Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, sur l’article.
M. Michel Amiel. Il serait dommage que la richesse de nos sensibilités ne puisse s’exprimer au-delà de la liberté de vote. C’est la raison pour laquelle, membre du groupe La République En Marche, je prends la parole pour dire très clairement que je suis opposé à la PMA telle qu’elle est encadrée à l’article 1er.
Séparer cet article 1er et ses corollaires, qui relèvent d’une réforme de société, du reste du texte, qui relève véritablement, quant à lui, de la bioéthique, eût permis de faciliter le vote final. Moi qui suis opposé à l’article 1er, mais favorable, en particulier, aux articles relatifs aux progrès en matière de génétique, je me trouve placé devant une contradiction qu’il va bien falloir que je tranche.
Concernant les articles 1er et suivants, écrits au nom de l’égalité en matière de droit à l’enfant – pardon, de droit à la procréation ! –, il eût été plus honnête, intellectuellement et sans doute juridiquement parlant, toujours au nom de l’égalité, d’y inclure la GPA, comme certains, d’ailleurs, le demandent.
C’est justement ce glissement qui est à craindre : transformer le désir d’avoir un enfant-objet – oui, c’est bien de cela qu’il s’agit – en droit-liberté, mais plus encore en droit-créance à l’égard de la société, c’est créer les conditions d’une sorte de grand marché de la procréation, où l’on serait libre de programmer une grossesse, avec ou sans père, à n’importe quel moment, de congeler ses gamètes, éventuellement sous la pression d’un employeur…
Quant à instaurer l’égalité entre les couples, soit, mais quid de l’égalité entre les mères : celle qui porte l’enfant et accouchera de lui et celle qui ne fera que le reconnaître ? On retrouve, derrière ce distinguo entre une maternité biologique et une maternité contractuelle, le vieux débat entre nature et culture. Moi qui suis plutôt habité par le doute, je n’ai pas la prétention de trancher ; c’est dans le plus parfait respect de chacun, sans invectives dans un sens ou dans l’autre, que j’ai arrêté ma position. En attendant le meilleur des mondes, pour citer Philippe Sollers, je dirai que tout est pour le mieux dans le pire des mondes possibles ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, sur l’article.
M. François Patriat. Anna a 4 ans. Ses mamans, Fanny et Aurélie, se connaissent depuis toujours. Elles se sont mariées en 2015, après le vote de la loi sur le mariage pour tous.
Le désir d’enfant ne leur est pas venu tout de suite ; comme pour tous les parents, il a fait l’objet de discussions, d’interrogations. C’est un projet qu’elles ont construit peu à peu, en dépassant leurs peurs, leur crainte du regard des autres, des jugements de valeur et des critiques, les préjugés étant nombreux dans une société qui prône la famille parfaite et la normalité. Or qu’est-ce que la normalité, mes chers collègues ? Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé, disait Einstein ; cette phrase m’a beaucoup inspiré dans ma réflexion sur cet article.
Fanny et Aurélie ont longuement hésité… Que faire ? Comment répondre à ce désir d’enfant ? Aller en Espagne, en Belgique ? Demander à l’un de leurs amis ? Acheter des gamètes sur internet ? « Quand l’enfant vient, la joie arrive et nous éclaire », écrivait Victor Hugo. Ce désir d’enfant est un droit fondamental. Il ne doit pas être confondu avec la revendication d’un droit à l’enfant.
Reconnaître comme valable l’argument qui repose sur cette confusion reviendrait d’ailleurs à interdire la PMA pour les couples hétérosexuels infertiles, puisque la société les aide également, par cet acte médical, à concevoir un enfant.
Mme Patricia Schillinger. Très bien !
M. François Patriat. Ainsi, c’est non pas le droit à l’enfant, mais le désir d’enfant, que le législateur peut aider à satisfaire. C’est cette question qui nous est posée aujourd’hui.
D’autres invoquent l’intérêt supérieur de l’enfant. Selon la formule, devenue célèbre, du doyen Carbonnier, cet intérêt fait figure de « formule magique ». Or aucune étude n’apporte la preuve que l’extension de la PMA porterait une atteinte quelconque au développement de l’enfant.
