compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Catherine Deroche,
M. Victorin Lurel.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’appelle chacun à veiller au respect de son temps de parole et au respect des uns et des autres.
lutte contre les communautarismes (i)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, hier, le Président de la République s’est rendu à Mulhouse afin d’évoquer un sujet sensible, la lutte contre les communautarismes ou, selon la nouvelle sémantique, le « séparatisme religieux ».
Cette prise de parole était attendue et elle est salutaire, car, oui, la menace que la radicalisation religieuse fait peser sur notre modèle républicain et laïc de vivre-ensemble est réelle.
La commission d’enquête sénatoriale sur la radicalisation islamiste, que j’ai l’honneur de présider et dont Jacqueline Eustache-Brinio est la rapporteure, met au jour la convergence des points de vue, par-delà les constats partisans, sur la gravité de la situation. Il est effectivement urgent d’agir.
Néanmoins, pour atteindre les objectifs fixés, la question des moyens, financiers et humains, ainsi que la détermination à s’impliquer, à chaque échelon, dans ce combat, seront cruciales. Ce sont des réponses concrètes qu’il nous faut apporter aux situations quotidiennes qui se présentent aux communes, aux écoles, aux universités, aux associations, aux fédérations sportives ou encore aux hôpitaux ; la liste est encore longue…
Pour autant, monsieur le Premier ministre, j’ai eu, hier, la désagréable impression que le Président de la République s’engageait dans la voie de solutions passant, malgré les tentatives peu probantes de ses prédécesseurs, par un islam de France. Or il y a un islam en France, pratiqué par des milliers de musulmans, dans le respect des lois de notre République et de la laïcité. Cette dernière est là pour protéger les croyants comme les non-croyants contre les islamistes, que la République ne doit donc pas institutionnaliser.
Or, ce matin, le ministre de l’intérieur a précisé sur France Inter qu’il était prêt à accorder des moyens aux religions, loin des principes actuels de notre loi de 1905 ; cela nous paraît dangereux !
Aussi, monsieur le Premier ministre, quels sont véritablement les moyens que vous allouerez à la mise en œuvre des annonces égrenées hier, afin d’apporter des réponses fortes aux menaces qui pèsent tant sur les Français de confession musulmane que sur notre unité nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, le séparatisme, c’est la volonté de quelques-uns de s’éloigner des valeurs de la République ; pire, c’est le fait de considérer que ces valeurs devraient s’effacer derrière d’autres valeurs, derrière des influences étrangères ou des décisions religieuses qui s’imposeraient à elles.
Il nous faut donc lutter – je sais que tout le monde, ici, est engagé et sera totalement mobilisé pour cela – contre ce séparatisme ; vous y travaillez actuellement, dans le cadre de la commission d’enquête que vous présidez, madame la sénatrice. Ce séparatisme existe au-delà des grandes villes et de certains quartiers, y compris dans la ruralité ; nous le savons tous ici.
Hier, le Président de la République a présenté un plan d’action, dont le premier volet se construit tout d’abord sur les enjeux de sécurité. C’est la politique que nous menons dans le cadre de la reconquête républicaine, en particulier dans quinze quartiers. Nous en avons présenté le bilan d’activité – j’y reviendrai si nous en avons le temps –, lequel démontre combien nous devons, tous ensemble, lutter contre l’organisation de ce séparatisme, c’est-à-dire contre les écosystèmes qui se créent et qui, au fond, cherchent à éviter, à esquiver la République.
Le deuxième axe de ce plan, c’est la lutte contre les influences étrangères ; le Président de la République l’a abordé longuement hier.
Le troisième axe consiste à redonner corps à la promesse républicaine ; on sait qu’il y a un déterminisme social, un sentiment d’échec, qui peut aussi conduire vers des formes de radicalisation.
Nous devons donc être, sur ces sujets, totalement mobilisés.
Madame la sénatrice, je veux vous rassurer : nul, ici, à commencer par moi, ne souhaite accorder des moyens, pour reprendre votre expression, au culte. Le principe même de la loi de 1905 doit être défendu et je le défends activement. Il n’est donc pas question de mettre en place des financements publics des cultes, quels qu’ils soient. Le principe de la laïcité est de faire en sorte que chacun puisse avoir le droit de croire, en en ayant les moyens ; nous devons contrôler cela.
Le Président de la République s’exprimera de nouveau dans quelques jours, puis nous présenterons un plan d’action, sur lequel, j’en suis convaincu, nous nous retrouverons tous, afin de faire en sorte que le séparatisme recule et que la République reconquière son territoire, mètre carré par mètre carré, partout où c’est nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe RDSE.)
situation de renault et menaces de fermeture de sites
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Éliane Assassi. On va enfin parler de choses sérieuses…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.
