Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.
M. Philippe Mouiller. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Je prends bonne note de votre volonté affichée de soutenir cette expérimentation, ce que vous avez confirmé par les travaux menés.
J’ai également relevé les chiffres de mobilisation lors du budget. Je rappelle néanmoins que la demande vise avant tout à étendre le nombre des territoires concernés, même si force est de constater que les engagements financiers sont de plus en plus importants sur la durée. En effet, puisque l’expérimentation fonctionne, des recrutements ont lieu dans les différentes EBE.
J’ai pris bonne note de votre programmation. Vous avez fait référence à la fois aux réunions de bilan et aux réunions de concertation. Je connais bien l’association concernée : les diagnostics sont prêts. Je sais aussi que les textes sont déjà analysés. Il y a donc des allers-retours. Toutes les conditions sont donc sur la table pour décider par voie législative de l’extension de cette expérimentation.
Il est important de continuer dans cette dynamique : une rupture, une interrogation ou des non-réponses pourraient avoir des conséquences dramatiques sur les territoires. Nous avons un outil qui fonctionne. Les retours et le bilan sont plutôt favorables, la mesure ayant une incidence directe sur l’emploi. Au vu de l’état d’esprit du Gouvernement, il y a urgence à accélérer le déploiement du dispositif…
Mme la présidente. Il faut conclure !
M. Philippe Mouiller. … dans les mois et les semaines à venir.
extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » à la commune de port-jérôme-sur-seine
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 1072, adressée à Mme la ministre du travail.
Mme Agnès Canayer. Ma question risque d’être quelque peu redondante avec celle de mon collègue Philippe Mouiller puisqu’elle porte également sur l’extension de l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », mais c’est la preuve qu’il s’agit d’une mesure attendue sur l’ensemble des territoires.
L’extension de cette expérimentation, comme l’a souligné à juste titre mon collègue, permettrait aux territoires de mettre en place des actions au plus proche des enjeux et des chômeurs de longue durée.
Je suis présidente d’une mission locale en Normandie et de l’association régionale des missions locales : on voit bien que ce sont les actions d’accompagnement global, menées en lien avec les différents enjeux territoriaux de proximité, tant en matière de développement économique, de création d’emplois que de soutien des personnes les plus en difficulté pour connecter la demande à l’offre, qui sont efficaces. Les résultats de l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » vont dans le bon sens.
La commune de Port-Jérôme-sur-Seine, en Seine-Maritime, et son agglomération Caux Seine Agglo ont développé une méthodologie tendant à mettre en place cette expérimentation sur un territoire extrêmement dynamique. L’engagement des collectivités locales est fort pour trouver des solutions innovantes en parallèle des actions de développement économique et d’attractivité du territoire de la vallée de la Seine. Il existe donc une forte attente sur le territoire pour bénéficier également du dispositif.
Je comprends parfaitement l’enjeu d’expérimentation et surtout d’évaluation du dispositif. Néanmoins, veillons à ce que l’évaluation ne retarde pas trop la mise en œuvre de mesures nécessaires et ne freine pas les énergies qui montent aujourd’hui dans nos territoires.
Madame la secrétaire d’État, il y a véritablement urgence, comme l’a souligné mon collègue Philippe Mouiller, à étendre rapidement cette expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » aux 105 projets validés qui sont en attente.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, permettez-moi de revenir sur mes propos et de compléter ma réponse précédente.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour lutter contre le chômage de masse. Les résultats sont encourageants. Le taux de chômage, certes encore très élevé dans notre pays, a baissé de 9,6 % à 8,6 %, soit son plus bas niveau depuis dix ans.
Le nombre de créations d’emplois nettes s’élève à 258 000 cette année et à 540 000 depuis deux ans et demi. S’agissant de l’apprentissage, les résultats sont historiques : 458 000 apprentis, soit 8,4 % de plus au premier semestre 2019.
Ces résultats nous invitent à poursuivre l’effort, notamment à l’égard des jeunes, sujet que vous suivez attentivement au travers de l’action des missions locales.