Je sais les questionnements personnels que le dispositif de cet article peut induire. Les législateurs que nous sommes doivent précisément s’extraire de leurs schémas de pensée purement personnels. Qui serions-nous si nous devions porter des jugements de valeur à l’encontre de telle ou telle famille, sous prétexte qu’elle n’entre pas dans notre vision de la « normalité » ? La pluralité des situations familiales est une réalité que nous devons considérer et accepter, sous peine de stigmatiser certains modes de conception de l’enfant.
Nous sommes en 2025 ; la France a voté la PMA pour toutes. Les deux femmes que j’ai évoquées en préambule ont pu accéder à ce nouveau droit, et sont devenues mères au même moment. Anna est née à Toulouse, elle a 4 ans. Voilà le monde dans lequel je veux vivre dans cinq ans. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
Mme Patricia Schillinger. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, sur l’article.
M. Laurent Duplomb. J’ai quelques difficultés à appréhender ce texte dans son ensemble. En tant qu’homme de la terre, en tant que cartésien, il arrive que notre société me semble totalement paradoxale. Sur des sujets qui me concernent, j’entends s’exprimer une volonté de « revenir au naturel », de mettre le bio à toutes les sauces. (Exclamations sur des travées du groupe SOCR.) En revanche, tout cela n’a plus cours quand il s’agit d’un projet de loi qui concerne les hommes : on ne pense qu’aux désirs et aux besoins, au lieu d’examiner objectivement les choses.
Mais là n’est pas la seule raison pour laquelle je voterai contre l’article 1er.
En 2011, il fut décidé de lier l’accès à la procréation médicalement assistée à un critère d’infertilité. À l’époque, la loi avait ouvert la possibilité aux couples disposant d’embryons surnuméraires de faire don d’un de ces embryons à un autre couple infertile. On s’engageait déjà, ce faisant, dans la voie que prolongent les dispositions dont nous discutons aujourd’hui.
Aujourd’hui, nous levons le critère d’infertilité, nous ouvrons aux couples de femmes et aux femmes célibataires l’accès à la PMA. Mais ce même article 1er vise également à autoriser le double don de gamètes, ce qui signifie, en clair, qu’il deviendrait possible à une femme de porter un embryon dépourvu de tout lien biologique avec elle ou avec l’autre membre de son couple.
M. André Reichardt. C’est la GPA !
M. Gérard Longuet. Oui !
M. Laurent Duplomb. Il ne s’agit en effet de rien d’autre aux yeux du pragmatique que je suis !
M. André Reichardt. Et voilà ! Nous y sommes !
M. Laurent Duplomb. Partant de l’autorisation de donner un embryon à un autre couple infertile, nous en arrivons, peu à peu, à la gestation issue d’autrui ; nous ne sommes plus très loin d’accepter la GPA ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait !
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.
Mme Angèle Préville. Cela peut être une souffrance, un manque, un regret de ne pas avoir d’enfant. Pour autant, je ne suis pas sûre qu’autoriser des pratiques permettant d’assouvir le désir d’enfant soit la meilleure des choses pour notre humanité.
Après mûre réflexion, je ne peux me déclarer favorable à ces nouveaux droits tels que nous les a présentés le Gouvernement. Il n’y a pas de droit à l’enfant ; l’enfant est une personne, un sujet de droit, et ne peut donc être l’objet du droit d’un tiers.
Par ailleurs, comme le souligne la philosophe Sylviane Agacinski, « le rattachement d’un enfant à deux lignées parentales non équivalentes lui signifie sa propre inscription dans le genre humain, universellement mixte. Il lui permet d’assumer sa propre incomplétude, autrement dit sa sexuation ».
En effet, les sexes ne sont pas interchangeables ; il existe entre eux une asymétrie de fait. Je ne puis me résoudre à voir gommer cette asymétrie, pour ne pas dire plus. Il ne s’agit pas ici de remédier à une inégalité ; l’asymétrie, en l’espèce, est naturelle.
Chacun, sur Terre, veut savoir qui il est et d’où il vient. Ces questions font notre humanité. La recherche des origines est une tâche inlassable, parfois cruelle ; ce peut être la quête de toute une vie – je pense notamment aux enfants nés par PMA ou « sous X ». Qu’est-ce qui motive une telle recherche ? L’essence même de notre humanité, sans doute… Peut-être serait-il intéressant d’étudier cette question.
