compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Françoise Gatel,
M. Michel Raison.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’appelle chacun à veiller au respect de son temps de parole et au respect des uns et des autres.
augmentation des dotations issues de la péréquation pour les communes d’outre-mer
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. Georges Patient. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les finances d’un grand nombre de communes des cinq départements et régions d’outre-mer (DROM) – Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte – sont dans le rouge.
Sur 129 communes, 46 ont des délais de paiement supérieurs à trente jours, 84 sont inscrites au réseau d’alerte des finances locales, 26 font l’objet d’un plan de redressement, 24 ont vu leur budget arrêté par le préfet en 2018 et 20 d’entre elles cumulent l’ensemble de ces critères d’alerte.
Cette situation de dégradation est l’inverse de l’embellie que connaissent les communes de l’Hexagone. Il était plus que temps de stopper cette détérioration de leurs finances, tant elle était connue depuis quelques années déjà. Mes alertes antérieures et les propositions que j’ai faites pour redresser la situation financière de ces communes, émises dans un rapport datant de 2014, avaient jusqu’alors été peu suivies d’effets.
Eu égard à la gravité de la situation, il fallait cette fois réagir de façon concrète, ce que votre gouvernement a su faire, monsieur le Premier ministre. En effet, celui-ci a diligenté rapidement, dès avril 2019, une mission confiée au député Jean-René Cazeneuve et à moi-même.
Nous vous avons remis un rapport comportant 46 recommandations. Les propositions concernant le rattrapage du niveau des dotations de péréquation ont été introduites sans tarder dans le projet de loi de finances pour 2020, les communes des DROM étant défavorisées par rapport à celles de l’Hexagone. La dynamique d’ajustement des recettes a été vite enclenchée. C’est une très bonne chose car, dès cet exercice budgétaire, les communes des 5 DROM verront s’accroître le niveau de leur dotation de péréquation.
Reste maintenant, pour parvenir à un véritable assainissement financier, à traduire dans les faits toutes les autres recommandations du rapport, notamment celles qui visent à améliorer la gestion des communes et à leur assurer un meilleur accompagnement. Je pense tout particulièrement à ces communes dont la situation rend parfois improbable, sinon impossible, un redressement financier sans soutien extérieur. Et il en existe quelques-unes !
Monsieur le Premier ministre, ma question sera simple et peut-être un peu brutale, mais elle est à la hauteur des enjeux : cette fois-ci, y aura-t-il un réel service après-vente pour les recommandations figurant dans ce rapport ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Georges Patient, vous avez raison, la situation des finances locales en outre-mer est particulièrement grave et tendue. Vous avez rappelé les chiffres, je n’y reviens pas. La situation s’est dégradée ces dernières années, et cette détérioration s’est encore accélérée ces tout derniers mois.
La mission confiée au député Cazeneuve et à vous-même a effectivement contribué à avancer sur le sujet. Vous avez posé un diagnostic très cru et très dur, mais assorti de mesures très opérationnelles.
Il faut tout d’abord accentuer la péréquation pour les territoires ultramarins et, singulièrement, le bloc communal. Il s’agit de la première réponse à apporter. Dès l’examen du dernier projet loi de finances, le Gouvernement a formulé une proposition en ce sens, que le Sénat a d’ailleurs adoptée à l’unanimité. Cette mesure représente un rattrapage pour l’outre-mer de 85 millions d’euros sur cinq ans, dont 18 millions d’euros seront engagés pour cette seule année, étant entendu que l’effort devra être poursuivi dans les années suivantes.
La deuxième série de réponses consiste à accompagner les collectivités en matière d’ingénierie financière. On le voit bien, certaines d’entre elles sont livrées à elles-mêmes aujourd’hui, notamment lorsqu’elles sont amenées à négocier les modalités de remboursement de leur dette. Nous comptons créer une véritable cellule regroupant la direction générale de l’outre-mer, la direction générale des collectivités locales et la direction générale des finances publiques, afin que les collectivités bénéficient d’un appui très performant en la matière.
Disons-nous les choses, les préfectures n’ont parfois plus les moyens d’assurer cet accompagnement dans les différents territoires. Il nous revient, depuis Paris, de prévoir les moyens suffisants pour accompagner nos collègues élus locaux sur le terrain.
