Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Didier Marie. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est difficile de réduire l’examen des relations entre l’État et les collectivités à l’analyse de la seule mission qui nous réunit aujourd’hui, d’un montant de 3,8 milliards d’euros, quand l’ensemble des concours financiers s’élèvent à 48,9 milliards d’euros et que la principale nouveauté pour les collectivités se trouve à l’article 5 de ce projet de loi de finances et concerne la suppression de la taxe d’habitation.
Je commencerai donc mon propos par quelques remarques sur cette dernière.
Pour le Gouvernement, cette réforme aurait trois mérites : elle permettrait une baisse d’impôt pour tous les contribuables d’ici à 2023 ; elle s’accompagnerait d’une compensation à l’euro près pour les collectivités ; elle entraînerait une simplification de la fiscalité locale pour la rendre plus lisible et plus juste.
Bref, cette réforme ne ferait que des gagnants ! À y regarder de plus près, je crains, malheureusement, qu’elle ne fasse surtout beaucoup de perdants, d’abord, parmi les contribuables.
Si 29,5 millions de foyers sont assujettis à la taxe d’habitation, 5,1 millions ne la paient pas. Pour eux, les plus modestes, le gain de pouvoir d’achat est égal à zéro.
Pour les 80 % qui en bénéficient déjà, le gain moyen sera de 555 euros en 2020.
Pour les 20 % restants, les plus aisés, le gain sera de 1 158 euros en 2023 et atteindra même, si l’on en croit notre estimé collègue M. Alain Richard, 2 035 euros pour les foyers relevant de la tranche à 45 % de l’impôt sur le revenu.
En résumé : quand vous êtes pauvre, vous ne gagnez rien ; plus vous êtes riches, plus vous gagnez !
M. Patrick Kanner. Exactement !
M. Didier Marie. À l’inégalité sociale s’ajoute une égalité territoriale, car supprimer la taxe d’habitation avant d’engager la révision des valeurs locatives, repoussée aux calendes grecques, revient à fossiliser les différences de situation.
Les communes qui avaient un produit inférieur à la moyenne, en raison d’une assiette réduite souvent liée à une population modeste, recevront une compensation inférieure à la moyenne, sans espoir de rattrapage. Les communes pauvres seront donc perdantes.
Ainsi, annoncer la suppression d’un impôt injuste ne revient pas à œuvrer pour la justice fiscale !
Tous seront perdants, également, quant au montant de la compensation.
Pour 2020, le Gouvernement annonce que celle-ci se fera à l’euro près, je dirais plutôt à « l’euro presque ». En effet, le bloc communal enregistre une perte de 250 millions d’euros, d’une part parce que la compensation se fera sur la base des taux de 2017, gommant les augmentations de ces deux dernières années démocratiquement décidées par des municipalités souvent contraintes par des difficultés financières. Cela représente une perte de recettes supérieure à 100 millions d’euros, que le Gouvernement n’hésitera d’ailleurs pas à empocher.
D’autre part, après avoir envisagé de déroger à la revalorisation forfaitaire obligatoire des valeurs locatives, qui aurait provoqué un manque à gagner de 250 millions d’euros, le Gouvernement s’est rangé à la position de l’Assemblée nationale qui a corrigé le tir en se limitant toutefois à une augmentation de 0,9 %, inférieure au chiffre de 1,2 % de l’indice des prix à la consommation harmonisé. La perte de recettes atteindra donc 140 millions d’euros.
Tous seront perdants, toujours, sur les dotations.
Cette réforme aura des conséquences considérables sur le potentiel financier, lequel pourrait varier dans des proportions d’un tiers, à la baisse ou à la hausse, par rapport à la moyenne nationale.
Personne aujourd’hui ne dispose de simulation des conséquences possibles sur la vingtaine de dotations qui seront concernées. Des pauvres deviendraient subitement riches et seraient privés de soutien, quand des riches y deviendraient éligibles !
C’est la raison pour laquelle nous avons soutenu la proposition du rapporteur général de la commission des finances de reporter d’un an la mise en œuvre de la compensation et de maintenir le dégrèvement avant d’y voir plus clair.
Perdants, enfin, les départements, qui voient un impôt dynamique disparaître.
Le transfert de la part de foncier bâti compensé par l’attribution d’une fraction de TVA à compter de 2021 affaiblira l’évolution de leurs recettes fiscales, puisque, entre 2005 et 2017, le dynamisme de la TVA, de 2,07 % par an, était inférieur à celui de l’évolution des bases de foncier bâti, lesquelles ont progressé dans la même période de 3,13 %.
