Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mmes Catherine Deroche, Patricia Schillinger.

1. Procès-verbal

2. Conférence des présidents

Conclusions de la conférence des présidents

3. Questions d’actualité au Gouvernement

premier bilan du confinement

M. François Patriat ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.

accueil du public dans les commerces alimentaires

M. Jean-Claude Requier ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.

avenir de l’hôpital public

M. Pierre Laurent ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.

approvisionnement en masques de protection

M. Jérôme Durain ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur ; M. Jérôme Durain.

souveraineté numérique

M. Joël Guerriau ; M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique ; M. Joël Guerriau.

relations entre l’état et les collectivités locales

M. Philippe Bas ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.

exonération de charges pour les petites entreprises, les indépendants et les commerces

M. Vincent Delahaye ; Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; M. Vincent Delahaye.

conséquences économiques de la crise sanitaire

M. Philippe Pemezec ; Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

fin de vie dans les ehpad

M. Jean-Claude Tissot ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.

lutte contre les violences intrafamiliales en période de confinement

M. Vincent Capo-Canellas ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé ; M. Vincent Capo-Canellas.

stratégie en matière de port de masques de protection

M. Stéphane Ravier ; M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.

4. Ordre du jour

COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Catherine Deroche,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 1er avril 2020 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Conférence des présidents

M. le président. Mes chers collègues, les conclusions adoptées par la conférence des présidents qui s’est réunie hier sont consultables sur le site du Sénat.

Elles prévoient le maintien chaque mercredi d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, sous le format adapté et restreint déjà mis en place, pour le restant des semaines du mois d’avril.

En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.

Conclusions de la conférence des présidents

Mercredi 8 avril 2020

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 7 avril 2020 à dix-huit heures

Mercredi 15 avril 2020

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 14 avril 2020 à dix-huit heures

Mercredi 22 avril 2020

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 21 avril 2020 à dix-huit heures

Mercredi 29 avril 2020

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 28 avril 2020 à dix-huit heures

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat.

Monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite excuser l’absence du ministre Marc Fesneau, qui est retenu par un deuil familial.

Je tiens à lui exprimer, au nom du Sénat, toute ma sympathie dans l’épreuve que lui-même et sa famille traversent. Je me suis entretenu hier avec lui au téléphone : qu’il sache que les présidents des groupes s’associent pleinement à mon propos.

premier bilan du confinement

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe La République En Marche.

M. François Patriat. Monsieur le président, pour reprendre les propos que vous avez tenus récemment, l’heure est aujourd’hui à la lutte contre l’épidémie, ainsi qu’au soutien aux personnels soignants et à tous ceux qui souffrent de cette monstrueuse maladie.

Monsieur le Premier ministre, la France entre ces jours-ci dans une quatrième semaine de confinement, dispositif qui sera sans doute appelé à être prolongé, chacun en est bien conscient. L’heure est plus que jamais à l’unité nationale, comme ce fut toujours le cas pour notre peuple dans les périodes tragiques. Et j’espère que cette unité nationale sera renforcée, même si je sais que c’est difficile, par une unité européenne.

J’entends bien ici et là se lever les critiques de divers donneurs de leçons, non pas pour informer ou pour participer, mais pour instaurer par avance, à un moment malvenu, des procès. La critique est aisée, mais l’art est difficile.

Or, selon un sondage paru ce matin, 67 % des Français disent avoir bon moral, malgré la situation sanitaire et les mesures de confinement. Nous savons que le pic de la contagion est encore devant nous, même si la courbe s’est heureusement aplanie. Cependant, nul ne peut nier que les conséquences économiques et sociales seront graves et nous affecteront fortement.

À mon tour, je remercie toutes celles et tous ceux qui participent à l’effort national, notamment le personnel soignant, bien entendu, sans oublier les Français qui suivent les consignes de sécurité.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous faire part du bilan de ces trois premières semaines sur le plan de la santé, mais aussi sur les plans économique et social, au vu de toutes les mesures importantes prises par le Gouvernement, le plus souvent avec l’accord de notre assemblée ?

Il s’agit de bien faire comprendre aux Français que leurs efforts paient, afin de les encourager à les poursuivre.

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Patriat, vous me demandez un point d’étape sur le confinement.

Cette mesure a été prise conformément à la stratégie suivante : faire en sorte que le nombre de cas sévères de malades qui justifient une hospitalisation et, parfois, une admission dans un service de réanimation ne dépasse pas la capacité d’accueil des établissements français. Tel est l’objectif du confinement.

Pour faire face au nombre élevé des cas sévères, nous avons considérablement augmenté notre capacité d’accueil dans les services de réanimation.

J’y insiste, parce qu’il s’agit en vérité d’un succès à bas bruit. Le système de soins français est passé d’une capacité normale de 5 000 lits de réanimation à plus de 10 000 lits aujourd’hui, tout en continuant d’accueillir, dans des conditions de tension considérable, un nombre de malades en situation grave, souvent pendant une très longue période. C’est exceptionnel.

La mobilisation du système de soins, c’est bien évidemment l’engagement des personnels soignants, il faut le dire et le répéter, mais aussi l’engagement de tous ceux qui concourent à l’offre de soins.

Je pense notamment aux personnels administratifs dans les agences régionales de santé, qui ont accompli un travail remarquable pour permettre, justement, la montée en puissance des capacités de réanimation. Je pense aussi à ceux qui ont organisé les évacuations sanitaires auxquelles nous avons procédé entre régions ou vers l’étranger : ils ont réalisé un exploit logistique qui n’avait jamais été seulement imaginé dans de telles proportions.

Au moment où nous parlons, le nombre d’admissions dans les services de réanimation – c’est l’indicateur essentiel que nous suivons à ce stade – ralentit, bien qu’il progresse encore ; l’augmentation est désormais très lente.

Nous avons dépassé le seuil des 7 000 personnes en réanimation, ce qui est du jamais vu ! Il n’y avait jamais eu en France autant de personnes dans cette situation à cause d’une seule et même maladie. Et jusqu’à présent, nous avons réussi à accueillir dans ces services tous les cas sévères.

Un élément laisse entrevoir un peu d’espoir – vous remarquerez ma prudence, monsieur Patriat. En effet, la progression continuant de ralentir, peut-être sommes-nous en train d’atteindre quelque chose qui ressemblerait à un plateau, ce qui constitue plutôt une bonne nouvelle. Tel est très certainement l’effet du confinement, ce qui vient confirmer la nécessité de cette mesure.

Tel est le bilan sanitaire que je souhaitais dresser. S’il est possible de faire un point d’étape, en revanche, il n’est pas possible d’établir le bilan définitif du confinement, car ce dernier est appelé à durer.

Si tel n’était pas le cas, ou si le confinement n’était pas respecté, nous prendrions le risque – ce serait même une certitude – d’une propagation très rapide du virus. Aussi, le nombre de cas admis en réanimation augmenterait, alors même que le tissu hospitalier a été sursollicité et qu’il se trouve dans un état de stress et de fatigue qu’il faut évidemment bien avoir en tête.

C’est la raison pour laquelle, je le dis régulièrement, l’heure du déconfinement n’est pas venue. Toute notre énergie doit être consacrée à faire en sorte que le confinement soit respecté, pour que ses effets positifs puissent se confirmer, au travers du nombre de cas sévères admis en réanimation.

