Mme Angèle Préville. Je vais vous parler d’un sujet que nous n’avons pas beaucoup évoqué jusqu’à présent, celui de la découverte, parfois douloureuse, par les enfants nés par PMA du secret de leur naissance.
J’ai été contactée par l’un de mes anciens élèves, né par PMA, qui m’a confié son expérience. Cette découverte a d’abord été pour lui un choc. Il a ressenti ensuite une grande solitude, car, ayant appris ce secret par inadvertance, il n’a pas osé l’évoquer avec ses parents, lesquels n’en parlaient pas. Il a découvert par la suite que tout le monde le savait, sauf lui. Son cheminement fut ensuite long et difficile.
Cette personne m’a également transmis des vœux à propos d’un autre sujet.
Une personne qui apprend qu’elle est née par PMA découvre la potentialité que dix autres enfants soient issus du don d’un même donneur. C’est pourquoi j’ai souhaité prévoir dans cet amendement que le recours aux gamètes d’un même donneur ne puisse conduire à la naissance de plus de cinq enfants, et non plus de dix enfants. Mon objectif – disant cela, je vais forcément être maladroite – est de corriger un petit peu la douleur de découvrir que l’on est né dans un tel flot d’enfants. J’ai du mal à exprimer les difficultés posées par ces situations…
Par un autre amendement, je proposerai que les personnes nées par ce procédé puissent avoir accès aux identités des autres enfants, l’objectif étant de leur permettre de retrouver une sorte de fratrie. Souvent, les enfants nés par PMA sont enfants uniques, à l’instar de cet ancien élève qui m’a contactée, et peuvent souffrir, outre de la découverte de leurs origines, de cette solitude, alors même qu’ils ont des parents aimants, ceux-ci n’ayant pas forcément envie de communiquer à ce propos. Ces personnes pourraient ainsi se reconstruire en s’inscrivant dans une histoire, afin de ne pas se sentir complètement exclues d’un processus naturel de reproduction et trop singulières par rapport à leurs camarades de classe, notamment.
Mme la présidente. Il faut conclure, chère collègue.
Mme Angèle Préville. Telles sont les raisons pour lesquelles je propose cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. J’entends ce que dit Mme Préville, mais cette limitation du nombre de naissances ne semble pas justifiée en l’état. En effet, concernant les éventuels risques de consanguinité que ce mode de conception pourrait entraîner, les experts que nous avons auditionnés nous ont confirmé que ces risques n’étaient pas plus importants pour les personnes nées par AMP – ils sont même moindres – que pour le reste de la population.
Il convient de surcroît, avant même de parler de levée de l’anonymat du donneur, de rappeler que la loi prévoit d’ores et déjà la possibilité pour les deux médecins concernés de se transmettre des informations médicales, et ce dès la naissance. Le Conseil d’État a ainsi jugé que de telles informations pouvaient être communiquées à titre préventif, pour des raisons de nécessité médicale.
Une personne née d’une AMP peut donc obtenir des informations médicales lui permettant de savoir si un potentiel conjoint ne serait pas issu du même don. Cette situation, rarissime, est susceptible d’être déjouée par cette possibilité de communication d’informations.
J’ajoute que la rédaction du projet de loi est encore plus claire, puisqu’il y est fait mention d’une nécessité non plus thérapeutique mais médicale, ce qui est beaucoup plus large.
En l’absence de raisons objectives de diminuer le nombre de ces naissances, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Merci, madame la sénatrice, d’avoir partagé avec nous le témoignage de cet ancien élève qui vous a contactée. Vous vous êtes excusée d’employer des mots peut-être maladroits ou d’être hésitante, mais, sur des sujets qui relèvent à ce point de l’intime, il est toujours difficile pour les tierces personnes que nous sommes de trouver les mots justes. Cette histoire que vous venez de partager avec nous renvoie au débat passionnant que nous aurons à l’article 3 sur l’accès aux origines.
Je veux dire, en tant que secrétaire d’État chargé de l’enfance, qu’il est important pour le développement personnel et individuel de l’enfant qu’il connaisse son histoire. Il ne s’agit pas forcément pour lui de rechercher un père ou une fratrie, mais de pouvoir mettre des mots sur son histoire. Le présent amendement trouvera donc plutôt un écho au moment de l’examen de l’article 3.