Comme je l’ai souligné précédemment, nous apportons dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté des moyens importants aux missions locales pour accompagner plus de personnes dans le cadre de la garantie jeunes. Nous consacrons aussi des moyens financiers au titre de l’insertion, je pense à l’allocation Pacea (parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie). Il s’agit de leviers pour éviter que des jeunes n’entrent dans la précarité et la pauvreté.
Enfin, à partir du 1er septembre 2020, entrera en vigueur l’obligation de formation des 16-18 ans. Le rapport a été remis hier au Premier ministre, à la ministre du travail, Muriel Pénicaud, et à Jean-Michel Blanquer. C’est en faisant de la prévention pour que ces jeunes ne deviennent pas invisibles que nous pourrons lutter efficacement contre le chômage.
Je tiens également à réaffirmer le soutien total et entier du ministère du travail et du ministère des solidarités et de la santé à cette démarche expérimentale visant à résorber le chômage de longue durée.
Ainsi, 1 000 équivalents temps plein supplémentaires seront financés en 2020, en cohérence avec la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. La contribution totale de l’État s’élève à 28,5 millions d’euros, soit 6,13 millions d’euros de plus qu’en 2019. C’est un financement quasi exclusif de l’État.
Cette expérimentation est innovante, comme je viens de le rappeler. Elle permet de tester des dispositifs nouveaux pour lutter contre le chômage de longue durée.
Pour compléter mes propos, je souhaite insister sur l’ensemble des moyens supplémentaires apportés aux 99 départements qui ont contractualisé avec l’État dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Le Gouvernement apporte donc des moyens financiers supplémentaires pour permettre un accompagnement global par le biais d’un travailleur social et d’un conseiller de Pôle emploi. Tout cela est nécessaire lorsqu’il s’agit de chômeurs de longue durée.
C’est une nouvelle dynamique puisque chaque bénéficiaire du RSA peut être accompagné en moins d’un mois. Tel est l’ensemble des enjeux, au-delà de l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.
Mme Agnès Canayer. La stratégie de lutte contre le chômage de longue durée est extrêmement difficile. Elle nécessite, vous le savez, madame la secrétaire d’État, une réelle collaboration et un travail collectif.
Certes, le taux de chômage est aujourd’hui en baisse, mais ceux qui restent très éloignés de l’emploi sont aussi ceux qui sont les plus difficiles à accompagner, qu’il s’agisse des jeunes ou des moins jeunes. Tout le monde doit donc se mettre autour de la table. Il faut un accompagnement global et des expérimentations qui partent des territoires, de la base. Il est urgent d’étendre cette expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », d’autant qu’elle est très attendue. Il s’agit pour nous d’un levier supplémentaire.
réforme des auto-écoles et du permis de conduire
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche, auteur de la question n° 674, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Jean-Claude Luche. Monsieur le secrétaire d’État, en mai 2019, le ministre de l’intérieur proposait dix mesures pour tenter de faire baisser le prix du permis de conduire de l’ordre de 30 %. À cette occasion, de nombreux gérants et personnels d’auto-écoles avaient affirmé leurs inquiétudes lors d’importantes manifestations.
Les auto-écoles dites « traditionnelles » subissent la concurrence de nouveaux prestataires sur internet, qui proposent des prix paraissant plus attractifs. Effectivement, ce ne sont pas les mêmes charges qui pèsent sur les uns et sur les autres. Les auto-écoles telles que nous les connaissons assurent un emploi stable à leurs personnels, paient des charges sociales, les véhicules, le carburant et les assurances.
Sur internet, les prestataires mettent en relation les élèves avec un moniteur auto-entrepreneur ou indépendant qui exerce à son compte. Avec ce mode de fonctionnement, l’État perd des ressources fiscales et sociales ; pour les personnels, les emplois deviennent précaires.
Si, par exemple, les auto-écoles traditionnelles venaient à disparaître dans mon département de l’Aveyron, il n’est pas sûr que des auto-entrepreneurs viennent proposer des heures de conduite. Pour passer le permis de conduire, les élèves devraient effectuer de nombreux kilomètres avant de pouvoir trouver un de ces nouveaux moniteurs.
