M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour présenter l’amendement n° 171.
M. Sébastien Meurant. Je ne répéterai pas ce qui a été excellemment exprimé par mes collègues sur toutes les travées. Tout à l’heure, Mme la ministre a parlé d’humilité, de sagesse et de modération devant ces questions extrêmement compliquées.
Aujourd’hui, l’humilité, n’est-ce pas d’accepter une grande part des règles morales, sociales, religieuses que l’humanité avant nous et pendant des siècles a reconnues pour nécessaire ? L’évidence n’est-elle pas, mes chers collègues, de reconnaître qu’il y a une loi naturelle et que celle-ci doit fonder une partie de notre droit positif ? Cette loi naturelle, sans être triviale, n’impose-t-elle pas que, pour faire un enfant, il faille un père et une mère ?
De quels progrès parle-t-on, puisque certains osent parler de progrès ? S’agit-il du progrès de la marchandisation ?
Lorsque nos collègues de gauche font référence à l’extension du marché au corps humain, ils ont raison ! Lorsque nos collègues sur toutes les travées craignent une dérive vers la GPA, ce n’est pas une fiction, c’est évidemment le chemin que nous allons suivre, du fait de la jurisprudence européenne ! Mes chers collègues, reprenez le film de ces dernières années, du mariage pour tous à la PMA et, demain, à la GPA. Est-ce cela que nous voulons ?
Où est le bien commun ? Notre rôle de législateur n’est-il pas d’essayer de déterminer ce bien commun, qui permet de faire progresser la société, de fixer des repères et de sortir de ce triptyque infini, de cette logique des désirs : « je veux, je peux, j’y ai droit » ? Est-ce bien notre rôle que d’étendre infiniment les droits des individus ? Il y a un droit ci, c’est le droit de l’enfant ! Quid de la disparition des pères dans ces familles que vous allez créer ?
En conscience, je ne puis voter cet article, et je vous appelle à en faire autant. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 188 rectifié.
M. Loïc Hervé. Cet amendement, comme les précédents, vise à supprimer l’article 1er du projet de loi. Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, la coexistence dans ce texte de loi de mesures de droit civil et de dispositions relatives à la révision de la législation en matière de bioéthique entretient une confusion.
Le droit positif, notamment issu de la loi Taubira, répond à une grande partie des sollicitations émanant du corps social. Si des évolutions sont envisagées, il s’agit de les renvoyer à un texte ad hoc, qui pourrait permettre un débat parlementaire clair, portant sur toutes les modifications des modalités de l’établissement de la filiation et sur toutes leurs conséquences.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. À titre personnel, je suis favorable à ces amendements pour un certain nombre de raisons qui ont déjà été évoquées.
Toutefois, je suis ici dans mon rôle de rapporteur de la commission spéciale. Or, après des débats nourris, celle-ci a estimé que la suppression de cet article n’était pas acquise. J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements identiques, conformément au vote de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis ravi d’être avec vous, en cette fin de journée, pour discuter de ce texte important. Mais rassurez-vous, Agnès Buzyn sera de retour sur ces bancs, à la reprise de la séance ce soir. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je suis heureux de pouvoir apporter quelques éléments de réponses supplémentaires sur cet article 1er, pour compléter ce qui a été dit dans la discussion générale.
Vous souhaitez, par ces amendements, supprimer l’article 1er. Un certain nombre de craintes ont été exprimées, parmi lesquelles les conséquences psychologiques sur les enfants à naître, les dérives vers un droit à l’enfant – je me permettrai d’y revenir –, en dépit de l’adoption de l’amendement précédent, un détournement de la médecine ou encore un glissement vers la gestation pour autrui.
Tout d’abord, je veux réaffirmer ici haut et fort que l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation sera sans incidence sur l’interdiction de la gestation pour autrui, qui est antinomique des grands principes bioéthiques auxquels nous sommes tous attachés. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Ça ne tient pas !
M. Philippe Mouiller. On nous a déjà fait le coup !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cette loi de révision de bioéthique n’est pas, monsieur le sénateur Chevrollier, une loi d’égalité. Sa finalité, sa conséquence peut être d’apporter davantage d’égalité, mais ce n’est pas une loi d’égalité ou de lutte contre les discriminations. Une loi de bioéthique vise avant tout, vous le savez, à scruter les techniques médicales, pour les examiner au prisme de nos principes éthiques.