Si la réforme avait été appliquée depuis 2005, les départements auraient ainsi perdu 4 milliards d’euros de recettes.
Autrement dit, ils récupèrent une recette fiscale sur laquelle ils n’ont aucun pouvoir de taux et qui pourra baisser d’une année sur l’autre.
Madame la ministre, cette réforme bouscule et déstabilise la structure des recettes de nos collectivités territoriales ; elle rompt le lien entre le citoyen et le territoire et attaque le consentement à l’impôt ; elle supprime le dernier impôt local universel du bloc communal, gèle le pouvoir de taux de celui-ci et annule presque totalement l’autonomie fiscale des départements. Bref, elle est contraire à l’esprit de la décentralisation !
M. Patrick Kanner. Exactement !
M. Didier Marie. J’en reviens aux concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.
Vous annoncez, madame la ministre, une stabilisation de l’enveloppe de la DGF, mais, dans un contexte d’inflation à 1,2 % et alors que la population croît de 0,3 %, cela équivaut à une perte sèche de ressources.
On nous oppose constamment que la DGF a baissé entre 2012 et 2017. Seulement, madame la ministre, vous n’avez pas hérité d’un déficit de 5,3 %, ni d’un « État en faillite », pour reprendre l’expression de M. Fillon. Au contraire, vous avez bénéficié d’une situation assainie, avec un déficit ramené sous la barre des 3 % et une croissance retrouvée qui vous offrait des marges de manœuvre, dont vous n’avez à aucun moment fait profiter les collectivités territoriales. (Murmures sur les travées du groupe LaREM.)
M. Patrick Kanner. C’est la stricte vérité !
M. Didier Marie. Par ailleurs, vous claironnez que les concours de l’État augmentent de 600 millions d’euros. En réalité, il n’y a aucun euro supplémentaire… Pis, vous faites payer par les collectivités territoriales plusieurs de vos engagements.
Rien dans ces 600 millions d’euros ne correspond à une décision nouvelle ; il ne s’agit que d’obligations légales. Ainsi, 350 millions d’euros proviennent du dynamisme du FCTVA, qui progresse parce que l’investissement des collectivités territoriales progresse aussi. D’autre part, 128 millions d’euros correspondent à la fraction de TVA accordée aux régions en remplacement de la DGF, car la TVA cette année est dynamique. Enfin, 123 millions d’euros sont liés à la progression des compensations d’exonérations relatives à la fiscalité locale votées les années précédentes, au demeurant inférieures aux pertes de recettes correspondantes pour les collectivités territoriales.
En outre, le Gouvernement va, une fois de plus, se servir des variables d’ajustement de cette mission pour financer plusieurs de ses engagements.
Ainsi, vous intégrez un nouveau concours financier au périmètre des variables d’ajustement, pour compenser aux collectivités territoriales les pertes de recettes liées au relèvement du seuil d’assujettissement des entreprises au versement transport. Cette compensation dynamique, d’un montant de 93 millions d’euros pour l’année à venir, est désormais plafonnée à 48 millions d’euros, ce qui entraîne une baisse de 45 millions d’euros : une compensation de plus qui, censée couvrir intégralement des pertes de recettes – ici, pour les autorités organisatrices de transport –, n’est pas complète.
Pour la première fois, la minoration des variables d’ajustement servira aussi à gager une mesure qui n’entre pas dans les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. De fait, vous avez supprimé la possibilité d’allouer une indemnité de conseil aux comptables publics pour en attribuer la charge à l’État, pour 25 millions d’euros. Le problème est que vous avez gagé cette dépense sur les variables d’ajustement, sans la moindre concertation.
Au total, 122 millions d’euros de minorations supplémentaires des variables d’ajustement sont prévus pour l’année prochaine, ce qui porte à 437 millions d’euros le montant cumulé des minorations depuis 2017.
En matière de péréquation, vous avez décidé de geler la péréquation horizontale et de faire supporter la péréquation verticale par le bloc communal lui-même.
La péréquation horizontale consiste à attribuer aux communes les moins riches une partie des ressources des plus riches. Son principal dispositif, le FPIC, qui a fortement participé à la réduction des inégalités, à hauteur de 1 milliard d’euros, est malheureusement encore gelé, alors que les recettes fiscales des communes les plus riches continuent de progresser.
