M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Il est vrai, monsieur le sénateur Bignon, que nous sommes inquiets, parce qu’un certain nombre de Français semblent renoncer à des soins essentiels. Certains sont atteints de maladies chroniques ; d’autres ne sont pas malades, mais renoncent à des dépistages de cancers – cancer du sein, cancer colorectal. Des femmes enceintes n’ont pas forcément eu toutes les échographies obstétricales, dont elles doivent pourtant bénéficier. La vaccination diminue de manière inquiétante.
C’est pourquoi nous multiplions depuis plusieurs semaines les messages à la population. Aller consulter son médecin est un droit et constitue une dérogation absolue à l’obligation de rester chez soi. Par ailleurs, la télémédecine a été mise en place très tôt et très vite ; nous avons dépassé la semaine dernière le seuil du million de consultations ainsi réalisées. Cette solution peut aussi être proposée par les médecins, lorsqu’ils ne souhaitent pas que leur patient se déplace. Enfin, les présidents des syndicats de médecins m’ont dit promouvoir des démarches visant à contacter les patients, dont les professionnels sont sans nouvelles depuis un certain temps. Je vous remercie donc de votre salutaire rappel.
Vous m’avez également interrogé sur la nicotine. Une équipe de chercheurs français a effectivement écrit un article scientifique intéressant, qui fait état d’une étude observationnelle tendant à montrer qu’il y a moins de malades chez les personnes consommatrices de nicotine, en l’occurrence parmi les fumeurs, que dans le reste de la population.
Mais nous devons faire attention et vous avez raison de le souligner. Cette étude ne veut pas dire que le tabac protège. Au contraire, le tabac tue ! Plus de 70 000 morts bien réels par an sont dus au tabac dans notre pays.
Cette étude ouvre cependant une piste intéressante, parmi d’autres, pour la recherche clinique : comprendre les mécanismes biochimiques grâce auxquels la nicotine pourrait être un marqueur de résistance à cette maladie.
Mais j’attire vraiment l’attention de nos concitoyens, parce que nous ne disposons pas de toutes les réponses. Ils ont peur, ils sont inquiets, ils sont donc prompts, vous l’avez dit, à se précipiter sur toutes les informations qui sortent.
Des études cliniques menées dans des hôpitaux français par des équipes universitaires de très grand talent sont désormais en cours ; elles vont nous permettre de mieux comprendre et décrypter le fonctionnement du virus, en vue d’identifier dans quelles conditions la nicotine aurait des effets positifs chez un certain nombre de malades.
Il ne faut surtout pas pratiquer de l’automédication en la matière : si une personne se pose un patch de nicotine sans être fumeuse, elle va le sentir passer ! Vomissements, étourdissements, malaises, etc. Il faut vraiment faire très attention, parce que c’est un produit addictif.
Nous ne fermons cependant aucune porte en ce qui concerne les traitements contre cette maladie, y compris celle de la nicotine, d’autant que, je le répète, des études portées par des équipes de grand talent des hôpitaux français sont en cours. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants. – M. Pierre Louault applaudit également.)
situation dans les banlieues et budgets communaux
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Joyandet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, mais je voudrais auparavant aborder deux sujets.
Le premier concerne la situation des outre-mer. Pour notre collègue Michel Magras, le plan de sauvetage des entreprises devrait être adapté à la situation spécifique des outre-mer, parce que ses dispositions ne correspondent pas tout à fait à la structure des entreprises sur place. C’est également l’avis de la délégation sénatoriale aux outre-mer, dont Michel Magras est le président.
Le second sujet concerne les communes. Comme les entreprises, celles-ci perdent des recettes, qu’elles soient situées en métropole ou outre-mer. C’est notamment le cas pour les recettes liées à des activités commerciales – culture, piscine, etc. Or les collectivités doivent continuer de verser les salaires des personnes qui travaillent dans ces services et il n’existe pas de compensation pour le moment.
J’en viens maintenant à ma question ; elle concerne la sécurité.