Or la gestation pour autrui met immédiatement en tension des principes fondamentaux de notre droit, à commencer par celui qui exclut la marchandisation du corps humain. Il n’y aura donc pas, je le redis, je l’affirme politiquement et juridiquement, de glissement vers la gestation pour autrui.
M. André Reichardt. La Cour européenne des droits de l’homme pourra la légaliser !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. De même, il n’y aura aucun droit à l’enfant.
Cela a été dit par Mme la garde des sceaux, il n’y a pas aujourd’hui de droit à l’enfant. Actuellement, les couples hétérosexuels qui s’engagent dans l’assistance médicale à la procréation ne disposent pas d’un droit à l’enfant. Il en est de même pour les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle, qui s’orientent dans un processus d’adoption.
Même si les conclusions que nous en tirons ne sont pas les mêmes, le sénateur Amiel a raison d’ancrer l’adoption dans la protection de l’enfance, car il s’agit justement d’offrir non pas un enfant à une famille, mais bien une famille à un enfant. Il en sera de même, demain, pour les couples de femmes ou les femmes non mariées.
Par ailleurs, la légitimité d’un projet mono ou homoparental a déjà été tranchée. La sénatrice Marie-Pierre de la Gontrie l’a rappelé, les textes autorisent l’adoption d’un enfant par un couple marié, y compris par un couple de femmes, ainsi que par une personne seule, et ce depuis de nombreuses années.
L’essentiel pour un enfant – cela a été très bien dit par Laurence Rossignol –, c’est l’affection, l’attention et le sentiment de sécurité que l’on est en mesure de lui garantir. Des recherches, des années de pratiques de nombreux pédiatres et pédopsychiatres nous apprennent que ce n’est pas tant la structure familiale qui importe, mais la dynamique familiale qui est en cours au bénéfice de l’enfant.
L’essentiel pour un enfant est ce besoin de sécurité, à la fois matérielle et affective. À cet égard, beaucoup d’entre vous ont parlé d’humilité. Soyons humbles, effectivement, par rapport à ces sujets ! Rappelons-nous que 80 % des violences faites aux enfants ont aujourd’hui cours au sein des structures familiales actuelles. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Et alors ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je veux également insister sur le rôle et la place du père, qu’il n’est pas question de nier dans la construction d’un enfant.
Nous ne voulons pas non plus instaurer l’effacement du père, messieurs Leleux et Meurant. Néanmoins, le modèle parental classique n’est pas contradictoire avec l’existence d’autres modèles familiaux, qui sont tout aussi respectables, au sein desquels un enfant peut s’épanouir.
Là encore, je suis désolé de vous le dire, monsieur le sénateur Chevrollier, des dizaines d’études menées depuis plusieurs années sur des enfants issus de PMA montrent que naître, se développer et grandir au sein d’une famille monoparentale ou homoparentale n’a aucune incidence délétère sur le développement de l’enfant. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Sébastien Meurant. Des études militantes !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cela n’a également aucune incidence sur l’orientation sexuelle des enfants.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, le besoin de stabilité et de sécurité affective, ce « méta-besoin » pour les enfants, n’est ni genré ni exclusivement biologique. Ce qui compte, c’est l’altérité, c’est que l’enfant soit entouré de gens qui l’ont désiré, qui l’aiment et qui lui servent de repère.
Mme Laurence Rossignol. Tout à fait !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Réfléchissez, nous nous sommes tous ici développés et construits avec des repères, qui n’étaient pas nécessairement notre père ou notre mère, mais pouvaient être un frère, un grand-père, une personne extérieure au cercle familial proche… (Exclamations agacées sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Jean-François Husson. N’en rajoutez pas !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Ces figures d’attachement vont bien au-delà du cercle familial restreint, voire du cercle familial tout court. (Mêmes mouvements.)
