M. le président. La parole est à M. René Danesi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. René Danesi. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, la difficulté d’accès aux soins devient une source d’inquiétude pour une partie grandissante de la population, surtout rurale et périurbaine. Dans certaines spécialités, il est courant d’attendre six mois pour avoir un rendez-vous.
Certes, la médecine est quasiment gratuite, car prise en charge par la sécurité sociale et par les complémentaires santé. Mais la question de la santé dans les territoires se pose maintenant en termes d’équité. Il y a désormais une profonde injustice dans l’accès aux soins : cela est vrai pour la médecine de ville comme pour l’hôpital.
Les pouvoirs publics, et vous n’avez pas fait exception à la règle, ont accumulé les plans contre les déserts médicaux. Mais ces plans sont sans efficacité, car ils ne traitent pas les causes du mal. On y retrouve des incitations financières, d’ailleurs souvent à la charge des communes, mais on y trouve surtout la bureaucratisation et la fonctionnarisation rampante de la médecine.
À ceux qui s’alarmaient d’une situation devenue intenable, vous avez répondu par la suppression du numerus clausus, c’est-à-dire la suppression de la limitation du nombre des médecins formés.
Cette suppression était présentée comme la solution au problème. Mais, dans les faits, les facultés de médecine, soucieuses de la qualité des formations, ont d’ores et déjà annoncé qu’elles n’avaient pas les moyens d’augmenter le nombre d’étudiants en médecine.
Madame la ministre, l’avenir de la médecine nécessite une vision stratégique. Les déserts médicaux ne sont que le symptôme du déclin de notre médecine de santé.
Mes questions sont donc très simples. Êtes-vous prête à abandonner les fausses solutions qui n’ont cessé de dégrader la situation ? Êtes-vous prête à réformer vraiment, en repensant l’actuelle gouvernance asphyxiante de la santé en France, en démontrant votre confiance dans l’exercice libéral de la médecine par sa revalorisation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Votre question, monsieur le sénateur Danesi, évoque des défis nombreux. Le mal, en effet, est ancien. Comme vous le savez, nous héritons d’une situation et subissons les conséquences de l’absence de réflexion, voilà vingt ans, sur la démographie médicale.
Les réformes que j’ai présentées et la loi qui a été votée dans cet hémicycle en juillet dernier visent à apporter des solutions. La fin du numerus clausus ne représente qu’une petite partie de ces solutions. Elle a pour objet principal, non pas tant d’accroître le nombre d’étudiants en médecine, même s’il est possible de le faire un peu, mais surtout de diversifier le profil des étudiants et des territoires dont ils sont issus.
Il s’agit notamment de permettre l’accès aux études de médecine de jeunes ayant obtenu une licence dans des sites qui ne disposent pas d’une faculté de médecine, mais offrent des cursus en droit, sciences humaines et sociales, philosophie, etc. Cela permettra à des étudiants issus de tous les territoires, notamment des territoires diversifiés, d’accéder aux études de médecine en deuxième, troisième ou quatrième année.
Par ailleurs, j’ai présenté un plan cherchant à valoriser l’exercice libéral, en permettant aux médecins libéraux, conformément à leurs demandes actuelles, de pratiquer dans le cadre d’un exercice coordonné avec d’autres professions de santé.
Ainsi, nous doublons le nombre de maisons de santé pluriprofessionnelles. Nous permettons également aux professionnels de santé de s’organiser, à l’échelon d’un territoire, en communauté professionnelle territoriale de santé, avec un accompagnement de l’assurance maladie et des agences régionales de santé.
Tout leur est offert pour répondre à leurs besoins d’un exercice pluriprofessionnel, car la solution viendra de la délégation d’un certain nombre de tâches à d’autres professionnels, qui peuvent être extrêmement compétents, notamment pour suivre les maladies chroniques.
C’est, aujourd’hui, la meilleure solution pour parer à la désertification médicale, en attendant – il faut tenir compte de la durée de la formation – que le nombre de médecins augmente sur notre territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
rapprochement entre alstom et bombardier
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)
M. Jean-François Longeot. Ma question s’adressait à M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Je tiens à y associer pleinement ma collègue Valérie Létard, sénatrice du Nord.
Le 6 février dernier, la Commission européenne rejetait la fusion entre Alstom et son concurrent allemand, Siemens. Cette décision, que M. le ministre de l’économie et des finances avait alors qualifiée d’erreur économique et de faute politique, était justifiée par la commissaire européenne à la concurrence en raison de la réduction de la pression concurrentielle qu’une telle fusion aurait entraînée.
