Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Hervé, vous avez raison, il va falloir s’adapter. Vous l’avez dit vous-même, un certain nombre d’infrastructures rouvriront, mais les protocoles sanitaires élaborés vont modifier les conditions d’accès et de parcours. C’est très important pour la réassurance sanitaire des salariés comme des touristes.
Sur le terrain, un dialogue fécond est déjà à l’œuvre, depuis le 11 mai, entre les élus locaux et les préfets : c’est ce dialogue qui permettra le travail d’adaptation.
Vous faites référence aux DDT. Je connais votre engagement en faveur du tourisme de montagne ; vous avez certainement en tête un certain nombre de chantiers, comme la mise en place de lits chauds. En montagne, notamment en Savoie et en Haute-Savoie, il s’agit d’un enjeu important.
Le tourisme durable doit tout innerver : il faut aider les collectivités territoriales concernées à reconvertir ou à adapter l’offre touristique. Ce travail devra se poursuivre en lien étroit avec les DDT, dont le rôle n’est en aucun cas d’empêcher, bien au contraire : il s’agit de faire.
Les enjeux sont très importants pour un certain nombre de territoires. Si l’on manque le virage, c’est toute une économie qui peut aller dans le décor. J’en suis absolument convaincu : il faudra être au plus près du terrain. C’est ce que j’entends à travers votre témoignage, et vous me trouverez à vos côtés.
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.
M. Loïc Hervé. Avec mes collègues sénateurs de Haute-Savoie, Cyril Pellevat, ici présent, et Sylviane Noël, je me suis entretenu, hier, en visioconférence avec des maires du département. J’entends votre volontarisme et votre pragmatisme, monsieur le secrétaire d’État, qui sont tout à fait positifs. Reste que les maires ont besoin d’actes de confiance. Ils ont besoin de s’entendre dire : « Pour que la machine économique redémarre, nous sommes à vos côtés. Nous État, nous DDT, nous Dreal, qui, parfois, manions plutôt le gourdin que la carotte, serons capables de vous accompagner complètement. »
L’État a un véritable rôle à jouer, en particulier pour que les dossiers soient traités avec célérité. C’est au Gouvernement de le dire aux préfets et aux responsables des grandes directions déconcentrées de l’État.
À cet égard, je rebondis sur la question posée, il y a quelques instants, par Anne-Catherine Loisier en matière fiscale : à situations d’urgence, procédures d’urgence ; à situations d’urgence, mesures d’urgence ; à situations d’urgence, réponses spécifiques, que l’on traite de la taxe de séjour ou de la situation des communes balnéaires où se trouvent des casinos.
J’y insiste : ce que nous vous demandons, ce sont des actes de confiance !
Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Courtial.
M. Édouard Courtial. Si l’Oise n’a pas de plages, elle a des atouts touristiques majeurs, chers au cœur de nombreux Français. Or ces atouts appartiennent à un secteur touristique qui jouera sa survie lors de la saison estivale pour surmonter la crise actuelle ; à un secteur essentiel au rayonnement culturel français et indispensable à notre économie.
Parmi toutes les activités touchées, la restauration – cela ne vous étonnera pas – me préoccupe tout particulièrement. Ses entrepreneurs locaux font vivre nos villages. Leurs établissements sont des points d’attraction souvent indispensables, là où tant de commerces de proximité ont déjà fermé et où le développement économique est le plus fragile.
Les mesures prises lors de la phase de confinement et celles annoncées la semaine dernière, que je salue, étaient indispensables. Elles vont indéniablement dans le bon sens, même s’il faudra sans doute encore les ajuster dans les mois qui viennent.
Néanmoins, en dépit de ces aides, seule la reprise d’activité permettra d’assurer l’avenir de ces entreprises.
L’Italie a passé ce cap hier. En France, il faudra attendre le 2 juin pour les départements classés en vert. Quant à ceux figurant en rouge sur la carte, aucune date n’a encore été arrêtée. Avez-vous davantage d’informations à nous communiquer quant à un calendrier éventuel pour ces territoires ?
En outre, ces femmes et ces hommes courageux, qui ne rechignent pas à la tâche, se préparent, malgré les incertitudes, à accueillir de nouveau des clients dans les meilleures conditions sanitaires possible. Or ce cadre n’a pas encore été défini avec précision. Il doit effectivement permettre d’assurer la sécurité sanitaire des clients sur l’ensemble du territoire national. Cela étant, il doit être souple et retenir des solutions de bon sens, permettant une appréciation au cas par cas par les maires et les préfets afin de tenir compte des réalités locales et de prendre en considération les différentes situations possibles.