La péréquation verticale, par définition, devrait être assurée par l’État. Pourtant, depuis 2018, vous la détournez en gageant son augmentation au sein de la DGF sur la baisse de la dotation forfaitaire. Ainsi, les EPCI auront financé eux-mêmes la progression de la dotation d’intercommunalité à hauteur de 120 millions d’euros depuis 2017, dont 30 millions d’euros prévus pour l’année prochaine. Quant aux communes, elles auront financé la progression de la DSU et de la DSR à hauteur de 560 millions d’euros, dont 180 millions d’euros en 2020.
De même, la réforme de la dotation d’aménagement des communes d’outre-mer, qui assure un rattrapage bienvenu de 17 millions d’euros par rapport aux communes de l’Hexagone, sera financée sur des minorations au sein de la DGF plutôt que par de l’argent frais.
Ajoutons à cela que certaines communes riches, ayant une DGF nulle, ne contribuent pas à la péréquation.
L’ensemble de ce dispositif explique que, l’année prochaine encore, plus de la moitié des communes verront leur DGF baisser, l’État leur faisant payer le coût de ses engagements…
M. Antoine Lefèvre. Eh oui…
M. Didier Marie. Enfin, ce projet de loi de finances marque un ralentissement du soutien à l’investissement local.
Sous le précédent quinquennat, les dotations de soutien à l’investissement avaient fortement progressé, pour conforter ce moteur de croissance qui représente plus de 70 % de l’investissement public civil. Mais, alors que la DETR, la DSIL et la DPV représentaient 1,811 milliard d’euros en 2017, ce montant s’établit depuis 2019 à 1,766 milliard d’euros.
Au regard de ces constats, le groupe socialiste et républicain défendra des amendements visant à rétablir plus d’équité et un véritable soutien aux collectivités territoriales, en appelant le Gouvernement à assumer ses responsabilités. Comme les associations d’élus et la grande majorité de ceux-ci, nous sommes inquiets : loin de traduire un soutien massif de l’État aux collectivités territoriales, ce projet de loi de finances fragilise leurs moyens financiers en réduisant insidieusement leurs dotations et en affaiblissant brutalement leur pouvoir fiscal.
Madame la ministre, vous nous parlez de simplification. En réalité, depuis 2017, le projet du Gouvernement est simple : encadrer les recettes et les dépenses des collectivités territoriales, nationaliser l’impôt local et recentraliser ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Julien Bargeton. Quelle caricature !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sylviane Noël. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est censée, selon le Gouvernement, marquer une augmentation de l’effort financier en faveur des collectivités territoriales pour l’année à venir. Nous pourrions accueillir cette nouvelle avec satisfaction – si la réalité n’était pas tout autre…
Sur le papier, à la lecture des articles rattachés aux crédits de cette mission, les moyens alloués à la dotation globale de fonctionnement sont stables ; dans les faits, toutefois, ils se dégradent. En effet, comme l’an dernier, ils ne prennent en compte ni l’augmentation de la population dans les communes ni l’inflation : en euros constants, nous sommes bien face à une diminution.
Malgré les multiples opérations de séduction du Gouvernement, les élus locaux ne sont pas dupes ! Derrière les discours, vous ne leur accordez pas l’essentiel, le pendant de leur liberté d’agir : les moyens de leur autonomie financière et fiscale, pourtant consacrée par notre Constitution et par de nombreux textes européens auxquels nous sommes attachés. La libre administration, c’est-à-dire la responsabilité des politiques que les élus locaux mènent sur leur territoire, est indissociable de la responsabilité fiscale et budgétaire, donc de l’autonomie des collectivités territoriales.
Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais : on pourrait résumer ainsi le discours du Gouvernement… Résultat : le niveau d’investissement du bloc communal a subi une diminution de 16 milliards d’euros depuis 2014. Il faut remonter au milieu des années 1990 pour trouver un recul aussi important de l’investissement local, même s’il a légèrement rebondi cette année.
Ces dernières années, ce sont surtout les collectivités territoriales qui ont participé au redressement affiché des finances publiques et réduit la voilure – là encore, les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Le projet de loi de finances pour 2020 enfonce le clou un peu plus, avec la suppression de la taxe d’habitation à l’horizon de 2023. Encore une fois, l’État choisit de supprimer un impôt qui ne lui appartient pas !
Le lien qui unit tous les habitants d’un territoire au financement des services publics locaux sera, demain, rompu. En effet, alors que la taxe d’habitation était payée par chaque foyer de la commune, la part départementale de la taxe sur le foncier bâti, qui la remplace, n’est acquittée que par une catégorie d’habitants, les propriétaires. Une frange de citoyens de chaque commune sera ainsi déconnectée de cette contribution locale, donc de l’effort collectif pour le financement des services publics communaux.