J’ajoute qu’un certain nombre d’inquiétudes qui étaient les nôtres, notamment sur la capacité à fournir des médicaments compte tenu de l’augmentation incroyable de l’utilisation de ces derniers, en France et partout dans le monde, à un rythme incroyablement intense, n’ont plus lieu d’être. Nous savons faire face à ce risque, ce dont je me félicite.

Le confinement a donc un effet sanitaire positif s’agissant du Covid-19. Mais il a également un effet sanitaire négatif qu’il convient de ne pas négliger, à savoir le moindre recours aux soins de tous ceux qui sont malades ou susceptibles de l’être. Il peut en effet leur être difficile d’aller chez le médecin ou de trouver un spécialiste, lequel a parfois cessé son activité ; j’ai un exemple précis en tête, dans une ville qui m’est chère.

Le ministre des solidarités et de la santé a été très clair hier s’agissant de cet enjeu sanitaire essentiel : les soins de ville et les examens doivent continuer à être prodigués pendant la durée du confinement. C’est le deuxième point que je voulais souligner.

Le troisième point a trait à l’impact économique, qui est massif, très négatif et brutal. Il se traduira, en France comme partout dans le monde – les impacts nationaux se répondront et accroîtront encore le phénomène –, par un choc économique que chacun imagine, mais dont personne ne connaît encore l’ampleur.

S’agissant du bilan des mesures prises, le dispositif de chômage partiel, que nous avons proposé et que vous avez adopté, est très fortement sollicité, puisque près de 6 millions de salariés sont aujourd’hui concernés, ce qui est absolument considérable en termes de coût collectif.

Les reports de charges fiscales et sociales ont permis de soulager de près de 7 milliards d’euros la trésorerie des entreprises pour le seul mois de mars dernier. Bien évidemment, c’est aussi quelque chose de considérable.

Le Fonds de solidarité a été abondé par l’État, à hauteur de 750 millions d’euros, par les assureurs, à hauteur de 100 millions d’euros – mais ils ont promis 200 millions d’euros – et par les régions, qui verseront bientôt leur contribution.

Ce fonds, créé au début de la semaine, a déjà répondu à près de 700 000 demandes. Il a distribué, ou il est sur le point de le faire, 700 millions d’euros aux TPE (très petites entreprises) les plus durement frappées par la crise.

Enfin, le prêt garanti par l’État se déploie rapidement, avec des préaccords de financement qui portent, au moment où je vous parle, sur plus de 13 milliards d’euros.

Même si la réponse est massive, l’impact sera considérable, ne nous voilons pas la face. Il est encore beaucoup trop tôt pour l’apprécier, puisqu’il sera très directement lié à la durée du confinement, lequel est aujourd’hui appelé, de toute évidence, à persister quelque temps encore. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point. (M. François Patriat applaudit.)

accueil du public dans les commerces alimentaires

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, après maintenant plus de trois semaines de confinement, l’immense majorité de nos concitoyens a pris la mesure des règles de sécurité sanitaire à appliquer.

Bien sûr, toutes ces contraintes sont difficiles à vivre. Je me réjouis de la vertu civique de tous ceux qui ont compris que nous vaincrons aussi ce virus par notre responsabilité collective. À charge, pour l’État, de transmettre des recommandations claires et cohérentes, qui seront ainsi d’autant plus efficaces.

Je voudrais évoquer la situation des commerces alimentaires, qui assurent chaque jour l’approvisionnement de notre pays, sans rupture majeure. Je veux saluer en particulier tous les salariés de ce secteur, dont nous mesurons encore plus l’importance, à un moment où ils travaillent dans des conditions difficiles et parfois angoissantes. Nous devons les protéger.

Pour beaucoup de Français, aller faire ses courses est devenu la seule sortie, créant parfois un « effet promenade » irresponsable lorsque cette sortie devient familiale ou s’étire dans la durée.

Si votre gouvernement a déjà restreint la tenue des marchés en lieux ouverts, aucune norme n’a encore été édictée pour préciser les conditions d’accueil du public dans les grandes surfaces et protéger les salariés comme les clients. Cette réglementation est pourtant indispensable, dès lors que les grandes surfaces captent l’essentiel de la distribution alimentaire et peuvent, en outre, vendre d’autres produits.

Monsieur le Premier ministre, des propositions sont déjà sur la table. Par exemple, en Loire-Atlantique, un groupe de soutien scientifique créé sur l’initiative de notre collègue Ronan Dantec a formulé plusieurs recommandations, validées régionalement par l’ARS (agence régionale de santé), telles que la nécessité de se laver les mains à l’entrée des grandes surfaces. En Espagne, il est désormais exigé un panier minimum de course pour justifier une sortie.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous saisir le Haut Conseil de la santé publique de ce sujet ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Requier, comme vous, je souhaite tirer un coup de chapeau à l’ensemble de la chaîne alimentaire, des producteurs aux distributeurs, quelle que soit d’ailleurs la forme de cette distribution.

Le système français tient. Il permet à notre pays de ne connaître ni de craindre de pénurie alimentaire. C’est un remarquable exemple de résilience, même si tout cela s’effectue dans des conditions parfois difficiles, je le sais. Le pays a réussi à trouver une façon de garantir l’approvisionnement alimentaire, et je veux saluer tous ceux qui participent à cet effort, qu’ils soient producteurs, agriculteurs ou commerçants de la petite ou de la grande distribution.

Les petits commerces, comme les boulangeries, continuent à exercer leur activité, dont nous avons besoin. Ils nous permettent non seulement de conserver un minimum de lien social, ce qui est utile, mais aussi de garantir le bon approvisionnement alimentaire. Comme vous, monsieur Requier, je tiens à les saluer.

Je le rappelle, l’ensemble des commerces alimentaires peut fonctionner, dans la mesure évidemment où ceux-ci sont capables de garantir la sécurité sanitaire et le bon fonctionnement de leurs activités.

Vous avez évoqué les règles. Il y a tout d’abord des règles générales – je pense au respect des gestes barrières et de la distanciation sociale –, qui doivent être respectées.

Face à une épidémie, le courage, c’est le civisme, c’est-à-dire le respect d’une règle commune.

Nous avons besoin de civisme, y compris dans l’acte le plus quotidien, celui d’acheter son pain. Néanmoins, cet appel au bon sens – ce dernier prévaut dans l’immense majorité des cas, nous le savons tous – ne suffit pas. Il faut bien évidemment organiser les choses de façon que la sécurité sanitaire soit assurée.

C’est la raison pour laquelle la ministre du travail, avec les organisations syndicales et toute une série d’experts, a lancé une réflexion visant à produire des guides de bonnes pratiques, métier par métier, activité par activité. Ces documents sont très concrets et souvent très imagés. Il s’agit de proposer de bonnes conduites permettant d’atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé.

Ces guides sont désormais au nombre de trois, me semble-t-il, et s’appliquent notamment à la boulangerie et aux métiers de caisse.

J’invite l’ensemble de ceux qui participent à cette chaîne d’activité à se reporter à ces guides et à les mettre en œuvre. C’est à ce prix que nous pourrons faire prévaloir à la fois les règles de bonne conduite, de civisme et de sécurité sanitaire et la nécessaire poursuite de l’activité. Les petits artisans du commerce alimentaire et les grandes surfaces de distribution alimentaire doivent continuer leur activité et survivre. Elles rendent en effet à la Nation un service inestimable.