Monsieur le ministre, les banlieues flambent de nouveau dans de nombreux endroits – Évreux, Bordeaux, Villeneuve-la-Garenne, Chanteloup-les-Vignes, etc. Nos forces de l’ordre sont mises en cause, quasiment attaquées. Pour ne pas faire de stigmatisation, nous sommes discrets sur ce sujet. Je prends un exemple concret : un homme de 30 ans condamné quatorze fois a attaqué les forces de l’ordre et celles-ci ont immédiatement été mises en cause. On a envie de dire : cela suffit ! Il serait nécessaire que l’ensemble de la représentation nationale réaffirme, une fois de plus, son soutien à nos forces de sécurité.
Dans cette crise sanitaire, nous apportons notre soutien, nous faisons bloc, mais il ne faut pas laisser se développer une crise dans nos banlieues, comme celle qui est survenue en 2005 – ce ne serait pas supportable. Il ne faut pas ajouter à la crise sanitaire une crise sécuritaire. Monsieur le ministre, qu’allez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Joyandet, vous avez raison : les règles du confinement doivent s’appliquer et être contrôlées de la même façon partout sur notre territoire, il n’y a pas de quartier dans lequel nos forces de sécurité intérieure n’interviendraient pas. C’est un principe qui doit tous nous rassembler.
Je le redis, parce que je veux mettre un terme à certains propos que j’entends parfois, même si ce n’était pas le sens de votre question : il n’est pas vrai de dire que nos forces de sécurité intérieure n’interviennent pas dans certains quartiers.
Je ne tiens pas de statistiques quartier par quartier, mais je vais prendre quelques exemples : à Marseille, les services dressent chaque soir 300 procès-verbaux pour infraction aux règles du confinement, dont les deux tiers dans les cités ; en Seine-Saint-Denis, trois opérations sont coordonnées chaque soir dans les cités sensibles avec l’appui de moyens aériens – 220 000 contrôles ont eu lieu, soit environ le double de la moyenne nationale, ils ont débouché sur 38 000 verbalisations.
Nous sommes donc bien présents dans les quartiers pour agir, pour contrôler et protéger la population. Il est vrai qu’à certains endroits des provocations ont lieu lors de ces interventions et que différents projectiles sont utilisés pour atteindre les forces de sécurité.
Depuis samedi soir, vous l’avez rappelé, des guets-apens ont été organisés la nuit. Nous les condamnons de la manière la plus ferme et nous réagissons immédiatement. La nuit dernière, une quinzaine de faits se sont déroulés sur le territoire national, douze personnes ont été interpellées – depuis le week-end dernier, vingt-huit personnes l’ont été.
M. Jean Bizet. Et relâchées ?
M. Christophe Castaner, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, n’ayez aucun doute ! Nous veillons au respect du confinement partout en France. Nos forces de sécurité sont parfois mises en cause, font l’objet de provocations. Nous leur devons protection – c’est ce que nous faisons – et nous devons sanctionner ces agissements de la façon la plus ferme possible. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
pesanteur administrative des agences régionales de santé
M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pierre Louault. Ma question s’adresse à M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le ministre, je voudrais tout d’abord saluer le travail réalisé à l’occasion de cette crise par le Premier ministre, vous-même et l’ensemble du Gouvernement, ainsi que celui qui est effectué par l’ensemble des agents des agences régionales de santé (ARS) et du personnel soignant. Ce ne sont pas ces personnels qui sont en cause au travers de ma question, mais le système.
Comment expliquer que, deux mois après les expérimentations du professeur Raoult sur la chloroquine, on ne sache toujours rien sur l’efficacité de ce traitement, alors qu’une expérimentation massive aurait sans doute apporté des réponses depuis un mois ?
Comment expliquer qu’il a fallu attendre un mois avant de répondre aux propositions des laboratoires vétérinaires pour tester plus largement les porteurs du Covid-19 ? Quinze jours après la levée des barrières administratives, leurs capacités ne sont toujours pas utilisées.
Comment expliquer qu’on casse l’initiative locale, en faisant faire demi-tour à un convoi sanitaire au péril de la santé des malades, parce que la décision n’a pas été prise au bon endroit ?
Comment expliquer que les dentistes réclament toujours les protections qui leur sont nécessaires pour exercer ?
