M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, répondre aux aspirations exprimées par nos concitoyens lors du grand débat national : tel est l’objectif affiché au travers de ce projet de loi.
Le triptyque accélération-simplification-modernisation devient une sorte de laissez-passer, de sésame justifiant le retrait de l’État et une perte de compétences de l’administration centrale, le recul de procédures protectrices, en particulier en droit de l’environnement, la disparition pure et simple de certaines commissions ayant le mérite d’apporter une analyse critique indépendante de certaines politiques publiques et d’informer nos concitoyens, la déconcentration de certaines décisions administratives individuelles sensibles, qui risque de placer les autorités déconcentrées en situation de conflit d’intérêts, ou encore – nous y reviendrons – la privatisation de l’ONF et la remise en cause de modes d’accueil de la petite enfance.
Pis, ce sésame permet au Gouvernement d’imposer au Parlement des conditions d’examen qualifiées d’« acrobatiques » par Mme la rapporteure. À nos yeux, ces conditions reflètent, encore une fois, le mépris de l’exécutif pour le travail parlementaire. Ce mépris est d’ailleurs teinté d’une certaine arrogance, dont témoignent une étude d’impact incomplète, l’incorporation de certains articles sans préparation suffisante, sans consultation des parties prenantes – je pense en particulier aux pharmaciens et aux avocats. Comme d’habitude, le Gouvernement parle de concertation sans réellement consulter les premiers concernés…
L’étude d’impact minimise même la portée concrète de certains articles : il en est ainsi des dispositions relatives aux ICPE, dont les conséquences seront beaucoup plus importantes que ne le suggère l’étude d’impact. Leur mise en œuvre aboutira à un recul de la participation du public et portera atteinte au droit de l’environnement. C’est d’autant plus surprenant que ce texte arrive en discussion quelques semaines après l’accident de l’usine Lubrizol. La commission d’enquête sénatoriale n’a pas encore rendu ses conclusions, mais l’on continue comme si rien ne s’était passé.
Enfin, comme le souligne justement Mme la rapporteure, « l’administration s’est trop souvent révélée incapable de fournir les informations demandées, notamment sur les dispositions des ordonnances pour lesquelles une habilitation est demandée par le Gouvernement ».
Le grand débat national, dont les conclusions ont, du reste, été largement tronquées, a révélé l’aspiration à un modèle de société socialement et fiscalement plus juste, fondé sur une présence accrue des services publics sur l’ensemble du territoire, et à une plus grande participation des citoyens à la décision publique. En définitive, vous répondez par un recul de la participation du public à la prise de décision sur les projets industriels potentiellement dangereux, par l’autorisation des plateformes de vente en ligne de médicaments, par la privatisation de l’ONF et du réseau des chambres d’agriculture, par la remise en cause du service universel du permis de conduire et du service national universel, par la privatisation rampante et la destruction des structures d’accueil de la petite enfance. Vous facilitez l’accès au livret d’épargne populaire, mais, dans le même temps, vous abaissez le taux de rémunération du livret A, produit d’épargne plébiscité par la majorité de nos concitoyens.
Cela pourrait prêter à rire si ce projet de loi n’était sous-tendu par un recul, voire un retrait pur et simple, de l’État, par la casse, dans tous les domaines, de tout dispositif d’aménagement du territoire et d’égalité territoriale.
Personne ici ne nie les difficultés auxquelles nos entreprises se heurtent quotidiennement, mais leur exacerbation est en grande partie liée à l’insuffisance des moyens mis au service des PME et des TPE ainsi qu’au retrait de l’État. En effet – une fois de plus –, les restructurations des services administratifs s’intensifient avec la réduction des personnels, la mutualisation des fonctions et la privatisation de certains services. Ce sont autant de moyens directs ou indirects en moins pour accompagner les entreprises et les particuliers dans l’ensemble des territoires.
C’est pourquoi nous pensons que l’étendard brandi de la simplification cache en réalité une volonté pure et simple de déréglementation, de dérégulation et, finalement, de « moins d’État ».
Comme le souligne le Conseil d’État dans son rapport sur l’inflation législative, le nombre des normes risque de continuer à croître : la « multiplication des sources externes, le droit européen en particulier, en même temps que l’apparition de nouveaux domaines » alimentent la complexité croissante du droit. Le libéralisme économique entraîne, lui aussi, une inflation de pans entiers du droit : droit boursier, droit de la concurrence, droit de l’énergie, etc.