Dans une période de confinement, il ne peut y avoir uniquement l’activité hospitalière et l’activité de soins. Il faut bien que notre pays continue à manger et à disposer d’électricité. Toute une série d’activités doit continuer à être assurée, parfois dans le cadre d’un service minimum, afin que les chaînes logistiques ne s’interrompent pas, pour ne pas perturber in fine la continuité de la vie de la Nation.

Autrement dit, il faut conjuguer trois éléments : respect du civisme, coup de chapeau à ceux qui organisent la production et distribution et guides de bonnes pratiques. J’espère que, ainsi, tout se passera pour le mieux.

M. Jean-Claude Requier. Très bien !

avenir de l’hôpital public

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, quand la pandémie a frappé notre pays, médecins et personnels soignants vous alertaient depuis des années. Vous refusiez de les écouter.

Après notre tour de France des hôpitaux, nous avons déposé un projet de loi d’urgence, à la fin de 2019. Vous avez refusé de nous écouter.

Toujours à la fin de 2019, vous avez fait voter un projet de loi de financement de la sécurité sociale si insuffisant que, hier, le bureau de la commission des affaires sociales du Sénat a soutenu unanimement la demande d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative.

Aujourd’hui, médecins et personnels se donnent corps et âme, admirables, pour sauver des vies. Tout le pays les soutient. Mais ils ont la rage au cœur. Le dévouement n’a pas effacé la colère, monsieur le ministre, soyez-en sûr.

Aujourd’hui, vos mots changent. Vous dites : « Rien ne sera plus comme avant ». Le Président de la République a affirmé, au fil de ses déclarations, que « la santé gratuite est un bien précieux », qu’« il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché » et qu’« un plan d’investissement massif devra être conduit pour l’hôpital public ».

Que vont devenir ces mots, monsieur le ministre ?

Nous apprenons par exemple avec stupéfaction, par Mediapart, qu’une note d’experts de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), commandée par l’Élysée, prévoit au contraire d’aggraver la marchandisation de la santé et de l’hôpital.

C’est hallucinant, alors même que dans le pays les balcons non seulement applaudissent, mais désormais se couvrent de banderoles pour demander – je cite, par exemple, les termes d’une pétition qui vient de recueillir 100 000 signatures en quelques jours – « de l’argent pour l’hôpital, pas pour le capital » !

Monsieur le ministre, j’ai deux questions.

Premièrement, pouvez-vous démentir que l’orientation prônée par la note de la CDC soit actuellement envisagée ?

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je n’ai pas reçu cette note !

M. Pierre Laurent. Deuxièmement, comment le futur plan pour l’hôpital et pour la stratégie de santé publique va-t-il être construit ? Par qui ? Selon quel processus transparent ?

En clair, quelle méthode d’élaboration démocratique allez-vous mettre en place dans le pays et au Parlement pour que, vraiment, rien ne soit plus comme avant, et surtout pas votre méthode de gouvernement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, je vous remercie de votre question, qui porte sur l’hôpital – le Premier ministre a eu l’occasion de souligner, il y a quelques instants, que l’hôpital pouvait réaliser des choses incroyables dans notre pays.

J’ai toujours considéré – comme vous, je le sais – que l’hôpital public, comme d’ailleurs l’hôpital privé, était un outil puissamment moderne et agile, capable de soulever des montagnes, capable de doubler, voire de tripler, le nombre de ses lits de réanimation quand il le faut pour sauver des vies, capable de mobiliser son personnel d’un jour à l’autre, d’un bout à l’autre de la France, toujours pour sauver des vies.

Alors que semble se profiler, comme l’a dit le Premier ministre, le plateau de cette vague épidémique, cet hôpital moderne et solide nous permet d’éviter des situations humaines plus désastreuses encore, telles que celles que nous avons pu observer à l’étranger.

C’est pourquoi nous avons annoncé, dès la semaine dernière, que tous les plans et opérations de restructuration hospitalière, même ceux qui sont soutenus par les élus, quel que soit leur bord politique, y compris, d’ailleurs, lorsqu’il s’agit du vôtre – cela arrive ! –, étaient suspendus pendant la période que nous traversons. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Si, je vous assure que tel est le cas.

Dans la crise provoquée par le coronavirus, nos efforts sont totalement consacrés au soutien de l’hôpital et des soignants. Et le Président de la République, le 23 mars dernier, à Mulhouse, a eu des mots très forts – vous les avez vous-même rappelés, d’ailleurs –, annonçant un grand plan d’investissements, une revalorisation des carrières et, pour notre système de santé, une reconnaissance à la mesure de ce qu’il apporte de merveilleux dans notre société.

Vous m’interrogez aussi sur la méthode. Celle-ci passe par une concertation. Il est indispensable que nous demandions à celles et à ceux qui font l’hôpital aujourd’hui, et qui sont applaudis par les Français, ce qu’ils attendent de l’hôpital, de leur outil de travail, pour aujourd’hui comme pour demain. Cela ne doit pas nous retarder, néanmoins, dans notre capacité à dire à l’hôpital, qui nous apporte tant, ce que, en retour, nous voulons lui apporter.

Les choses, monsieur Laurent, sont donc très claires. Ce débat traversera l’ensemble de la représentation nationale, ici comme à l’Assemblée nationale, mais je suis presque certain que nous saurons trouver, après une épidémie de cette ampleur, des voies de passage vers un consensus.

Ce consensus ne sera peut-être pas total, mais il me semble que la direction voulue par le Gouvernement pour l’hôpital est largement partagée sur les travées de cette assemblée – tel est en tout cas le message que je reçois de la part de l’union nationale qui s’est fait jour depuis le premier instant de cette crise épidémique.

approvisionnement en masques de protection

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Jérôme Durain. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Le Président de la République a décrété l’état de guerre et la mobilisation générale contre le coronavirus. Des élus de tous les partis se sont mobilisés pour répondre aux besoins exprimés par le personnel des hôpitaux, par celui des Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), par les pharmaciens et par les soignants libéraux.

Ces besoins n’étaient, pour certains, pas satisfaits par l’État. Des régions, des départements et des communes se sont démenés pour combler les manques, notamment en masques. Ils l’ont fait en informant l’État, par l’intermédiaire des préfets et des agences régionales de santé (ARS).

L’État a malheureusement pu donner l’impression de ne pas être capable d’accompagner l’action de chacun de ces acteurs. Un épisode malheureux a ainsi eu lieu lors de la réception d’une livraison de masques commandée par les régions Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est, ainsi que par l’État. En effet, l’armée a réquisitionné, sur le tarmac, l’ensemble de la commande. Cette réquisition aurait pu être comprise si elle avait été annoncée, expliquée ou justifiée. Il n’en a rien été !

Plusieurs autres cas similaires constatés sur le territoire national renvoient aux élus locaux un sentiment décourageant de frustration, voire d’inefficacité. Ceux qui voient les masques dont ils ont besoin partir vers d’autres territoires le ressentent même comme une expression de mépris à l’égard de leur propre population.

Alors même que, sur le terrain, le dialogue est bon entre l’État territorial et les élus, comme entre les élus eux-mêmes, l’État central continuer de donner le sentiment qu’il improvise, faute d’avoir suffisamment anticipé, et qu’il coordonne mal ses troupes, préfets et ARS.

Cette question de la confiance et de la coordination entre les acteurs est primordiale. Nos besoins en masques ne vont pas diminuer ; un nouveau changement de doctrine concernant le port des masques est d’ailleurs attendu.