La troisième série de réponses doit porter sur le volet des dépenses. En effet, si l’on travaille sur le volet des recettes sans porter de regard prospectif sur celui des dépenses, singulièrement des dépenses de fonctionnement, et davantage encore peut-être sur le chapitre 012 relatif aux différentes dépenses de personnel, on n’y arrivera pas.
Il faut nous inscrire dans une dimension de contractualisation avec les collectivités qui sont prêtes à le faire. Nous nous apprêtons à engager des négociations, notamment avec les associations d’élus locaux, les délégations aux collectivités territoriales, notamment celle qui est présidée ici par Jean-Marie Bockel, et les commissions des finances, afin de parvenir à des propositions en vue de l’examen de la loi de programmation des finances publiques, qui sera discutée au Parlement cette année et, bien sûr, de l’examen de la prochaine loi de finances.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous prenons ce dossier à bras-le-corps ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
prime de feu des sapeurs-pompiers
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Sophie Joissains et Marie-Thérèse Bruguière applaudissent également.)
Mme Mireille Jouve. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’intérieur.
Madame la ministre Jacqueline Gourault, puisque c’est vous qui me répondrez, le 28 janvier dernier, l’intersyndicale des sapeurs-pompiers professionnels annonçait mettre un terme à son mouvement social commencé il y a plus de sept mois.
Cette annonce faisait notamment suite à votre décision d’engager un processus permettant une revalorisation de l’indemnité de feu, en portant son taux maximal de 19 % à 25 % d’ici à l’été prochain.
La question du financement de la réévaluation de cette prime de feu se pose désormais pour les financeurs des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) à savoir nos départements, communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Les employeurs estiment cette charge nouvelle à 80 millions d’euros.
Le dynamisme de l’actuelle fraction de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) allouée aux conseils départementaux dans le cadre du financement des SDIS ne saurait suffire. De nouvelles pistes de financement doivent donc être mises à l’étude.
Une augmentation de la fraction de la TSCA allouée à nos départements en est une.
Une modulation de la surcotisation, qui est versée par les employeurs et les pompiers, et qui est perçue par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales pour l’intégration de l’indemnité de feu dans le calcul des pensions, en est une autre.
Madame la ministre, la prime de feu des pompiers n’avait fait l’objet d’aucune revalorisation depuis 1990. Sa réévaluation apparaît donc comme légitime et l’État doit accompagner les employeurs pour concrétiser cette ambition.
Dans les Bouches-du-Rhône, où le directeur du SDIS est par ailleurs le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, nous savons, comme dans tous les départements français, combien la préservation de notre modèle de sécurité civile est essentielle.
Nouvelles ressources, suppression des charges existantes, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles sont vos pistes de travail pour dégager, à court terme, de nouvelles marges de manœuvre auprès des SDIS et des collectivités concernées ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice Nadia Sollogoub (Exclamations amusées.)…
Plusieurs sénateurs sur diverses travées. Non, Mireille Jouve !
M. le président. Poursuivez, madame la ministre !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Comme vous l’avez rappelé, madame Jouve, le combat des sapeurs-pompiers pour la réévaluation de l’indemnité de feu nous a fait traverser une période un peu difficile, avec parfois des grèves dures dans les départements.
À l’issue d’une réunion qui s’est tenue le 28 janvier dernier, les sapeurs-pompiers professionnels ont annoncé mettre fin à leur mouvement social.
Bien sûr, tout au long des discussions qui se sont déroulées au ministère de l’intérieur, les collectivités territoriales, c’est-à-dire les départements, mais aussi les municipalités, ont été associées.
Dès le 14 novembre dernier, lors d’une réunion à Beauvau avec MM. Bussereau et Baroin, des négociations ont été engagées avec les sapeurs-pompiers professionnels. Au terme de ces négociations, il a effectivement été décidé de porter le taux de l’indemnité de feu à 25 %, tout en laissant toute latitude aux conseils d’administration des SDIS pour fixer les conditions de la revalorisation, conformément au principe d’organisation décentralisée de la République.
