Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Nous ne parlons que des promotions en volume, pas de celles en valeur !
M. Didier Guillaume, ministre. C’est la raison pour laquelle nous voulons aller plus loin dans le travail sur l’étiquetage et l’information. Je ne crois pas que ce soit le rôle du Parlement d’envoyer un signal en faveur d’une baisse continue des prix – il y a des gens dont c’est le métier…
Nous voulons prendre en compte ce que coûte un produit, pas ce qu’il vaut ! Si le prix est de 100 euros, une promotion de 10 ou 20 euros peut se comprendre, mais pas de 90 % ! Ce n’est pas un système satisfaisant. Nous ne sommes donc pas favorables à votre proposition, même si, je l’ai dit, nous voulons autoriser de nouveau les promotions sur les produits festifs, comme nous l’avons fait sur le foie gras ou le champagne.
Cette proposition d’exclure les produits saisonniers ou festifs de l’encadrement des promotions a été soutenue par certains acteurs, comme la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) et l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA), lors de la concertation qui a eu lieu sur le projet d’ordonnance relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires. Nous avons finalement choisi de n’exclure aucune filière de l’expérimentation, car l’objectif de la mesure était de redonner une vraie valeur aux produits.
Le sujet du porc, initialement débattu, est exclu depuis le relèvement des cours et les ravages de la peste porcine africaine en Chine.
La DGCCRF a d’ores et déjà précisé, dans ses lignes directrices, qu’elle peut prendre en compte, dans le cadre des contrôles, la situation particulière du fournisseur au regard de l’effet de l’encadrement en volume des avantages promotionnels. Cette prise en considération s’effectue au cas par cas. Dans le cadre de cette expérimentation de la loi Égalim, des entreprises ont demandé l’examen d’un certain nombre de points à la DGCCRF, qui va regarder précisément les choses. Il nous semble de bien meilleure méthode de procéder ainsi, à la lumière d’éléments objectifs relatifs à la situation financière du fournisseur.
M. Michel Raison, rapporteur. C’est bien le signe qu’il y a un problème ! Il est trop tard !
M. Didier Guillaume, ministre. Dans ce cas, il est également trop tard pour changer la loi ! Or si vous avez déposé cette proposition de loi, c’est parce que vous en jugez autrement !
Ensuite, à l’article 2, vous proposez d’expérimenter l’introduction d’une clause de révision des prix, à la hausse comme à la baisse, pour les produits composés à plus de 50 % d’un produit agricole, tout en prévoyant des amendes administratives en cas de non-respect. Le contenu précis de cette clause sera défini par les parties au contrat.
La loi a renforcé la clause de renégociation en raccourcissant le délai d’un mois et en obligeant à avoir recours au médiateur des relations commerciales agricoles en cas d’échec. Votre proposition ouvre de nouveau un débat, que nous avions eu dans cet hémicycle, à l’époque où j’étais sénateur, durant l’examen du projet de loi Égalim en première lecture. Un amendement visant à introduire le même mécanisme avait alors été adopté, contre l’avis du Gouvernement et de mon prédécesseur.
Aujourd’hui, la réponse du Gouvernement est identique. Les acteurs économiques, même ceux qui ont des difficultés, nous demandent une stabilité du cadre juridique. Il me semble préférable d’appliquer les dispositions introduites par la loi Égalim, promulguée en 2018, en matière de clause de renégociation et de ne pas bouger maintenant les curseurs.
Je crois savoir que cette clause de renégociation a été activée pour les produits charcutiers en 2019. Bien sûr, je le concède, cette renégociation ne va jamais assez vite, mais nous ne pouvons pas dire qu’elle n’est pas opérationnelle. Vous conviendrez avec moi que la loi ne peut pas imposer les prix aux acteurs.
Enfin, à l’article 3, vous proposez de ratifier l’ordonnance relative à la coopération agricole en supprimant néanmoins le dispositif aux termes duquel la responsabilité des coopératives peut être engagée en cas de rémunération des apports abusivement bas.
Je crois qu’il y a eu une confusion. Il faut faire très attention : je rappelle que la loi porte sur la rémunération des apports et non pas sur le prix de cession !
Le rapporteur évoquait les coopératives, mais il n’est pas question de mettre en cause quelque coopérative que ce soit, car j’attache une très grande importance au modèle coopératif.