Vous prétendez répondre aux demandes exprimées lors du grand débat national, mais qu’avez-vous réellement fait pour renforcer le pouvoir d’achat de nos concitoyens ? Qu’avez-vous fait pour maintenir les services publics en milieu rural ou dans les quartiers les plus sensibles ? Qu’avez-vous fait pour renforcer la confiance de nos concitoyens en la parole publique ?
En tout cas, il est clair que ce projet de loi ne répondra en rien aux attentes de nos concitoyens. Ce sont les parlementaires, qui sont considérés comme « un rien », qui vous le rappellent aujourd’hui.
Je salue l’excellent travail accompli par la commission spéciale malgré des conditions extrêmes. Elle a dû organiser ses auditions et retravailler un certain nombre d’articles en un temps record. Concernant la question de la petite enfance, elle est revenue sur l’une des mesures du texte initial. Restent un certain nombre d’articles qui ne nous conviennent toujours pas : nous aurons l’occasion d’y revenir en défendant nos amendements ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur des travées du groupe UC.)
M. Dany Wattebled. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, comme l’écrivait Alexis de Tocqueville en 1856, les Français sont plus doués pour la révolution que pour les réformes. Ces propos n’ont rien perdu de leur pertinence, et puisque nous ne pouvons pas faire la révolution tous les quatre matins, nous devons composer avec cette inclination nationale.
Cela vaut tout particulièrement pour notre administration, dont l’abondance et la complexité font notre réputation au-delà même de nos frontières. La tentation est grande de faire table rase du passé, de repartir de zéro, mais elle est illusoire. Nous devons donc travailler sur l’existant pour améliorer l’action publique, en gardant à l’esprit ses deux raisons d’être : assurer la permanence de l’organisation sociale et servir l’intérêt général.
Surtout, avec la plus grande exigence et la plus grande détermination, nous devons nous efforcer de simplifier le fonctionnement de notre administration. C’est notre devoir envers nos concitoyens, mais aussi envers les étrangers, qui aiment notre pays pour la richesse de sa culture et de ses paysages plutôt que pour la complexité de ses règles et de ses formulaires.
Ce projet de loi visant à accélérer et à simplifier l’action publique va donc dans le bon sens, mais il est à la révolution ce que le Canada Dry est à l’alcool : ça y ressemble, mais ce n’en est pas ! (M. le président de la commission spéciale sourit.)
Les dispositions du titre Ier du projet de loi procèdent à un toilettage de nombreuses instances nationales consultatives. Pour la plupart, ces mesures sont bienvenues : la France est ralentie par la profusion des comités parisiens qui décident pour tout le pays. L’article 8, tel qu’adopté par la commission spéciale, vise ainsi à rapprocher le Comité de suivi de la loi sur le droit au logement opposable et le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées.
Dans le même esprit, concernant le titre II, transférer des compétences des ministères aux préfets améliorera l’action de l’État. Il s’agit de confier plus de responsabilités aux acteurs de terrain, de faire le pari que l’action publique est plus efficace lorsqu’elle est menée par ceux qui sont en prise directe avec les spécificités locales. Nous avons besoin d’une action publique plus décentralisée et plus déconcentrée, s’exerçant au plus près de nos territoires et de nos concitoyens. Ce sont nos forces vives que nous étouffons en suspendant les destins aux décisions, parfois absconses, souvent obscures, de l’administration française.
Le titre III contient de nombreuses mesures attendues par nos entrepreneurs. Relevant du bon sens, elles parviennent à articuler efficacité économique et précaution environnementale.
Toutefois, certaines d’entre elles ne vont pas assez loin. Ainsi, l’article 26 permet aux entrepreneurs d’anticiper le début de certains travaux de construction sans attendre la délivrance de l’autorisation environnementale, aux frais et risques du demandeur. Ce dispositif n’est pas assez sécurisant et, en vérité, il ne change rien : d’un côté, l’on permet aux entrepreneurs de commencer les travaux, mais, de l’autre, on ne les protège contre aucun risque et ils restent à la merci de l’administration. En somme, cela revient à leur dire : « Prêtez-moi votre montre et je vous dirai l’heure. »
Plus fondamentalement, ce texte apportera des aménagements utiles pour nombre de nos concitoyens, mais il échouera à placer l’administration à leur service, et ceux-là resteront dans la dépendance de celle-ci.
