M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, je voudrais tout d’abord vous saluer, car c’est la première fois que je m’adresse à vous officiellement, dans des circonstances loin d’être les meilleures… Cela dit, nous aurons d’autres occasions de discussion une fois que la crise sera passée, notamment sur la question des plantes médicinales et de leurs produits dérivés. (Ah ! et sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le ministre, je représente le Morbihan, un département particulièrement touché par le coronavirus, avec à ce jour 17 malades, dont un est décédé – cinq autres cas viennent d’être enregistrés selon les toutes dernières informations.
Deux arrêtés préfectoraux pris le lundi 2 mars ont restreint fortement les activités et l’ouverture des lieux publics dans le département jusqu’au 14 mars, en lien avec les mesures sanitaires prises par le Gouvernement : interdiction de tout rassemblement public, fermeture des cinémas, des théâtres, des discothèques, des administrations et, sur la zone du cluster, des établissements scolaires, des marchés et des piscines, etc.
Tout d’abord, si ces mesures visent à contenir au maximum l’épidémie – on ne peut que s’en réjouir –, nous sommes confrontés à un certain nombre d’incompréhensions légitimes de la part de nos concitoyens. Pourquoi fermer un marché, alors que le centre commercial bondé est ouvert ? Pourquoi les boîtes de nuit sont-elles fermées, mais pas les bars de nuit ? Pourquoi la piscine de Vannes est-elle ouverte, mais pas celle de Lorient ?
Je n’entrerai pas dans le détail, mais force est de constater que, si l’on essaie de prendre les mesures qui conviennent, elles ne sont pas toujours acceptées ou comprises par la population. Nous assistons même à des mouvements de panique, la psychose ayant d’ailleurs provoqué l’engorgement du 15, avec 4 200 appels comptabilisés hier au centre hospitalier de Vannes, soit trois fois plus qu’une journée normale. Cette surcharge a évidemment une incidence sur la prise en charge des vraies situations d’urgence.
Nous nous acheminons sans aucun doute vers le stade 3. Monsieur le ministre, dans ce contexte, quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour freiner la propagation du virus, tout en rassurant la population ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Le Morbihan fait effectivement partie des départements où la circulation du virus est la plus active, de sorte qu’un certain nombre de mesures de restrictions collectives ou individuelles y ont été prises.
Les mesures nationales, vous les connaissez, puisque je les ai citées. Elles sont assorties d’une adaptation locale, je l’ai dit aussi, émanant des préfets ou des directeurs généraux des ARS, parfois des recteurs, et visant à contenir des zones qui, sans cela, risqueraient de faciliter la circulation du virus.
Pour autant, je vous rejoins sur le fait que certaines décisions locales paraissent manquer par endroits de clarté. Ce sujet a été abordé ce matin au cours du Conseil national de défense auquel j’ai participé, en présence du Président de la République et du Premier ministre. Je peux vous informer qu’une instruction sera adressée dès demain aux responsables des services de l’État dans l’ensemble des territoires, afin de rappeler les doctrines et d’harmoniser les pratiques.
À mes yeux, l’information est la base de la prévention, comme la confiance de nos concitoyens, d’autant que certaines décisions, bien que justes, se révèlent complexes à appréhender et à comprendre. Essayons d’en rester aux décisions qui sont en l’état absolument nécessaires.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier, l’épidémie de Covid-19 a franchi la barre des 90 000 personnes infectées dans le monde et celle des 3 000 morts. Alors que le nombre de nouveaux cas quotidiens n’a jamais été aussi bas en Chine, le berceau de l’épidémie, les autres pays voient la maladie se propager comme une traînée de poudre.
En France, plus de 285 cas sont confirmés et quatre personnes sont décédées.
Dès l’annonce, par l’OMS, des premiers cas suspects dans la ville de Wuhan au début du mois janvier, le consortium REACTing a été mobilisé pour assurer le partage d’informations scientifiques et coordonner l’effort de recherche français.
Pour rappel, le consortium REACTing est un consortium multidisciplinaire rassemblant des équipes et laboratoires d’excellence, afin de préparer et coordonner la recherche pour faire face aux crises sanitaires liées aux maladies infectieuses émergentes.