Comment faire confiance à un système qui, demain, devra répartir les masques entre tous les Français ? Qui va coordonner tout cela ?
Tous ces dysfonctionnements sont liés à la gestion bureaucratique d’une administration qui croule sous les lois, les règlements, les protocoles, lesquels sont complètement inadaptés à une gestion de crise. Monsieur le ministre, gérer une crise, c’est oublier les contraintes administratives. Que comptez-vous faire pour accélérer le fonctionnement de notre système administratif et médical, aujourd’hui dépassé ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Louault, vous avez posé beaucoup de questions, je vais essayer de répondre à un maximum d’entre elles de manière très rapide.
Sachez d’abord que la France est le pays des études cliniques ! J’en ai cité une qui concernait la nicotine. De nombreuses autres sont en cours, dont certaines sur l’hydroxychloroquine.
La France n’est pas le seul pays à expérimenter cette molécule ; les États-Unis et d’autres pays européens le font également. Je vous invite à lire les dernières publications validées à ce sujet : elles ne sont pas du tout en faveur – hélas ! – de l’utilisation en pratique courante de ce traitement en mono ou en bithérapie associé à l’azithromycine. Néanmoins, des études continuent dans les hôpitaux sur l’ensemble du territoire national et nous aurons aussi des réponses issues d’études françaises. En tout cas, la publication américaine d’hier doit nous inviter à beaucoup de prudence.
Mme Sophie Primas et M. Bruno Retailleau. Il ne s’agit pas du protocole du docteur Raoult !
M. Olivier Véran, ministre. La question est de savoir non pas si c’est « le » protocole du docteur Raoult, mais d’étudier un médicament pour savoir s’il est efficace ou non.
Je vous assure en tout cas qu’un protocole d’étude clinique répond à des règles universelles pour que ses résultats soient publiés dans une revue scientifique internationale. En l’occurrence, si vous pouvez me citer une publication ainsi validée qui permettrait d’étendre la prescription d’un médicament au Covid-19, j’en serai ravi ! Un ministre de la santé ne peut que souhaiter la découverte d’un traitement efficace, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui – c’est aussi mon rôle de le dire.
En ce qui concerne les laboratoires vétérinaires, ils se sont proposés et ils ont bien été mobilisés. Je peux vous dire que passer de la médecine vétérinaire à la médecine humaine est une première dans notre pays. Nous avons pu le faire grâce à la mobilisation des ARS et des préfets notamment.
Sur les évacuations sanitaires, je ne voudrais pas qu’on retienne le seul exemple d’un bus qui emportait des malades d’un hôpital à un autre sans prévenir les autorités de santé. Je voudrais qu’on retienne que notre pays a réussi à procéder par train, avion et hélicoptère à 644 évacuations sanitaires ; nous sommes le seul pays au monde à avoir fait cela. C’est une fierté française ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains.) Des réanimateurs de l’hôpital de Strasbourg m’ont raconté le monumental chantier que cela a représenté – en tout cas, il a permis de sauver des vies. Nous n’aurions pas pu le faire sans l’intervention permanente des agences régionales de santé.
J’ajoute, en ce qui concerne les ARS, qu’elles ont payé un lourd tribut : plusieurs de leurs agents sont morts durant cette épidémie. Les agents ont continué de travailler, alors qu’ils étaient parfois malades. Tout système est bien évidemment perfectible et je pourrais écrire tout un roman sur les difficultés et les lourdeurs logistiques et administratives que connaît notre pays. D’autres les connaissent également.
M. le président. Il faut conclure.
M. Olivier Véran, ministre. Permettez-moi de rendre hommage au grand talent des agents des ARS !
En ce qui concerne les dentistes, ils auront 150 000 masques FFP2 supplémentaires. Je le leur ai écrit hier.
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. Olivier Véran, ministre. Je profite de l’occasion qui m’est donnée par votre question, monsieur le sénateur, pour les remercier de s’être organisés sur l’ensemble du territoire pour répondre aux urgences.
M. le président. Monsieur le ministre, sachez que c’est un vétérinaire qui, au XIXe siècle, a mis au point le charbon bactéridien…
La parole est à M. Pierre Louault, pour la réplique.