Les enfants nés par PMA espèrent, avec ce texte, des avancées ; j’ai moi-même été contactée par l’un de mes anciens élèves, né par PMA. Je crains que l’homme ne soit de plus en plus sous contrôle, sous une apparence de liberté ; je crains l’asservissement du vivant.
Ce que je sais, en tout cas, c’est que, dans le domaine de la recherche, quel que soit le sujet, si modeste soit-il, dès que l’on ouvre une porte, un horizon immense se dévoile et nous éblouit. Le vivant est précieux, mystérieux, plus beau, plus inventif, plus subtil, plus lié, plus entrelacé que nous ne l’imaginons. C’est pourquoi je suis prudente : le vivant est chatoyant de complexité, fort et fragile à la fois. Je n’ai que des doutes ; aussi m’abstiendrai-je sur cet article. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
MM. Gérard Longuet et Bruno Retailleau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, sur l’article.
M. Jean-Michel Houllegatte. Dans ce débat sur l’extension de la PMA s’opposent deux logiques contradictoires.
La première vise à privilégier le droit des individus ; ce droit prend sa source dans un désir tout à fait naturel, celui de transmettre de l’amour à un enfant. Dans une société où les individus sont de plus en plus autonomes et capables d’exercer leur libre arbitre, ce désir d’enfant peut devenir un absolu.
À cela s’oppose le fait que nous formons une communauté. Faire communauté, qu’elle soit nationale ou simplement de vie, nous oblige à dépasser nos individualités, parfois nos égoïsmes, à renoncer à certains de nos désirs pour cimenter le collectif.
Albert Jacquard le disait : « La liberté n’est pas la possibilité de réaliser tous ses caprices ; elle est la possibilité de participer à la définition des contraintes qui s’imposeront à tous. » Je crains, pour ma part, que l’extension de la PMA ne crée chez les enfants qui en seraient issus des vulnérabilités, des fragilités inhérentes à toute quête des origines. Nous ne pouvons pas échapper à notre culture humaine, à la nécessité de nous incarner, de nous inscrire dans une histoire qui nous a engendrés.
L’objectif consistant à contenir la vulnérabilité doit l’emporter sur l’autonomie. La fraternité et la force du collectif, qui permettent à chacun de se dépasser pour, devenu fécond, participer à la construction de la société, sont en effet plus fortes que l’individu et que ses désirs, même si ces derniers sont parfaitement compréhensibles. Je voterai, pour ce qui me concerne, la suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, sur l’article.
M. Thani Mohamed Soilihi. L’article 1er représente l’un des apports majeurs de ce texte. Sans revenir sur les opinions exprimées par les uns et les autres, je voudrais dénoncer le procès d’intention selon lequel ceux qui veulent l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules seraient nécessairement favorables à la GPA.
D’un naturel curieux, j’ai fait un peu de droit comparé, en me cantonnant à l’Europe. J’ai ainsi pu constater que l’Irlande ou la Lituanie, par exemple, permettent la GPA, mais pas la PMA.
La Grèce, la Hongrie, l’Estonie sont des pays qui autorisent la GPA, mais pas la PMA pour les couples de femmes. C’est un sujet tellement sensible que, en quelque sorte, tous les arguments se valent. Cessons donc les procès d’intention, arrêtons de nous montrer suspicieux. Il s’agit ici de la PMA et de ses conséquences, et de rien d’autre !
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, sur l’article.
M. Alain Houpert. Mes chers collègues, nous allons voter pour ou contre cet article 1er. C’est un choix très difficile, qui doit être fait en conscience.
Encore une fois, ce sont les parlementaires qui vont devoir légiférer pour déterminer ce que les femmes doivent faire de leur corps. Encore une fois, nous allons devoir légiférer sur un sujet qui relève du choix de vie de chacun.
Dans l’ensemble de la presse, on a opposé la GPA et la PMA. On a présenté la GPA comme un cheval de Troie. En tant que médecin et que parlementaire, je ne céderai pas à ce chantage de la GPA et je voterai cet article 1er, qui sera amendé par la sagesse des sénateurs. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l’article.
Mme Laurence Rossignol. Je dirai tout d’abord un mot pour remercier Alain Houpert de son intervention. Il a pu affirmer sans être interrompu, sans provoquer de quolibets ou de mouvements de salle, que nous légiférons sur ce que les femmes doivent faire de leur corps. Il a pu le dire, parce qu’il est un homme, dans le silence, et je l’en remercie.