Par ailleurs, comme l’a très bien dit Mme la rapporteure, d’un point de vue médical, les risques de consanguinité ne sont pas plus élevés, et sont mêmes moindres, pour ces personnes que dans la population générale.
Pour ces deux raisons, l’avis est défavorable sur cet amendement.
Mme Angèle Préville. Je retire l’amendement !
Mme la présidente. L’amendement n° 257 est retiré.
L’amendement n° 148 rectifié, présenté par M. H. Leroy, Mme Noël, M. Meurant, Mmes Loisier et Bonfanti-Dossat et M. Piednoir, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après l’article L. 1244-4 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1244-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1244-2-…. – La gratuité des gamètes est de principe : aucun paiement quelle qu’en soit la forme ne peut être alloué à celui qui se prête au don de spermatozoïdes ou à celle qui se prête au don d’ovocytes. »
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. L’extension de l’AMP conduirait inévitablement à une pénurie de gamètes et, donc, à la tentation de la commercialisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission partage pleinement l’objectif de l’amendement, qui tend à réaffirmer le principe éthique essentiel de la gratuité du don. Nous avons d’ailleurs indiqué hier qu’il existait une disposition pénale permettant de sanctionner une infraction soit directe, soit par entremise, à ce principe.
Cet objectif est d’autant plus partagé dans la perspective de la levée de l’anonymat du donneur et d’un risque éventuel de pénurie de gamètes. En effet, le professeur Nisand – grand professeur – a récemment évoqué dans un journal quotidien la possibilité d’une marchandisation des gamètes.
Cependant, l’amendement est satisfait par l’article 16-1 du code civil, qui dispose : « Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial. » La disposition proposée serait donc totalement redondante, ce qui nuirait à bonne écriture de la loi.
Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Meurant, l’amendement n° 148 rectifié est-il maintenu ?
M. Sébastien Meurant. Nous votons des lois, mais ensuite il faut faire appliquer le droit. Or nous savons que, dans la réalité, celui-ci est bafoué.
Je tiens, ainsi que les signataires de cet amendement, à redire ce qui nous semble essentiel, à savoir qu’il faut légiférer pour le bien commun, lequel interdit la marchandisation du corps humain. Je retire néanmoins l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 148 rectifié est retiré.
L’amendement n° 285, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 2141-12. – I. – Une personne majeure qui répond à des conditions d’âge fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine, peut bénéficier, après une prise en charge médicale par l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, du recueil, du prélèvement et de la conservation de ses gamètes en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation dans les conditions prévues au présent chapitre.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement vise à rétablir le texte du Gouvernement, qui prévoit de fixer par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine, les conditions d’âge pour autoconserver ses gamètes. Il est indispensable d’enserrer la réforme dans des conditions strictes d’accès en termes d’âge pour ne pas encourager l’autoconservation de gamètes. Tel est notre leitmotiv depuis le début de ces travaux.
Il faut rappeler que, avant 32 ans, la femme a toutes les chances de procréer naturellement sans avoir besoin de recourir aux ovocytes qu’elle aurait conservés – dans notre pays, 78 % des femmes font leur premier enfant avant l’âge de 35 ans. La balance bénéfices-risques ne serait donc pas favorable. Par ailleurs, pour garantir la qualité des gamètes prélevés ou recueillis, un âge supérieur doit également être fixé. À défaut, ce serait une perte de chance pour les personnes concernées.
Si des limites chiffrées n’étaient pas fixées par un décret, ainsi qu’en a décidé la commission spéciale, les recommandations d’âge ne pourraient être que très générales et les praticiens de l’assistance médicale à la procréation, auxquels il reviendra concrètement d’apprécier si les personnes qui les consultent « remplissent des critères d’âge », seront mis en difficulté. Il appartient certes au législateur de fixer les règles et d’encadrer la pratique dont nous débattons, mais il convient également d’entendre ce que disent les praticiens de leur quotidien.
Des différences éventuelles d’appréciation, d’une équipe médicale à l’autre, sont susceptibles de créer des inégalités d’accès ou un nomadisme médical, voire des contentieux.