Un an après, le groupe français envisage désormais l’acquisition des activités ferroviaires du canadien Bombardier, actuellement en grande difficulté financière.
Une telle acquisition aurait de nombreux intérêts pour notre groupe tricolore, en ce qu’elle en ferait véritablement un champion du ferroviaire, pesant près de 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires, présent sur de nombreux marchés étrangers et pour des gammes de produits complètes.
Alors que M. le ministre défend un assouplissement des règles européennes afin d’introduire la prise en compte des intérêts stratégiques européens, et alors qu’en décembre dernier la nouvelle Commission européenne a annoncé sa volonté de réviser les règles de la concurrence européenne, le Gouvernement envisage-t-il qu’une telle opération stratégique puisse, elle aussi, subir un veto de la Commission européenne, au nom de la concurrence ? Comment compte-t-il défendre les intérêts industriels de notre pays et de cette entreprise à Bruxelles ? Enfin, quelles garanties en termes d’emploi peut-il apporter pour nos territoires, afin que les emplois industriels ne constituent pas une variable d’ajustement d’un tel rapprochement, par ailleurs bienvenu ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Longeot, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, qui est en déplacement à l’étranger.
Vous comprendrez que le Gouvernement ne puisse pas commenter le cas particulier d’entreprises, en particulier si elles sont cotées, sur la base de rumeurs de presse.
Je tiens néanmoins à rappeler la position qui a toujours été celle du Gouvernement français. Cette position a été exprimée dans le cadre du projet de fusion entre les entreprises Alstom et Siemens, projet que vous avez cité et mettant en jeu un fleuron de l’industrie française.
Comme vous le savez, eu égard, notamment, à l’émergence de compétiteurs étrangers dont la taille et la capacité technologique vont sans cesse croissant – gardons en tête que le groupe chinois CRRC pèse, en termes de capitalisation, autant qu’Alstom, Siemens et Bombardier réunis –, le gouvernement français soutient l’idée d’une consolidation dans le secteur ferroviaire.
Cette consolidation doit prendre en compte des considérations en termes de protection de l’emploi, mais elle doit aussi être favorable aux investissements, afin de permettre aux entreprises européennes et occidentales de tenir tête à leurs compétiteurs internationaux.
Nous avons eu, et c’est de notoriété publique, une divergence avec la Commission européenne dans l’évaluation de la criticité et de la faisabilité de la fusion entre Alstom et Siemens. La situation semble avoir évolué. Je me trouvais, hier, à Bruxelles, notamment pour discuter de ces questions de concentration – plutôt sous l’angle des activités du numérique, mais aussi plus largement – avec Margrethe Vestager. Nous sentons une ouverture du côté de la Commission européenne, eu égard à la notion de marché pertinent ou à la prise en compte des conditions internationales de concurrence.
Il faudra poursuivre les discussions, mais c’est un dossier sur lequel nous serons extrêmement vigilants. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)
retraites des militaires
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard. Madame la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées, nos armées sont engagées dans des opérations qui s’inscrivent dans la durée. Elles doivent disposer de la meilleure technologie. Le Gouvernement souhaite promouvoir prioritairement les technologies françaises et les coopérations européennes. C’est une bonne chose !
La France compte, dans le domaine de la défense, de grands groupes, mais aussi des PME, voire des start-up, souvent plus vulnérables.
La compétition fait rage entre les grandes puissances. Nous devons donc conserver nos compétences pour l’avenir de nos industries et celui de nos opérations. Pourtant, nous constatons avec inquiétude l’intérêt que suscitent à l’étranger, notamment aux États-Unis, quelques entreprises françaises de technologies sensibles. Ces précieuses pépites attirent souvent les convoitises. Certaines sont déjà passées sous pavillon étranger ; d’autres seraient en passe de l’être. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour notre souveraineté !
S’agissant de Photonis, l’un des leaders mondiaux dans les intensificateurs de lumière, en particulier utilisés par nos forces spéciales, la DGA (direction générale de l’armement), par la voix de son délégué, s’était montrée rassurante lorsque je l’avais interrogée en commission. Aujourd’hui, le temps s’est écoulé, et j’entends qu’aucune solution industrielle française ne semble se dégager, quand des acheteurs non européens semblent déjà prêts. Il y a donc urgence à agir.
Le Gouvernement considère-t-il Photonis comme une entreprise stratégique ? Est-il réellement capable de préserver nos pépites industrielles du secteur de la défense ? L’Union européenne doit-elle nous y aider ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Goy-Chavent et M. Jean-Marie Bockel applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées. Vous posez, monsieur le sénateur, le problème, essentiel, de notre autonomie en termes d’industrie de la défense. Cette autonomie est importante pour nos armées, nos militaires et notre capacité à conduire des opérations sur le terrain avec des matériels à la fois innovants et ne relevant que de nous-mêmes.