C’est pourquoi je souhaite attirer l’attention du ministre de l’intérieur sur l’importance de maintenir des auto-écoles dites « traditionnelles » dans nos territoires ruraux. Sur les dix mesures annoncées en mai, trois ont été mises en place et d’autres sont expérimentées dans plusieurs départements. Que donnent ces expérimentations ? Quand les prochaines mesures entreront-elles en vigueur ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, la mobilité est une priorité du Gouvernement, car le permis de conduire constitue un véritable passeport vers l’insertion professionnelle et sociale.
Comme vous le savez, le secteur de l’éducation routière a été profondément bouleversé ces dernières années. L’émergence des nouveaux modèles en ligne, à condition qu’ils s’inscrivent dans le cadre de la loi et d’un apprentissage de qualité, peut constituer un complément à l’offre proposée dans nos territoires.
Mais il ne s’agit pas de remettre en cause le modèle auquel nous sommes attachés et qui favorise le lien social.
Les réformes entreprises depuis la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ont permis de nombreuses avancées. Je pense, par exemple, à la réduction significative des délais de passage aux examens. À cet égard, je tiens à saluer l’engagement de nos 1 400 inspecteurs du permis et leur capacité à s’adapter en permanence aux nouveaux défis.
Dans la continuité des travaux engagés, un plan de réforme constitué de dix mesures, vous l’avez rappelé, a été présenté le 2 mai 2019 par le Premier ministre. Sur ces dix mesures, trois sont déjà entrées en vigueur : le développement de l’usage du simulateur de conduite dans la formation, qui requiert un local, le développement de l’apprentissage de la conduite sur boîte automatique et l’abaissement de l’âge de passage de l’examen dans le cadre de l’apprentissage anticipé de la conduite.
Les sept autres mesures sont en cours de déploiement. Portées notamment par la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, elles concernent la gratuité de l’examen théorique pour les volontaires du service national universel, la mise en place d’une plateforme gouvernementale dédiée au choix de son auto-école, le développement des apprentissages accompagnés de la conduite, la mise en place d’une nouvelle épreuve théorique moto du code de la route, la modernisation de l’inscription à l’épreuve pratique de l’examen du permis de conduire ou encore la mise en place d’un livret d’apprentissage numérique.
Vous le constatez, le Gouvernement poursuit sa politique innovante et veille à ce que, quel que soit le modèle économique choisi, soient garantis un enseignement de qualité et la sécurité des apprentis conducteurs.
demande de reconnaissance de catastrophe naturelle émise par la commune de leforest
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, auteure de la question n° 957, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
Mme Sabine Van Heghe. Je souhaite interroger M. le ministre de l’intérieur sur la demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle émise par la commune de Leforest au titre de la sécheresse de 2018.
Du fait des sécheresses qui ont marqué les trois dernières années, des habitations ont été touchées par des mouvements de terrain, ce qui provoque de véritables drames humains.
Confronté à un risque d’effondrement, le maire de Leforest n’a eu d’autre choix, sa responsabilité étant engagée, que de prendre un arrêté de péril imminent, synonyme, pour les habitants concernés, d’expulsion, donc de désarroi moral et matériel, les intéressés devant continuer à rembourser leur crédit immobilier.
Jusqu’en décembre dernier, leur seul espoir était que l’état de catastrophe naturelle soit reconnu pour 2018, afin que les assurances puissent les indemniser. Cependant, sous l’impulsion d’un collectif de parlementaires issus de différents groupes politiques, a été adopté un amendement au projet de budget pour 2020 visant à dégager une somme de 10 millions d’euros pour parer aux situations les plus urgentes – les cas de grande détresse et d’urgence sociale. La commune de Leforest s’inscrit tout à fait dans ce cadre.
Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d’État, d’agir avec diligence afin que les dégâts occasionnés par les sécheresses sur le territoire de la commune de Leforest puissent être réparés au mieux, sachant que le régime d’indemnisation de 1982 n’est plus du tout à la hauteur des enjeux.