Pour aller encore plus loin, je vous indique que le consortium a identifié plusieurs axes de recherche : le suivi et la modélisation de l’épidémie, la caractérisation du virus, la mise en place et l’amélioration des techniques de diagnostic, ainsi que les pistes thérapeutiques.
Afin d’accompagner le développement de ces programmes de recherches, Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et M. le ministre des solidarités et de la santé ont engagé un demi-million d’euros pour renforcer les moyens déjà engagés par les laboratoires de recherche depuis l’apparition du coronavirus. Ce montant sera ensuite complété par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Mesri) à hauteur de 2 millions d’euros, soit un engagement total de l’État de 2,5 millions d’euros.
Cette épidémie touche aujourd’hui tous les continents et, partout dans le monde, les scientifiques spécialisés en épidémiologie étudient son évolution et son éventuelle mutation.
Monsieur le ministre, vous avez montré votre volonté d’accompagner les chercheurs français. Pour autant, sachant que cette épidémie ne connaît pas de frontière, pouvez-vous attester d’une volonté commune, à ce jour, de développer une coopération médicale européenne, voire mondiale, pour pallier la propagation de cette épidémie ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question qui porte sur la stratégie de recherche et l’engagement de la France dans la lutte contre le coronavirus.
Le séquençage du génome du coronavirus a été réalisé en France par l’Institut Pasteur, qui travaille, avec d’autres acteurs de la recherche, au développement d’un vaccin. On le sait, ce vaccin ne sera pas disponible avant un certain temps, au minimum un an.
Il faut donc accentuer et accélérer la recherche non seulement pour trouver un vaccin, mais aussi afin d’identifier des traitements – plusieurs pistes sont actuellement explorées, notamment celle des antiviraux – pour ralentir la maladie, ou tout au moins pour en freiner les formes graves, et apporter des soins aux patients.
Demain, le Président de la République réunira un conseil de recherche avec le consortium REACTing, qui est coordonné par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et placé sous l’égide de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan). Ce consortium a été mobilisé pour assurer le partage d’informations scientifiques et coordonner l’effort de recherche français. Je participerai au conseil de recherche durant lequel nous soutiendrons de nouveau la recherche – vous le constaterez demain après-midi.
Par ailleurs, s’agissant des relations internationales en matière de recherche, on est évidemment beaucoup plus forts quand on est nombreux. Mais il faut que chaque participant effectue une recherche différente et partage ensuite ses données. C’est ainsi que nous avancerons et multiplierons nos chances d’aboutir à un résultat.
Ces recherches en vue d’un traitement feront notamment l’objet des discussions auxquelles je participerai vendredi à Bruxelles lors du conseil Emploi, politique sociale, santé et consommateurs (Epsco) qui réunira les ministres européens de la santé pendant plusieurs heures. L’engagement de l’Europe en la matière est particulièrement remarquable.
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté.
Mme Sonia de la Provôté. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la protection des médecins généralistes, qui déplorent le manque de considération des autorités de santé. Or nous allons entrer dans une phase où l’essentiel de la prise en charge va reposer sur eux, avec un report de l’hôpital vers la médecine de ville. Celle-ci sera en première ligne pour gérer l’épidémie.
Les consignes restent peu claires sur la façon de prendre en charge les malades sans risquer d’être contaminé ou de propager ensuite le virus. Depuis un changement récent, la doctrine prescrit désormais la protection par des masques chirurgicaux FFP1 destinés aux généralistes, et non par les masques FFP2 réservés, eux, exclusivement aux hôpitaux. Cela nous interpelle à juste titre !
En outre, les médecins libéraux ne savent pas précisément à combien de masques ils ont droit, et la distribution a tout juste commencé hier. Ils veulent être protégés avec certitude, mais, à ce jour, on ne peut exclure les contaminations de médecins sur le terrain. Or rien ne garantit l’entière efficacité des « masques bavettes » pour protéger du coronavirus.
Ce choix repose sur l’avis de sociétés savantes et sur un article du Journal of the American Medical Association (JAMA) dont l’étude, certes intéressante, a concerné un nombre très insuffisant de cas pour mettre en évidence une preuve scientifique irréfutable. De plus, l’étude portait sur le virus de la grippe, dont la létalité reste très inférieure à celle qui est liée au coronavirus.