Le Gouvernement ne souhaite pas ouvrir la porte à de telles dérives et revient, par cet amendement, à un cadre rigoureux qui sera validé par les professionnels concernés puisque le décret sera pris après avis de l’Agence de la biomédecine qui les consultera.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission est d’accord avec M. le secrétaire d’État pour dire qu’il faut encadrer l’âge d’autoconservation des gamètes. Notre désaccord porte sur la procédure d’encadrement : le Gouvernement souhaite recourir à un décret avec un bornage entre 32 et 37 ans ; pour notre part, nous souhaitons que les médecins apprécient l’âge en toute responsabilité.
Les médecins que nous avons auditionnés ne sont pas tout à fait satisfaits des bornes fixées, notamment de la borne basse. Ils considèrent que l’âge de 32 ans est un peu tardif et souhaitent pouvoir intervenir à partir de 30 ans. Les médecins sont habitués à prendre leurs responsabilités.
La commission spéciale a prévu un encadrement par un arrêté, qui reprendrait les recommandations de bonne pratique de l’Agence de la biomédecine. Il s’agit simplement d’introduire un peu de souplesse pour que les médecins puissent concrètement apprécier, en fonction de la patiente qui se présente devant eux, si elle a le bon âge pour que soit pratiquée l’intervention.
L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je partage tout à fait l’avis exprimé par Muriel Jourda. Pour la question de l’encadrement, il faut s’adapter au plus près des situations.
Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut un référentiel et que l’Agence de la biomédecine doit donner son avis. Mais, lors des débats, il est apparu que le Gouvernement savait quelles bornes d’âge il voulait fixer, même s’il ne les a pas inscrites dans la loi. Il nous a dit en effet : « Laissez-moi prendre un décret, et j’inscrirai les bornes d’âge. » Or la borne inférieure est clairement discutable.
Je partage l’idée selon laquelle ce sont les professionnels qui doivent apprécier les bornes d’âge. Vous craignez, monsieur le secrétaire d’État, qu’ils aient des difficultés à dire non. Or dire non aux patients est un processus que les médecins apprennent dès leur formation. Ils ont ainsi mis en place, ce qui est un pas important, des dispositifs dans les équipes et dans les centres pluridisciplinaires, notamment, pour apprendre à émettre ces réponses négatives. Il faut donc leur faire confiance.
Les bornes d’âge ne doivent pas être fixées de manière trop rigide : il faut leur laisser une marge d’appréciation. Pour faire un peu de philosophie, cela rappelle Karl Popper : il y a une règle du jeu, mais il doit y avoir du jeu dans la règle. Le dispositif que nous proposons garantit ce jeu dans la règle dans de bonnes conditions.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. La souplesse tient justement à l’idée d’inscrire ces conditions d’âge non dans la loi, mais dans un décret. Il ne faut pas voir là de mauvaises intentions du Gouvernement : ces bornes d’âge seront fixées non pas de façon arbitraire, mais bien sur la base de l’avis des professionnels.
Les recommandations de bonne pratique émises par l’Agence de la biomédecine sur lesquelles devront se baser les professionnels sur le terrain nous semblent trop larges et vagues pour être réellement opérationnelles et en rapport avec le quotidien desdits professionnels.
Un certain nombre d’entre vous, notamment Mme Cohen, ont mis l’accent sur le fait que ces pratiques devaient être encadrées. Nous vous rejoignons totalement à cet égard. Le dispositif que nous vous proposons va dans ce sens.
Si vous souhaitez adopter un autre dispositif, libre à vous, mais nous maintenons évidemment cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je veux surtout faire état de mes hésitations.
Je comprends les arguments de la souplesse et du jeu dans la règle, évoqués par Bernard Jomier. L’avis des médecins et de ceux qui suivent ces affaires est extrêmement important. Je suis néanmoins hésitante du fait de l’invocation par M. le secrétaire d’État de l’argument du nomadisme.
Peut-être faudrait-il trouver dans la navette un dispositif permettant d’éviter le nomadisme d’une patiente ayant essuyé un refus qui irait voir d’autres professionnels susceptibles d’accepter de faire ce geste ? Je suivrai Mme la rapporteure, mais je pense qu’il serait de bon aloi de prévoir un encadrement sur ce point.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’avais en effet parlé dans mon intervention d’encadrement ou de cadrage, mais cela ne signifiait pas que nous allions obligatoirement soutenir les mesures d’encadrement proposées par le Gouvernement.