Dans le débat actuel, les glissements successifs de l’ouverture de l’AMP aux femmes seules, au droit à l’enfant, puis à la GPA, nous éloignent de l’unique question posée à l’article 1er. (M. Laurent Duplomb proteste.) Que mes collègues soient néanmoins rassurés : dans le cours de l’examen de ce texte, nous discuterons aussi de la gestation pour autrui et de la grossesse pour autrui !
Quoi qu’il en soit, il n’est nul besoin ici de tirer des équivalences en faisant croire qu’un sujet en détermine forcément un autre. Aujourd’hui l’AMP, l’assistance médicale à la procréation, est une technique légale en France, réservée aux couples hétérosexuels. La question que nous posons est la suivante : est-il juste que cette technique soit réservée aux couples hétérosexuels ? Autrement dit, pouvons-nous continuer d’en exclure les couples de femmes ou les femmes seules ?
Si nous sommes d’accord pour reconnaître que cette technique est légale, qu’elle ne nous pose aucun problème moral, qu’elle ne concerne pas le droit à l’enfant dès lors que les parents sont hétérosexuels – elle ne commence à le concerner que si les mères sont lesbiennes ou seules –, si l’on accepte cette technique, si l’on n’a pas de prévention contre des couples de femmes ou les femmes seules, si l’on ne pense pas que la vulnérabilité d’un enfant serait le produit de l’absence de père, comme quelques interventions le suggèrent, où est le problème ?
La vulnérabilité d’un enfant, c’est l’absence de cadre, l’absence d’amour, l’absence d’éducation et le délaissement !
Croyez-moi un père ne suffit pas à faire un cadre pour un enfant. J’en veux pour preuve les statistiques disponibles sur le peu d’implication des pères dans les charges familiales et domestiques ! (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Certes, cela s’arrange, mais en ce qui concerne notre génération, on ne peut pas dire que les pères ont été extrêmement impliqués dans l’éducation des enfants. Cela ne nous empêche pas d’être construits, cadrés et structurés !
Au bout du compte, ce que vous ne supportez pas, c’est l’idée que des femmes puissent élever des enfants en se passant de ce que vous vous représentez comme étant l’autorité, c’est-à-dire le père.
Or l’autorité, aujourd’hui, elle n’est plus simplement entre les mains des pères, elle est entre les mains d’individus responsables, qui gagnent leur vie et qui décident d’avoir un enfant ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, sur l’article.
M. Jean-Pierre Leleux. Les drames de la vie, les drames vécus par des couples en guerre peuvent malheureusement priver un enfant de son père ou de sa mère. Notre société – cela a été rappelé –, le Parlement et la loi prennent en compte ces situations malheureuses, pour les accompagner. Nous reconnaissons dans le même temps que ces enfants souffrent de cette absence de père.
Toutefois, pourquoi aujourd’hui organiser et financer délibérément la fabrication d’orphelins de père ? Car ce projet de loi, au-delà de l’absence du père, vise à organiser l’effacement de celui-ci, son absence juridique, civile et sociale, mais aussi psychologique et symbolique.
Les études dont nous disposons ne sont pas en mesure de nous démontrer la neutralité dans l’équilibre de l’enfant quand il grandit normalement entre un père et une mère.
Chacun a son point de vue sur le sujet et toutes les convictions sont défendables dans la mesure où elles sont puisées dans le fond du cœur de chacun. À titre personnel, je suis assez perturbé par l’idée de l’ouverture de la PMA à toutes les femmes et aux couples de femmes homosexuelles, au nom d’un progrès qui ne m’apparaît pas forcément en être un, alors que nous sommes habités par des doutes quant à l’avenir de notre société. Par conviction, je m’y opposerai donc.
Ces orphelins de père sont issus d’une volonté délibérée. Certes, le désir d’enfant est légitime, mais, à mon sens, il ne doit pas primer sur le droit de l’enfant à grandir, quand c’est possible, dans les meilleures conditions, à savoir en étant élevé par un père et une mère, dans l’altérité de ses deux parents. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements identiques.
L’amendement n° 4 est présenté par M. Amiel.