Comme vous l’avez fait, il faut préciser que, pour assurer le financement des SDIS, les départements bénéficient d’une ressource fiscale, à savoir une quote-part de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, dont la dynamique est assez forte. Pour vous donner une idée, cette taxe a progressé de 41 % en quinze ans.
Mme Catherine Troendlé. Cela ne suffit pas !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je rappelle par ailleurs que cette ressource a été réévaluée lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, ce qui représente 53 millions d’euros de recettes supplémentaires octroyés aux seuls départements pour 2020.
Mme Catherine Troendlé. Mais cela ne suffit pas !
M. le président. Il faut conclure !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … président de la conférence nationale des SDIS, et les départements de France. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
contestation de la réforme du baccalauréat par des enseignants et des lycéens
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, des élèves séquestrés et cadenassés, d’autres passés à tabac, d’autres encore sanctionnés d’un zéro ou interdits de passer des épreuves, voire poursuivis en justice, des épreuves surveillées par des policiers : le baccalauréat version « nouveau monde » donne lieu à des scènes surréalistes !
Face au malaise grandissant, les seules réponses que vous apportez résident dans le mutisme et la répression.
Pourtant, ce naufrage aurait pu être évité si vous aviez écouté les réserves émises, ici même, au Sénat, sur l’organisation des épreuves du contrôle continu et si vous aviez travaillé de concert avec les enseignants, les élèves et leurs familles. Depuis des mois, ils vous alertent tous sur les difficultés de mise en œuvre de la réforme du bac, voire sur le fond même de celle-ci.
Votre attitude a conduit à déplacer le conflit au cœur même des établissements. Qu’entendez-vous faire pour que revienne immédiatement la sérénité nécessaire aux épreuves ? Cela passe inévitablement, à nos yeux, par la prise en compte des craintes de nos concitoyens qui ont peur que les réformes du baccalauréat et du lycée n’accroissent les inégalités ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Brulin, dans votre question, il y a beaucoup d’éléments qui méritent une réponse.
Je souhaiterais tout d’abord revenir sur l’idée qu’il n’y a pas eu de discussion ou de concertation sur la réforme du baccalauréat. J’ai encore récemment passé plus de deux heures devant la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat à ce sujet. Vous y étiez, vous disposez donc déjà de la réponse à la plupart des questions que vous avez posées (Mme Céline Brulin arbore une moue dubitative. – M. Bruno Sido s’esclaffe.) et vous connaissez parfaitement le sens à donner aux épreuves de contrôle continu.
La réforme du baccalauréat s’est étalée sur dix-huit mois. Les professeurs, les organisations syndicales et 40 000 lycéens ont été consultés. Le système de contrôle continu auquel nous avons abouti est le résultat d’un équilibre entre les positions des différentes organisations syndicales. Prêtez attention à ce qu’elles disent, vous verrez que beaucoup d’entre elles sont favorables au contrôle continu.
Vous faites également allusion à certains troubles. En réalité, au moment où je vous parle, un million de copies ont déjà été traitées. Dans 85 % des établissements, tout s’est passé normalement. Où observe-t-on des problèmes ? Là où certaines personnes causent des troubles ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.) Mais oui !
Vous semblez dire que les troubles sont liés à un manque de préparation : ce n’est pas le sujet. Le problème, c’est que des individus viennent bloquer les lycées au moment des épreuves ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Gérard Longuet applaudit.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. La vraie question, la voici : êtes-vous pour le blocage des lycées ? (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.) Il faut que vous répondiez vous aussi à cette question. Êtes-vous pour ou contre le contrôle continu ? Si vous y êtes opposée, il faut nous expliquer pourquoi. (Mêmes mouvements.)
En réalité, vous connaissez bien les tenants et les aboutissants de la réforme du baccalauréat, madame la sénatrice.
M. Pierre-Yves Collombat. Oui, justement !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. L’objectif est d’élever le niveau général des élèves. (Rires ironiques sur les travées du groupe CRCE.) Cette réforme est le meilleur moyen de promouvoir la justice sociale. (Vives protestations sur les mêmes travées.) Cette réforme correspond d’ailleurs aux politiques que mènent la plupart des pays européens, pays dont vous admirez parfois le système.
M. Pierre-Yves Collombat. Ah bon ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous avons gardé le meilleur de notre tradition et la complétons par des innovations qui permettent de travailler en continu.