Nous avons eu un excellent débat sur le sujet dans cet hémicycle voilà plusieurs mois. Il y a coopérative et coopérative. Les coopératives qui réalisent plus de 1 milliard, 2 milliards, voire 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an sont celles qui font du volume. Elles sont différentes de celles qui existent dans nos territoires ruraux. Ce qui compte surtout, c’est de mieux respecter l’associé coopérateur, qui, selon la loi, doit apporter 100 % de sa production.
Sur ce sujet, un recours a été déposé en mai par la coopération agricole devant le Conseil d’État dont nous attendons maintenant la décision. Vous voulez légiférer sur ce point. Mais le Conseil d’État se prononcera, il dira le droit et le Gouvernement prendra ses responsabilités.
Je conclus en vous disant, le plus sereinement possible, que je partage les objectifs que vous visez. Nous nous accordons tous sur les difficultés rencontrées dans certaines filières sur le sujet des promotions, notamment celles qui concernent les produits festifs. Je veux attendre le rapport d’évaluation de l’expérimentation sur le SRP et l’encadrement des promotions et je souhaite en disposer le plus rapidement possible parce qu’il faudra peut-être prendre des mesures. Nous attendons aussi la décision du Conseil d’État. Cela étant, l’avis défavorable du Gouvernement sur la proposition de loi concerne beaucoup plus la forme que le fond.
Il me semble que le texte que vous présentez, sans doute intéressant à certains égards, ne permettra pas d’atteindre l’objectif que vous vous fixez : assurer demain aux agriculteurs une meilleure rémunération et aider les entreprises du secteur agroalimentaire à s’en sortir le mieux possible. C’est la raison pour laquelle je suis au regret de vous dire que le Gouvernement émet un avis défavorable. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. C’est bien dommage !
M. le président. La parole est à Mme Noëlle Rauscent.
Mme Noëlle Rauscent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi modifiant la loi Égalim. Cette proposition de loi fait suite à l’adoption par la commission des affaires économiques du rapport d’information de MM. Daniel Gremillet, Michel Raison et Mme Anne-Catherine Loisier. Je tiens en cet instant à leur rendre hommage pour le travail pertinent accompli.
Dans le rapport d’information est critiqué le manque d’efficacité de la loi Égalim concernant la revalorisation du revenu des agriculteurs et sont dénoncés les effets pervers de deux mesures : le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions.
La loi Égalim a prévu une expérimentation de deux ans concernant ces deux mesures. Je rappelle que les décrets d’application sont sortis en février dernier, il y a moins d’un an.
Mes chers collègues, nous devons prendre le temps nécessaire pour tirer les conclusions de ces mesures. L’agriculture s’inscrit dans le temps long. Et comme le rappelle le rapport d’information, la part des recettes des agriculteurs liée aux ventes en grande distribution ne représente qu’une petite partie du revenu de ces derniers. Nous ne pouvons pas obtenir de résultats spectaculaires en si peu de temps.
Toutefois, la loi aura eu le mérite de mettre fin à cinq années consécutives de déflation des prix alimentaires.
Il est aujourd’hui difficile de faire le bilan si peu de temps après sa promulgation.
Comme nous avons pu l’observer dans nos territoires, le rééquilibrage des relations commerciales entre producteurs, industriels et distributeurs n’est bien évidemment, pour l’instant, pas satisfaisant. Le constat est toujours le même : l’agriculteur ne vit pas dignement de ses activités.
Les PME apparaissent comme les grandes perdantes de la loi. Nous avons constaté une baisse significative de la croissance des produits de grande consommation et des produits frais en libre-service, affectant en particulier les PME. Celles-ci, qui, hier, tiraient le marché, ont brutalement vu leur activité chuter.
Ce coût d’arrêt à la croissance des PME est préoccupant. Seules les marques de distributeurs, dont 80 % des ventes sont réalisées par des PME, TPE et ETI, arrivent à tirer leur épingle du jeu.
Bien que ce constat soit alarmant, la croissance des PME est affectée par une multitude de mécanismes. Par exemple, ces entreprises ont aujourd’hui de moins en moins le monopole des produits locaux, bio ou sans gluten, qui tirent la croissance. Nous savons que les grands groupes se positionnent de plus en plus sur ces secteurs de marché.