M. Pierre Louault. Monsieur le ministre, le 11 mai, on va passer d’une guerre de tranchées à une guerre d’actions. Il va falloir être prêt, et je ne suis pas sûr que ce soit le cas à cette date. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Delahaye applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe La République En Marche.
M. Xavier Iacovelli. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de la protection de l’enfance.
Au moment où une crise sanitaire inédite frappe notre pays, entraînant ainsi le confinement de la population, nos pensées vont tout particulièrement aux plus vulnérables : nos enfants.
Les chiffres, nous les connaissons : 130 000 filles et 35 000 garçons subissent des viols ou des tentatives de viols chaque année, en majorité incestueux ; 140 000 enfants sont exposés à des violences conjugales.
Ces violences, elles ne s’arrêtent pas subitement durant le confinement. Au contraire, les risques sont décuplés par l’impossibilité pour l’enfant de trouver refuge durant la journée : à l’école, au sport ou chez des camarades de classe. Ces rares moments de répit, où l’enfant peut parler et échapper, ne serait-ce qu’un instant, aux violences qu’il subit, s’effacent, laissant place à la solitude la plus totale.
Je pense également à ces milliers d’enfants suivis dans le cadre d’une action éducative en milieu ouvert et qui se retrouvent aujourd’hui vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec leurs parents, malgré les tensions qui peuvent exister au sein des familles.
Je pense aux travailleurs sociaux, qui, malgré leur dévouement le plus total, peinent à assurer leurs missions dans un contexte de crise sanitaire qui bouleverse nos modes de déplacement, et qui subissent depuis trop longtemps les coupes budgétaires dans un grand nombre de départements ; ces mêmes départements qui, de manière unilatérale et contre l’avis du juge, n’assurent plus les visites médiatisées et qui rompent totalement les liens entre les parents et les enfants depuis près d’un mois et demi ; ces mêmes départements qui, au début du confinement, ont renvoyé certains enfants dans leur famille malgré les risques encourus. Je vous le dis, car cette situation dramatique s’observe chez moi, dans les Hauts-de-Seine.
Je pense enfin à ces milliers de jeunes isolés, hébergés dans des hôtels sociaux et dont les moyens matériels insuffisants ne permettent pas de suivre leurs enseignements au même titre que les autres jeunes.
Face à cette situation, le Gouvernement, les associations et la société dans son ensemble se mobilisent.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez multiplié les canaux permettant une meilleure détection des violences : je pense à l’adaptation du 119, permettant ainsi les signalements en ligne, à l’augmentation du nombre d’écoutants, grâce notamment au soutien des associations, et à l’élargissement du 114 pour les violences intrafamiliales.
À cela vient s’ajouter la mobilisation des associations, des organisations non gouvernementales (ONG) et des collectifs d’anciens enfants placés qui luttent contre les violences et soutiennent les enfants en danger.
Malgré tout, le confinement aura une fois de plus démontré le dysfonctionnement dramatique qui existe au sein de l’aide sociale à l’enfance (ASE) dans nos territoires et la disparité d’un département à l’autre.
Ma question est simple, monsieur le secrétaire d’État :…
M. le président. Il était temps…
M. Xavier Iacovelli. … quelles mesures seront prises pour protéger davantage les enfants des maltraitances et soutenir les parents qui, souvent pour des raisons sociales et économiques, peinent à jouer pleinement leur rôle ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, +89 %, c’est l’augmentation du nombre d’appels au 119 la semaine dernière. La famille, qui est ce lieu de protection, d’amour et d’épanouissement pour l’enfant, est aussi un lieu de maltraitance, de violences.
Une augmentation de 89 %, cela ne nous surprend pas. C’est le signe de l’augmentation des violences pendant cette période de confinement, mais je veux y voir aussi le baromètre de notre vigilance accrue pour chacun d’entre nous.
Deux autres chiffres vont dans ce sens. En effet, la semaine dernière, le nombre d’appels passés par les voisins a augmenté de 84 %, et le nombre d’appels passés par des camarades a doublé, soit une augmentation de 100 %.