M. Loïc Hervé. Cela n’a rien à voir !
M. le président. Mes chers collègues, seul M. le secrétaire d’État a la parole !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. En dépit de vos réactions, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est ainsi que se construisent les enfants. L’article 1er ne vise pas à remettre en cause cette réalité.
S’agissant de la question du détournement de la médecine, qu’un certain nombre d’entre vous ont évoquée, parmi lesquels le sénateur Chevrollier, il convient de rappeler que les techniques d’assistance médicale à la procréation ne soignent pas et ne guérissent pas les couples de leur infertilité : elles agissent comme des techniques de parenté, en particulier en cas de recours à un tiers donneur.
Il en est de même lorsque l’indication de l’assistance médicale à la procréation est liée à l’âge de la femme, sans autre cause médicale.
Dans ces deux exemples, s’il y a bien un acte médical, l’assistance apportée par le médecin est moins médicale que sociale. C’est d’ailleurs l’Académie nationale de médecine qui établit ce constat : « De la chirurgie plastique à la médecine sportive, nombreux sont les actes et les missions qui peuvent être confiés aux médecins, sans que la finalité soit de corriger un état pathologique ou de se substituer à une fonction défaillante ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, les faits sont les suivants : les grossesses résultant de procréations engagées hors du territoire national par des femmes en couple ou célibataires sont suivies en France, les enfants naissent en France et leur filiation est légalement établie en France.
Aujourd’hui, le passage des frontières est réservé aux femmes les plus aisées, ce qui aboutit à une situation d’inégalité – nous aurons l’occasion d’y revenir lorsque nous débattrons de la question du remboursement de la procréation médicale assistée pour toutes les femmes.
M. Bruno Retailleau. Vous voulez vous aligner sur le moins-disant !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Aujourd’hui, monsieur Retailleau, des femmes se mettent en danger pour fonder une famille, en cherchant des donneurs sur internet.
La société française a évolué vers un modèle familial qui ne se résume plus à une configuration unique, issue d’un modèle conjugal unique. Nos citoyens y sont prêts. Le sénateur Daudigny l’a dit : ils ont même anticipé cette évolution !
Notre devoir est d’accueillir ces nouvelles formes familiales et non de les stigmatiser. Notre devoir est d’apporter de la sécurité, y compris sur un plan médical, à ces familles et à ces femmes.
M. Philippe Bas. Tout le monde est d’accord avec cela !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Notre devoir est de permettre l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes non mariées, ici, en France. Il doit s’agir d’un véritable droit réel et non d’un droit formel. Monsieur le sénateur Karoutchi, je sais que vous y êtes attaché. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables, vous l’aurez compris, à ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, SOCR et CRCE.)
M. le président. Mes chers collègues, la commission spéciale doit se réunir à dix-neuf heures trente, pour examiner les amendements extérieurs.
Nous allons donc interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.)
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur les amendements nos 4, 42 rectifié quinquies, 48 rectifié bis, 49, 53 rectifié bis, 171 et 188 rectifié.
M. Bruno Retailleau. Je soutiens ces amendements de suppression, qui ont d’ailleurs été déposés sur toutes les travées : on ne peut les réduire à une démarche personnelle, puisqu’ils émanent de la droite, du centre et… d’ailleurs. (Sourires.)
M. le secrétaire d’État, qui n’est pas présent ce soir, s’est fait un mauvais avocat de sa cause lorsqu’il a parlé d’alignement, disant qu’il y avait des frontières, mais que l’on pouvait les dépasser, les enjamber. On a certes vu le cas d’une femme de 68 ans partie se faire inséminer en Espagne… Mais la vocation du modèle français est-elle de s’aligner sur le moins-disant ?
La vocation de la France, mes chers collègues, est non pas de s’aligner, mais d’essayer d’éclairer, par son modèle, les autres pays. Telle est la conception que j’ai de mon pays, que j’aime tout autant que vous.
Par ailleurs, c’est au nom, non pas de nos certitudes, mais de nos doutes que nous demandons la suppression de cet article !
Le doute porte, tout d’abord, sur l’absence de père, comme je l’ai dit lors de la discussion générale. Quelqu’un peut-il prouver aujourd’hui que cette absence n’a aucune conséquence ? Mon expérience personnelle tend à montrer que cela peut poursuivre un individu adulte tout au long de sa vie.