Monsieur le ministre, allez-vous transmettre et faire appliquer des consignes claires, pour que l’État régule, coordonne et ne parle que d’une seule voix ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Christophe Castaner, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Durain, vous posez la question des difficultés d’approvisionnement en masques sur le marché mondial et vous évoquez les commandes réalisées par les uns et par les autres – les collectivités locales, vous l’avez dit, prennent toute leur part de cet effort.

L’événement que vous mentionnez – il est important de partir de ce qui s’est réellement passé à l’aéroport de Bâle-Mulhouse –, est la conséquence de la course aux masques.

Un certain nombre d’importateurs prennent des commandes de différents interlocuteurs, État ou collectivités locales.

Dans le cas particulier que vous évoquez, il n’y a pas eu de réquisition, ni par l’armée ni par qui que ce soit. Il y a eu des commandes – des commandes légitimes, fortes, faites par des collectivités locales et par l’État, et en particulier par l’ARS du Grand Est. Cette dernière avait commandé et attendait de l’importateur dont il est question quelque 6 millions de masques.

Toutefois, les livraisons initialement prévues n’ont pas été au rendez-vous. Une première commande de 2 millions de masques a été livrée à l’ARS, qui a pu distribuer ceux-ci largement ; l’importateur devait livrer le reste, soit 4 millions de masques, dimanche dernier, par un avion spécialement affrété.

Or cet importateur avait aussi pris les commandes de deux collectivités locales, la région Bourgogne-Franche-Comté et le département des Bouches-du-Rhône. Au moment de la livraison, seuls 3,4 millions de masques étaient disponibles ; ils ont été dévolus en priorité aux personnels soignants de la région Grand Est. Chacun sait qu’il ne s’agit pas là de concurrence, dès lors que l’enjeu était de fournir en priorité ces personnels soignants.

Votre question me donne l’occasion de réaffirmer – je le ferai de nouveau dans quelques instants en répondant au sénateur Philippe Bas – qu’il n’est évidemment pas question qu’une guerre des masques ait lieu entre les collectivités locales et l’État. Nous devons tout faire pour travailler main dans la main ; c’est là le sens des instructions que j’ai rappelées hier soir à l’ensemble des préfets.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.

M. Jérôme Durain. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse.

Ce que nous constatons sur le terrain, c’est que, dans ma région du moins, nous travaillons bien avec l’État, avec le préfet et avec l’ARS, mais que les préfets ne se parlent pas forcément entre eux, non plus que les ARS entre elles, et que les premiers n’échangent pas toujours avec les secondes, que ce soit sur cette question des masques ou sur d’autres problèmes.

Il s’agit d’une question non pas d’achat ou d’approvisionnement, mais de coordination. Face au coronavirus, nous avons besoin d’une équipe soudée. Elle l’est. Mais il nous faut aussi un bon entraîneur : l’État !

souveraineté numérique

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Joël Guerriau. Monsieur le secrétaire d’État chargé du numérique, les Français confinés utilisent massivement le numérique pour travailler à distance, pour faire leurs achats, pour se divertir ou encore pour échanger avec leurs proches. La géolocalisation peut être par ailleurs un outil pour traquer les déplacements et endiguer la diffusion du Covid-19.

Tout cela pose des problèmes d’éthique, de liberté individuelle et de respect des données personnelles, mais soulève aussi le problème de la souveraineté numérique française.

La situation actuelle révèle et renforce notre dépendance aux Gafam. Ces géants prennent une part de plus en plus prépondérante dans notre économie, sans payer d’impôts à la hauteur de leurs profits.

Les entreprises françaises souffrent pendant que ces géants gagnent des parts de marché. Il serait normal que les entreprises qui, en définitive, bénéficient de cette crise contribuent financièrement à aider celles qui en pâtissent.

Le confinement agit en réalité comme le révélateur de nos faiblesses en matière d’approvisionnement en équipements – cela vient d’être dit – et en médicaments, mais aussi concernant la maîtrise d’internet. Nous devons penser cette crise comme une occasion de modifier notre modèle de développement, trop dépendant d’autres nations dans des domaines majeurs.

Monsieur le secrétaire d’État, comment comptez-vous bâtir la souveraineté française et européenne dans le domaine des hautes technologies du numérique ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances et du ministre de laction et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Guerriau, je ne sais que vous dire, si ce n’est que le Gouvernement et moi-même partageons bien évidemment votre préoccupation.

Je ne puis que m’interroger, et même m’inquiéter, quand je vois que, en cette période, l’ensemble des Français, mais aussi les institutions, ont massivement recours aux outils numériques des entreprises américaines. Même l’État, dès lors qu’il s’agit par exemple d’organiser des visioconférences, décide instantanément – c’est peut-être le cas ici aussi – d’utiliser une application américaine, qui, certes, fonctionne très bien, mais qui pose énormément de questions.

Ce que vous dites est totalement fondé. Ce sujet intéresse d’ailleurs beaucoup la Haute Assemblée, qui a mis sur pied une commission d’enquête sur la souveraineté numérique, présidée par M. Montaugé et dont le rapporteur est M. Longuet.

La question de l’émergence de solutions et de champions numériques, français et européens, est au cœur du problème de l’indépendance et du respect des valeurs – vous en avez parlé – de la France et de l’Europe, ce qui corrobore la stratégie qui a été celle du Gouvernement depuis trois ans, parfois un peu raillée sous le terme de « start-up nation » : faire émerger des champions du numérique est indispensable.

On le voit en particulier dans certains secteurs ; je pense à la télémédecine ou à la façon dont, lorsqu’il est devenu nécessaire pour l’éducation nationale de déployer son espace numérique de travail en direction d’un nombre beaucoup plus important d’élèves, la disponibilité de serveurs français a été extrêmement appréciée.

En France, aujourd’hui, sept entreprises sont des « licornes », c’est-à-dire valent plus d’un milliard d’euros. Quatre d’entre elles ont émergé au cours de l’année dernière, en partie grâce à la politique menée par le Gouvernement.

Néanmoins, nous devons accélérer, et la question que vous posez est absolument essentielle en vue de l’après-crise – nous n’y sommes pas encore. Parmi les éléments qui devront fonder la réflexion économique et souveraine de la France et de l’Europe dans l’après-crise figure notre capacité à travailler notre souveraineté dans le domaine sanitaire, tout d’abord et évidemment, puis dans le domaine numérique.

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.

M. Joël Guerriau. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, et je me réjouis que vous partagiez cette orientation. Le fait même de l’existence d’un secrétariat au numérique nous donne d’ailleurs, à cet égard, de l’espoir.

J’y insiste d’autant plus que la question se pose dans d’autres domaines, notamment la défense nationale. Nos forces armées et notre police doivent pouvoir disposer d’outils leur permettant de se prémunir contre une attaque terroriste ou de réagir à des cyberattaques. Dans ce domaine, il faut absolument que nous devenions souverains.

J’ai confiance en notre capacité à y travailler tous ensemble et à créer, pour notre pays, un nouveau modèle de développement nous permettant de faire face, en toute indépendance, à des crises comme celle que nous vivons.

relations entre l’état et les collectivités locales

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Bas. J’aurai deux questions. La première concerne l’organisation de notre pays pour faire face à la crise.

Monsieur le Premier ministre, l’État n’est pas seul face au Covid-19.