Le formulaire en ligne que nous avons mis en place sur allo119.gouv.fr recueille chaque semaine plus de 200 saisines.
Tout cela fonctionne, y compris les campagnes de communication que nous avons lancées auprès des Français ; mais encore faut-il que ces appels ne restent pas sans réponse.
Comme vous l’avez évoqué, nous avons augmenté de 25 % le temps d’écoute au sein du 119. Je veux à cette occasion remercier ces héros du quotidien que sont les écoutants de ce numéro d’urgence, à côté des travailleurs sociaux – vous les avez mentionnés.
Dès le 21 mars dernier, encore la semaine dernière au travers d’un échange téléphonique avec Dominique Bussereau, et aujourd’hui même à l’occasion d’un courrier que je lui fais parvenir, j’ai saisi l’ensemble des départements afin qu’ils assurent la continuité et renforcent les effectifs des cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP). Cela facilitera le recueil de ces données et permettra aux travailleurs sociaux de mener des enquêtes au sein des familles où les enfants sont en danger.
Pour conclure, je soulignerai qu’il faut commencer à penser à l’après-confinement. Quels sont les effets psychologiques et les conséquences sur la santé mentale que ce confinement aura entraînés sur nos enfants ? Comment allons-nous détecter les violences qui auront eu cours pendant cette période de confinement ? C’est l’un des enjeux importants sur lequel nous commençons à travailler avec M. le ministre des solidarités et de la santé, en collaboration avec l’éducation nationale, qui aura notamment un grand rôle à jouer. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
assouplissement des conditions d’intervention des collectivités territoriales auprès des acteurs économiques
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Marc Gabouty. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. J’y associe mon collègue Raymond Vall et l’ensemble des membres du groupe RDSE.
Comme l’a très justement rappelé le Président de la République, et vous-même l’avez souligné, monsieur le Premier ministre, les collectivités locales représentent un maillon essentiel dans le dispositif de mise en œuvre des mesures nationales et d’accompagnement des populations face à la crise du coronavirus.
Les départements, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les communes avec les services sociaux ou les centres communaux d’action sociale (CCAS) ont fait preuve d’une très grande réactivité dans des domaines comme le soutien aux familles en difficulté, le lien avec les populations fragiles, la livraison de repas à domicile ou de courses de produits de première nécessité, le contact régulier avec les personnes âgées ou isolées, ou encore l’acquisition et la distribution de masques.
Les régions, en plus de leur participation au fonds de solidarité, ont pour la plupart mis en place des dispositifs complémentaires d’aides aux entreprises avec parfois des possibilités de délégation par convention aux départements, aux EPCI ou aux communes, comme dans les Hauts-de France.
Cependant, beaucoup de petites structures, malgré leur éligibilité au fonds de solidarité, qui est indispensable, mais peut-être pas suffisant, seront confrontées pendant plusieurs mois à des difficultés récurrentes mettant en cause leur pérennité.
Les interlocuteurs les mieux placés pour accompagner sur le plan économique ces microentreprises, autoentrepreneurs, travailleurs indépendants, artisans ou commerçants, seuls ou avec un ou deux salariés, semblent être les collectivités de proximité, c’est-à-dire les départements, les EPCI et les communes, qui peuvent le mieux appréhender leurs besoins.
Toutefois, la législation ne leur permet pas aujourd’hui d’intervenir directement en soutien financier à ces petites entreprises sous la forme, par exemple, d’avances remboursables ou de prise en charge de loyers.
Peut-on envisager, avec bien sûr un encadrement législatif et réglementaire strict, d’assouplir, à titre exceptionnel et pour une durée limitée, les textes qui régissent l’exercice de cette compétence économique d’aide directe aux très petites entreprises (TPE), quel que soit leur statut ?
Je suis persuadé que la réactivité dont font preuve les collectivités locales également dans ce domaine peut utilement venir compléter et amplifier les dispositifs que nous mettons en place au niveau national.
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Jean-Marc Gabouty, je vous remercie d’abord d’avoir rappelé le rôle important des collectivités territoriales. Vous m’interrogez plus précisément sur la participation financière aux entreprises des territoires.