Des entreprises peuvent effectivement se trouver en difficulté. Mais elles sont aidées et épaulées par la DGA.
Vous avez évoqué la situation de Photonis. Pour tout vous dire, je n’ai pas de renseignements précis à vous fournir, aujourd’hui, sur cette entreprise… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Pardonnez-moi, mais le secteur de la défense compte de nombreuses entreprises. Dès que je les obtiendrai auprès de la DGA, je vous transmettrai ces informations.
En tout cas, sachez que nous sommes particulièrement vigilants sur ces sujets.
Il est important que nous puissions garder des capacités sur le plan de l’autonomie stratégique européenne. Le budget de la défense européen, le Fonds européen de la défense, sera là aussi un atout majeur. Entre 2021 et 2027, 13 milliards d’euros seront ainsi dévolus à la recherche, à l’innovation, à la création d’outils européens de défense qui pourront assurer une autonomie stratégique européenne.
Notre action, à l’heure actuelle, doit être à la fois française et européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.
M. Pascal Allizard. Madame la secrétaire d’État, je suis très déçu et très triste de votre réponse. Cinq sociétés américaines sont prêtes à racheter Photonis et le fonds d’investissement français de l’AID (Agence de l’innovation de défense) ne sera pas opérationnel – j’espère que ça, au moins, vous le savez – avant le second semestre de 2020.
Nous sommes donc totalement démunis, ce que je trouve assez scandaleux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
avenir de la presse papier
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Guillaume Arnell. Ma question s’adressait à M. le ministre de la culture et porte sur l’avenir de la presse écrite.
Samedi dernier, le quotidien France-Antilles a fait paraître sa dernière édition, après cinquante-six ans d’existence. Le tribunal de commerce de Fort-de-France a en effet prononcé la liquidation judiciaire du journal sans poursuite d’activité.
Je pense tout d’abord naturellement aux 235 salariés et aux familles impactées : 112 salariés en Martinique, 99 en Guadeloupe et 24 en Guyane, qui travaillaient dans les rédactions et s’inquiètent légitimement pour leur avenir. Toutes proportions gardées, à l’échelle nationale, c’est l’équivalent d’un millier de personnes licenciées dans la plus grande indifférence.
Fondé en 1964, France-Antilles était diffusé à environ 35 000 exemplaires en Martinique, 25 000 en Guadeloupe et possédait une déclinaison pour la Guyane sous le titre France-Guyane. Le journal servait également de lien avec leur territoire pour tous les Guadeloupéens et Martiniquais vivant à Saint-Martin.
La disparition du journal laisse donc ces trois territoires sans quotidien d’envergure, alors que le Président de la République, à l’occasion de ses vœux à la presse le 16 janvier dernier, s’était engagé à soutenir la presse d’outre-mer en difficulté.
Monsieur le secrétaire d’État, plusieurs questions me viennent à l’esprit. Premièrement, pouvez-vous expliquer à la représentation nationale pourquoi l’aide à la presse hexagonale ne s’applique pas à la presse ultramarine ? Deuxièmement, ne pensez-vous pas qu’au regard des situations de plus en plus dégradées dans nos territoires les tribunaux devraient s’attarder plus longuement sur les possibilités de reprise ? France-Antilles a été liquidé en dix minutes chrono !
Enfin, puisqu’il semblerait que ces difficultés iront en s’amplifiant au regard de l’essor du numérique, comment comptez-vous garantir un avenir pour la presse écrite ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Jocelyne Guidez et Victoire Jasmin ainsi que M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Arnell, je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Franck Riester. Vous évoquez la situation du groupe France-Antilles. Le Gouvernement a pris acte du jugement du tribunal de commerce de Fort-de-France, qui en a prononcé la liquidation.
Il faut mesurer, comme vous l’avez dit, l’ampleur de cette décision, d’abord pour les 235 salariés concernés. Cette annonce intervient alors que l’ensemble des ministères s’était mobilisé depuis plusieurs mois pour accompagner l’éditeur dans la recherche d’une solution permettant le maintien des trois publications. Le Gouvernement avait ainsi acté fin novembre une participation au financement du plan de reprise à hauteur de 3 millions d’euros pour soutenir la venue d’investisseurs privés. C’est un effort tout à fait exceptionnel qui avait été consenti.