Tout d’abord, il y a tous les Français, sans lesquels le confinement ne pourrait être efficace – il faut d’ailleurs saluer l’esprit de discipline dont, globalement, ils font preuve, ainsi que leur esprit de responsabilité individuelle dans l’intérêt collectif.

Ensuite, il y a les collectivités territoriales : les maires, qui assurent la continuité du service aux habitants, qui sont à l’écoute des plus vulnérables et qui fournissent aux écoliers le matériel dont ils ont besoin ; les départements, qui ont mis à la disposition de l’État les laboratoires départementaux et interdépartementaux, afin de réaliser les tests de dépistage, mais qui s’occupent aussi des collégiens et des personnes âgées ou handicapées ; les régions, qui participent au fonds de solidarité que vous avez mis en place.

C’est toute une harmonie qu’il faut réussir à créer entre les différents intervenants, auxquels s’ajoutent les initiatives philanthropiques, nombreuses elles aussi.

La situation qu’a rappelée précédemment notre collègue Durain nous préoccupe tous ; il faut absolument que vous réussissiez à ne pas décourager l’initiative des régions et des départements, et la région Bourgogne-Franche-Comté n’est pas la seule concernée, car il y a d’autres collectivités qui agissent. Ces initiatives doivent être bien coordonnées et harmonisées, et, pour cela, il faut que vous vous en donniez les moyens. Je souhaite donc savoir comment vous allez vous y prendre.

Ma seconde question est très aiguë et immédiate. Nous partageons tous une préoccupation : celle de nos aînés, de nos parents ou, pour les plus jeunes d’entre nous, de nos grands-parents âgés, en particulier ceux qui résident dans les maisons de retraite médicalisées.

La commission des affaires sociales a entendu, ce matin, la présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Nous constatons que, dans de très nombreuses maisons de retraite, le personnel n’a toujours pas, en nombre suffisant, les masques dont il a besoin pour éviter les contaminations.

Il est très important que le Gouvernement accélère la mise à disposition, pour ce personnel, des équipements qui sont indispensables, afin de faire face au risque d’épidémie mortifère dans les maisons de retraite.

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, il y a deux aspects dans votre question : le problème général de la collaboration entre l’État et les collectivités territoriales dans la gestion de cette crise sanitaire et la situation spécifique des personnes âgées en situation de dépendance et, plus généralement, de toutes les personnes fragiles accueillies dans des structures collectives.

Je commence par le premier aspect de votre intervention. Vous avez raison de le dire, dans une crise sanitaire, il y a bien sûr l’État, mais il n’y a pas que lui : il y a la Nation, les collectivités territoriales et les entreprises. Or, heureusement, depuis le début de cette crise sanitaire, nous avons vu, à côté de l’État et souvent en bonne intelligence avec celui-ci, de très nombreuses autres entités, publiques ou privées, s’associer à l’effort collectif.

J’évoquais précédemment le fonds de solidarité ; de quoi s’agit-il, finalement ? D’un réceptacle financier ayant pour objectif d’accompagner les entreprises les plus petites qui se trouvent confrontées à une interruption, complète ou partielle, de leur activité, donc à une difficulté qui met en cause leur existence même. L’État abonde ce fonds – il l’a créé –, il verse les montants correspondant à son premier étage, qui est automatique ; c’est la DGFiP (direction générale des finances publiques) qui s’en charge.

En sus, des entreprises – notamment les assureurs, à hauteur de 200 millions d’euros – sont venues participer à ce dispositif ; elles l’ont fait volontairement, après que nous en avons discuté avec elles, et je les en remercie, car c’est très utile. D’autres entreprises, parfois discrètement et sans l’annoncer, ont également abondé le fonds de solidarité, parce qu’elles considéraient qu’elles devaient participer à cet effort.

Enfin, les régions ont accepté de verser 250 millions d’euros et d’instruire, avec l’État, le deuxième étage du fonds, celui qui doit permettre d’accompagner, un peu plus encore, les entreprises se trouvant dans une situation particulière ou plus difficile, en fonction d’une appréciation qui doit se faire à l’échelon régional et qui peut être observée.

Voilà un exemple – il y en a bien d’autres – de collaboration intelligente entre différentes entités, en particulier entre les collectivités territoriales et l’État.

Je pourrais en citer mille autres. Ainsi, très souvent, les communes ont remarquablement joué le jeu de l’accompagnement des enfants de soignants aux côtés de l’éducation nationale. Certaines ont même complété ou rendu plus efficace le dispositif. D’autres ont proposé des activités périscolaires, qui, là encore, ont pu être incroyablement précieuses pour les soignants ayant besoin de faire garder leurs enfants afin de se consacrer pleinement à leur tâche, notamment à l’hôpital.

Cette collaboration, nous entendons la chérir, la préserver et la développer.

C’est la raison pour laquelle, lorsque je reçois les responsables politiques, je le fais avec les présidents des grandes associations d’élus, de sorte que chacune des strates importantes de collectivités territoriales soit informée et, dans toute la mesure du possible, associée.

Pour ce qui concerne les personnes les plus fragiles accueillies dans des structures collectives, c’est là que se joue, si j’ose dire, la seconde bataille. La première – je l’évoquais précédemment en réponse au président Patriat – est hospitalière ; la seconde se livre dans les Ehpad et dans les structures qui accueillent, notamment, des personnes en situation de handicap.

Pour gagner cette bataille-là, il faut mobiliser des moyens, faire en sorte de pouvoir tester et protéger et mettre en place une logistique très particulière, car il y a, sur l’ensemble du territoire national, plus de 7 000 établissements qui relèvent de cette logique. Le ministre des solidarités et de la santé a indiqué que sa priorité était de développer les tests, notamment virologiques, dans les Ehpad et dans les structures collectives dont nous parlons.

Pour le faire dans de bonnes conditions, il faut évidemment s’appuyer sur les laboratoires départementaux, que vous avez vous-même évoqués.

Nous avons rendu cela possible, et ce n’était pas si simple. Je sais que certains se sont émus du temps qu’il a fallu pour lever les limites qui existaient en la matière ; la vérité, c’est que ce n’était pas si simple, car ces limites ont été instituées par des normes. Ce n’est pas le gouvernement actuel qui a inventé ces dernières et, du reste, elles ne l’ont pas été pour ennuyer le monde ; elles l’ont été pour garantir un certain niveau de sécurité. Cela arrive, et je ne critique personne ; mais, pour lever ces limites, il a fallu, croyez-moi, un certain effort.

Aujourd’hui, c’est possible, et c’est tant mieux. Nous pourrons donc nous appuyer sur ces structures, de la même façon que nous nous appuierons sur elles, grâce à un travail, réalisé en bonne intelligence, du ministre et de l’Association des départements de France, portant sur les structures départementales, afin de collecter les tests et de procéder à leur analyse.

C’est, là encore, un travail en bonne intelligence qui se construit, certes dans des circonstances véritablement uniques dans notre histoire récente et même assez ancienne. Il se passe bien et il doit se dérouler de mieux en mieux.

Quel que soit l’échelon de collectivité considéré, nous devons gagner cette bataille et nous ne la gagnerons pas seuls ; personne ne la gagnera seul. Il faut donc faire en sorte que cette intelligence des territoires, cette coordination des bonnes volontés et des compétences, puisse se faire dans les meilleures conditions.