Comme vous le savez, c’est la région qui est compétente pour définir les aides, les régimes qui leur sont applicables, et pour attribuer les aides directes aux entreprises. Les établissements publics de coopération intercommunale peuvent adopter des dispositifs d’aide immobilière aux entreprises, il faut aussi le rappeler.
Par ailleurs, les EPCI peuvent participer au fonds mis en œuvre par les régions. Cette participation peut prendre la forme de différents mécanismes, à l’instar des fonds de résilience mis en œuvre par de nombreuses régions.
Les départements, en revanche, ne peuvent pas financer des aides aux entreprises, ni en mettant en place un fonds personnel ni en participant au fonds régional, sauf si ce fonds vise à financer les secteurs qui relèvent de la compétence du département – je pense par exemple à l’économie sociale et solidaire.
Cette règle, il faut nous y tenir. En effet, dans cette période compliquée, nous ne devons pas disperser nos forces. Vous avez d’ailleurs rappelé vous-même le rôle très important des départements dans l’exercice des compétences sociales, dont nous pensons tous qu’elles vont évidemment prendre de l’ampleur compte tenu de la situation que nous vivons aujourd’hui. Je pense à toutes les aides que vous avez citées en faveur de la politique de l’enfance, au financement des allocations de solidarité, au soutien aux personnes âgées, enfin à toutes les politiques sociales du département.
Par ailleurs, je rappelle que nous avons déjà admis des souplesses en permettant aux départements et aux autres collectivités de participer au fonds national, qui, je le redis, s’élève à 7 milliards d’euros, avec plus de 6 milliards d’euros de participation de l’État et 500 millions d’euros des régions.
Le Gouvernement encourage les communes, les EPCI et même les départements à participer à ce fonds national. Cette participation est évidemment très intéressante, parce qu’elle permet de coordonner nos forces. Je rappelle par ailleurs qu’à titre dérogatoire les collectivités qui participent à ce fonds national…
M. le président. Il faut conclure.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … voient leurs dépenses de concours inscrites en dépenses d’investissement. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
rôle des collectivités locales dans la gestion de la crise sanitaire
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, alors que l’allégement du confinement aura lieu dans dix-neuf jours, la dernière conférence de presse de M. le Premier ministre a apporté aux Français plus de questionnements que de réponses. Même si nous avons compris que le plan du Gouvernement était toujours en construction, la gravité de la situation et des enjeux impose de répondre rapidement à certaines questions clés.
Celle des masques est essentielle, d’abord parce que la plupart des Français veulent en porter pour protéger les autres, mais aussi pour l’impact psychologique de leur port. Comme l’a rappelé notre collègue Jean-François Rapin, on vit une épidémie et le masque conforte les gestes barrières.
Un géant français de la vente en ligne met en vente, avec votre accord, 60 millions de masques chirurgicaux pour les entreprises, alors que vous n’avez toujours pas répondu clairement aux pharmaciens, dont c’est pourtant le métier, qui vous interpellent pour savoir s’ils peuvent ou non vendre, à prix coûtant, des masques en tissu ou chirurgicaux, comme celui-ci. (Mme Catherine Procaccia exhibe un masque en tissu.)
Pour les masques « grand public » promis par le Président, comment va s’effectuer cette distribution ? Si ce sont les collectivités qui en sont chargées, il faut leur dire comment se signaler, quand et auprès de qui elles peuvent passer commande, leur indiquer une date effective de livraison, mais aussi si c’est à elles de les payer. Devront-elles prioriser certaines populations dans leur distribution ? Bref, auront-elles rapidement des consignes claires ?
À trois semaines du déconfinement progressif, je relaye des questions simples de mes collègues : qui ? quand ? combien ? comment ?
Si les collectivités s’en sont mieux sorties que l’État jusqu’à maintenant, notamment dans leur stratégie d’approvisionnement en masques chirurgicaux ou alternatifs, elles ont dès aujourd’hui besoin d’informations claires pour préparer cette nouvelle phase, tout comme il faut leur répondre maintenant, et non le 11 mai, sur les transports scolaires, la restauration du midi, la désinfection des équipements ou la réouverture des lieux publics. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)