Les sénateurs du groupe socialiste et républicain présenteront d’ailleurs demain, dans cet hémicycle, une proposition de loi réformant le régime des catastrophes naturelles. Ce texte vise à renforcer les droits des assurés, à accroître le montant des indemnisations dont ils bénéficient et à renforcer la prévention des dommages, en diminuant le reste à charge pour les particuliers. Il tend également à soutenir les élus, qui se trouvent en première ligne lors de la survenance d’une catastrophe naturelle, par exemple en instaurant, dans chaque département, une cellule de soutien aux maires confrontés à une telle catastrophe.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, vous avez appelé mon attention sur la situation de la commune de Leforest, dans le Pas-de-Calais, qui a déposé une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle au titre de la sécheresse de 2018. Par arrêté interministériel du 15 octobre 2019, publié au Journal officiel le 15 novembre 2019, cette commune n’a pas été reconnue en état de catastrophe naturelle.
Je souhaite vous préciser que, pour décider de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour une commune, l’autorité administrative est tenue de se prononcer sur l’intensité anormale de l’agent naturel à l’origine des dégâts, et non sur l’importance des dégâts eux-mêmes. Ces critères techniques sont fondés sur des études approfondies réalisées par les services d’expertise mandatés par l’administration. Chaque commune touchée par le phénomène et ayant déposé une demande fait l’objet d’un examen particulier.
Compte tenu de la cinétique lente qui caractérise l’aléa de sécheresse et des connaissances scientifiques disponibles à ce jour, il est considéré que ces phénomènes, engendrés par le retrait et le gonflement des argiles, ne peuvent se produire que si deux conditions se trouvent conjointement remplies : d’une part, une condition géotechnique – un sol d’assise des constructions constitué d’argiles sensibles au phénomène de retrait et de gonflement –, et, d’autre part, une condition de nature météorologique, à savoir une sécheresse du sol d’intensité anormale.
La méthode appliquée pour instruire les demandes communales formulées au titre de ce phénomène a été révisée par une circulaire datée du 10 mai 2019 afin, d’une part, de tenir compte des progrès les plus récents dans la modélisation hydrométéorologique réalisée par Météo France, et, d’autre part, de fixer des critères plus lisibles, pour les municipalités et pour les sinistrés, de caractérisation de l’intensité d’un épisode de sécheresse et réhydratation des sols.
Cette nouvelle méthode a été mise en application pour traiter l’ensemble des demandes communales déposées au titre de l’épisode de sécheresse de 2018. Sur son fondement, dix-huit communes du Pas-de-Calais ont été reconnues en état de catastrophe naturelle au titre de ce phénomène.
La présence importante dans le sous-sol de Leforest d’argiles sensibles au phénomène de retrait et gonflement est confirmée. En revanche, au regard des données recueillies par Météo France, les niveaux d’humidité des sols superficiels de Leforest ne relèvent d’une sécheresse géotechnique anormale pour aucune des quatre saisons de l’année 2018.
Je ne méconnais pas les effets des mouvements différentiels de terrain provoqués par la sécheresse et la réhydratation des sols sur certains immeubles de Leforest, mais seuls les épisodes de sécheresse présentant une intensité anormale avérée donnent lieu à une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, ce qui n’est malheureusement pas le cas de cette commune pour l’ensemble de l’année 2018.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour la réplique.
Mme Sabine Van Heghe. Merci de ces explications techniques, monsieur le secrétaire d’État, mais je demande la prise en compte en urgence de la situation dramatique vécue par certains habitants de la commune de Leforest.
distribution de pastilles d’iode à proximité des centrales nucléaires
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, auteure de la question n° 962, transmise à M. le ministre de l’intérieur.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le secrétaire d’État, je vis en Meurthe-et-Moselle, à Villerupt, une commune d’environ 10 000 habitants située à une trentaine de kilomètres, par la route, de la centrale nucléaire de Cattenom, en Moselle, et à 5 kilomètres de la ville d’Esch-sur-Alzette, au Luxembourg. La commune de Villerupt est adhérente à une communauté de communes dont certaines communes membres sont éligibles à la distribution gratuite de pastilles d’iode.
Selon la réglementation, les habitants de Villerupt, comme d’ailleurs ceux d’autres communes voisines, sont exclus de ce dispositif, puisque le centre-ville est situé à 22 kilomètres, donc à plus de 20 kilomètres, de la centrale nucléaire. Le rayon retenu pour la distribution de pastilles d’iode, fixé auparavant à 10 kilomètres, a en effet été récemment porté à 20 kilomètres par les autorités.