Notre groupe partage totalement la position de la commission spéciale – nous étions deux à en être membre. Nous suivrons donc Mme la rapporteure, tout en prêtant attention à ce que vient de dire Mme Primas, qui est tout à fait juste et important à souligner.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. S’agissant du nomadisme, on peut en effet craindre que des femmes se rendent dans des centres plus éloignés de leur domicile mais qui pratiquent des prélèvements avec une limite d’âge plus basse.
La marge de manœuvre laissée aux médecins est une souplesse d’appréciation au cas par cas. Ceux-ci décideront non pas de façon globale de prélever à partir de l’âge de 30 ans, mais, en fonction de l’état de santé de la patiente, s’il faut ou non prélever. Ils ne seront pas bornés par un âge fixe prévu dans le décret.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Ainsi présenté, je peux appréhender le caractère prima facie quelque peu rigide du dispositif. Reste que, sans manifester aucune méfiance que ce soit à l’égard des professionnels, nous serions plus à l’aise si une règle uniforme s’appliquait sur l’ensemble du territoire, notamment – je n’entamerai pas sur ce sujet un dialogue avec Mme Cohen, même si celui-ci est fort plaisant – lorsque cette disposition s’articule avec l’ouverture aux établissements privés de la possibilité de l’autoconservation.
Je réitère notre souhait que cette loi de bioéthique, dont c’est tout l’objet, fixe un cadre uniforme sur l’ensemble du territoire pour offrir une équité de traitement à nos concitoyens.
Mme la présidente. L’amendement n° 120 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty et Gold, Mme Laborde et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une ponction d’ovocytes a lieu dans le cadre d’une procédure d’assistance médicale à la procréation, il est proposé de réaliser dans le même temps une autoconservation ovocytaire.
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement de bon sens vise à proposer aux femmes de réaliser une autoconservation ovocytaire lorsqu’une ponction d’ovocytes est réalisée dans leur parcours d’AMP, afin de leur garantir le bénéfice des risques qu’elles prennent au cours d’un parcours de fécondation in vitro en leur constituant, si elles le souhaitent, une réserve d’ovocytes susceptible de leur être restituée en cas d’arrêt subi de la procédure d’AMP entreprise avec leur conjoint.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous avons échangé en commission spéciale sur cet amendement, qui vise à faire face à une situation particulière : le souhait d’engager deux AMP successives avec deux conjoints différents. Est-ce réaliste ? Je ne le sais pas.
La difficulté, c’est que le nombre d’ovocytes prélevés à chaque fois n’est pas très important et qu’il n’est donc pas évident de faire face à deux projets.
Pour autant, la discussion s’est engagée au sein de la commission spéciale et elle a fini par émettre un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je vais prendre le temps d’expliciter l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement.
Vous souhaitez qu’il soit proposé aux femmes de réaliser une autoconservation d’ovocytes dans le même temps que le prélèvement d’ovocytes en cours de fécondation in vitro. Nous pouvons comprendre votre démarche au bénéfice des femmes qui s’engagent dans ces parcours longs et difficiles. De fait, celles qui présentent une insuffisance ovarienne débutante souhaitent parfois faire une préservation de fertilité avant ou pendant la conservation in vitro pour augmenter les chances d’avoir plusieurs enfants.
Par ailleurs, ainsi que vous l’évoquez, si une femme a conservé des ovocytes, elle pourra les utiliser ultérieurement en formant un nouveau couple avec un autre homme ; de plus, ces ovocytes seront de meilleure qualité puisque prélevés alors qu’elle était plus jeune.
Pour autant, cette pratique peut, selon nous, induire une perte de chances pour la femme, sur le plan tant de la fécondation in vitro que de l’autoconservation. Cette dernière, en effet, ne portera que sur peu d’ovocytes et ne garantira donc pas un stock suffisant pour préserver correctement la fertilité.