Monsieur le secrétaire d’État, à quel horizon allez-vous dévoiler ce cadre ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Le secteur de la restauration est effectivement l’un des premiers touchés : ses établissements sont administrativement fermés depuis ce jour fatal de mars dernier.
En parallèle, ce secteur est celui qui bénéficie le plus massivement des différents outils d’accompagnement. Au total, 55 000 restaurateurs ont souscrit aux prêts garantis par l’État, cette garantie s’élevant à 90 %. La restauration représente 4 milliards des 7 milliards d’euros déployés dans le secteur du tourisme au titre des PGE. S’y ajoutent toutes les mesures permettant de réduire au maximum les charges fixes : je pense à l’activité partielle ou encore au fonds de solidarité, qui peut éponger certaines charges fixes, dont les loyers.
Le Président de la République l’a dit aux représentants du secteur, lorsqu’il les a rencontrés le 24 avril : nous devons aider ces professionnels à trouver le point d’équilibre pour la reprise. C’est pourquoi ces aides ont vocation à être poursuivies, avec pour horizon la fin de l’année 2020. Chacun en est conscient, la reprise sera très progressive.
Vous évoquez cette petite lueur d’espoir du 2 juin. Si l’amélioration sanitaire se confirme, nous avons l’ambition de rouvrir les lieux de restauration à cette date dans les départements verts. S’agissant des départements rouges, je ne suis pas en mesure de vous donner une indication aujourd’hui. Nous espérons que, grâce aux efforts individuels et collectifs, ils deviendront petit à petit des départements verts et qu’ainsi ils pourront renouer avec une vie plus normale.
Quoi qu’il arrive, après le 2 juin, une période de quinze à vingt jours sera nécessaire pour préparer la deuxième étape du déconfinement. Je forme le vœu que, au 21 juin, le maximum d’activités touristiques puissent reprendre, partout dans le pays : il s’agit de lancer la saison estivale, que les Français ont bien méritée.
Enfin, je dirai un mot des maires, dont je tiens moi aussi à saluer le pragmatisme. Beaucoup d’entre eux travaillent avec les restaurateurs de leur commune, pour leur permettre de rouvrir leur terrasse ou, lorsqu’ils n’en ont pas, d’utiliser l’espace public. Voilà des actions de bon sens, voilà de belles réponses pour aider à maintenir les jauges !
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Le Premier ministre a annoncé aux Français qu’ils pourront partir en vacances cet été, en métropole et en outre-mer. Cette annonce était très attendue, mais le manque de visibilité pose question.
Tout d’abord, où les Français pourront-ils partir précisément ? Cette annonce sous-entend que, si la situation sanitaire le permet, la règle des 100 kilomètres va tomber ; toutefois, il aurait été préférable de le dire.
Ensuite, nous ne disposons d’aucune visibilité quant aux conditions : il ne faudrait pas que les protocoles sanitaires validés par le Gouvernement ne soient connus qu’une semaine avant l’ouverture des établissements, comme tel a été le cas pour les écoles. On aboutirait à des situations ubuesques : des touristes auraient réservé dans des établissements qui ne pourraient pas ouvrir, du fait de consignes sanitaires trop contraignantes.
Enfin, nous n’avons pas de visibilité quant aux moyens. Les mesures concernant le tourisme social se font attendre, alors que la mise en œuvre rapide d’un soutien aux familles les plus modestes et à tous ceux qui vont faire face à des difficultés nouvelles est absolument nécessaire pour accélérer et renforcer la demande pour cet été.
Vous avez aussi annoncé des plans sectoriels. J’appelle votre attention sur le secteur du tourisme fluvial, qui participe à l’économie de nombreux territoires et souffre beaucoup de cette crise. Avez-vous prévu des mesures spécifiques de relance du tourisme fluvial ?
Je me félicite de la feuille de route sectorielle annoncée pour le thermalisme ; mais qu’en est-il du report des échéances de crédit, en particulier pour les collectivités territoriales supports d’établissements thermaux ? Pour ce secteur, c’est une année blanche qui se profile – l’activité sera, au mieux, très partielle. Des professionnels ont soumis l’idée d’une aide financière de la CPAM sous la forme d’une avance de trésorerie fondée sur les remboursements de 2009. Cette piste est-elle envisagée ?