C’est une sage décision, mais des questions demeurent. On constate que, chez nos voisins européens, la réglementation en la matière est bien plus protectrice. À titre d’exemple, en Belgique, à quelques kilomètres de chez nous, il est possible d’obtenir des pastilles d’iode gratuitement dans un rayon de 100 kilomètres autour des installations nucléaires. Au Luxembourg, à deux pas de notre collectivité, toute la population est progressivement dotée de pastilles d’iode en prévision d’un éventuel accident à Cattenom : un comble quand on sait que les habitants du Luxembourg sont plus éloignés de la centrale que ceux de ma commune et de nombreuses autres communes de mon département ! Comme je le disais, la règle retenue, qui repose sur le seul kilométrage, exclut, au sein d’une même intercommunalité, les habitants de certaines communes membres.
Alors que nos centrales nucléaires sont vieillissantes, que les phénomènes climatiques s’intensifient et que la population s’intéresse toujours plus, et à juste titre, aux questions environnementales, il paraît nécessaire d’engager une réflexion plus poussée sur la protection sanitaire des populations éventuellement exposées. Si la prise de pastilles d’iode ne permet pas, on le sait, de parer à un accident, elle constitue une solution d’urgence permettant d’éviter en partie le développement de cancers et de troubles de la thyroïde après une exposition radioactive. Je pense que vous serez d’accord avec moi pour affirmer, monsieur le secrétaire d’État, que, en matière de santé, il n’y a pas d’économies à réaliser.
Ma question est double : peut-on envisager une évolution de la réglementation et une mise à niveau par rapport à nos voisins européens dans les années à venir ? À court terme, est-il possible d’étendre la distribution gratuite de pastilles d’iode à l’ensemble des habitants d’une intercommunalité dès lors que l’une de ses communes membres est comprise dans le rayon de 20 kilomètres, règle qui pourra, je l’espère, évoluer à l’avenir ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, depuis 1997, des campagnes de distribution de comprimés d’iode aux riverains des centrales nucléaires sont régulièrement organisées. Elles concernent effectivement les zones situées dans un rayon de 10 kilomètres autour d’une centrale et intégrées au plan particulier d’intervention (PPI).
Depuis 2019, la prédistribution a lieu dans un rayon de 20 kilomètres et concerne plus de 3 millions de personnes, les écoles, les administrations et les entreprises. Ces campagnes se déroulent au moins tous les sept ans. La dernière, dans un rayon de 10 kilomètres, a été organisée en 2016 et une campagne complémentaire, concernant les populations habitant entre 10 et 20 kilomètres d’une centrale, est en cours.
Cette campagne a permis l’information des maires concernés au premier trimestre 2019, via des courriers, des kits d’information, des réunions en préfecture dans les dix-huit départements concernés. Une précampagne d’information a été menée auprès des riverains en juin dernier et une campagne de distribution le 17 septembre dernier, avec des communiqués de presse, des courriers contenant des bons de retrait en pharmacie. Toute personne n’ayant pas reçu ce courrier peut néanmoins retirer une boîte de comprimés en pharmacie, sur simple présentation d’un justificatif de domicile. Fin novembre, le nombre total de retraits s’élevait à 150 000. Des actions de relance et de communication sont prévues jusqu’en juin 2020.
Dans le cadre de l’organisation de la réponse de sécurité civile (Orsec) aux échelons zonal et départemental, cette prédistribution est complétée par le prépositionnement de 110 millions de comprimés. Le prépositionnement, instauré dans les zones où l’urgence est moindre, offre une meilleure traçabilité et de meilleures conditions de stockage ; il permet surtout de déplacer rapidement les stocks, lesquels sont suffisants pour couvrir l’ensemble de la population.
Ce sont les préfets qui organisent les plans de distribution des comprimés. S’ils estiment que la situation nécessite la prise de comprimés, les stocks sont déployés vers des points de distribution.