L’amendement n° 42 rectifié quinquies est présenté par Mme Chain-Larché, M. Retailleau, Mme Thomas, MM. Cuypers et de Legge, Mme Ramond, M. Vaspart, Mmes Gruny et Sittler, MM. Paccaud, Schmitz, de Nicolaÿ et B. Fournier, Mmes Bories et Eustache-Brinio, M. Chevrollier, Mme Lopez, M. Bascher, Mme Deroche, MM. Mandelli et Gilles, Mmes Noël et Lavarde et MM. Duplomb, Cambon, H. Leroy, Bignon et Hugonet.
L’amendement n° 48 rectifié bis est présenté par MM. Mizzon, Canevet, Cazabonne et Détraigne et Mmes Herzog et Joissains.
L’amendement n° 49 est présenté par M. Collombat.
L’amendement n° 53 rectifié bis est présenté par MM. Reichardt, Danesi, Kennel, Morisset, Mayet et Piednoir.
L’amendement n° 171 est présenté par M. Meurant.
L’amendement n° 188 rectifié est présenté par M. L. Hervé, Mme Billon, M. Cigolotti et Mmes Férat et Morin-Desailly.
Ces sept amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Amiel, pour présenter l’amendement n° 4.
M. Michel Amiel. Je me suis exprimé il y a quelques instants sur le sujet. Je voudrais dire et redire qu’il existe effectivement un doute.
Mon intention n’est absolument pas de faire une leçon sur l’état des connaissances en la matière. Bien entendu, il y a des critères d’égalité à prendre en compte. Mais il y a aussi des risques de glissement, comme je l’ai précisé, vers la GPA, qu’on le veuille ou non.
Ce qui me gêne le plus, compte tenu du manque de gamètes, c’est le risque, selon moi inéluctable, de marchandisation. C’est la raison pour laquelle, sans détailler davantage ma position, j’ai déposé cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour présenter l’amendement n° 42 rectifié quinquies.
Mme Anne Chain-Larché. Mes chers collègues, l’amendement que je vous propose de voter vise à supprimer l’article 1er de ce projet de loi, article qui prévoit d’ouvrir l’assistance médicale à la procréation pour les femmes seules et les couples de femmes.
Aujourd’hui, l’AMP compense une infertilité. Demain, on voudrait qu’elle compense une impossibilité. Nous sommes face à un vrai débat fondamental entre deux conceptions de la vie.
La première pense que les désirs individuels doivent être satisfaits à tout prix et sans aucune limite, y compris en instituant un « droit à l’enfant ».
La seconde, partagée sans doute par une majorité de Français, estime que les désirs individuels doivent être soumis à certaines limites, notamment éthiques ou biologiques, et qu’il n’existe pas de droit à l’enfant, mais bien un droit de l’enfant.
De plus, cet article n’est pas, contrairement aux apparences, facteur d’égalité, et ce pour deux raisons.
La première est que l’assistance à la procréation est aujourd’hui une réponse médicale à un problème médical. À l’heure actuelle, l’AMP soigne une infertilité du couple hétérosexuel. Or, de toute évidence, ce ne sont pas des raisons médicales, ni même des problèmes de fertilité, qui empêchent les femmes seules ou les couples de femmes de procréer. Il s’agit tout simplement d’une impossibilité. Parler d’« égalité » ou d’« inégalité » dans ce domaine n’a donc aucun sens.
La seconde raison est que les hommes, qu’ils soient seuls ou en couple, seraient de fait privés du même droit, ce qui ne manquera pas de provoquer, à terme, c’est mon intime conviction, la légalisation de la GPA. Nous le refusons fermement !
Chers collègues, il est de notre devoir de préserver les grands équilibres qui régissent la personne et de reconnaître le rôle utile de certaines limites. Je vous propose donc de supprimer l’article 1er en votant cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° 48 rectifié bis.
M. Michel Canevet. Cet article vise à orienter radicalement l’objet de l’AMP vers un « droit à l’enfant ».
Si l’on supprime les conditions actuelles d’accès à l’AMP, qui visent des couples composés d’un homme et d’une femme vivants confrontés à une infertilité médicalement constatée ou au risque de transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité, l’AMP est détournée de son objet de palliatif à des cas médicaux.