Les médecins doivent donc avoir l’assurance que ce changement de doctrine n’est pas adossé à une réalité pratique, celle de la pénurie de masques FFP2, d’autant plus que, lors de l’épisode de la grippe H1N1, je le rappelle, ce sont bien ces masques-là qui leur avaient été distribués.
Ils ont besoin d’un discours de vérité et de transparence concernant cette pénurie. C’est une question de confiance entre eux et les pouvoirs publics.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en sont les décisions prises avec les industriels français ? Des masques FFP2 sont-ils prévus pour eux, une fois la pénurie hospitalière compensée ? Et dans combien de temps ?
Vous serez sans doute d’accord avec moi : il est impossible, au nom du principe de précaution, de prendre le risque que les médecins libéraux ne soient pas intégralement protégés. Si eux sont touchés, c’est toute la prise en charge de l’épidémie qui s’effondre ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je vais compléter la réponse que j’ai donnée sur les masques. Vous avez cité l’article du JAMA, qui n’est pas une petite revue scientifique : c’est l’une des plus renommées au monde. Selon cet article, il existe plusieurs voies de transmission possibles : la voie aérienne, comme dans le cas de la tuberculose, nécessite des mesures particulièrement drastiques de confinement et de protection du visage ; d’autres virus tels que le coronavirus sont transmis par gouttelettes.
Pourquoi ne faut-il pas se serrer les mains ? Parce que la main est le premier vecteur de transmission, puisqu’on se touche le visage environ 60 fois par heure sans s’en rendre compte ; en serrant la main de quelqu’un, on lui transmet les germes que l’on a.
L’autre voie de contamination résulte des projections de postillons, si on reste quinze à vingt minutes à moins d’un mètre d’une personne malade.
Conformément à l’étude du JAMA, nous suggérons aux médecins de mettre un masque chirurgical aux patients et d’en utiliser un pour leur propre protection. D’après une étude qui n’est pas confidentielle, puisqu’elle a une grande portée internationale, et a été avalisée – j’ai reçu les conclusions avant-hier – par la Société française d’hygiène hospitalière ainsi que par la Société française de santé publique, cette solution des deux barrières offre un niveau de protection permettant de répondre à toutes les situations, puisqu’il équivaut à celui d’un masque FFP2.
Ce n’était pas contre le virus H1N1 que nous voulions protéger nos concitoyens par des masques FFP2 ; c’est parce que la grippe aviaire avait eu lieu juste auparavant et qu’il nous restait tout un stock utilisable. Après l’apparition de la grippe H1N1 en 2011, les acteurs de la santé publique se sont réunis et ont considéré qu’il fallait constituer de nouveaux stocks, non pas de masques FFP2, mais de masques chirurgicaux.
Encore une fois, j’ai le feu vert de l’ensemble des autorités de santé publique auxquelles j’ai fait appel, afin qu’aucune décision politique ne soit appliquée sans avoir été confirmée par une décision de santé publique.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce jour, Saint-Barthélemy n’enregistre qu’un seul cas confirmé d’infection au coronavirus.
Pour autant, sur notre île, où chacun ou presque se connaît, l’anxiété peut vite grandir. Par ailleurs, le tourisme constituant l’activité dominante de l’économie, l’île est particulièrement exposée, du fait d’une fréquentation touristique cosmopolite et de sa médiatisation à une échelle internationale.
Saint-Barthélemy, comme vous le savez, est en situation de double insularité, dès lors qu’elle est reliée à Saint-Martin et à la Guadeloupe en matière sanitaire. La chaîne de prise en charge doit donc être pensée pour s’adapter à ce contexte particulier.
Dans cette situation de risque, la réduction au maximum des délais d’acheminement des prélèvements de dépistage et des délais d’évacuation sanitaire, en cas de nécessité de prise en charge hospitalière, sont les deux leviers majeurs pour permettre de prévenir la diffusion du virus et rassurer la population.
Ainsi, les résultats d’analyses biologiques doivent pouvoir être obtenus dans un délai maximal de vingt-quatre heures. Monsieur le ministre, des moyens ont-ils été déployés pour garantir ce délai ?