On doit donc s’interroger sur cette rupture anthropologique. Car il s’agit d’un « pari anthropologique » : cette expression de Jean-Pierre Chevènement a été utilisée par l’Académie nationale de médecine. Il est donc permis de s’interroger et de douter, mes chers collègues.
Le doute porte, ensuite, sur la fragilisation de la filiation, sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir à l’occasion de l’examen des amendements relatifs à la filiation.
La dissociation entre la scène symbolique de l’engendrement et la filiation juridique pose problème. Ce qui permet à un enfant de transformer un homme ou une femme en père ou en mère, c’est en effet la proximité de cette scène d’engendrement, celle de l’accouchement par exemple. Fragiliser cette filiation en recourant à une fiction juridique rend ses origines plus difficiles à concevoir pour l’enfant.
Le doute porte, enfin, sur la marchandisation. Il y aura un effet de ciseaux, avec, d’un côté, une augmentation de la demande liée à l’ouverture et à l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, et, de l’autre, la levée de l’anonymat qui, sans doute, restreindra les dons de sperme.
C’est au nom de ces doutes que nous devons, mes chers collègues, voter ces amendements de suppression. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. La question sous-tendue par la suppression de l’article 1er est en fait le refus d’ouvrir la PMA à toutes les femmes, y compris celles qui sont seules et les femmes lesbiennes vivant en couple. (M. Laurent Duplomb s’exclame.)
L’argument qui nous est présenté doit nous interroger. Que des doutes et des questionnements soient exprimés et partagés, cela ne pose aucun problème : c’est la démocratie. Mais ce que l’on nous dit, en l’occurrence, c’est que l’adoption de l’article 1er signifierait l’ouverture à la GPA et que l’on ne veut pas de la marchandisation des corps.
Toutefois, cet argument ne tient pas,…
M. Dominique de Legge. Mais si !
Mme Laurence Cohen. … dans la mesure où la GPA est actuellement interdite en France pour toutes les femmes. Il ne faut donc pas faire de parallélisme entre la PMA et la GPA.
Comme je l’ai dénoncé lors de mon intervention liminaire, la GPA implique en effet la marchandisation des corps : on loue le ventre d’une autre femme, ce qui est une atteinte à la liberté d’un tiers. La PMA, ce n’est absolument pas la même chose !
Supprimer l’article 1er reviendrait à rejeter toute égalité entre les couples. Comme cela a été démontré, il n’existe pas aujourd’hui un seul type de famille, qui comprendrait un père, une mère et un enfant, mais des familles.
En tant qu’orthophoniste, je suis très étonnée par les propos tenus par certains de nos collègues sénateurs, selon lesquels les enfants nés par PMA seraient en souffrance du fait, notamment, de l’absence de père. Or les études menées par les professionnels, notamment les psychologues, prouvent que ces enfants ne vont pas plus mal que les autres.
M. Bernard Bonne. C’est faux !
Mme Laurence Cohen. Nous sommes en plein dans les fantasmes, les fausses peurs ou l’hypocrisie !
J’aimerais que l’on puisse mener ce débat jusqu’à son terme. Je comprends que certains de mes collègues soient contre la PMA, mais encore faudrait-il que leurs arguments soient justes et tiennent la route, au lieu d’être destinés à faire peur. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous allons bientôt nous exprimer par un vote sur cet article symbolique et central du présent texte.
Le président Retailleau a tenté de faire valoir que des avis divergents traversaient nos travées. Tout de même ! Il est vrai qu’il y a dans chaque groupe quelques exceptions, mais elles sont exactement symétriques… (M. Bruno Retailleau s’exclame.) La droite doit assumer de refuser dans sa grande majorité, voire quasiment dans sa totalité, la possibilité d’accéder à la PMA.
Le président Retailleau a parlé de « pari anthropologique », en reprenant l’expression de Jean-Pierre Chevènement, et dit que, au fond aucune étude n’avait permis de prouver quoi que ce soit… Tout de même, encore une fois ! Le Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) a donné un avis favorable, et toutes les études menées sur le devenir des enfants nés par PMA vont dans le même sens, démontrant que ces derniers n’ont pas de problèmes spécifiques par rapport à d’autres.