Pour engager une vraie révolution en la matière, une solution serait de redonner force au principe selon lequel silence gardé par l’administration vaut acceptation. Ce faisant, l’on mettrait enfin, et pour de bon, l’administration au service des citoyens. Avec l’ensemble des élus de mon groupe, j’ai déposé deux amendements en ce sens. Ils visent à mettre un terme au régime d’exception qui prévaut en la matière. Aujourd’hui, les procédures respectant ce principe sont minoritaires : en clair, l’exception est devenue la norme.
Ce projet de loi présentait d’autres problèmes. Ainsi, l’article 34 risquait de mettre les officines à la merci des grandes plateformes et l’article 45 menaçait la liberté contractuelle des avocats, sous le mauvais prétexte d’une surtransposition de normes européennes.
Madame, monsieur les secrétaires d’État, vous le savez, « sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ». Votre texte va dans le bon sens et, malgré ces quelques doléances, les membres du groupe Les Indépendants le voteront ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur des travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Fournier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jean-Pierre Decool applaudit également.)
Mme Catherine Fournier. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la compression du calendrier de l’examen de ce texte, que les précédents orateurs ont déjà relevée. Toutefois, je soulignerai la précipitation avec laquelle le Gouvernement a une nouvelle fois agi, qui plus est en recourant à la procédure accélérée. Ne confondons pas accélération et précipitation, cette dernière étant peu propice à un travail parlementaire de fond.
Après la loi Essoc, en 2018, après la loi de transformation de la fonction publique, en 2019, nous entamons aujourd’hui une étape supplémentaire avec ce texte.
Les élus du groupe centriste ne peuvent que s’associer à une démarche tendant à simplifier l’administration et à la rapprocher du citoyen. L’administration française s’autonourrit parfois. Elle souffre de trop de complexité, et nos concitoyens se plaignent régulièrement, non seulement de ses lourdeurs, mais surtout de son inaccessibilité et de son opacité.
Néanmoins, pour être effective, la simplification doit être opérationnelle et accessible à tous. On l’a dit : il faut se méfier de la dématérialisation à outrance. Les procédures dématérialisées doivent être comprises par tous – ce n’est pas le cas – et accessibles à tous – ce n’est pas le cas non plus. La fracture numérique persiste. J’évoquerai la déclaration des revenus et le paiement de l’impôt, l’établissement des cartes grises : j’en appelle à la vigilance du Gouvernement.
Ce texte présente plusieurs incohérences. Certains articles nous paraissent même incompréhensibles au regard de l’objectif affiché.
Tout d’abord, l’article 34 simplifie les conditions de vente en ligne des médicaments. Censée garantir un meilleur accès aux produits pharmaceutiques, à prix moins élevés, cette évolution de la réglementation a surtout coalisé les pharmaciens contre elle. Ces professionnels craignent que la création de plateformes de vente en ligne n’engendre une concurrence dangereuse au détriment des officines les plus petites.
Dans les territoires ruraux, les officines créent un véritable lien social. Elles favorisent une dynamique positive des centres-bourgs, qui, aujourd’hui, sont largement délaissés tant par les médecins que par les administrations, les services publics ou les commerces de proximité.
De plus, les pharmaciens expriment leur volonté de mieux s’inscrire dans le parcours de soins des patients. Ils font ainsi évoluer leur profession : accès à la télémédecine dans les officines, pratique de la vaccination, etc. Ce relais sécurise le malade dans un environnement qui le protège, et nous le soutenons.
En outre, le dispositif de l’article 34 va à l’encontre des récentes décisions nationales prises pour favoriser le bon usage et la sécurité du médicament en confirmant le rôle de conseil du pharmacien. La commission spéciale a largement amendé cet article, et je m’en réjouis.
Quant à l’article 43, qui vise à encourager les TPE à mettre en place des dispositifs d’intéressement des salariés au résultat de l’entreprise par une décision unilatérale de l’employeur, il présente certaines limites. Ce serait une réelle simplification si, au terme d’une période triennale, l’on ne retombait dans les travers des accords initiaux appliqués pour les grandes entreprises. Les salariés des TPE en sont très majoritairement exclus, car ces petites structures entrepreneuriales ne disposent pas des moyens nécessaires en termes de gestion des ressources humaines. C’était une occasion d’y remédier.