Les répercussions de cette mesure sont encore plus inquiétantes pour les départements : désormais privés de tout levier fiscal, ils risquent de se trouver face à une impasse budgétaire dès le prochain retournement de conjoncture. Souvenons-nous que les départements jouent un rôle majeur, notamment dans la mise en œuvre des politiques sociales et médicosociales, que l’État ne pourrait assumer seul : il convient de ne pas les fragiliser !
Aujourd’hui, nous sommes bien loin de la promesse faite par le Gouvernement de compenser à l’euro près le dégrèvement de la taxe d’habitation. Deux ans après les annonces, nous découvrons que la compensation se fondera sur des règles que nous n’aurions jamais imaginées : des bases de calcul vieilles de deux ou trois ans et la non-actualisation des taux. Même les bases réelles risquent de ne pas être prises en compte !
Enfin, permettez-moi de revenir sur un sujet qui m’est cher : le fonds de péréquation intercommunal et communal.
Certains territoires que je connais bien subissent souvent une double peine fiscale. D’abord, les DGF dites négatives posent de vraies difficultés pratiques.
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. C’est vrai !
Mme Sylviane Noël. La contribution au redressement des finances publiques est prélevée sur la DGF ; quand celle-ci n’est pas suffisante, le solde manquant est ponctionné sur les recettes fiscales. Ainsi, certaines communes, en plus de ne pas toucher de DGF, subissent un prélèvement croissant sur leurs recettes : non seulement elles s’appauvrissent, mais elles perdent leur substance fiscale.
Ensuite, dans les communes frontalières, le calcul du FPIC intègre un revenu par habitant plus élevé que la moyenne nationale en raison du niveau de vie élevé, ce qui augmente mécaniquement la contribution de ces communes. Pourtant, il est clair que la richesse d’une commune n’est pas corrélée à celle de ses habitants.
Ces deux phénomènes obèrent de façon très importante les capacités financières des communes concernées, qui doivent pourtant assumer des investissements spécifiques et lourds liés à leurs caractéristiques frontalières et montagnardes.
M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Exact !
Mme Sylviane Noël. Il ne s’agit nullement de remettre en cause les principes de péréquation et de solidarité, mais de cesser de faire peser sur ces territoires une part déraisonnable et disproportionnée de la péréquation horizontale.
Conscient de ces difficultés, le député Christophe Jerretie, rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », avait annoncé en 2017 que les questions du FPIC et des DGF négatives seraient revues en 2018. Or nous sommes bientôt en 2020 et, malgré de nombreux rappels, rien n’a été fait…
Si l’État continue à affaiblir ainsi les collectivités territoriales qui jouent le rôle de locomotives, c’est toutes qui risquent, un jour, de rester à quai. Madame la ministre, il est urgent d’agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission que nous examinons ce matin s’intitule : « Relations avec les collectivités territoriales ». Si le terme « relations » ne suppose pas forcément que les parties s’apprécient, il implique, au minimum, qu’elles entretiennent des liens fondés sur la confiance.
La question centrale est donc simple : cette mission budgétaire garantit-elle la confiance entre l’État et les collectivités territoriales ? Avant d’y répondre, il convient de remettre la question en perspective.
Élu local, comme nous tous, je sais bien que, trop souvent, les maires doivent résoudre une équation insoluble : toujours moins de moyens et toujours plus dépenses obligatoires ou fortement conseillées. Cela, il est vrai, n’a pas commencé avec ce gouvernement ; mais, cette année, l’application du principe « faire mieux avec moins » a atteint ses limites.
Pourtant, personne ici ne peut remettre en cause ce fait simple : c’est aux collectivités territoriales, non à l’État, que nous devons la plus grande contribution à la réduction du déficit public. En vérité, c’est sur elles que repose une grande majorité des efforts budgétaires. L’État demande d’abord aux collectivités territoriales de faire ce qu’il se refuse à faire lui-même !
En 2020, une fois encore, l’effort de maîtrise de la dépense publique reposera surtout sur les administrations publiques locales – à 31 %, contre 22 % pour l’État et ses opérateurs. Pourtant, la Cour des comptes a constaté, dans son rapport du 24 septembre dernier, que les finances locales vont un peu mieux, et que la maîtrise de leurs dépenses par les collectivités territoriales leur permet d’investir davantage.