Je le sais, il y a çà et là des frottements et des différences d’approche ; ce n’est pas anormal et, au fond, cela ne nous surprend pas. L’important est que chacun y mette du sien et que l’on dépasse ces difficultés, pour atteindre le résultat visé.

exonération de charges pour les petites entreprises, les indépendants et les commerces

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe Union Centriste.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.

La crise sanitaire que nous connaissons aujourd’hui débouchera sur une crise économique sans précédent. Dans leur grande marge majorité, les Français, anesthésiés par le confinement et par la peur du virus, n’en ont pas encore conscience, mais la catastrophe économique à venir entraînera de graves conséquences sociales.

Le Gouvernement a pris la mesure de la gravité de la situation, en lançant un premier plan de soutien économique : délais de paiement pour les charges sociales et fiscales, rééchelonnement des crédits bancaires, mobilisation de Bpifrance, simplification et renforcement du chômage partiel.

Parmi les mesures les plus notables, figure la possibilité, pour les entreprises de moins de 50 salariés, les travailleurs indépendants et les micro-entrepreneurs de différer le paiement des charges sociales ou des impôts directs. Cette mesure a offert une respiration salutaire à ses bénéficiaires.

Elle était nécessaire ; elle nous paraît aujourd’hui insuffisante.

La perspective d’un décaissement important à venir de ces sommes est comme une épée de Damoclès suspendue au-dessus de structures dont la pérennité est menacée. Même avec des facilités de paiement, nombre d’entre elles ne pourront pas payer ces charges reportées, n’ayant perçu aucune recette pendant la période de confinement et ne disposant d’aucune réserve ou marge financière dans leur activité.

M. le ministre de l’économie a confié, devant la commission des affaires économiques, réfléchir à l’effacement de certains prélèvements obligatoires pour les indépendants, les TPE et certaines PME. Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous le confirmer ?

Si tel est le cas, nous sommes bien conscients qu’un tel dispositif devrait être strictement encadré, pour éviter fraudes, abus et effets d’aubaine. Ainsi, quels pourraient être, selon vous, les critères à réunir pour bénéficier d’un dégrèvement de dette sociale et fiscale ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Vous l’avez souligné, monsieur le sénateur Delahaye, nous avons mis en place, dans le cadre de cette crise économique, un plan massif d’accompagnement. Celui-ci visait, en premier lieu, à alléger et à soutenir la trésorerie des entreprises, car tout dépôt de bilan procède, à l’origine, d’un problème de trésorerie.

C’était la première étape ; elle était nécessaire et elle devait être immédiatement mise en œuvre. C’est ce que nous avons fait avec le report des charges sociales et fiscales.

Ainsi, à ce stade, nous avons reçu, pour ce qui concerne le report fiscal, plus de 54 000 demandes représentant 45 000 entreprises et 3,2 milliards d’euros de trésorerie apportés, en creux, à ces entreprises ; le report social a concerné, à ce jour, 1,8 million de professionnels représentant 4,7 milliards d’euros.

On le voit, la mesure est massive. Elle s’accompagne du fonds de solidarité des entreprises, dont on commence à voir les paiements arriver sur les comptes en banque des indépendants, ainsi que de cette mesure sur la trésorerie, qui permet aux entreprises le demandant et remplissant les critères de bénéficier d’un crédit de trésorerie qui représente 25 % de leur chiffre d’affaires annuel.

Ce premier temps doit être complété, au mois d’avril, pour poursuivre l’effort engagé.

Il faut également le compléter en anticipant l’identification du point de sortie de la crise, car l’accompagnement ne sera probablement pas de même dimension si la reprise ou le retour à la normale – d’ailleurs, que voudra dire « la normale » ? – a lieu à la fin avril, à la fin mai, ou prend plus de temps. En effet, nous ne sommes pas le seul pays atteint et, vous le savez très bien, nos économies étant toutes très liées, la consommation mondiale ne repartira pas au quart de tour, sans parler des chaînes logistiques, qui sont durement éprouvées.

Oui, nous réfléchissons à des dégrèvements. C’est aujourd’hui possible sur demande ; c’est assez peu utilisé, parce que tout le monde, je pense, est dans une situation d’attente et d’observation, mais cela sera examiné, comme nous le faisons généralement pour les entreprises en difficulté, en revoyant les échéanciers et en abattant des paiements fiscaux.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour la réplique.

M. Vincent Delahaye. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de nous avoir confirmé que le principe d’une annulation de charges, ciblée sur certaines activités et certaines structures, était envisagé par le Gouvernement.

Nous comprenons que le cadre de cette éventuelle annulation reste à définir. Quels secteurs d’activité, quel type d’entreprise, quelle période prendre en compte ? Le Parlement et le Gouvernement pourraient envisager une réflexion commune pour définir ces critères. Comme toujours, le Sénat est prêt à contribuer à cette indispensable réflexion.

conséquences économiques de la crise sanitaire

M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Pemezec. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Ce n’est qu’après l’annonce du confinement, le 17 mars dernier, que le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour protéger les entreprises françaises. À défaut d’avoir su faire face aux premiers assauts de la guerre sanitaire, l’État aura au moins retenu la leçon économique et financière de la crise de 2008.

Une aide forfaitaire et apparemment généreuse a été mise en place pour les TPE, les indépendants et les micro-entrepreneurs, via le fonds de solidarité. Cette mesure est néanmoins insuffisante : de nombreuses TPE devront malheureusement mettre la clé sous la porte. Imaginez un restaurateur sans chiffre d’affaires, qui doit payer ses factures et ses charges !

Les TPE, ne l’oublions pas, représentent 3,3 millions d’entreprises, soit 95 % du tissu économique. Elles emploient 20 % des salariés en France. Elles sont le cœur qui fait battre et respirer nos communes.

Monsieur le Premier ministre, si les banques vous répondent encore, elles ne prennent plus au téléphone nos artisans ni nos commerçants. Et si elles les lâchent, ce sera un abîme dans la fracture territoriale.

J’aurai trois questions.

Premièrement, à l’heure où nous sommes au milieu de la tempête, quelles mesures supplémentaires concrètes, efficaces et immédiates comptez-vous prendre pour ne pas ajouter à la catastrophe sanitaire une catastrophe économique, financière et sociale ?

Deuxièmement, quand utiliserez-vous tout votre poids pour faire pression sur les banques et les assureurs ? Je rappelle que les banques ont été sauvées par l’État, c’est-à-dire par le contribuable, lors de la crise de 2008. Ne serait-il pas normal qu’elles fassent à leur tour un effort ?

Troisièmement, et enfin, vous avez affirmé à l’instant que les communes jouaient le jeu. J’ai été frappé par cette phrase, car les communes ne « jouent » pas ! Elles sont sur le terrain et elles font preuve au quotidien de leur efficacité. Ce sont elles qui sont présentes face à la crise. On ne peut pas dire que l’État, lui, fasse toujours preuve de la même efficacité !

J’espère donc que, au sortir de cette crise, on votera une nouvelle loi de décentralisation pour, enfin, donner le pouvoir à ceux qui ont la capacité de l’exercer correctement au quotidien, comme ils le montrent aujourd’hui.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Monsieur le sénateur Pemezec, vous l’avez rappelé, nous sommes aux côtés des entreprises et nous n’avons pas attendu. L’État a fait montre de sa très grande réactivité, épaulé en cela par la représentation nationale, qui a très vite voté les mesures que nous lui avons proposées.