La directrice générale de Renault a indiqué, vendredi, n’avoir « aucun tabou » sur des fermetures de sites en France ; cette déclaration suscite un légitime émoi dans le pays.
Des difficultés chez Renault, il y en a, certes, mais le groupe a cumulé 10 milliards d’euros de bénéfices au cours des quatre dernières années, et a versé le tiers de ceux-ci en dividendes aux actionnaires. Pour 2019, ce sont encore 312 millions d’euros de dividendes qui seront versés. On peut s’interroger sur la pertinence de ces choix.
Si la chute du marché automobile en Europe est réelle, celle-ci affecte Renault plus que d’autres constructeurs. Pourquoi ?
En premier lieu, le groupe n’a pas investi suffisamment pour présenter de nouvelles gammes et, surtout, pour engager autant qu’il est nécessaire la transition technologique et écologique indispensable. Or c’est désormais l’urgence absolue ; il faut produire, comme le demandent les organisations syndicales, des véhicules multiénergies, hybrides ou électriques.
En second lieu, la direction de Renault a fait des choix défavorables à la France, avec une baisse, depuis 2004, de 43 % de la fabrication française dans le groupe Renault et des délocalisations hors de l’Hexagone, notamment pour les productions les plus attractives, celles qui se vendent le mieux.
Manifestement, l’État actionnaire a été défaillant ; en tout cas, il doit désormais veiller à ce que ce mouvement soit inversé et que des investissements de modernisation soient réalisés dans tous les sites français, que l’on regagne ainsi des capacités de production. Le préalable est de refuser la fermeture de sites pour engager leur mutation et la reconquête de l’emploi.
Madame la secrétaire d’État, M. Le Maire a déclaré qu’il serait « vigilant ». Pour ma part, je lui demande : comment sera-t-il efficace…
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … pour garantir le maintien des sites et de l’emploi, réorienter la stratégie industrielle et consolider la souveraineté économique du pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Sophie Primas applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Vous avez raison, madame la sénatrice Lienemann, Renault est confronté à des résultats en forte baisse, qui sont négatifs cette année. Ils sont emblématiques des défis que traverse aujourd’hui la filière automobile.
Ces défis, je veux les rappeler parce qu’ils sont importants.
Il y a trois défis structurels.
Le premier, c’est la transition énergétique. Sachez-le, Renault a massivement investi dans cette direction, notamment en faveur du moteur électrique.
Le deuxième, c’est celui du véhicule connecté, qui conduira à la proposition d’autres services et, peut-être, à l’entrée de nouveaux acteurs sur ce marché, qui viendront concurrencer les acteurs historiques.
Le troisième, c’est celui du véhicule autonome.
Ces trois défis imposent des investissements massifs ; c’est ce que vous constatez dans les comptes de Renault. Ces investissements consomment l’argent gagné et même au-delà (M. Pierre Laurent s’exclame.), puisque l’on observe une trajectoire de cash négative.
Le contexte conjoncturel ne facilite pas les choses : ralentissement aux États-Unis et en Europe, baisse en Chine. Or c’est dans ce contexte que le Gouvernement accompagne la filière automobile.
Je veux rappeler les décisions qui ont été prises : la signature du contrat stratégique de filière en mai 2018 et la réunion organisée, dès le 2 décembre dernier, pour préparer l’année 2020. Cette réunion a débouché sur deux mesures importantes : l’accompagnement de la diversification de la sous-traitance – un crédit de 50 millions d’euros destiné à cette diversification et au soutien de l’année 2020 et une aide, à hauteur de plus de 200 millions d’euros, pour faire face aux difficultés possibles de financement de l’automobile et de sa sous-traitance – et la mission que nous avons confiée à Hervé Guyot sur la compétitivité de l’automobile en France et la consolidation de certaines filières, notamment la fonderie et la forge.
Je conclus : oui, nous serons très vigilants aux côtés de Renault, et nous avons déjà les instruments nécessaires pour accompagner ces transitions. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
pilotage de la politique de santé du gouvernement (i)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, il y a cinq jours, le parti La République En Marche a connu un crash politique anéantissant son dispositif électoral à Paris. Avec le Président de la République, vous avez alors désigné, en quarante-huit heures, la ministre des solidarités et de la santé comme candidate de substitution improvisée. Curieuse décision : en plein chaos de la réforme des retraites, de crise sans fin de l’hôpital public et de risque de pandémie du coronavirus, vous décidez de changer de ministre…
Votre gouvernement ne cesse de nous surprendre par sa légèreté, parfois par sa vulgarité, à l’instar de celle que votre ministre de l’intérieur a manifestée, ce matin, à l’égard de notre collègue Olivier Faure. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mme Laurence Cohen applaudit également.) Nous attendons, sur ce point, votre condamnation solennelle.