De même, les moyens sont-ils mis en œuvre pour qu’il soit possible, si l’évolution de la situation le requérait, de gérer plusieurs évacuations sanitaires simultanées ou très rapprochées vers les centres hospitaliers de la région ?
L’attitude de la population de l’île, qui a fait preuve de civisme en adoptant les gestes préventifs préconisés, vient d’ores et déjà compléter efficacement un plan sanitaire.
En résumé, monsieur le ministre, pouvez-vous m’assurer que, à Saint-Barthélemy comme partout sur le territoire national, une stratégie visant à maîtriser la diffusion du virus est bien prévue afin de garantir la chaîne de prise en charge des patients depuis le dépistage jusqu’à l’évacuation sanitaire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question.
Sachez que nous prenons la situation à Saint-Barthélemy très au sérieux. L’île est encore au stade 1, période durant laquelle tout est fait pour empêcher le virus d’entrer, avant qu’il ne commence à se développer.
Les mesures de confinement sont essentielles et les enquêtes de terrain indispensables. Les pouvoirs publics doivent proposer et expliquer aux habitants de Saint-Barthélemy leur stratégie, qui est d’ailleurs identique à celle qui a été mise en place sur le territoire national, notamment aux Contamines-Montjoie – avec succès.
C’est pourquoi le directeur général de l’ARS se rendra à Saint-Barthélemy dès vendredi pour rencontrer les acteurs concernés et leur expliquer la stratégie à mettre en place.
Concernant le délai entre le prélèvement et le rendu des résultats, une durée maximale de vingt-quatre heures nous semble raisonnable. Nous travaillons avec l’ensemble des hôpitaux des territoires proches de Saint-Barthélemy pour que ce délai soit tenu.
Croyez-moi, nous mettrons tout en œuvre pour éviter que le virus ne se développe à Saint-Barthélemy et qu’il ne gagne les Antilles !
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question dépasse le cadre médical. Les Français établis hors de France ont été, parmi nos compatriotes, les premiers à être touchés par l’épidémie du coronavirus : à Wuhan d’abord, puis dans toute la Chine, en Asie ensuite, et désormais dans de nombreux pays où le virus s’est propagé.
Dans tous ces pays, les Français de l’étranger ont pu compter sur le précieux soutien du ministère des affaires étrangères, qui a su répondre efficacement aux nombreux défis posés par la propagation de l’épidémie. Je pense particulièrement à l’évacuation de nos compatriotes présents à Wuhan et tiens ici à remercier le personnel de nos ambassades et de nos consulats de leur engagement.
Cependant, l’inquiétude parmi la communauté française est multiple et forte. Elle porte notamment sur la scolarisation des enfants, car à ce stade, de nombreux établissements français à l’étranger sont fermés à la demande des autorités locales.
Si tous les directeurs et enseignants sont mobilisés pour un travail à distance, le téléenseignement sur le long terme commence à montrer ses limites, et un accès facilité aux ressources numériques – TV5 Monde, ressources du réseau de création et d’accompagnement pédagogiques (Canopé), Centre national d’enseignement à distance (CNED) – permettrait aux enseignants de gagner en efficacité.
Dans ce contexte, la question du bon déroulé des examens soulève déjà de nombreuses inquiétudes.
Les personnels français s’interrogent également sur les mesures qui seront prises en cas d’aggravation de la situation sanitaire – peut-être un rapatriement ?
La stabilité financière des établissements scolaires est aussi une source de préoccupation, car il est fort possible que de nombreuses familles ne puissent plus contribuer financièrement au fonctionnement de ces établissements.
Monsieur le ministre, êtes-vous en mesure de répondre à ces inquiétudes ?
Enfin, à ce stade, pouvez-vous nous confirmer que la prochaine session de l’Assemblée des Français de l’étranger aura bien lieu du 16 au 20 mars à Paris ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, oui, il est prévu que la réunion de l’Assemblée des Français de l’étranger soit maintenue.
Concernant l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), je comprends vos interrogations. J’ai demandé au ministre de l’éducation nationale et au ministre des affaires étrangères de m’aider à obtenir des éléments factuels. L’AEFE a mis en place une cellule de veille permanente à la fin du mois de janvier, avec deux réunions hebdomadaires sous la forme de cellules de crise, qui réunissent l’ensemble des services de l’Agence. Celle-ci travaille d’ailleurs en étroite collaboration avec le centre de crise du ministère de la santé, ainsi qu’avec les ambassades concernées.