Les campagnes de distribution de comprimés d’iode permettent de sensibiliser aux risques et de mobiliser les citoyens, dont l’implication est indissociable d’une gestion efficace des crises. De nombreux acteurs de terrain – maires, commissions locales d’information, professionnels de santé – sont également mobilisés aux côtés des pouvoirs publics et d’EDF.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez fait un rapide rappel de la législation en vigueur, mais ma question était tout autre : comment éviter des « trous dans la raquette » au sein d’une intercommunalité et comment parvenir à nous mettre au niveau des autres pays européens ? En Belgique, je le redis, les pastilles d’iode sont distribuées dans un rayon de 100 kilomètres.
financement de la démocratie
Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal, auteur de la question n° 898, transmise à M. le ministre de l’intérieur.
M. Rachid Temal. Notre démocratie repose sur une promesse d’égalité – un citoyen, une voix –, mais cette promesse s’estompe.
En effet, monsieur le secrétaire d’État, qui décide du contenu du débat démocratique dans notre pays ? Les citoyens ? Les médias ? Ou bien encore les partis ? En tout cas, nul ne penserait aux banques… Pourtant, ce sont elles qui tiennent entre leurs mains les clés du financement de nos campagnes électorales ; ce sont elles qui décident de notre avenir, sans jamais se présenter à une élection.
Le gouvernement auquel vous appartenez avait pourtant pris une bonne initiative avec la création, au travers de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, d’une banque publique de la démocratie ; mais, depuis lors, ni son ni image !
J’ai donc interrogé, en juillet 2018, la garde des sceaux sur ce sujet. Elle m’indiqua en retour que la « condition de “défaillance de marché” posée par le législateur ne paraissait pas caractériser la situation actuelle ». Pourtant, lors de la campagne pour les élections européennes, voilà quelques mois, il ne s’est pas passé une semaine sans qu’une liste ne fasse part de ses difficultés à trouver des financements ou ne lance une souscription.
Monsieur le secrétaire d’État, notre démocratie a besoin de pluralisme et les carences sont bien réelles. La banque publique de la démocratie doit devenir une réalité, utile non aux seuls partis, mais bien à notre démocratie. Les pistes sont nombreuses et les formes peuvent varier, s’articulant autour d’outils connus de tous ; je pense à la Caisse des dépôts et consignations ou à la Banque publique d’investissement.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il prendre pour faire aboutir cette belle promesse de la banque publique de la démocratie ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique a institué un médiateur du crédit afin de favoriser le pluralisme politique par la facilitation de son financement. Ce médiateur a pour mission de contribuer à rapprocher les candidats, partis et groupements politiques et les banques.
Dans son rapport rendu le 30 septembre dernier, à la suite des élections européennes du 26 mai 2019, le médiateur n’a pas relevé de difficultés systémiques, corroborant ainsi l’analyse menée en 2017 par l’inspection générale des finances et l’inspection générale de l’administration.
Toutefois, ce rapport a mis en lumière que, sur les trente-quatre listes de candidats aux élections européennes, huit ont été confrontées à des difficultés pour obtenir l’ouverture d’un compte bancaire, alors même que le législateur garantit un droit au compte, tandis que neuf partis ont essuyé un refus de prêt bancaire.
Ces chiffres révèlent une situation perfectible et le médiateur a fait plusieurs propositions de nature à la faire évoluer. Il appelle notamment à la réduction des délais pour les ouvertures de comptes bancaires, pour la délivrance des moyens de paiement et pour l’instruction des demandes de prêt.
À l’inverse, il est important que les candidats et les partis connaissent mieux les critères et exigences des établissements bancaires. Le site internet de la médiation, en cours de construction, devrait faciliter l’information sur les dispositifs en vigueur ou en cours de mise en place.
Au-delà de ces actions de sensibilisation, le médiateur a fait plusieurs recommandations visant à élargir l’accès de tous les candidats à la propagande, ce qui passe notamment par un surcroît de dématérialisation.
Par ailleurs, le rapport du 30 septembre 2019 met l’accent sur la nécessité, pour les candidats et les partis politiques, de recourir aux autres modalités de financement qui leur sont ouvertes, au-delà des aides publiques : appels aux dons de sympathisants et militants, emprunts auprès des partis et, désormais, auprès des particuliers. Cette dernière modalité a d’ailleurs été largement mise en œuvre lors des récentes élections européennes.
De même, en application de la loi du 2 décembre dernier, qui entrera en vigueur le 30 juin 2020, les partis et candidats pourront recueillir des fonds via un financement participatif.