Naufrage de la réforme des retraites, grève de onze mois du personnel hospitalier, démissions collectives par centaines de chefs de service, report du plan Grand âge, fermetures de maternités : le bilan de Mme Buzyn, qui prétendait vouloir « réenchanter l’hôpital », ressemble aujourd’hui à un champ de ruines…
Aussi, monsieur le Premier ministre, de deux choses, l’une : soit, sourd et aveugle, et à l’encontre de toute réalité, vous prétendez, comme vous l’indiquiez hier, que Mme Buzyn fut une excellente ministre, auquel cas son départ est la marque d’une désinvolture qui frise, pour certains, le mépris à l’égard des politiques publiques, soit vous partagez, en réalité, le constat des Français et vous avez saisi cette occasion pour acter son départ du Gouvernement, le dix-septième ou dix-huitième depuis 2017.
Monsieur le Premier ministre, la France mérite que vous privilégiiez l’intérêt général plutôt que l’intérêt partisan ; nos concitoyens attendent donc votre réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mmes Laurence Cohen et Christine Prunaud applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Ah ! sur diverses travées.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie de cette question, formulée sur un ton très ferme, qui indique peut-être votre incompréhension de la décision que j’ai proposée au Président de la République et qui, peut-être – je dis bien « peut-être » –, indique aussi une forme de surprise et – qui sait ? – de fébrilité par rapport à cette décision. (Sourires. – Protestations sur des travées du groupe SOCR.)
M. David Assouline. On verra bien !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que les élections sont jouées d’avance et je peux même vous dire, madame la sénatrice – cela vous est peut-être également arrivé –, que, en cette matière, j’ai cotisé pour voir, voyez-vous… (Nouveaux sourires.)
Je veux répondre à votre question de la façon la plus simple possible. J’ai effectivement dit, et je répéterai toujours, qu’Agnès Buzyn a été une remarquable ministre de la santé. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Protestations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Mme Laurence Cohen. Oh !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous avez le droit de ne pas être d’accord, mais j’ai le droit de vous donner mon avis ! Elle a été remarquable par sa connaissance des dossiers, par sa technicité,…
Mme Cécile Cukierman. Pourquoi n’est-elle pas restée ministre, alors ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … par son humanité – oui, madame la sénatrice, par son humanité ! –, remarquable aussi par la façon dont, vous le savez parfaitement, elle a eu à gérer des dossiers redoutablement complexes,…
M. David Assouline. Quelle fébrilité !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … dossiers dont vous m’accorderez, madame la sénatrice, qu’ils ne sont pas nés avec sa désignation, et qu’ils venaient souvent de loin. Les difficultés du système médical, du monde hospitalier, ne sont pas nées il y a deux ans. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, UC et du RDSE.) Il faut y répondre, chacun essaie de faire de son mieux et je veux dire combien Mme la ministre Agnès Buzyn a été, en la matière, engagée, compétente et remarquable.
Elle a choisi de s’engager dans un combat politique. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR. – Mme Cécile Cukierman se récrie.) Elle a eu raison ! Je suis d’ailleurs surpris, madame la sénatrice, qu’un certain nombre de ceux, parfois dans cet hémicycle, souvent à l’extérieur, qui reprochaient à tel ou tel membre du Gouvernement une prétendue « déconnexion » par rapport au monde réel, puissent aujourd’hui s’étonner de ce qu’une ministre choisisse de défendre ses idées et son projet dans le cadre d’une élection municipale. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Protestations sur des travées du groupe SOCR. – Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je constate d’ailleurs que les sénateurs parisiens paraissent virulents ; cela me surprend – vous allez voir, tout va bien se passer… (Sourires.)