M. Patrick Kanner. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. C’est pour prévenir les difficultés que nous avons travaillé avec les filières en amont sur les protocoles sanitaires : sept d’entre elles ont déposé leur projet de protocole dès la semaine dernière, dont le secteur HCR (hôtels, cafés, restaurants) et celui des parcs à thème, avec le Snelac (Syndicat national des espaces de loisirs, d’attractions et culturels). Je les en remercie.
Cette semaine, nous attendons un certain nombre de recommandations et d’observations du Haut Conseil de la santé publique. Elles nous permettront d’évaluer la compatibilité de ces documents, élaborés conjointement avec les ministères du travail et de la santé. Une fois publiés sur le site internet du ministère du travail, ces protocoles donneront une feuille de route aux professionnels. Ces derniers sauront quels moyens mettre en œuvre pour être en règle : ils doivent bel et bien savoir où ils vont.
Pour ce qui concerne le tourisme social, le Président de la République a tenu une réunion vendredi dernier afin de préparer les mesures indispensables, qui prendront différentes formes et devraient être annoncées dans la première quinzaine de juin.
Je travaille avec les régions à la mise en place d’un chèque-vacances tourisme, pour aider les personnes modestes, ou encore les professionnels ayant été en première ligne, à prendre du repos.
De leur côté, Jean-Michel Blanquer et Franck Riester mettent sur pied le dispositif des vacances apprenantes. S’y ajoute le développement d’un certain nombre de colonies de vacances. De manière plus générale, dans les mois à venir, il faudra mettre l’accent sur les classes de découvertes, qui sont si importantes, notamment en montagne – il faut redonner le goût de visiter ces territoires – et apporter des réponses spécifiques pour les quartiers de la politique de la ville.
Quant aux filières du tourisme fluvial et du thermalisme, elles sont bien identifiées, et nous allons travailler à des feuilles de route sectorielles. Enfin, le thermalisme relevant du secteur du tourisme, il peut également bénéficier d’un report des crédits, non de six, mais de douze mois : c’est déjà une première réponse.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.
Mme Viviane Artigalas. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de vos réponses, qui me satisfont.
En matière de tourisme social, l’ANCV (Agence nationale pour les chèques-vacances) gère certains dispositifs. Cette agence a fait ses preuves : il faut faire vite, en s’appuyant sur elle. C’est une urgence pour cet été.
Lors des auditions en commission, j’ai également appelé votre attention sur l’outre-mer, la Corse et Lourdes ; vous avez bien identifié les enjeux en question, et je vous remercie de votre attention particulière pour ces territoires, qui sont en difficulté. (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Mandelli. La semaine dernière, le Premier ministre a annoncé un plan d’accompagnement du secteur touristique à hauteur de 18 milliards d’euros. Cet engagement situe l’enjeu pour un secteur d’activité essentiel à l’économie de notre pays, qui est par ailleurs très attractif et qui est l’un des plus touchés par cette crise.
J’appelle votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur la situation de deux composantes majeures de cette économie partiellement prises en compte à ce stade.
En premier lieu, je pense aux hébergeurs et accueillants individuels. Ils peuvent être labellisés « Gîtes de France », « Clévacances » ou « Bienvenue à la ferme », réseau des chambres d’agriculture. Ils ont beaucoup investi et valorisent un patrimoine naturel et bâti souvent inestimable. Ils assurent un maillage essentiel dans tous les territoires, mais leur existence même est aujourd’hui remise en question, pour des raisons d’éligibilité aux différents dispositifs.
En second lieu, je songe aux parcs à thème, que vous avez évoqués vous-même. Vous comprendrez qu’en tant que sénateur de la Vendée, au même titre que mon collègue Bruno Retailleau, je m’attache au Puy du Fou, que vous connaissez bien, pour bien connaître la Vendée.
Deuxième parc français en termes d’affluence, le Puy du Fou est un modèle de développement local reconnu au niveau international. Le Puy du Fou, c’est 2 500 emplois directs, dont 300 permanents en CDI ; c’est 4 500 emplois indirects ; c’est l’accueil, chaque année, de 2,3 millions de visiteurs.