Enfin, l’article 45 supprime, pour les assureurs, l’interdiction d’intervenir dans les négociations de tarifs des honoraires entre les avocats et leurs clients. Cette disposition a déjà été rejetée par le Sénat en novembre 2018, lors de l’examen d’un projet de loi portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe Union Centriste souhaitent que le présent texte soit amendé. Nous espérons que le Gouvernement tiendra compte des apports, certes mesurés, mais appuyés, du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, ce projet de loi s’inscrit dans la continuité de l’action du Gouvernement en vue de la mise en œuvre de son programme Action publique 2022, qui tend à mettre en place une administration plus simple, plus proche et plus efficace.
Il s’inscrit aussi dans la continuité de la loi pour un État au service d’une société de confiance. Les articles 29 et 36 du présent texte prennent même la suite des articles 44 et 50 de cette loi. Pour ce qui concerne l’article 36, le Sénat n’a pas changé d’avis. Ces deux textes ont également en commun leur nature très hétéroclite.
L’objectif est bon, mais sa réalisation n’est ni simple ni intuitive. Pour autant, il est nécessaire de réconcilier les citoyens avec leur administration. Comme l’a justement rappelé M. Dussopt en ouvrant la discussion générale, le Sénat a toujours œuvré dans cet esprit.
Toutefois, on peut regretter la précipitation dont fait preuve le Gouvernement : le texte a été présenté en conseil des ministres le 5 février dernier et inscrit à l’ordre du jour du Sénat à compter d’aujourd’hui, 3 mars, soit moins d’un mois plus tard.
Je salue la qualité du travail accompli, dans ce contexte, par notre rapporteure, Patricia Morhet-Richaud. Mais le législateur ne devrait pas travailler ainsi, dans l’urgence, d’autant que ce texte lui impose d’étudier des domaines très divers.
Sans énumérer toutes les mesures de ce projet de loi, je relèverai qu’une vingtaine d’articles ont été adoptés sans modification par la commission spéciale, plusieurs autres ne faisant l’objet que de simples changements rédactionnels. Au demeurant, certaines dispositions avaient déjà été débattues par le Sénat dans le cadre de l’examen d’un projet de loi portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français qui, ensuite, n’a pas été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.
Ce gouvernement n’est pas le premier à s’atteler à la suppression d’organismes ; en effet, deux vagues de suppressions sont déjà intervenues en 2015 et en 2018. Ainsi, le nombre de ces « satellites », qui, dans la loi de finances pour 2012, s’élevait à 680, a été réduit à 394 dans la loi de finances pour 2020.
J’ai bien noté que ce gouvernement entend aller encore plus loin : un certain nombre de suppressions ont été annoncées lors du quatrième comité interministériel de la transformation publique. Pour autant, notre commission spéciale souhaite conserver certains organismes dont l’action peut encore avoir du sens, semble-t-il, dans les mois à venir. Il s’agit notamment des instances permettant de garantir le droit de la propriété rurale ou d’accompagner les héritages du nucléaire militaire et civil en France. En parallèle, nous proposerons de nouvelles suppressions.
Il ne faut pas attendre d’économies de gestion de ces simplifications administratives. Le Gouvernement l’a d’ailleurs lui-même noté dans son étude d’impact : il chiffre l’économie tirée de la suppression de quinze autorités proposée dans le projet de loi initial à 120 000 euros au total, dont 100 000 euros pour la seule Commission d’évaluation des politiques publiques de l’État outre-mer.
Enfin, il faut souligner que certaines suppressions ne se produiront que sur le papier, puisque l’on crée des sous-commissions au sein d’une commission « chapeau » reprenant l’ensemble des attributions des instances supprimées.
S’agissant des mesures de déconcentration, elles sont bienvenues, même si elles ne nous semblent pas vraiment s’inscrire dans une démarche globale. S’agit-il, ainsi que cela a déjà été dit, de ne pas préempter la future loi 3D ou simplement d’utiliser un véhicule législatif opportun ? Là encore, la déconcentration ne se traduira pas par des économies de gestion, puisqu’il s’agit seulement de transférer le pouvoir de décision de l’administration centrale vers les administrations déconcentrées. L’étude d’impact laisse même entrevoir un risque de dérapage budgétaire, certes limité, pour les labels de création artistique. La commission spéciale a donc décidé de supprimer l’article les concernant.