Comme l’avait rappelé l’avis du Conseil d’État du 9 avril 2009, « si la loi régit cette pratique, c’est parce que des médecins interviennent dans le processus procréatif, ce que sa dénomination traduit : ce n’est pas la procréation – procréation médicalement assistée – qui est régie, mais seulement l’activité médicale – assistance médicale à la procréation ».
Il convient donc de rétablir les dispositions en vigueur. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 49.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce qui est techniquement possible n’est pas forcément souhaitable. Transformer, fût-ce potentiellement, l’enfant en produit marchand pas plus qu’épuiser la Terre ne sont des progrès au sens où l’entendaient les Lumières et où l’entend encore aujourd’hui le sens commun !
Erreur, m’objectera-t-on : ce nouveau droit à l’enfant est gratuit, puisqu’il est fondé sur le don de gamètes ou d’embryons. Sauf qu’une telle mutation ne sera gratuite ni pour la société – au moment même où la prédication officielle est à la réduction des dépenses sociales, voir l’état pitoyable du système hospitalier –, ni finalement pour les bénéficiaires. Elle sera en revanche lucrative pour les praticiens, pour la technostructure du back-office, pour les détenteurs de brevets et, plus encore, pour les investisseurs, qui voient là un nouveau champ fertile de profits.
Comme le souligne Céline Lafontaine dans Le Corps-marché, « l’envers du don », c’est le « biocapital ». Non seulement la rhétorique du don n’a pas empêché le développement d’un important marché du sang humain, des cellules souches, des tissus et des organes à l’échelle internationale, mais elle camoufle, selon cet auteur, « les processus de commercialisation des cellules reproductives sur lesquelles s’appuie l’industrie de la reproduction assistée ».
Pour elle, c’est la procréation assistée qui incarne le mieux ce processus de biomécanisation du vivant, « dans la mesure où il ne s’agit pas d’une médecine curative, mais bien d’une médecine méliorative, qui a pour but de dépasser les limites des corps infertiles ».
En d’autres temps, on s’étonnerait que, au nom du progrès et des droits – ici, le droit inavoué à l’enfant, reconnaissons-le –, de la liberté et de l’égalité, une telle fuite vers l’inconnu mercantile reçoive le soutien de l’ensemble de l’échiquier politique !
J’ai bien conscience que cet amendement a peu de chance d’être voté, même par les adversaires brevetés du néolibéralisme – comprenne qui pourra ! (Sourires et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour présenter l’amendement n° 53 rectifié bis.
M. André Reichardt. Quatre raisons au moins poussent à la suppression de cet article 1er.
Premièrement, cet article rompt l’équilibre trouvé depuis les lois de la bioéthique en 1994 entre les nécessités du progrès scientifique et la préservation des valeurs humaines et sociales fondamentales. Cette recherche d’équilibre repose sur l’idée que tout ce qui est techniquement possible n’est pas toujours socialement souhaitable, comme cela a été souligné.
Deuxièmement, s’il convient de reconnaître que la notion d’égalité, dont on a beaucoup parlé, peut se trouver au fondement de cette disposition, en donnant la possibilité à tous les couples hétérosexuels comme homosexuels de satisfaire un désir d’enfant, ce principe d’égalité se heurte à plusieurs limites. En effet, si l’on permet aux femmes homosexuelles de recourir à la médecine pour procréer sur le fondement de l’égalité, il paraît nécessaire d’en faire autant pour les hommes.
Mme Laurence Rossignol. Non, ce n’est pas possible via la PMA !
M. André Reichardt. On ne peut utiliser le critère d’égalité pour justifier la PMA et le nier pour la GPA. De cette question en naît alors une autre : celle de la gestation pour autrui, interdite en France au nom de l’indisponibilité du corps humain.
Troisièmement, l’ouverture de la PMA aux couples de femmes remet en question tout notre droit de la filiation, en le détachant de toute référence à l’engendrement de l’enfant pour conduire à la parentalité. Ce point sera examiné à l’article 4, dont je demanderai également la suppression.
Quatrièmement, et enfin, en créant un tel régime de filiation, l’égal accès à la maternité reviendrait à priver l’enfant d’une partie de ses origines biologiques, rompant ainsi l’égalité entre les enfants, dont certains seront privés de fait et en droit de leur ascendance personnelle.