Le Puy du Fou, c’est un supplément d’âme qui donne son goût à la France ; il fait rayonner notre histoire au-delà de la Vendée, des Pays de la Loire et du pays tout entier.
Le Puy du Fou a proposé un cahier des charges garantissant une ouverture dans des conditions sanitaires irréprochables, pour le personnel comme pour les visiteurs. Ce dossier est sur le bureau du Président de la République, sur celui du Premier ministre et sur le vôtre.
Sur ces deux volets, quelle réponse nous apportez-vous aujourd’hui ? Quel sera l’accompagnement pour les loueurs en meublé touristique ? Quelle sera la date d’ouverture du parc du Puy du Fou ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Mandelli, s’agissant des hébergeurs individuels, je tiens à vous rassurer pleinement. Pendant mon tour de France des territoires, j’ai souvent entendu les responsables départementaux des Gîtes de France s’interroger quant à l’éligibilité à un certain nombre de dispositifs. Je le confirme : le fonds de solidarité peut être une réponse, dès lors que l’on peut documenter la perte de chiffre d’affaires subie. Ces hébergeurs sont pleinement acteurs du tourisme, notamment en zone rurale. Il est normal qu’ils soient pris en compte.
S’agissant des parcs à thème, j’ai cité dans mon propos introductif les créateurs géniaux d’un certain nombre d’attractions qui, en l’espace de vingt ou trente ans, ont réussi à façonner une nouvelle offre et, au-delà de ce terme commercial, ont renouvelé de manière magnifique notre vision de l’histoire de France ; naturellement, ce travail doit beaucoup au fondateur du Puy du Fou, Philippe de Villiers, et à l’action engagée du président Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Merci ! (Sourires.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Sur ce sujet, nous travaillons avec le Snelac, qui fédère de nombreuses structures. Je suis moi-même en contact quasi quotidien avec ce syndicat et avec un certain nombre d’acteurs éminents du parc du Puy du Fou. Pas plus tard qu’hier soir, j’ai travaillé avec eux sur la question des jauges. Nous avons également étudié les projets de protocole, qui sont effectivement d’une rigueur exemplaire : nous avons bien affaire à des professionnels de la gestion des flux.
Les parcs à thème regroupent un ensemble d’espaces : il faut gérer à la fois le parking et un ensemble de jauges. Tous les éléments militent pour que, si tout se passe bien, ils puissent rouvrir dans les départements verts. La réponse définitive sera apportée la semaine prochaine, en vertu de la clause de rendez-vous avec l’ensemble des professionnels du tourisme.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.
M. Didier Mandelli. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de cette précision. J’espère que nous pourrons effectivement rouvrir un certain nombre de parcs le 2 juin prochain.
Pour revenir sur le premier point, quelques structures échappent encore aux radars : je pense en particulier aux agriculteurs du réseau « Bienvenue à la ferme », qui restent exclus de ce champ, étant donné que leur activité d’hébergement est incluse dans l’activité agricole.
Nous pourrons échanger plus avant sur ce dossier : d’autres hébergeurs encore sont exclus du dispositif, faute de disposer de la structure juridique adéquate – il s’agit souvent d’entreprises individuelles.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Les mesures annoncées jeudi dernier vont permettre de répondre aux besoins urgents du secteur. Elles étaient nécessaires. Pour autant, elles ne sont pas suffisantes, car le secteur du tourisme et des cafés, hôtels et restaurants est l’un des plus touchés par la crise sanitaire ; or plusieurs secteurs en dépendent.
Nous craignons que les mesures de relance annoncées ne profitent qu’aux acteurs les plus solides et les mieux dotés, c’est-à-dire à ceux qui auront encore les moyens d’investir en fin de saison, et aux territoires à forte rentabilité.
S’il faut des mesures d’urgence pour assurer le redémarrage, pour reprendre ensuite une pleine activité économique, le secteur aura besoin de lisibilité, de réservations et de revenus, bref, de travail, avant de pouvoir faire des projets et d’investir.
Pour cela, il faut d’abord des salariés travaillant dans de bonnes conditions, ce qui n’est pas le cas des saisonniers. Il faut ensuite des clients solvables. Or certains de nos concitoyens ont vu leurs revenus amputés et auront du mal à partir en vacances. Il faut enfin que les territoires dont le tourisme et l’agriculture sont les principales ressources demeurent attractifs.