Aujourd’hui, la trésorerie est en route vers les entreprises, particulièrement vers les TPE. Comme vous le savez, grâce au fonds de solidarité, une aide de 1 500 euros sera versée très rapidement – aujourd’hui, demain ou après-demain – sur les comptes en banque des entreprises. C’est efficace, concret et pertinent !

Ensuite, il faudra bien sûr aller plus loin, car les TPE sont confrontées à la difficulté de devoir payer des charges alors qu’elles enregistrent une absence de chiffre d’affaires. Nous avons donc repris point par point les différents éléments.

Pour faire face à la masse salariale, nous avons mis en place des mesures de chômage partiel. Pour faire face aux problèmes de paiement des loyers, nous avons décidé des mesures pour accompagner les bailleurs, afin qu’ils acceptent des reports, voire négocient des abattements. Pour faire face aux factures d’électricité et d’eau, nous avons pris des mesures spécifiques, afin que les très petites entreprises n’aient pas à les payer immédiatement.

Enfin, les assureurs, comme vous l’avez souligné, participent à cet effort à hauteur de 200 millions d’euros. Je crois savoir qu’ils ont versé ce montant au fonds de solidarité des entreprises auquel nous sommes nombreux à participer, y compris plusieurs collectivités locales.

Non seulement cet argent a été versé, mais les assureurs ont de surcroît accepté de repousser le paiement des primes sans remettre en cause l’intégrité des contrats. C’est un effort solidaire, manifeste et important.

Nous allons continuer en ce sens, en visant spécifiquement les très petites entreprises. Je leur consacre beaucoup de temps ; j’ai encore passé deux heures au téléphone avec les représentants de l’ensemble des fédérations de commerçants, pour discuter de nouveau avec eux des assureurs-crédit, des problèmes liés aux banques et des soucis avec les bailleurs.

Mon objectif est de faire en sorte que la médiation du crédit et la médiation des entreprises soient, sur le territoire, des services d’État, car nous devons tous être mobilisés.

fin de vie dans les ehpad

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, la situation dans les Ehpad est particulièrement critique. Les résidents de ces établissements représentent désormais plus d’un quart des personnes décédées du Covid-19 en France.

Je tenais tout d’abord à saluer le courage et l’engagement des personnels, qui, depuis le début de l’épidémie, sont allés travailler, parfois avec « la peur au ventre ». Trop longtemps, en effet, ils ont manqué des moyens de protection nécessaires.

Alors que ces professionnels sont, depuis plusieurs années, confrontés à des difficultés structurelles, dues au manque de moyens financiers et humains, ils ont su trouver les ressources pour faire face de manière admirable à cette crise. J’espère sincèrement que, lorsque viendra « le jour d’après », on ne s’empressera pas de les oublier !

Vous avez annoncé le lundi 6 avril dernier le lancement d’une « vaste opération de dépistage » dans ces établissements. C’est une mesure que je salue : elle permettra de mieux gérer la situation.

L’un des problèmes à traiter en priorité est celui de l’accompagnement des personnes en fin de vie.

Je reprendrai les mots du psychiatre Michel Debout, professeur émérite de médecine légale, qui explique que la présence des membres de la famille dans les derniers instants d’un proche est tout à la fois « la condition psychologique, affective et émotionnelle, pour permettre à la personne âgée de mourir dans la sérénité » et la condition pour « la famille de ne pas ressentir qu’elle a abandonné une dernière fois son parent ».

Il redoute ainsi que « beaucoup de ces familles ne présentent, une fois la crise sanitaire passée, des états de deuil pathologique, qui viendront pour une longue période dégrader leur vie psychique et relationnelle ».

Se pose de la même manière la question de la prise en charge des soignants, au lendemain de la crise.

Je voudrais aussi dire un mot des agents des services mortuaires, derniers maillons de la chaîne du soin. Ils doivent à ce titre pouvoir, comme tous les soignants, bénéficier de toutes les protections face au virus.

Comme le souligne très justement le professeur Debout, « notre humaine condition se construit, depuis la nuit des temps, sur le fait que nous soyons la seule espèce vivante qui enterre ses morts ; cette place donnée aux morts permet de les relier aux vivants et de construire avec eux la chaîne ininterrompue de l’humanité ».

Monsieur le ministre, envisagez-vous de rendre rapidement possible la présence d’au moins un membre de la famille aux côtés du mourant,…

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. C’est déjà le cas !

M. Jean-Claude Tissot. … en fournissant, bien sûr, les moyens de protection nécessaires face au risque infectieux.

M. Bruno Retailleau. Bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Jean-Claude Tissot, votre question traite de l’humanité avec laquelle on affronte la fin de vie dans des conditions déjà difficiles, puisque près de 100 000 personnes décèdent chaque année en Ehpad, soit environ 300 personnes par jour. Ces établissements sont donc, bien souvent, la dernière demeure des personnes qui y résident.

Ce que vous demandez aujourd’hui est déjà rendu possible. Nous avons autorisé la visite d’un proche dans les derniers instants de la vie d’un résident en Ehpad, comme cela se pratique d’ailleurs également dans les établissements hospitaliers.

Pour ce faire, nous avons fixé, comme vous l’avez esquissé vous-même dans votre question, un certain nombre de conditions en termes d’équipement adéquat, afin de ne pas faire entrer le virus dans l’établissement. Nous avons également décidé d’un parcours spécifique au sein de l’établissement, avec une chambre particulière lorsque c’est possible, également pour éviter tout risque de contamination.

De telles visites sont donc autorisées, et c’est normal. Je ne dis pas qu’elles sont simples à mettre en œuvre, mais les directeurs d’établissement peuvent, en l’état du droit, les permettre.

J’imagine que vous avez été informé d’un problème par rapport à une situation particulière. Dans ce cas, je vous invite à vous tourner vers mon cabinet : je m’engage à faire contacter chaque Ehpad où la situation serait difficile.

Je travaille énormément en lien avec les fédérations d’Ehpad et de services à domicile. Je les remercie d’ailleurs de leur action déterminée. Quoi qu’il en soit, encore une fois, il n’existe pas de blocage d’ordre législatif ou réglementaire au niveau national sur ces questions.

lutte contre les violences intrafamiliales en période de confinement

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe Union Centriste.

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État en charge des solidarités et de la protection de l’enfance.

Depuis le début de la crise sanitaire, j’alerte, avec la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat et sa présidente, Annick Billon, sur la recrudescence des violences intrafamiliales engendrées par le confinement – violences faites aux femmes et aux enfants.

Le Gouvernement a très vite annoncé des mesures pour répondre à l’urgence de la situation, mais nous savons que ces violences faites aux femmes comme aux enfants sont aggravées par le confinement.

Monsieur le secrétaire d’État, disposez-vous, à ce stade, d’une première évaluation de l’ampleur du phénomène, notamment en ce qui concerne les enfants, lesquels ont bien évidemment encore plus de mal à donner l’alerte ?

Pour répondre efficacement à la détresse de ces femmes et de ces enfants en danger chez eux, il est essentiel de leur donner les moyens de se signaler depuis leur domicile. C’est pourquoi il convient que les forces de l’ordre, auxquelles nous tenons à rendre hommage, puissent assurer le suivi des mains courantes et des plaintes. Est-ce bien le cas ?