Si cette perte de chances est de plus en plus limitée grâce à l’amélioration des techniques et à la vitrification ovocytaire, notamment, elle reste cependant bien réelle. Surtout, l’autoconservation ovocytaire étant autorisée par ailleurs, rien n’empêche dans les faits de pratiquer une vitrification ovocytaire au cours d’une fécondation in vitro.
Il nous semble donc que la proposition que vous formulez n’a pas à figurer dans la loi. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement y est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je crois – Mme Guillotin, auteure de l’amendement, pourra le préciser ou me contredire – qu’une confusion est faite. Je dis cela après avoir entendu la rapporteure, qui parfois se laisse aller à ne pas exprimer exactement l’avis de la commission spéciale (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.),…
Mme Sophie Primas. Oh ! Vous exagérez !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. … même si, in fine, elle le donne tout de même en conclusion. Je le dis, car, depuis le début de notre discussion, nous connaissons la position de notre rapporteure, que par ailleurs j’apprécie beaucoup ; mais je souhaiterais tout de même que l’on expose aussi l’avis de la commission spéciale.
Mme Sophie Primas. Elle prend la peine de le dire à chaque fois !
M. Roger Karoutchi. On a le droit d’avoir un avis personnel !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Selon moi, cet amendement ne vise pas du tout à prévoir qu’une femme pourra faire plusieurs enfants avec des hommes différents. Il est prévu que, à l’occasion de cette opération, qui est tout de même très lourde pour le corps d’une femme, il ne soit procédé qu’à une seule intervention physique : la ponction d’ovocytes et l’autoconservation seraient faites dans un même temps pour éviter que le corps ne soit sollicité à plusieurs reprises.
La réussite n’est pas automatique en la matière, nous le savons. Ce n’est pas parce que l’on a pu bénéficier d’une implantation que s’ensuivra une grossesse. Il est donc très important de pouvoir agréger le plus grand nombre possible de facteurs favorables.
Un argument pourrait faire hésiter, celui qui tient au nombre insuffisant d’ovocytes. Cet argument est intéressant, mais il n’est pas gênant au regard de cet amendement. Puisqu’il aura été procédé, à la fois, à une ponction d’ovocytes et à une autoconservation, s’il s’avérait qu’il y a plus d’ovocytes que nécessaire – il ne s’agit pas, monsieur le secrétaire d’État, de réduire le nombre d’ovocytes utilisés –, la ponction ayant bénéficié au process d’autoconservation évitera, du coup, que le corps de la femme soit à nouveau sollicité en cas d’échec de cette implantation.
Nous sommes donc favorables à cet amendement, qui vise à préserver l’intégrité du corps de la femme en lui évitant d’être sollicité à plusieurs reprises.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Les deux arguments ont été très bien défendus par ma collègue, qui a expliqué quel était l’esprit de l’amendement.
Il s’agit, dans le cadre d’une ponction d’ovocytes en vue d’une PMA, de permettre de « ne pas y revenir » plusieurs fois, ce qui doit éviter les risques infectieux et médicaux inhérents à des opérations aussi lourdes.
Cette solution consistant à prélever des ovocytes à visée de congélation permettrait, dans des cas de rupture de PMA, de poursuivre un projet de grossesse.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. En fait, je veux poser une question. Ne faut-il pas préciser dans l’amendement que l’accord de la femme est nécessaire ? La vitrification est-elle systématique ?
Mme Véronique Guillotin. Dans l’amendement, il est écrit : « Il est proposé ». Ce n’est donc pas systématique.
Mme Sophie Primas. Merci !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Je souhaite revenir sur ce qu’a dit Mme de la Gontrie au sujet du rapporteur de la commission spéciale, car cela me semble important.
J’ai souvent entendu des rapporteurs dire en séance : « La commission, contre l’avis du rapporteur, a donné un avis favorable, ou un avis défavorable. » Je n’ai pas entendu Muriel Jourda le dire une seule fois depuis que nous débattons de ce sujet dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Daniel Chasseing et Yves Détraigne applaudissent également.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je n’ai pas parlé de ça !
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. J’ajoute qu’elle s’est efforcée, de manière systématique, de retracer l’évolution de la pensée de la commission spéciale ayant abouti à un vote favorable ou défavorable sans chercher à influencer notre assemblée en fonction de sa propre position. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 120 rectifié.
(L’amendement est adopté.) – (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)