Cette situation demeure toutefois fragile. Certes, les niveaux de la DETR et de la dotation de soutien à l’investissement sont maintenus, mais nous n’avons pas oublié, et les maires non plus, la disparition de la réserve parlementaire, sacrifiée à l’air du temps et confiée pour partie seulement aux préfets : un exemple de plus du manque de confiance !
M. Jean-Marc Boyer. Très bien !
M. Max Brisson. Contrairement à l’engagement du Gouvernement, la version initiale du projet de loi de finances pour 2020 prévoit de priver les assemblées locales de la possibilité de délibérer en 2020 pour fixer le taux de la taxe d’habitation, mais aussi ceux de la Gemapi et de la taxe d’habitation sur les locaux vacants. Ainsi, en mars prochain, au lendemain des élections municipales, les nouveaux élus ne pourront pas délibérer sur le taux de taxe d’habitation.
En outre, le Gouvernement envisage d’annuler en 2020 les effets des augmentations de taux décidées par les communes et les EPCI en 2018 et en 2019. Pour la taxe d’habitation sur les locaux vacants, ce gel des effets des délibérations perdurera même jusqu’en 2023 !
Au total, ce dispositif conduit à une perte de recettes de 160 millions d’euros pour les collectivités territoriales.
De plus, le Gouvernement semble s’opposer à toute revalorisation forfaitaire des bases en 2020. Cette mesure réduira aussi les ressources locales, de 250 millions d’euros par an environ.
En ce qui concerne les dotations mises en place pour compenser la suppression des ressources locales antérieures, le projet de loi de finances prévoit une nouvelle réduction des recettes. À cela s’ajoutent la non-indexation de ces dotations sur l’inflation et l’absence de prise en compte de l’augmentation de la population, soit une perte sèche de 600 millions d’euros par an pour la seule DGF.
Toutes ces décisions, vous en conviendrez, ne favorisent pas la confiance. Certes, madame la ministre, d’autres ont fait pire avant vous – Françoise Gatel vient de le rappeler –, mais ce n’est pas une raison…
À tort ou à raison, nombre d’élus ont le sentiment que la politique de contrôle, parfois tatillon, de réduction des moyens et de recentralisation se poursuit, et que les liens continuent à se distendre entre le centre et les territoires. Aussi, comme nombre de mes collègues, j’attends avec impatience le projet de loi « décentralisation, déconcentration et différenciation » que vous êtes appelée à défendre, madame la ministre. Puisse-t-il ne pas être un nouveau rendez-vous manqué… Le Sénat sera au rendez-vous, le Gouvernement doit l’être aussi !
Sous réserve de l’adoption de certains amendements, issus en particulier de la commission des lois, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. –M. Claude Kern applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis 2017, le Gouvernement présente des budgets en rupture avec les pratiques antérieures et reposant sur trois piliers : un choix clair en faveur de la prévisibilité et de la stabilité des ressources versées aux collectivités territoriales ; un soutien fort de l’État à l’investissement public local, maintenu à 2 milliards d’euros environ, un niveau historiquement élevé ; un renforcement soutenable de la péréquation en faveur des collectivités territoriales les moins favorisées.
Le projet de loi de finances pour 2020 ne déroge pas à cet engagement.
Bien sûr, il comporte une nouveauté, dont tous les orateurs ont parlé : la réforme de la fiscalité locale, qui modifiera le panier de ressources des collectivités territoriales à compter de 2021. L’article 5 du PLF ayant été adopté par le Sénat samedi dernier, l’architecture de la réforme est entérinée, même si la Haute Assemblée a prévu quelques évolutions paramétriques et le report d’un an de l’entrée en vigueur du nouveau panier de ressources. Je tiens à préciser que, si le Gouvernement a choisi d’introduire celui-ci en 2021, c’est afin de garantir aux nouveaux exécutifs lisibilité et efficacité pour l’élaboration de leur premier budget.
Je ne reviendrai pas sur ces dispositions fiscales d’ampleur, dont le principe peut être résumé en une formule : 18 milliards d’euros de réduction d’impôts pour les Français et une compensation juste pour les collectivités territoriales, via non des dotations, mais – j’insiste sur ce point – des ressources fiscales dynamiques.
La mission « Relations avec les collectivités territoriales » prévoit un montant de dotations stabilisé, mais, comme l’ensemble des orateurs, j’élargirai mon propos à tous les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, qui s’élèveront l’année prochaine à 48,7 milliards d’euros, soit une progression des crédits de paiement de 464 millions d’euros, c’est-à-dire d’environ 1 %.