En ce qui concerne l’évolution de la législation environnementale, mon collègue Wattebled est déjà revenu sur l’article 26, dont la mise en œuvre opérationnelle pose question. La commission spéciale a ajouté deux articles qui visent à renforcer le rôle des collectivités locales dans le domaine de l’éolien, d’une part, et dans la définition des zones humides, d’autre part, en prévoyant notamment une période transitoire pour permettre la mise en œuvre de la modification intervenue en juillet 2019.
Concernant la réforme de l’ONF, à défaut de supprimer l’article concerné, qui ne nous enthousiasme pas, nous avons choisi de le modifier, de manière qu’une discussion puisse s’engager entre les deux chambres. Il nous semble qu’une réforme plus ambitieuse de l’ONF doit d’ores et déjà être envisagée.
Enfin, mon collègue Michel Raison est récemment revenu sur l’encadrement des promotions agroalimentaires lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement. Nous nous étonnons que l’article 44 prévoie de proroger l’expérimentation introduite par la loi Égalim, alors même qu’aucun bilan n’en a encore été dressé. Nous avons bien entendu, madame la secrétaire d’État, que vous étiez prête à suivre le Sénat en ce qui concerne le foie gras ; nous vous proposons d’aller plus loin en approuvant les modifications apportées par la commission spéciale.
Il ne me reste plus qu’à inviter le Gouvernement à mettre en œuvre les dispositions de ce texte ASAP ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, accélération et simplification : deux principes devant guider l’action publique et le service au public auxquels nous ne pouvons que souscrire a priori. Force est de constater, pourtant, que le Gouvernement a une fâcheuse tendance à ne les appliquer que de manière parcellaire.
Du point de vue purement formel, il semble impossible de contester la volonté d’accélération de l’exécutif : le Sénat a disposé de seulement deux semaines pour examiner un texte qui touche aux secteurs régaliens, à la santé, à l’économie, à la culture et à bien d’autres domaines encore… Comme pour d’autres débats, nous sommes non plus dans l’accélération, nous dans la précipitation.
Il est vrai que ce projet de loi nous a été présenté comme comprenant des dispositions de bon sens, presque anodines, simples, pour reprendre un terme mis en exergue. Or il n’en est rien ! Rappelons qu’il contient cinquante articles, dont la plupart, loin d’être évidents, suscitent de nombreux et difficiles questionnements, eu égard aux thématiques abordées, à leurs incidences potentiellement importantes, très inégalement justifiées et mesurées dans l’étude d’impact.
Vous comprenez donc, mes chers collègues, que ce projet de loi dit de « simplification » n’est aucunement d’un abord aisé. L’exercice d’analyse est d’autant plus délicat que ce texte est dépourvu de colonne vertébrale et qu’il s’agit –pardonnez-moi l’expression – d’un véritable « fourre-tout », où se retrouvent des dispositions législatives précédemment rejetées ou même censurées que le Gouvernement souhaite faire passer. Soit ! Après tout, d’excellentes mesures peuvent avoir été retoquées, car considérées comme des cavaliers législatifs. Reste à questionner leur pertinence au regard des objectifs assignés à ce projet de loi, en l’occurrence l’accélération et la simplification de l’action publique.
Interrogeons-nous tout d’abord sur ces finalités : si elles sont recherchées, c’est, en théorie, pour améliorer l’efficacité de l’action publique. Mais, concrètement, que signifie une action publique efficace ?
En matière de gestion, les Anglo-saxons parleraient d’efficience : il s’agit d’utiliser le moins de ressources possible pour obtenir le résultat escompté, en un sens d’instaurer une forme d’obligation de moyens.
Sur le plan politique, il s’agit de décliner et de mettre en œuvre les politiques publiques de telle sorte qu’elles offrent un service public de qualité aux citoyens sur l’ensemble du territoire et qu’elles garantissent le respect et l’effectivité de leurs droits.
Sans cette « obligation de résultats » qui incombe à la puissance publique, « accélération » et « simplification » ne sont que de vains mots. Autrement dit, elles ne sauraient constituer ni l’essence ni le but ultime de l’action publique. Ce ne sont pas des objectifs en soi – de même que réformer n’est pas une fin en soi, car on peut très bien réformer pour le pire – ; ce ne sont que des moyens.