Pour la remplacer, madame la sénatrice, j’ai proposé au Président de la République de nommer M. Olivier Véran ministre des solidarités et de la santé. Vous le connaissez, c’est un député compétent, qui a la triple caractéristique, qui ne me semble pas inutile en la matière, d’être médecin hospitalier, rapporteur général de la commission des affaires sociales et, par ailleurs, bon spécialiste du dossier des retraites, puisqu’il était rapporteur du projet de loi organique relatif au système universel de retraite. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Un sénateur Les Républicains. Et ancien député socialiste !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Autrement dit, madame la sénatrice, il me paraît avoir toutes les compétences dont nous avons besoin pour faire face aux dossiers que vous avez cités ; ce sont des dossiers importants, délicats, dont il est déjà un excellent connaisseur et sur lesquels vous aurez, j’en suis sûr, l’occasion de voir – et vous n’en serez pas surprise –, qu’il est parfaitement compétent et efficace.
Bref, il y a des élections municipales (Mme Cécile Cukierman se récrie.), et c’est tant mieux. Le débat va avoir lieu au cours de ces élections ; les électeurs le trancheront et c’est très bien ainsi. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants, RDSE et UC. – Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
M. David Assouline. Eh oui !
M. le président. Madame Cukierman, s’il vous plaît !
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Monsieur le Premier ministre, tout d’abord, je regrette que vous n’ayez pas cru devoir condamner les propos inacceptables que Christophe Castaner a tenus, ce matin, à la radio ; dont acte.
Sur les propos que vous avez tenus à l’instant, j’indique, puisque vous louez le talent de Mme Buzyn, que c’est bien elle qui a accepté les nouvelles exonérations de cotisations de sécurité sociale consenties par le Gouvernement et qui ont aggravé le déficit de la sécurité sociale.
Vous vantez les qualités de votre nouveau ministre. J’indiquerai simplement que, dans la mesure où il a été capable, en deux jours, d’une part, de vanter la qualité de la fermeture des réseaux sociaux chinois…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. … visant à éviter la propagation du coronavirus, et, d’autre part, de proposer que l’on supprime, dans la Constitution, les termes « sécurité sociale »,…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. … je crains qu’il ne doive davantage sa nomination à la nécessité de remplacer une ministre au pied levé, en quelques heures, plutôt qu’à sa seule compétence, dont nous jugerons dans les jours à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur des travées du groupe Les Républicains.)
vente en ligne de médicaments
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse au ministre des solidarités et de la santé, auquel je souhaite la bienvenue au Sénat… (Sourires et applaudissements sur diverses travées.)
L’article 34 du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dit ASAP, prévoit de libéraliser la vente en ligne de médicaments. L’objectif est d’encourager le développement de plateformes mutualisées et des locaux de stockage afin d’externaliser une partie des activités de vente des officines.
Les médicaments ne sont pas des biens de consommation comme les autres ; 95 % de la profession et des Français sont opposés à une telle ouverture du marché.
Le pharmacien est un professionnel de santé qualifié, disponible, à l’accès sans rendez-vous. Il est une porte d’entrée pour les soins primaires et la prise en charge des soins non programmés. Les missions des officines se diversifient, s’ouvrant à la prévention, aux vaccinations, au dépistage et aux interventions dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Nous savons que l’adoption de cet article va se traduire par une perte de chiffre d’affaires. Or fragiliser le modèle économique des pharmacies pourrait conduire à des fermetures, notamment en milieu rural. En Allemagne et en Angleterre, un tiers des pharmacies sont menacées.
Monsieur le ministre, la pharmacie est un maillon incontournable dans le circuit des médicaments, pour leur prise en charge sécurisée. Ce projet remettrait en cause le maillage territorial, avec une diminution du nombre de pharmaciens adjoints, estimée à 5 000.
Avant la logique commerciale, nous devons préserver le lien de proximité. Cette réforme n’apparaît-elle pas contradictoire avec la volonté du Gouvernement d’améliorer l’offre de soins dans les territoires, notamment ruraux ? (Applaudissements sur des travées des groupes Les Indépendants, Les Républicains et UC.)
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé, auquel je souhaite la bienvenue.
Vous verrez, monsieur le ministre, que l’on s’habitue très vite au Sénat !
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie, monsieur le président. Je suis très honoré de m’exprimer aujourd’hui devant le Sénat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cher docteur Chasseing, votre question ne m’étonne pas, car je sais que vous êtes médecin généraliste en Corrèze, un département qui, comme de nombreux autres, souffre déjà de la désertification médicale. (Murmures sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE.) Je comprends que c’est à ce titre que vous vous inquiétez de la possible disparition, demain, des pharmacies, qui sont des maillons essentiels de l’accès aux soins dans ces territoires sous-dotés.
Votre question porte sur l’article 34 du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, qui vise à simplifier, sans remettre en cause les équilibres de la vente en ligne, certains dispositifs de celle-ci.