Je vous l’ai dit lors de la discussion générale, soyez cohérents : refusez la PMA à toutes les personnes ! Pourquoi acceptez-vous, dans ces conditions, que des couples hétérosexuels aient accès à la PMA et fabriquent ainsi des enfants dont le père officiel n’est pas le géniteur ?
M. Sébastien Meurant. Pour des raisons médicales !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Vous êtes en contradiction avec vous-mêmes ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous voulez sauver les apparences sociales. Vous acceptez qu’une femme fasse un enfant avec un homme qui n’est pas le père officiel, cela ne vous gêne pas. En revanche, qu’une femme assume, notamment parce qu’elle vit en couple avec une autre femme, d’avoir un enfant né d’une PMA, cela vous semble terrible et vous ne pouvez pas l’accepter.
De cette hypocrisie procède la violence de votre position et le malheur de ces enfants, qui ne pourront jamais savoir qu’ils sont nés de ce procédé.
M. Bruno Retailleau. C’est du grand n’importe quoi !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous l’avons dit, nous revendiquons la possibilité pour les femmes de disposer de leur corps et d’accéder à une technique qui ne confère en rien la certitude d’avoir ensuite un enfant. Et nous soutenons, à l’instar du CCNE, que ces enfants ne sont pas plus malheureux ou moins chanceux que les autres.
Nous refuserons donc ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je regrette, madame de la Gontrie, les termes que vous avez utilisés dans votre intervention. Il me semble en effet qu’il règne au sein de cet hémicycle, depuis que nous avons commencé à débattre de ce texte, une forme de respect pour la pensée individuelle, qui dépasse les clivages politiques et notre histoire.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Assumez vos positions !
Mme Sophie Primas. Je ne veux pas que l’on nous fasse de leçon ! Au nom de M. Neuwirth et de Mme Veil, la droite n’a pas à recevoir de telles leçons de la gauche. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Sans nous, la loi Veil n’existerait pas !
Mme Sophie Primas. Madame de la Gontrie, je vous ai patiemment écoutée !
Pour ma part, je ne voterai pas ces amendements de suppression, mais je n’accepte pas que l’on opère parmi nous des clivages selon l’endroit où nous siégeons ou selon le parti auquel nous appartenons.
Je n’accepte pas non plus que mes collègues qui vont voter ces amendements de suppression, quels que soient les groupes auxquels ils appartiennent, soient assimilés, comme je l’ai entendu dire précédemment, à des homophobes. Ce n’est pas digne ! Or ce débat demande de la dignité.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je n’ai pas dit cela !
Mme Sophie Primas. Je l’ai entendu tout à l’heure, j’en suis désolée !
Chacun ici est libre de sa pensée, en son âme et conscience, et se déterminera sur ces amendements en fonction de ce qu’il pense au fond de lui-même. Ce n’est pas une question liée au fait de siéger de ce côté-ci ou de l’autre de l’hémicycle. Nous devons avoir un débat apaisé ! (Applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants. – M. Martin Lévrier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour explication de vote.
M. Guillaume Chevrollier. Au moment du vote de cet article 1er, une question se pose : quel avenir pour les enfants privés de père ? Aucune étude d’impact sérieuse n’existe sur le sujet.
Lors des auditions de la commission spéciale sur le projet de loi, plusieurs membres du Gouvernement ont indiqué que l’enfant pourrait obtenir, à sa majorité, le nom du donneur, afin que, selon les termes employés par le secrétaire d’État Adrien Taquet lors desdites auditions, l’enfant puisse « pacifier » la relation qu’il entretient avec son histoire. Cette expression a été employée de nouveau, je crois, par Mme Buzyn lors de la discussion générale.