Malheureusement, trop souvent dans ce texte, l’exécutif semble avoir oublié de lier obligation de moyens à obligation de résultats. Beaucoup de comités ou de commissions sont supprimés, au motif qu’ils seraient inutiles ou que leurs procédures seraient trop lourdes, sans que soit réellement démontré l’impact positif de ces suppressions en termes d’amélioration de l’action publique et de qualité du service public. Au contraire, certains articles peuvent légitimement faire craindre une nette altération, pour ne pas dire une franche détérioration. Sans établir une liste à la Prévert, j’illustrerai mon propos par quelques exemples.
Tout d’abord, en matière régalienne, nous ne pouvons que nous étonner de l’écart existant entre les discours de fermeté et l’affaiblissement de la réflexion sur les phénomènes de délinquance et la réinsertion en vue d’adapter au mieux la politique pénale. À ce titre, je salue le maintien, par la commission spéciale, de l’Observatoire national de la récidive et de la désistance. Plutôt que de prôner sa suppression, il serait plus que bienvenu de renforcer ses moyens.
Quant à l’article 38, qui prévoit la dématérialisation des demandes de titres de séjour, il menace directement l’effectivité du droit d’asile, pourtant garanti par la Constitution. En effet, ne proposer qu’un service numérique, sans aucun guichet en préfecture, à une population souvent en situation de vulnérabilité et d’incapacité à accéder au numérique ou à naviguer au sein de la complexité des portails, c’est, tout simplement, organiser la méconnaissance de ses droits.
Enfin, j’aurai l’occasion d’y revenir, les changements originellement prévus à l’article 17, sur lesquels notre commission spéciale est heureusement revenue, représentaient une remise en cause de notre politique publique culturelle ainsi que de tout le travail que, avec beaucoup de nos collègues, nous avions réalisé lors de l’élaboration de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi LCAP, en 2016.
M. Max Brisson. Très bien !
Mme Sylvie Robert. Nous proposerons de nouveaux amendements afin de sécuriser les procédures de labellisation. N’oublions pas que tous ces lieux maillent notre territoire et sont vitaux pour la création artistique et son partage avec les populations.
Malgré les délais particulièrement courts, nous essaierons, madame, monsieur les secrétaires d’État, d’améliorer encore ce texte, afin que l’action publique ne soit pas seulement accélérée et simplifiée, mais surtout rendue plus efficace, plus juste et garante de l’accès aux droits pour tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. Claude Kern. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, ce texte, inspiré par une ambition louable que nous partageons, met en œuvre des engagements majeurs du Gouvernement, pris notamment lors du dernier comité interministériel de la transformation publique : rapprocher l’administration du citoyen en simplifiant les démarches et faciliter le développement des entreprises en accélérant les procédures administratives.
Nous saluons, bien évidemment, cette volonté de rationalisation, et nous approuvons pleinement les propositions de simplification, concernant, en particulier, des démarches de tous les jours pour les administrés, souvent évoquées lors du grand débat, la montée en puissance du service national universel avant sa généralisation et la mise en place de la déclaration parentale préalable à la pratique d’un sport, une mesure que Michel Savin et moi-même prônons depuis longtemps, et que nous avons défendue tout dernièrement encore lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.
Attention, toutefois, à ce que ce projet de loi débattu dans des délais extrêmement contraints, ce qui rend son examen particulièrement inconfortable – je partage les critiques et les regrets exprimés par mes collègues à ce sujet –, ne constitue pas un blanc-seing accordé au Gouvernement. Nous nous refusons à voter en l’état un texte dont l’acronyme de l’intitulé pourrait signifier in fine, si nous n’y prenions garde, « action sacrifiée sur l’autel de la précipitation » ! (Sourires.)
Certaines mesures méritent en effet un examen approfondi, eu égard à leurs incidences.
L’article 13, relatif au fait nucléaire, revient, neuf mois après l’adoption du projet de loi organique réformant le statut d’autonomie de la Polynésie française, sur des déclarations du Gouvernement fortement attendues par les Polynésiens, en supprimant la Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires (CCSEN). Cette commission constitue, depuis cinq ans, un espace de dialogue apprécié par les associations et les autorités de la Polynésie française qui en sont membres. Elle permet de faire le point sur les avancées et les blocages, ainsi que de dissiper les malentendus qui peuvent nourrir des tensions inutiles entre les Polynésiens et l’État. Notre groupe a déposé un amendement de suppression de cet article, afin de préserver le lien nécessaire garanti par cette structure.