Depuis le début de la crise, l’AEFE a instauré, avec le soutien du CNED et la mobilisation de toutes les équipes enseignantes locales, un dispositif d’enseignement à distance, grâce auquel les élèves de toutes sections ont pu travailler au moins trois heures par jour et une déscolarisation massive a pu se poursuivre jusqu’à présent, avec des mesures d’accueil en présentiel lorsque c’était possible.
Une extension durable de la crise du coronavirus à d’autres pays aura des conséquences économiques potentiellement lourdes pour les établissements d’enseignement. Il faudra donc y porter une attention particulière, d’autant que le fonctionnement du réseau est déjà très perturbé en Asie.
Le Quai d’Orsay est en relation permanente avec le ministère de l’éducation nationale pour régler tous les différents problèmes rencontrés.
Je peux vous transmettre quelques prévisions concernant la réouverture d’établissements. En Chine, aucune date de réouverture n’a été communiquée par les autorités locales pour Shanghai. À Canton, Shekou, Shenzhen, les établissements pourraient rouvrir le 16 mars ; à Pékin le 23 mars ; à Hong Kong le 20 avril ; à Séoul le 24 mars ; à Téhéran le 19 mars ; au Japon le 17 mars, en Mongolie le 2 avril ; à Taïwan, la réouverture a eu lieu le 25 février et, au Vietnam, les établissements seraient rouverts le 9 mars.
Toutes ces dates sont susceptibles d’évoluer, vous l’imaginez bien, en fonction de la situation. Nous-mêmes éprouvons quelques difficultés pour anticiper les dates précises de réouverture des écoles qui ont été fermées récemment.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Monsieur le ministre, voici une question un peu iconoclaste dans le débat de ce soir, puisqu’elle porte sur les conséquences économiques de cette crise sanitaire.
L’annonce de la propagation du coronavirus en France et les premières mesures de protection ont entraîné une baisse de l’activité dans de nombreux secteurs économiques.
Le premier domaine immédiatement touché est celui du tourisme, avec des conséquences sur les hôtels-restaurants, les entreprises d’événementiel, les traiteurs, particulièrement dans les grandes villes, où les événements d’ampleur ont été interdits. Au-delà de l’annulation de ces événements, une véritable psychose s’est installée et les annulations de séminaires, petits salons, événements d’entreprise dépassent très largement le seul cadre des décisions gouvernementales ou préfectorales.
Sur ce secteur du tourisme, l’Europe a déjà perdu 2 milliards d’euros depuis le début du mois de janvier, selon la Commission européenne.
Mais, en France, c’est un secteur particulièrement fragilisé, ayant subi depuis plusieurs années des chocs à répétition : d’abord les retombées des attentats, la terrible crise des « gilets jaunes » – le bilan que nous en avons dressé, ici, au Sénat, a donné lieu à la publication d’un rapport par Mme Évelyne Renaud-Garabedian –, les grèves de décembre dernier, les violences à répétition dans les centres-villes, désormais le coronavirus… Et c’est sans parler de l’augmentation massive des charges liées à la taxation des contrats d’usage que vous avez décidée en loi de finances !
Le Gouvernement a rapidement ressorti ce que j’appelle le kit de survie économique, ou aussi le kit « gilets jaunes », pour soutenir les entreprises avec des reports de charges ou du cautionnement de besoins de trésorerie.
Mais, au-delà de ces mesures utiles, il faudra cette fois plus et, surtout, tout de suite.
Il faut suivre chacune des entreprises individuellement, car il est à craindre qu’elles ne disposent plus maintenant de la résilience nécessaire pour absorber ce nouveau choc, le troisième en deux ans. Ainsi, c’est à un véritable effondrement immédiat auquel nous assistons. Certaines entreprises m’ont indiqué, ce soir, que leur chiffre d’affaires allait baisser de 70 % sur les deux prochains mois.