Si vous considérez que l’enfant issu de PMA aura besoin de se pacifier psychologiquement, c’est bien parce que vous sous-entendez que l’absence d’altérité sexuelle au sein de sa famille peut poser un problème…
Au nom du principe de précaution, il ne faut donc pas voter cet article 1er, car cette réforme anthropologique aura forcément des impacts psychologiques sur les enfants à naître sans père. Pour autant, je reconnais la diversité des familles françaises et la respecte. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Mon intervention sera sans doute isolée. Je m’efforce de ne parler qu’au nom de la raison, de ma modeste raison, et dans le plus grand respect pour les conquêtes de la science.
L’effort de l’humanité, depuis que celle-ci se développe, consiste à réaliser de nouveaux progrès au service de l’épanouissement de la personne. Aujourd’hui, la science nous donne la possibilité d’artificialiser la conception et la naissance d’un être humain.
La PMA est, comme son nom l’indique, un process d’assistance médicale à la procréation sexuée par un couple constitué d’une femme et d’un homme. L’article 1er du présent projet de loi prévoit une autre PMA, qui est l’aide à la conception d’un nouvel être humain, non pas au sein du rapport entre un homme et une femme, mais en dehors de celui-ci. De mon point de vue, il s’agit d’une première artificialisation de la création de la vie humaine.
M. Laurent Duplomb. Très bien !
M. Alain Richard. Je me pose simplement la question de savoir si, du point de vue de la raison, nous avons éthiquement le droit d’engager notre législation dans la voie de la reconnaissance de cette transformation très profonde de l’évolution de l’espèce humaine.
Nous sommes tous ici, je crois, opposés à d’autres formes, également concevables et sans doute réalisables, d’artificialisation de la création d’êtres humains, comme le clonage par exemple. Mais sur la forme d’artificialisation prévue dans cet article, nous sommes divisés.
J’ai voté pour le mariage entre personnes de même sexe, parce que je croyais utile, voire nécessaire, de reconnaître socialement l’existence d’autres couples. Je ne crois pas, en revanche, pouvoir voter en faveur d’une transformation beaucoup plus profonde du genre humain. À cet égard, je pense que la raison doit nous retenir. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Martin Lévrier et Joël Guerriau applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Sur le fond, chacun a dit ce qu’il pensait, mais il ne faudrait pas transformer cette discussion en un débat entre points de vue individuels, lequel ne traverserait pas les courants politiques majeurs de ce pays. Ce n’est pas le cas !
On peut respecter le fait qu’un certain nombre de parlementaires, comme sur de nombreux sujets dont nous débattons, ne se reconnaissent pas, à titre individuel, dans la position traditionnelle du courant politique auquel ils appartiennent.
Je ne veux pas faire de procès d’intention. Pour autant, vous pourrez vérifier vous-mêmes, au vu des résultats qui s’afficheront à la suite du vote sur ces amendements, que la gauche et la droite auront essentiellement exprimé des positions opposées sur cette question. Vous verrez ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Frédérique Puissat. Et alors ?
M. David Assouline. J’ai entendu les applaudissements et les échanges ; j’avais aussi suivi de près le débat relatif au mariage homosexuel : des évolutions ont eu lieu par la suite. Il y en aura d’autres lorsque la PMA sera adoptée, car elle le sera. J’en suis certain, ceux d’entre nous qui siègeront toujours dans cet hémicycle lors des prochains débats sur ce thème intégreront cette réforme et se mettront au diapason de ce que l’opinion a déjà accepté.
Il est dommage que ceux qui devraient être à l’avant-garde sur les questions d’égalité dans la société constituent souvent une arrière-garde et que ce qui ne pose plus problème à une majorité de Français soit encore problématique pour une grande partie des parlementaires. C’est un fait, que je constate.
D’autres pays européens, dont certains ont des traditions, y compris religieuses, beaucoup plus ancrées – je pense à l’Espagne –, n’ont jamais connu de telles montées d’adrénaline sur ces questions. Elles ont lieu dans notre pays parce que le débat relatif à la PMA est très politisé, contrairement à ce qui a été dit.
Les pressions évoquées par Mme de la Gontrie dans son intervention liminaire doivent nous éclairer, car elles proviennent d’un groupe qui a fait campagne sur ce sujet, y compris lors de l’élection présidentielle ! (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est une question d’égalité : le droit que l’on a accordé aux couples hétérosexuels, on doit le reconnaître pour les couples homosexuels.