Mes chers collègues, les négociations commerciales en cours sont un véritable test. Nous pourrons faire le bilan seulement à l’issue de l’expérimentation du relèvement du SRP et de l’encadrement des promotions. Aussi, le groupe La République En Marche s’abstiendra.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. « Une loi creuse, marquée du sceau de l’échec, qui va toujours faire gagner le plus fort au détriment des agriculteurs. » C’est en ces termes, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que j’avais qualifié le projet de loi Égalim lors des débats au Sénat.
Un an après la promulgation de la loi, le constat est unanime : celle-ci est en deçà des aspirations exprimées lors des États généraux de l’alimentation. Elle n’a pas répondu à son premier objectif : un meilleur partage de la valeur et l’assurance d’un revenu décent aux agriculteurs.
Le rééquilibrage des négociations commerciales est un échec. L’interdiction des prix de cession à des montants abusivement bas est inopérante. La hausse du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions dans les grandes surfaces ont eu un effet rebond pénalisant pour les PME du secteur agroalimentaire, qui ont vu un net recul de leur chiffre d’affaires depuis la mise en œuvre de la loi.
Comme les autres années, les négociations commerciales de 2019 se sont déroulées dans un climat tendu et restent extrêmement déséquilibrées : chantage aux prix bas, menace de déréférencement des produits, baisse générale des prix d’achat de la grande distribution aux fournisseurs, non prise en compte du prix de revient calculé par les organisations de producteurs. Telle est la réalité de ces négociations qui n’en ont que le nom !
Jamais les promesses de la grande distribution, sur lesquelles les grandes orientations de la première partie du projet de loi étaient fondées, n’auront autant été bafouées.
Pendant ce temps-là, le désarroi agricole est toujours aussi profond ; les agriculteurs continuent de vendre à perte leurs productions quand les marges de l’industrie de la distribution ont progressé plus fortement que les prix agricoles, entraînant une inflation supplémentaire injustifiée pour les consommateurs.
Le consommateur est lui aussi lésé. En un an, les prix des produits alimentaires ont bondi de 2 %, soit leur plus forte hausse depuis 2012. Cette augmentation atteint 5,2 % pour les produits frais, et jusqu’à 10 % même pour certains autres produits.
Nous l’avions dénoncé lors des débats sur le projet de loi Égalim. De simples engagements volontaires à mettre en œuvre des chartes et des plans, ou encore des indicateurs ne peuvent remplacer de véritables outils contraignants de régulation des marchés agricoles.
D’autant qu’aujourd’hui ces centrales organisent leur extraterritorialité, à l’image d’un groupe français qui a pour slogan « vous savez que vous achetez moins cher » et qui, pour ce faire, développe à partir de Bruxelles, une centrale d’achat qui négocie ouvertement les prix pour le marché français. De la sorte, il devient possible de s’affranchir de certaines règles françaises : droit de la concurrence, délais de paiement…
Ce groupe a terminé l’année 2018 avec un chiffre d’affaires de 37,75 milliards d’euros, en progression de 1,5 % par rapport à l’année précédente.
Enfin, certains mécanismes, comme le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions, ont eu des effets contraires à ceux qui sont recherchés, cela a déjà été dit.
Ainsi, les sénateurs, mais aussi les associations de consommateurs, comme l’UFC-Que Choisir, ou encore les organisations syndicales agricoles telles que la Confédération paysanne et la FNSEA s’accordent pour dire que ces outils n’ont pas fonctionné, voire qu’ils ont eu des effets néfastes sur l’emploi des PME.
Pour l’UFC-Que Choisir et la Confédération paysanne, le système du seuil de revente à perte est un « chèque en blanc de 1,6 milliard d’euros à la grande distribution » sur deux ans et un « chèque en bois pour les agriculteurs ».
La hausse du seuil de revente à perte a modifié la composition des linéaires selon les types de marque dans les grandes surfaces et a eu pour effet de revaloriser les produits des grandes marques et sous marques de distributeurs dans les rayons au détriment des produits des PME de l’industrie agroalimentaire.
Les ventes en valeur des produits des PME ont diminué de 3,7 points entre 2018 et 2019, tandis que pour les produits sous marques de distributeurs, la croissance de ces ventes a enregistré une augmentation de 0,3 point.
Concernant l’encadrement des promotions, il y a eu purement et simplement un détournement du dispositif via le développement de nouvelles offres commerciales. Il en est ainsi de ce qui est maintenant communément appelé le « cagnottage », technique de fidélisation qui consiste pour les distributeurs à proposer l’achat de certains produits et des réductions, dont le montant peut être reporté sur une carte. Il en est ainsi également du déplacement de la promotion : l’encadrement ne s’appliquant que sur un même produit, la grande distribution a simplement déplacé son offre sur des produits annexes. Si les produits sont différents, de fait, l’encadrement ne s’applique pas.