À côté de l’État, les conseils départementaux jouent un rôle essentiel dans la protection de l’enfance et la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants.

Comment les services de l’État coordonnent-ils leur action avec ces acteurs de terrain et comment la prise en charge des victimes et la permanence des structures d’accueil sont-elles assurées ? Qu’avez-vous prévu à destination des conseils départementaux, acteurs essentiels de la lutte contre les violences ?

Seule la fin du confinement dévoilera l’ampleur des violences intrafamiliales. Les services de protection l’anticipent-ils ? Dans l’immédiat, vous annonciez, avec Mme Schiappa, un million d’euros à destination des associations. Quels sont les critères d’attribution ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, notre mobilisation et notre vigilance, à tous, sont à la hauteur de notre inquiétude. Et quand je dis « à tous », je pense bien évidemment à l’ensemble des membres du Gouvernement et à l’ensemble des services de l’État, mais aussi aux associations et aux travailleurs sociaux, auxquels je veux rendre hommage ici, ainsi qu’aux départements et aux communes.

Dès l’instauration du confinement, notre priorité a été d’assurer le fonctionnement efficace des dispositifs d’alerte durant cette période.

Nous avons adapté le 3919 aux contraintes du confinement, notamment avec la livraison de trente téléphones portables. Nous avons déclenché le plan de continuité du 119, le numéro de l’enfance en danger. Aujourd’hui, une trentaine d’intervenants peuvent répondre sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Nous avons renforcé l’information sur la plateforme de signalement « Arrêtonslesviolences.gouv.fr ».

Nous avons mis en place, avec les départements, les plans de continuité des cellules départementales de recueil des informations préoccupantes, les fameuses CRIP. Nous suivons la situation avec le Giped (groupement d’intérêt public Enfance en danger), qui gère le 119, en lien avec ces cellules.

Nous avons enfin, avec la garde des sceaux, assuré la permanence pour les audiences urgentes pour mineurs et la prise d’ordonnances de protection pour les femmes et les enfants quand c’est nécessaire, ainsi que le maintien des comparutions immédiates pour les auteurs de violences.

Par ailleurs, nous avons démultiplié les canaux de signalement. Comme vous l’avez souligné, la question de la parole, notamment celle des enfants, déjà particulièrement prégnante en temps normal, l’est plus encore en période de confinement. Nous avons ainsi mis en place, depuis jeudi dernier, un formulaire de signalement en ligne sur le site internet du 119 : « Allo119.gouv.fr ». En moins d’une semaine, plus de cent trente signalements ont été portés par ce canal.

J’ai également mis en place, avec Marlène Schiappa et Christophe Castaner, un système d’alerte pour les femmes et enfants victimes de violences conjugales dans les pharmacies et dans les centres commerciaux.

Nous avons adapté le 114, pour que les signalements puissent être réalisés par SMS. Sachez que quatre enfants ont déjà signalé des violences par ce biais et que deux de ces signalements ont donné lieu à des interventions urgentes des services de police.

Pour finir de répondre à votre question, monsieur le sénateur, sachez que la secrétaire d’État, afin de soutenir différentes initiatives, a effectivement décidé de mobiliser une enveloppe de 1 million d’euros, répartie en trois grands volets : soutien à l’hébergement des femmes victimes de violences, soutien à l’hébergement des auteurs de violences conjugales et soutien à des associations nationales et de terrain.

Deux minutes ne suffisent pas pour partager avec vous l’ensemble des défis auxquels nous sommes confrontés en cette période de confinement, ni l’ensemble des mesures que nous avons prises…

M. le président. Il faut conclure.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. … depuis trois semaines.

Toutefois, nous aurons l’occasion de poursuivre cette discussion la semaine prochaine, lors de mon audition par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour la réplique.

M. Vincent Capo-Canellas. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de nous avoir communiqué ces éléments.

Nous partageons votre souci de mobilisation. Notre message consiste simplement à rappeler que la protection de l’enfance doit, comme celle des femmes, être assurée avec une vigilance toute particulière en cette période de confinement.

stratégie en matière de port de masques de protection

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

« La vie continue. Il n’y a aucune raison, mis à part pour les populations fragilisées, de modifier nos habitudes de sortie ». Cette phrase a un mois, quasiment jour pour jour. Elle est du Président de la République, Emmanuel Macron, à propos de la crise du Covid-19.

En une phrase, voilà résumées toute l’impréparation et l’incompétence de l’État, mais ce n’est pas une surprise. Depuis lors, nos compatriotes découvrent et subissent la litanie de vos mensonges, car vous avez menti, et vous saviez !

Vous saviez, depuis le 11 janvier dernier, quand Agnès Buzyn a prévenu le Président de la République et l’ensemble de votre gouvernement. Vous saviez, et vous avez choisi de mentir. Vous avez menti, et des Français sont morts.

Le 18 février, le ministre de la santé, Olivier Véran, déclarait que la France était prête. Le 26 février, Jérôme Salomon, directeur général de la santé, affirmait qu’il n’y avait pas de sujet de pénurie concernant les masques. Le 20 mars, c’est Laurent Nunez qui refusait de reconnaître le manque de masques.

Mais alors, pourquoi Jérôme Salomon a-t-il affirmé, en privé, quatre jours plus tôt : « Les stocks de masques sont limités et on en cherche partout. ». Pourquoi, le 5 avril, Christophe Castaner a-t-il appelé les Français à donner leurs masques aux hôpitaux ? Le 13 mars, monsieur le Premier ministre, vous avez vous-même affirmé que porter un masque ne servait à rien.

La réalité, c’est que vous avez menti sur les masques pour gagner du temps, sachant pertinemment que les stocks stratégiques avaient disparu depuis des années et que la France n’en avait plus.

Conséquence : aujourd’hui, la préfète de la région Grand Est réquisitionne les 6 millions de masques destinés au personnel soignant des Bouches-du-Rhône et vous réquisitionnez les 4 millions de masques commandés par la région Bourgogne-Franche-Comté. Cela vire à l’anarchie. Vous avez même réussi à faire voler en éclats l’unité nationale.

Incapables de prévoir, vous êtes incapables de protéger la population. Si des Français sont en réanimation, n’en déplaise au sinistre préfet de police de Paris, c’est parce que votre gouvernement n’a pas su, pas pu ou pas voulu les protéger !

Tous ces drames, vous en êtes responsables. Et peut-être en serez-vous, demain, reconnus coupables. Voici ma question : pensez-vous, monsieur le Premier ministre, que vos mensonges successifs relèvent de la Cour de justice de la République ?

M. le président. Cher collègue, je tiens à rappeler que la parole est libre dans cet hémicycle, mais que la mesure fait partie de la tradition du Sénat. (Marques dassentiment.)

La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Ravier, vous posez une question à laquelle nous sommes les derniers à pouvoir répondre.

M. Stéphane Ravier. Répondez en conscience !

M. Olivier Véran, ministre. À mon tour, j’aurai une question pour vous : pensez-vous demander ma démission en tant que ministre des solidarités et de la santé, comme Mme Marine Le Pen avait demandé celle de Mme Roselyne Bachelot, alors ministre de la santé, parce que celle-ci avait « commandé trop de masques » ?… (MM. Joël Guerriau et Claude Malhuret applaudissent.)

M. Bruno Retailleau. C’est vrai !

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 15 avril 2020 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures cinq.)

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

ÉTIENNE BOULENGER

Chef de publication