L’État avait également autorisé, de façon extrêmement dérogatoire, la constitution de passifs publics afin de ménager le temps nécessaire pour consolider les plans de reprise. Enfin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 avait acté un accroissement des baisses de cotisations pour les organes de la presse quotidienne régionale outre-mer.
Cela n’a malheureusement pas suffi et, comme vous l’avez évoqué, les projets de reprise ont échoué.
Les services de l’État sont mobilisés, avec les partenaires, pour accompagner les salariés dans leur recherche d’emploi et de formation, en vue de leur reconversion professionnelle, de la création de nouvelles activités liées à la filière média ou de diversification.
Plus globalement, le ministère de la culture mobilisera ses dispositifs en fonction du type de projet présenté pour permettre l’émergence de nouveaux médias dans les Antilles. Les différentes aides à la presse, qu’il s’agisse d’aides au fonctionnement ou à l’investissement, générées par le ministère de la culture, sont ouvertes à l’ensemble des titres de presse. Il apparaît que, compte tenu du modèle d’affaires un peu particulier des types de presses dans les outre-mer, ceux-ci bénéficient un peu moins des aides à la presse que sur le territoire national.
Je veux ici vous annoncer que le ministère de la culture va dans les prochains mois modifier les conditions d’attribution de plusieurs aides pour les titres ultramarins, afin de rétablir une forme d’équité de traitement. Les services du ministère de la culture accompagneront étroitement tous les projets de presse qui naîtront sur ces territoires, afin d’y restaurer un vrai pluralisme de l’information. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
conséquences des grèves des professeurs en guadeloupe
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Victoire Jasmin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.
Monsieur le ministre, je souhaite relayer ici les craintes des parents d’élèves et des enseignants de la Guadeloupe sur l’avenir de l’enseignement public. L’ensemble du système scolaire et universitaire y est désormais en danger, et les dernières annonces de votre gouvernement concernant la suppression de postes dans de nombreuses académies ont suscité l’émoi des parents d’élèves et des enseignants.
Par ailleurs, les déclarations inquiétantes d’un ancien ministre concernant la mutation secrète d’enseignants supposés pédophiles en outre-mer suscitent également l’émoi, la consternation et des interrogations au sein de la population.
Au moment où je vous parle, et ce depuis plusieurs semaines, 90 % des écoles et des établissements scolaires de l’archipel sont bloqués par un mouvement de grève.
Au-delà de la consternation des enseignants opposés à votre réforme des retraites, les revendications en Guadeloupe portent sur les moyens accordés par l’État dans le cadre des politiques éducatives mises en place sur le territoire.
Les conditions d’enseignement se dégradent considérablement. La qualité de l’apprentissage, ainsi que l’accompagnement des enfants en situation de handicap sont au cœur du mécontentement, amplifié par l’annonce récente de la suppression de 72 postes d’enseignants à la rentrée prochaine, après 86 suppressions en 2019 et 44 en 2018.
Une rencontre entre le recteur et les grévistes a eu lieu vendredi dernier, date d’un début de dialogue et de la présentation d’un moratoire. Néanmoins, l’inquiétude demeure face à la dégradation des conditions d’exercice et à la réduction drastique incompréhensible des moyens, notamment pour la prise en charge d’enfants en difficulté.
Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour les enfants en situation de handicap, et plus particulièrement pour répondre au moratoire sur les cinq ans à venir afin de garantir la qualité de l’enseignement et rassurer les parents d’élèves, la population et avant tout les enseignants ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. Guillaume Gontard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Jasmin, je vous remercie de votre question. J’aurai le plaisir de vous recevoir dans deux heures avec les autres parlementaires guadeloupéens pour faire un point complet sur la situation de l’éducation en Guadeloupe. Je m’en réjouis parce que nous avons évidemment beaucoup de choses à nous dire sur le plan quantitatif, mais aussi sur le plan qualitatif.
Vous me posez plusieurs questions, auxquelles je vais essayer de répondre en deux minutes.
Je commencerai par l’aspect le plus émotionnel, c’est-à-dire les déclarations de Mme Royal sur la supposée mutation de personnes qui seraient pédophiles outre-mer. Je ne dispose d’aucun élément pour corroborer de tels propos. Je partage donc votre émotion et je suis complètement ouvert pour étudier, en toute transparence, les problèmes qui auraient pu se produire dans le passé auxquels fait référence Mme Royal. Cependant, je doute fort de la réalité d’une telle assertion ; soyons très attentifs à ne pas accorder un crédit excessif à ces déclarations, même si je suis tout à fait d’accord pour regarder ce point. En tout cas, je comprends l’émotion suscitée, et je la partage. Je tiens évidemment à vous rassurer sur le fait que cela ne correspond à aucune réalité d’aujourd’hui ; ça, c’est certain.