Je rappelle que la vente en ligne des médicaments est autorisée dans notre pays depuis quelques années, à la suite d’une décision européenne, et que les conditions d’application fixées par le projet de loi en limitent énormément la portée, parce que la France s’oppose à ce que de grandes plateformes, notamment étrangères, puissent, demain, vendre des médicaments aux Français dans des conditions de sécurité et de qualité qui ne seraient pas établies et qui viendraient mettre en difficulté le maillage territorial des pharmacies, lequel, je le répète, est absolument essentiel.
J’entends, d’ailleurs, que, dans le projet de loi, le mot « plateforme » puisse inquiéter, voire, parfois, choquer. Le Gouvernement n’a jamais eu l’intention d’aller vers des plateformes de vente en ligne de médicaments comme Amazon – pour ne pas le nommer – ou d’autres. Le texte prévoit bien que cette activité restera sous la seule responsabilité du pharmacien d’officine, pour couper court à tout risque. J’espère que cette précision apaisera vos inquiétudes. Des amendements seront déposés pour clarifier les dispositions applicables et supprimer jusqu’à la notion même de plateforme.
Je précise que ces mesures de simplification ne doivent pas fragiliser les officines, dont la présence est indispensable sur le territoire.
Je m’y engage, en cohérence, d’ailleurs, avec la politique de santé menée dans notre pays, depuis trois ans maintenant, par Agnès Buzyn, qui vise, au contraire, à donner de nouvelles missions aux pharmaciens d’officine sur notre territoire. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.
M. Daniel Chasseing. Je vous remercie, monsieur le ministre. Pas de numérisation en dehors de la pharmacie, dites-vous.
Votre position n’a pas changé, puisque, en 2014,…
M. Michel Savin. Il était socialiste, à l’époque !
M. Daniel Chasseing. … vous déclariez que « le site internet étant adossé à une pharmacie physique, les patients pourront si nécessaire se rendre dans une officine et échanger avec un pharmacien. Ceci constitue une garantie majeure de sécurité » et « évitera la surconsommation de médicaments. »
J’espère que le Gouvernement…
M. le président. Il faut conclure.
M. Daniel Chasseing. … vous suivra dans ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
lutte contre les communautarismes (ii)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, le nouveau président du Conseil français du culte musulman, M. Moussaoui, a rappelé, hier, que la majorité des musulmans de France veulent vivre leur spiritualité dans le strict respect des valeurs de la République. Il a ajouté que la volonté de faire reculer toutes les formes de communautarisme est en accord avec les idéaux de fraternité des musulmans.
« La loi de l’État est notre loi », avait dit son prédécesseur, M. Boubakeur.
De son côté, le Président de la République a réaffirmé, hier, qu’on ne doit jamais accepter que les lois de la religion puissent être supérieures aux lois de la République.
Dans la continuité de ce consensus républicain, Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains, Hervé Marseille, président du groupe Union Centriste, et moi-même proposons d’écrire dans notre Constitution que « nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune ».
Pouvons-nous déduire de la déclaration du Président de la République que votre gouvernement soutiendra notre proposition ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Philippe Bas, vous l’avez dit, il y a une volonté déterminée de tous les acteurs, à commencer par les musulmans, de lutter contre le séparatisme.
Ce combat, nous devons le mener pour les musulmans et avec les musulmans. C’est la raison pour laquelle la sénatrice Nathalie Delattre évoquait l’importance du terme « séparatisme », qui permet effectivement d’éviter de condamner des communautés, qui se revendiquent comme telles, bien au-delà de la question religieuse, et de bien identifier celles et ceux qui veulent outrepasser la République et ses valeurs, contre lesquels nous devons être mobilisés.
Vous le savez, c’est ce que nous faisons, sans avoir attendu un texte de loi, au travers notamment de ces quinze quartiers qui ont été identifiés dès le mois de février 2018, au sein desquels nous avons demandé aux préfets d’être extrêmement mobilisés, aux côtés de l’ensemble des acteurs et des institutions publiques, pour faire reculer cet écosystème du séparatisme que nous connaissons. C’est ainsi que nous aurons fermé, en moins de deux ans, 15 lieux de culte, 12 établissements culturels et associatifs, 4 écoles, 150 débits de boissons, que nous avons mobilisé tous les moyens pour faire des contrôles et procédé à des redressements pour près de 19 millions d’euros dans ces quinze quartiers.
Dès le mois de novembre dernier, j’ai demandé à l’ensemble des préfets que ce dispositif soit appliqué à l’ensemble du territoire national, parce qu’il a montré son efficacité et que nous devons bien évidemment agir.