Face à ce constat, la proposition de loi, signée par l’ensemble des membres de la commission des affaires économiques, a le mérite de répondre dans l’urgence aux défaillances les plus criantes de la loi Égalim. Ses dispositions sont d’application directe et pourraient donc avoir un effet immédiat en faveur des PME et TPE du secteur agricole.
Mon groupe votera en faveur de cette proposition de loi. Monsieur le ministre, tout notre désaccord porte certainement sur le fait que nous ne pouvons pas continuer de faire confiance, d’attendre de voir, de laisser s’écouler un an de plus pour espérer que les choses s’amélioreront peut-être un jour.
Je crois que le rôle des élus, du Gouvernement et des pouvoirs publics dans leur ensemble, c’est justement d’agir avec tous les acteurs pour sortir de cette difficulté à laquelle est confronté le monde agricole dans notre pays depuis maintenant de nombreuses années. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et UC, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, issue des États généraux de l’alimentation, la loi Égalim a suscité de grands espoirs.
Un an après le début de son application et au milieu de l’expérimentation prévue, force est de constater qu’elle peine encore à porter ses fruits, et des effets pervers sont apparus.
La présente proposition de loi résultant des travaux du groupe de suivi de la loi Égalim tend à corriger ces derniers. Elle comporte trois mesures d’urgence : la fin de l’encadrement des promotions dans certains cas, notamment pour des produits saisonniers marqués, l’expérimentation d’une clause de révision automatique des prix, et une disposition concernant le droit coopératif.
Je souhaite m’attarder sur la deuxième mesure, l’expérimentation de la conclusion d’une clause de révision automatique des prix.
En effet, le mécanisme actuel de révision des prix paraît trop lourd pour que les acteurs s’en emparent. Librement consentie par les parties, cette clause fonctionnera à la hausse comme à la baisse au cours de l’année.
La nécessité d’un tel mécanisme est parfaitement illustrée par la forte augmentation du prix du porc, conséquence de la peste porcine africaine qui décime actuellement les élevages chinois. En 2019, le prix du porc a augmenté de près de 50 %. De tels à-coups sont susceptibles de mettre en péril l’équilibre de certains contrats et la pérennité des entreprises, en particulier des PME. C’est notamment le cas des producteurs de charcuterie qui achètent le porc au prix du marché, mais revendent leurs produits à un prix fixé par un contrat qu’ils ont conclu antérieurement avec le distributeur. La situation devient ainsi intenable pour bon nombre d’entre eux.
La clause de révision automatique des prix nous semble être de nature à permettre aux contrats de rester en phase avec les réalités du marché et à garantir plus de justice.
En outre, nous saluons la proposition de suppression de la disposition prévoyant la possibilité d’engager la responsabilité des coopératives pour les rémunérations abusivement basses des apports.
Cette transposition du code de commerce vers le code rural de la notion de prix abusivement bas nous paraît, d’une part, dépasser le cadre de l’habilitation législative conférée au Gouvernement, d’autre part, être parfaitement inadaptée au système coopératif.
Le groupe Les Indépendants soutient et votera cette proposition de loi, qui illustre parfaitement le travail de la Haute Assemblée.
Le groupe de suivi de la loi Égalim est animé par la seule volonté constructive d’améliorer les dispositifs en vigueur et de faire de cette loi une réelle opportunité pour notre agriculture.
Pour terminer, je tiens à saluer le rapporteur, Michel Raison, l’auteur de la proposition de loi, Daniel Gremillet, et l’ensemble des membres du groupe de suivi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi Égalim est l’aboutissement de longs mois de discussions. Elle porte en elle l’espoir de lendemains meilleurs pour des producteurs français en grande détresse. Aussi, dès sa promulgation, fin octobre 2018, le Sénat a souhaité mettre en place un groupe de suivi.
J’ai eu le plaisir de participer, avec mes collègues Daniel Gremillet et Michel Raison, à ces rencontres régulières avec les acteurs économiques.
Au cours de ces entretiens, ces fameux « effets de bord » préjudiciables aux entreprises sont apparus. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à les corriger sans attendre, mais sans pour autant préjuger l’efficacité globale de la loi qui ne pourra être appréhendée qu’à l’issue de la période expérimentale, dans un an.