S’agissant des autres points que vous abordez, comme vous le savez, du fait de la démographie, il y a moins d’élèves en Guadeloupe. Les suppressions de postes ne sont pas proportionnelles à la diminution du nombre d’élèves, ce qui signifie que le taux d’encadrement en Guadeloupe l’an prochain sera amélioré, comme c’était déjà le cas lors de la rentrée précédente. Aujourd’hui, le taux d’encadrement en éducation prioritaire en Guadeloupe est de 17,6, pour plus de 20 à l’échelle nationale ; rappelons aussi que 65 % des écoles en Guadeloupe ont moins de 22 élèves par classe. Le taux d’encadrement en Guadeloupe fait donc l’objet d’un regard très favorable de la part du ministère, mais nous aborderons aussi d’autres sujets qualitatifs, comme ceux qui ont été évoqués par le sénateur Antiste. C’est donc ensemble que nous pouvons arriver à ce que la situation redevienne normale en Guadeloupe, dans l’intérêt de tous les élèves. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Yvon Collin applaudit également.)
réforme du bac (ii)
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Cyril Pellevat. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, ma question porte elle aussi sur les épreuves communes de contrôle continu du baccalauréat, qui ont commencé le 20 janvier et se dérouleront jusqu’à fin février. Ces dernières, cela a été rappelé, suscitent des manifestations et des blocages organisés par des élèves, des professeurs et des syndicats. Dimanche 2 février, 166 annulations et reports d’épreuves avaient été signalés, 51 épreuves où tous les élèves n’ont pas pu composer et 148 lycées où les épreuves ont été sérieusement perturbées.
Mon département, la Haute-Savoie, n’est pas épargné : des épreuves ont été annulées, notamment aux lycées Berthollet et Fauré à Annecy, et au lycée Lachenal à Argonnais, tandis que d’autres lycées ont vu leurs épreuves perturbées par les manifestations, comme le lycée des Glières à Annemasse, le lycée Baudelaire à Annecy et le lycée Charles-Poncet à Cluses.
Nous sommes donc en présence d’épreuves annulées ou reportées, de lycéens qui souhaitaient ardemment passer leur épreuve et n’ont pu accéder à la salle d’examen avant que l’établissement soit bloqué, ou encore d’élèves ayant pu passer leur épreuve dans des conditions d’examens qui n’étaient pas optimales, les bloqueurs ayant parfois utilisé des fumigènes, des pétards et de la musique à un haut niveau sonore pour perturber les épreuves.
Les élèves et leurs parents ne savent pas quelles seront les modalités pour les examens annulés, ni si le barème sera adapté pour les épreuves ayant été perturbées, ou si ces dernières seront repassées ultérieurement. Des élèves n’ayant pas pu passer leurs épreuves risquent un zéro et les rattrapages, alors qu’ils ont simplement eu la malchance de ne pas réussir à entrer dans leur établissement avant le début des blocages. J’ai reçu de nombreuses vidéos en attestant.
Cette situation est anxiogène pour les élèves et leurs parents, qui ne connaissent pas les solutions qui seront mises en place pour pallier ces perturbations. De nombreux témoignages font état d’une dégradation de la santé mentale des élèves, qui sont dans l’incompréhension totale et extrêmement angoissés par rapport à ces épreuves.
Sachant que ces questions sont largement laissées à l’appréciation des chefs d’établissement, cela ne fait qu’ajouter à l’incertitude des élèves. Je vous demande donc, monsieur le ministre, si vous comptez donner des consignes spécifiques aux chefs d’établissement afin d’homogénéiser au mieux ces épreuves au niveau national. Je vous demande également si des mesures spéciales seront mises en place afin que les épreuves n’ayant pas encore eu lieu puissent se dérouler le plus sereinement possible. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Pellevat, je vous remercie de cette question prolongeant les questions précédentes. Comme j’ai commencé à le dire, 1 million de copies ont déjà été composées, sur les 1,7 million attendues. Les numérisations ont lieu. Dans 85 % des établissements, les choses se passent normalement.
Donc, je le répète, comme cela est explicite dans votre propos, cela se passe mal lorsque des gens, souvent extérieurs, viennent troubler les examens, ce qui doit être clairement condamné.
Quelle que soit son opinion sur une réforme, on ne doit pas prendre ainsi en otage les élèves. Il est normal que j’exprime une certaine fermeté sur cette question, parce que des principes sacrés de l’éducation nationale sont violés : on ne doit pas troubler un examen.