S’il vous plaît, sur cette question, essayons de ne pas verser dans la politisation, car cela se fait au détriment des élèves ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants, RDSE, UC et Les Républicains. – Vives protestations sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, qui voudrait apaiser la situation tiendrait un tout autre discours ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. Martial Bourquin. Absolument !
Mme Céline Brulin. Heureusement, sur le terrain, la communauté éducative est bien plus constructive. Hier, à Lillebonne, dans un lycée de mon département, un accord a été trouvé pour reporter les épreuves du baccalauréat, afin qu’elles se tiennent dans la sérénité. Que l’on trouve davantage d’intelligence dans la communauté éducative que chez le ministre de l’éducation nationale m’inquiète quelque peu !
Par ailleurs, chacun sait ici que l’avenir de nos jeunes et de nos enfants est ce que nos concitoyens ont de plus précieux. Il faut entendre cette demande d’égalité et cette lutte contre les injustices sociales.
Monsieur le ministre, concernant cette réforme, il ne faut pas asséner, il faut convaincre. Or vous êtes loin du compte, car vous n’avez convaincu personne ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
réforme du bac (i)
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, dans le prolongement de la question posée par ma collègue Céline Brulin, je souhaite vous interroger sur la mise en œuvre des premières épreuves communes de contrôle continu, dites E3C, principale innovation de la réforme du baccalauréat.
Ces épreuves, qui compteront pour 30 % de la note finale du baccalauréat, se déroulent actuellement en classe de première. Cette version hybride entre contrôle continu et examen terminal est dénoncée tant par les enseignants que par les chefs d’établissement, les lycéens et leurs parents.
La réforme est vécue comme constitutive d’une rupture d’égalité entre les élèves, car elle les plonge dans l’insécurité et aboutit de fait à des bacs « locaux ». Ainsi, le baccalauréat n’aurait plus le statut d’examen national qu’il a toujours eu depuis deux siècles.
D’ailleurs, selon les membres du comité de suivi du nouveau bac, les E3C seraient « contraires à l’esprit de simplification de la réforme du bac » et des ajustements doivent être proposés.
À plusieurs reprises, monsieur le ministre, nous vous avons alerté ici sur les difficultés qu’engendrerait toute précipitation dans l’application de votre réforme.
Hélas, on constate depuis le 20 janvier que ces épreuves se déroulent dans l’improvisation. Dans de nombreux lycées, les problèmes d’organisation créent un climat de contestation particulièrement préoccupant, qui perturbe la réussite de nos élèves.
De jour en jour, les tensions s’accroissent et de nombreux établissements ont dû reporter les épreuves.
Monsieur le ministre, il ne s’agit plus de minimiser les difficultés. Qu’attendez-vous pour reconnaître la réalité et corriger les errements de cette réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Magner, au cours de l’audition de la commission de la culture que je viens d’évoquer, j’ai fourni toute une série d’explications. En réalité, vous avez d’ores et déjà les réponses à vos questions.
Vous connaissez par exemple les raisons pour lesquelles le contrôle continu a été mis en place. Encore une fois, celui-ci était prôné par les acteurs auxquels vous avez fait référence. Alors, ne brouillons pas le message : si le contrôle continu est mis en œuvre, c’est pour favoriser un meilleur approfondissement des savoirs, empêcher le bachotage des élèves et garantir une plus grande égalité. Aujourd’hui, en effet, nous héritons des inégalités du système antérieur et si, comme d’habitude, nous choisissions l’immobilisme, cela déboucherait sur un accroissement des inégalités.
Si la situation antérieure était satisfaisante, cela se saurait. En réalité, c’est le précédent système qui était inégal puisque, avant même de passer le baccalauréat, environ la moitié des futurs étudiants étaient déjà présélectionnés dans les filières sélectives, parfois en fonction des établissements dans lesquels ils étaient scolarisés ou de notes qui étaient beaucoup plus hétérogènes et beaucoup moins objectivées que celles du système que nous mettons en place.