Les préconisations d’étape sont de trois ordres : l’encadrement des promotions, la clause de révision des prix et le cadre de l’ordonnance sur les coopératives.
Dès le début 2019, la grande distribution, pourtant bénéficiaire de la hausse du SRP, a choisi de baisser les prix sur les produits sous marques de distributeurs, ainsi que sur ceux des rayons non alimentaires, engageant ainsi une nouvelle guerre des prix entre distributeurs.
Quant aux mesures d’encadrement des promotions, elles ont été rapidement contournées, en jouant sur les cagnottes des cartes fidélité et en associant des produits différents.
La grande distribution a ainsi cherché à se reconstituer des marges. À ce stade de la mise en œuvre de la loi, vous-même, monsieur le ministre, vous constatez que le compte n’y est pas. Le fameux relèvement du seuil de revente à perte qui devait donner de nouvelles marges aux industriels pour mieux rémunérer les producteurs, selon la théorie du ruissellement, ne se vérifie pas.
Où sont donc passés les bénéfices de l’inflation et du SRP, pourtant bel et bien payés par les consommateurs ? L’un des grands gagnants de la loi, à ce stade, c’est peut-être aussi l’État, grâce aux recettes supplémentaires de TVA liées au relèvement du SRP.
Le paradoxe de la loi Égalim, que nous souhaitons corriger aujourd’hui, c’est qu’elle pénalise, au final, les entreprises les plus proches des agriculteurs. Ce sont désormais les grandes marques et les MDD qui sont privilégiées dans les linéaires des grandes surfaces.
Les PME alimentaires ne sont plus au cœur de la stratégie des distributeurs. Elles se trouvent reléguées, et leur croissance a brutalement ralenti depuis le début d’année.
En encadrant plus strictement toute promotion, la loi a introduit un biais anticoncurrentiel à leur détriment : elles ne peuvent pas rivaliser avec les budgets marketing des grandes marques. À défaut de diffuser un spot publicitaire à la télévision, elles faisaient, jusqu’alors, des promotions en magasin. La loi les a en partie privées de cet outil. Certaines ont ainsi perdu jusqu’à 50 % de leur chiffre d’affaires depuis le début de l’année dernière.
Pour remédier à ces difficultés, la proposition de loi vise à sortir les produits saisonniers de l’encadrement en volume des promotions, de manière à permettre de mieux écouler les stocks. Elle prévoit d’expérimenter sur les produits charcutiers à forte variabilité une clause de révision automatique des prix, car le cours du porc, en particulier, augmente très rapidement. Autre mesure proposée, revenir à un modèle dans lequel les coopératives agricoles ne sont pas assimilées à des entreprises privées, conformément à la volonté du législateur exprimée dans le cadre du vote des ordonnances.
Monsieur le ministre, l’urgence est bien réelle pour la survie de ces entreprises. Pour ces motifs, le groupe Union Centriste soutiendra cette proposition de loi, tout en souhaitant que les travaux du groupe de suivi ne s’arrêtent pas là et qu’ils reviennent sur les questions du revenu agricole, de la compétitivité des entreprises, du surcroît des charges imposées, de la restauration collective et peut-être et surtout sur le respect de l’article 44, mesure clé de voûte face à la concurrence déloyale de produits qui ne respecte pas les exigences européennes de production et exerce une pression à la baisse sur l’ensemble des produits agricoles en France. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour de féliciter le travail mené depuis l’adoption de la loi par Daniel Gremillet, Michel Raison, Anne-Catherine Loisier, mais aussi tous les membres du groupe de suivi de la commission des affaires économiques.
Ce travail de contrôle de l’application de la loi dès les premiers jours me semble un exemple d’évaluation des politiques publiques. Ce travail, nous le poursuivrons, car nous savons avoir bien d’autres dispositions à examiner.
Nous sommes plus que jamais dans notre rôle institutionnel de contrôle du Gouvernement qui aboutit, si besoin est, à des propositions de modification de cette loi.
Cette action sénatoriale se manifeste aussi, monsieur le ministre, dans le strict respect du champ de l’ordonnance. Le recours accru aux ordonnances opère un dessaisissement inquiétant du Parlement.
Mes chers collègues, 350 ordonnances ont été publiées entre 2012 et 2018. Ce nombre est plus élevé que celui de lois adoptées par le Parlement durant la même période. Je pense que cela doit nous faire réfléchir, car, on le sait, il n’est pas toujours plus rapide de prendre une ordonnance que d’élaborer un projet de loi.
