
Je pense donc qu’il faut faire preuve de sagesse et reporter la mise en œuvre d’une telle réforme.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, sur l’article.
Mme Sophie Primas. J’irai dans le même sens que Christine Lavarde.
Ma commune a un haut potentiel fiscal – il y a une usine sur son territoire –, mais elle abrite beaucoup d’habitants très modestes. La grande majorité d’entre eux ne sentiront pas les effets de la réforme de la taxe d’habitation, puisqu’ils en sont déjà exonérés. En revanche, les cadres moyens, qui, eux, payent la taxe foncière, ont très bien compris ce qui allait se passer, et ils sont très inquiets à la veille des élections municipales.
Je ne crois donc pas que ce « cadeau » tombé du ciel soit si bien perçu par les classes moyennes et modestes. À mes yeux, sous couvert de générosité, vous êtes en train de déstabiliser le cadre d’exercice le plus important de notre République, celui des collectivités territoriales, en particulier celui des communes.
Je tenais à me faire l’écho des craintes que j’entends sur le terrain quant à la réforme de la taxe d’habitation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’article 5 est important.
Voilà deux ans, lors du Congrès des maires de France, le Président de la République avait appelé les commissions des finances, notamment les rapporteurs généraux, à formuler des propositions. Comme cela a été rappelé, nous l’avons fait dans le cadre d’un groupe de travail.
Le débat sur la suppression de la taxe d’habitation est désormais derrière nous : les contribuables ont commencé à voir les effets de la réforme sur leur feuille d’impôts. Aujourd’hui, notre préoccupation est d’assurer la ressource la plus dynamique possible, avec un pouvoir de taux pour les communes et, si possible, pour les départements. Certes, pour ces derniers, la situation est plus compliquée compte tenu des mesures relatives à la TVA. Nous formulons donc deux séries de propositions.
La première réside dans un décalage d’un an de la mesure. Il ne s’agit pas de reculer pour mieux sauter. Simplement, de notre point de vue, il faut proroger d’un an le dégrèvement que le Gouvernement a lui-même proposé. Je pense qu’il pourrait souscrire à cette idée.
Les différentes directions du ministère de l’intérieur ou des ministères économiques et financiers que nous avons interrogées nous ont indiqué que la réforme aurait des effets considérables sur le potentiel fiscal, mais qu’il était prévu de se donner un peu de temps pour procéder ensuite à des corrections.
Si nous appliquions la réforme en l’état, le Cantal deviendrait l’un des départements les plus riches de France, cher Bernard Delcros. (Exclamations amusées sur les travées du groupe UC.)