Le montant de la DGF est fixé à 26,8 milliards d’euros pour 2020, soit un niveau stable par rapport à 2019. Je n’ai pas été de ceux qui ont condamné les mesures précédentes, mais les faits sont les faits : le gouvernement d’alors avait choisi de baisser la DGF de 11 milliards d’euros, toutes les communes de France participant à l’effort.
M. François Bonhomme. Ce fut un massacre, oui !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous assumons, nous aussi, notre politique. Nous pensons que mettre un terme à la baisse de la DGF est tout de même moins douloureux. De surcroît, cela a permis le redémarrage de l’investissement local, comme la plupart des orateurs l’ont souligné.
La contribution des collectivités territoriales à la trajectoire des finances publiques est désormais assurée par les pactes financiers de Cahors, qui visent les dépenses de fonctionnement des 322 collectivités territoriales aux budgets les plus importants. Ce dispositif a produit ses premiers résultats en 2018 : ils sont positifs, puisque la cible a été largement atteinte. La plupart des collectivités territoriales disposent donc de marges de manœuvre pour l’avenir.
Quant à l’effort de solidarité au profit des collectivités territoriales les moins bien dotées, il poursuit sa montée en puissance, puisque le projet de loi de finances prévoit une augmentation des montants consacrés à la péréquation verticale de 220 millions d’euros, soit une progression du même ordre qu’en 2019. Cette hausse sera intégralement financée par redéploiement au sein de la DGF. Un certain nombre d’entre vous l’ont regretté, mais les finances de notre pays sont ce qu’elles sont : on ne peut pas nous demander à la fois d’arrêter de creuser le déficit et de prendre des mesures qui le creuseraient…
Le montant et les règles de calcul de la péréquation horizontale, en particulier du FPIC, restent stables, à l’exception de deux évolutions décidées par l’Assemblée nationale. S’agissant du FSRIF, les députés ont voté une majoration de 20 millions d’euros, reprenant la progression des années précédentes, interrompue en 2019. S’agissant de la garantie de sortie du FPIC, elle a été unifiée et améliorée pour plus d’une centaine d’ensembles intercommunaux qui auraient dû ne plus être éligibles en 2020 : ils percevront l’an prochain, en l’état actuel du projet de loi de finances, 50 % de leur attribution de 2019. La trajectoire de la péréquation sera liée à la manière dont sera mesurée la richesse des collectivités territoriales après la réforme fiscale.
À cet égard, les travaux sur les critères et indicateurs financiers, qui commenceront en 2020 et se poursuivront peut-être en 2021, ne sont pas du tout une face cachée de la réforme. J’ai déjà mis le sujet à l’ordre du jour devant le Comité des finances locales. L’application des nouveaux critères, je le rappelle, ne débutera qu’en 2022 ; nous avons donc le temps de mener ce travail.
L’enjeu est d’importance, car le Gouvernement a clairement annoncé que les indicateurs financiers des communes, des EPCI et des départements devraient être revus après la réforme fiscale, pour neutraliser les effets de bord du type de ceux constatés lors de l’évolution de la carte des intercommunalités, en 2017.
Lors du « printemps de l’évaluation », certains d’entre vous ont insisté sur la nécessité de mieux évaluer aussi l’impact de la péréquation. Ce travail d’évaluation pourra rejoindre, dès l’année prochaine, les travaux du Comité des finances locales et du Gouvernement sur les critères et les indicateurs financiers. Bien sûr, la commission des finances du Sénat aura pleinement part à cette réflexion. Je veillerai à ce que le Parlement, en particulier les délégations aux collectivités territoriales, soit associé en amont à ce travail et aux simulations menées.
La nouvelle carte de la richesse issue de la réforme de la taxe professionnelle, en 2010, avait conduit le Gouvernement à approfondir la péréquation en créant le FPIC. Les conséquences de notre réforme ne seront effectives qu’en 2022 pour la première répartition après l’entrée en vigueur du nouveau panier de ressources, en 2021.
Deux mesures spécifiques complètent le volet du projet de loi de finances consacré à la DGF.
Mme Gatel a déjà signalé celle qui concerne l’accompagnement financier de la création de communes nouvelles. Depuis 2015, le pacte de stabilité sur la DGF des communes nouvelles a facilité un nombre important de regroupements communaux. Néanmoins, les critères d’éligibilité aux avantages du pacte ont fait l’objet d’une certaine instabilité, ce qui ne permettait pas aux élus de préparer leur fusion sereinement.