Mme Sophie Taillé-Polian. Incroyable !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Aujourd’hui, dans l’enseignement supérieur, les notes résultent pour l’essentiel d’épreuves de contrôle continu. Diriez-vous que, d’une université à l’autre, il y a inégalité ? Non, il s’agit de diplômes nationaux ! Au contraire, grâce au système que nous établissons, nous renforçons le baccalauréat ; et vous le savez, parce que vous avez étudié le sujet.
On nous reproche aussi d’avoir mené la réforme de façon verticale et autoritaire ; mais c’est faux ! Vous avez vous-même mentionné l’existence d’un comité de suivi de la réforme du baccalauréat. Moi-même, j’écoute les organisations syndicales. Nous avons d’ailleurs consenti quelques modifications sur certains aspects de la réforme. Comme prévu, nous en apporterons d’autres.
Nous faisons donc preuve d’écoute et rien ne peut justifier les violences qui ont lieu aujourd’hui dans une petite minorité d’établissements et qui défrayent la chronique, parce que certains ont intérêt à créer du désordre pour montrer que la réforme aurait été mal préparée.
Dans les établissements où l’on ne relève aucun désordre, tout se passe tout à fait normalement. Je le répète, plus d’un million de copies sont numérisées. Cette numérisation est d’ailleurs l’une des autres innovations de la nouvelle formule : elle permet à un professeur autre que celui de l’élève d’apporter des corrections et, donc, favorise une vision plus objectivée de la correction. Notre réforme comporte toute une série d’innovations de ce type.
Encore une fois, sur un tel sujet, ne cherchons pas à polémiquer, cherchons à l’améliorer. D’ores et déjà, les E3C sont une étape du contrôle continu, qui représente une innovation importante – ce n’est pas la seule – du baccalauréat.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Sophie Taillé-Polian. Parfois seulement !
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … cette année pour choisir leurs enseignements de spécialité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour la réplique.
M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le ministre, ne nous méprenons pas, je n’ai pas mis en cause le contrôle continu : nous sommes favorables à l’instillation d’une dose de contrôle continu dans les épreuves. Le problème, c’est qu’il est mis en œuvre dans un délai trop court par rapport à la décision qui l’a institué.
Je suis à peu près sûr que, dans les établissements, la communauté éducative n’était pas prête à mettre en œuvre cette réforme dans des conditions satisfaisantes, tant sur le plan matériel que pédagogique. Voilà tout ce que je vous reproche, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
retraites agricoles et inégalités de traitement entre la métropole et la réunion
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – Mme Sylvie Vermeillet et M. Pierre Louault applaudissent également.)
M. Jean-Louis Lagourgue. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, la problématique de la retraite agricole fait partie des injustices qui perdurent entre La Réunion et la métropole.
Aujourd’hui, la pension moyenne des agriculteurs réunionnais est de 375 euros. Un quart d’entre eux perçoit moins de 100 euros. À ce bilan dramatique s’ajoute une inégalité criante avec la France hexagonale : on estime à au moins 200 euros la différence entre le montant de la retraite d’un agriculteur réunionnais et celui de la retraite d’un agriculteur en métropole.
Pour compléter ce sombre panorama, il faut rappeler que très peu d’agriculteurs arrivant à l’âge de la retraite peuvent faire état d’une carrière complète et bénéficier ainsi du mécanisme de garantie actuellement prévu par le projet de loi.
En 2018, alors qu’une proposition loi visant à revaloriser les retraites agricoles avait été adoptée par l’Assemblée nationale, son examen au Sénat avait été subitement bloqué par le Gouvernement au motif que ce sujet serait pleinement intégré à la réforme des retraites.
Malheureusement, cet engagement de l’État semble aujourd’hui remis en cause et suscite naturellement de vives inquiétudes auprès des agriculteurs réunionnais et des représentations syndicales. La retraite universelle, oui ; mais pour les paysans d’outre-mer, non !
Monsieur le ministre, le Gouvernement compte-t-il respecter ses engagements en réparant cette inégalité entre La Réunion et la métropole ? La revalorisation des retraites agricoles fait-elle partie des priorités ? Le projet de loi que nous examinerons prochainement apporte-t-il des réponses sur ce point ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – Mme Élisabeth Doineau et M. Pierre Louault applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation. (« Biarritz ! » sur des travées du groupe Les Républicains.)