Une fois l’autorisation donnée, les ordonnances entrent en application sans ratification et les instruments de contrôle du Parlement sont limités, y compris si le Gouvernement sort du champ de son habilitation. Ainsi, rappeler au Gouvernement qu’il doit strictement se limiter au champ de l’habilitation qui lui a été accordée par le Parlement au moment de l’adoption de la loi, comme le fait cette proposition de loi, c’est aussi exercer un travail de contrôle parlementaire nécessaire.
Venons-en au bilan de la loi Égalim à ce stade. Vous le savez, monsieur le ministre, le Sénat a émis très tôt des doutes sur l’efficacité de cette loi, notamment sur le SRP et sur cette fameuse cascade. Mais non, nous n’avons pas voulu détricoter, dans cette proposition de loi, l’ensemble de la loi qui a été adoptée ! En effet, nous voulons, comme vous, aller jusqu’au bout de l’expérimentation et nous voulons prendre le temps, chère Noëlle Rauscent, de mesurer les effets réels de la loi.
Nos auditions et nos déplacements nous ont permis de rencontrer les acteurs de terrain. Ce sont eux les mieux placés pour juger de l’efficacité de la loi. Certaines entreprises accusent des reculs considérables de leur chiffre d’affaires compte tenu de l’encadrement des promotions en volume, monsieur le ministre. Elles ne réclament rien sur l’encadrement en valeur. Ce problème est connu par des transformateurs, des PME, des ETI et des petites filières agricoles dans lesquelles les producteurs sont d’ailleurs justement rémunérés. Et c’est un comble parce que leurs difficultés en termes de volumes vendus vont aller à l’encontre des accords qu’ils ont conclus dans leur filière et alors même qu’ils gagnent de l’argent !
Vous parliez du magret de canard supplémentaire à un euro. Mais ce magret est produit dans une filière qui s’est organisée après le problème sanitaire bien connu dans le Sud-Ouest. Aujourd’hui, il permet de gagner de l’argent eu égard à l’équilibre global réalisé avec les produits résultant des différents morceaux de l’animal : foie gras, magret et confit. Si on ne vend pas en promotion le magret hors périodes habituelles de vente, on déséquilibre l’ensemble de la filière, le prix du canard et les revenus des agriculteurs !
Je suis très étonnée que les syndicats agricoles s’arc-boutent sur ce mécanisme et sur les promotions. Je comprends parfaitement la logique pour ce qui concerne les grandes filières et les grands produits agroalimentaires. Mais cette attitude est en train d’affaiblir les petites filières agroalimentaires dont je suis très surprise que les syndicats agricoles ne prennent pas en compte les difficultés.
Monsieur le ministre, vous nous demandez d’attendre alors que ces PME, ces ETI sont en train de débaucher des salariés ! Je pense en particulier à une entreprise de Pouzauges qui va obtenir des résultats très inquiétants, y compris dans le domaine du porc.
Notre rapporteur proposera, lors de l’examen de l’un des articles du texte, la révision automatique des tarifs. Allez voir ces industriels de l’agroalimentaire ! Affaiblir les entreprises agroalimentaires de transformation, c’est à terme mettre en péril les agriculteurs même s’ils gagnent aujourd’hui plus d’argent avec le cours du porc !
Regardez leurs résultats, comparez avec ceux de l’année dernière, étudiez ceux de cette année et vous verrez que notre expérimentation fait sens et qu’il est vraiment très urgent d’agir. Nous n’avons pas le temps d’attendre !
Ne croyez pas que nous voulons absolument nous battre contre la loi Égalim. Nous voulons que cette loi réussisse, monsieur le ministre, mais nous voulons aussi que nos PME continuent à irriguer les territoires ruraux dans ce beau pays, à Pouzauges, dans cette belle Vendée et dans la région Pays de la Loire. Nous ne sommes pas dans le totem politique.
Vous l’avez vu, la proposition de loi va être soutenue par un grand nombre de groupes politiques. Elle répond à un enjeu assez grave de dynamisation de nos territoires ruraux. J’ai compris que vous êtes défavorable à cette proposition de loi. Réfléchissez de nouveau, écoutez ce qu’on vous dit : vraiment, il y a urgence, avant la fin des négociations, à réviser ces points ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants.)