Au-delà des annonces de votre collègue Bruno Le Maire, monsieur le ministre, quel dispositif d’accompagnement supplémentaire, immédiat et dans la durée, comptez-vous mettre en place pour éviter une épidémie de dépôts de bilan ? (Mme Martine Berthet applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Cette question n’est pas iconoclaste, madame la sénatrice. La vie économique et sociale du pays, j’en ai parlé spontanément, est tout à fait fondamentale : nous avons besoin d’une économie qui fonctionne, si nous voulons avoir des services publics et privés qui fonctionnent. La situation exige donc, évidemment, une adaptation.
Notons d’abord que l’impact du ralentissement économique en Chine sur le produit intérieur brut français est estimé à 0,1 point, un chiffre qui devra bien sûr être affiné dans la durée.
Par ailleurs, Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher ont pris la décision de reconnaître l’existence d’un cas de force majeure pour tous les contrats passés avec l’État, évitant ainsi l’imposition de pénalités aux entreprises concernées.
La banque publique d’investissement a mis en place un mécanisme de soutien depuis le 2 mars ; elle se porte garante de l’ensemble des prêts demandés par les PME, afin de les accompagner dans cette période difficile.
Une cellule de continuité économique est activée depuis le 3 mars au ministère de l’économie. Elle permet d’obtenir toutes les informations nécessaires sur la situation économique du pays en temps réel. Le but est de mieux gérer l’impact de la crise sanitaire sur notre économie, en prenant, au quotidien, les décisions qui s’avèrent nécessaires.
En outre, nous allons reporter les échéances fiscales et sociales, permettre aux entreprises, comme je l’indiquais, de faire valoir un cas de force majeure pour les contrats passés avec l’État, demander aux collectivités territoriales d’adopter la même attitude, recommander aux donneurs d’ordre de la bienveillance à l’égard des sous-traitants, financer du chômage partiel en en tirant profit pour faire de la formation professionnelle.
Les dispositifs d’aide seront coordonnés au niveau de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G7.
Enfin, des aides ponctuelles pourront être apportées aux entreprises, notamment aux PME, qui rencontrent des difficultés dans la période actuelle.
C’est donc tout un arsenal de mesures qui est mis en place pour soutenir notre économie. La réponse est importante ; nous espérons qu’elle sera suffisante ! Mais il faut attendre de voir comment la situation économique et, surtout, la situation sanitaire évoluent, puisque, on le comprend bien, la seconde influe largement sur la première.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. On le sait, monsieur le ministre, le fonctionnement actuel des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) connaît déjà dans un « mode dégradé » – j’emprunte des mots volontairement déshumanisés pour qualifier des réalités déshumanisantes ! Le manque de personnel est criant, comme ne cessent de le rappeler tous les professionnels, qui attendent des mesures.
Il est reconnu et documenté que l’hébergement en institution peut favoriser la diffusion des virus. Le Covid-19 ne fait et ne fera pas exception.
Les personnes âgées figurent parmi celles qui sont les plus exposées à un risque, de par leur vulnérabilité aux infections respiratoires aiguës, mais aussi le profil de comorbidité présenté par certains sujets. Je rappelle que le virus de la grippe reste le premier facteur de mortalité dans les établissements.
Certains Ehpad situés dans les périmètres actuellement concernés par le Covid-19, comme à Crépy-en-Valois, ont d’ores et déjà pris les mesures qui s’imposent : confinement des résidents dans leur chambre, y compris pour les repas, et restriction drastique des visites, entre autres.
S’agissant des autres établissements, dans ses dernières recommandations adressées aux professionnels du secteur médico-social, votre ministère les incite à identifier les salariés revenant des zones à risque. Dans ces cas de figure, le personnel est invité à ne venir travailler qu’après la période de quatorzaine ou à voir ses activités réorganisées pour ne pas être mis en contact avec des personnes vulnérables.
Ainsi, dans un contexte général d’activité déjà particulièrement tendue, on ne peut pas ne pas penser aux résidents. Hier, le Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa) envoyait aux établissements un rappel des mesures générales à appliquer concernant la continuité d’activité.
Ma question, hélas simple, est donc double, monsieur le ministre. Dans le contexte épidémique éventuel, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour faire face à une prise en charge massive des personnes âgées infectées ? Quelles mesures peuvent être décidées pour permettre la continuité de l’activité dans les Ehpad ?