Pour que le tourisme continue d’irriguer l’économie dans tous les territoires, il faut donc un soutien fort, à long terme, qui nécessite des mesures nouvelles.
Tout d’abord, il faut un calendrier de réouverture lisible pour les CHR, et pourquoi pas l’expérimentation d’une ouverture anticipée des cafés-restaurants dans des zones rurales peu denses. Ce sont parfois les seuls commerces dans les petites communes ; leur rôle touristique n’en est pas moins important.
Ensuite, il convient de mettre en œuvre un véritable statut du saisonnier, qui garantisse une meilleure indemnisation, un suivi social et médical, ainsi que des formations permettant des évolutions de carrière.
Il faut aussi une forte incitation à l’organisation de voyages et de sorties scolaires pendant les prochaines années, et un élargissement exceptionnel des chèques-vacances aux 50 % des Français au-dessous du revenu médian, par un abondement de l’État, ainsi que des collectivités territoriales et des comités d’entreprise volontaires.
Enfin, il faut apporter un soutien financier aux territoires en zone de revitalisation rurale, dont le tourisme constitue la principale ressource non agricole.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous m’indiquer si le Gouvernement peut, rapidement, mettre en œuvre ces mesures de relance du secteur du tourisme ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, vous craignez que seuls les plus forts ne s’en tirent. Face à ce risque, nous avons mis en place des outils permettant à tous les acteurs de respirer économiquement et de survivre.
Avec la BPI, nous avons créé un instrument que nous n’avons pas encore évoqué cet après-midi : le prêt tourisme, qui a deux caractéristiques très intéressantes pour tous les acteurs.
Premièrement, il permet un différé de deux ans. Les acteurs pourront enjamber les saisons estivales 2020 et 2021 ; ils ne commenceront à rembourser qu’au début de 2022 et disposeront ainsi de capacités d’action.
Deuxièmement, le prêt tourisme présente une maturité de remboursement plus longue ; alors que les prêts sont en moyenne de sept ans dans le secteur du tourisme, il peut aller jusqu’à dix ans. Ce produit sera sans doute très utile : il aidera un grand nombre de professionnels à enjamber cette période complexe.
S’agissant du calendrier, nous avons dit dès le début : rendez-vous fin mai pour donner des perspectives et des dates quant aux modalités d’ouverture dans le secteur du tourisme. Nous sommes maintenant à quelques jours de cette échéance.
Il était important d’avoir du recul quant à la première phase du déconfinement : rien n’aurait été pire que de donner, longtemps en amont, une échéance autour de laquelle les professionnels se seraient peut-être réorganisés, en recrutant leurs saisonniers ou en reconstituant leurs stocks, puis de rétropédaler face à une évolution défavorable de l’épidémie. C’est aussi pour épargner un tel risque aux professionnels que nous avons voulu attendre la fin de mai avant de leur donner cette visibilité.
S’agissant des saisonniers, au-delà du report de la réforme de l’assurance chômage, nous lancerons à la mi-juin, avec l’Institut français du tourisme, une plateforme mettant en relation l’offre et la demande. Il va falloir faire vite : les employeurs comme les employés vont devoir rapidement trouver chaussure à leur pied. C’est à cette condition que l’on pourra lancer la saison.
Enfin, s’agissant du tourisme pour tous, je vous le confirme, nous travaillons sur un certain nombre de dispositifs en partenariat avec les territoires, et nous devrions aboutir dans les premiers jours de juin. Il s’agit à la fois de favoriser le départ en vacances du plus grand nombre et de défendre ce tourisme bleu-blanc-rouge que j’appelle de mes vœux.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. Depuis le 17 mars, le confinement, puis l’interdiction des rassemblements ont sonné le glas d’un très grand nombre d’événements culturels, brutalement interrompus. Les festivals ont payé un lourd tribut à l’épidémie, en étant bien souvent purement et simplement annulés. C’est l’ensemble du monde culturel qui est aujourd’hui plongé dans une profonde angoisse.
Même à l’heure du déconfinement, les conditions d’exercice de l’ensemble des activités liées à la saison culturelle estivale demeurent hautement compromises.
Une année sans festival priverait nos villes et nos villages d’un lien social fondamental, et c’est une partie de son âme que perdrait notre pays.
Il est déjà acté qu’aucune manifestation rassemblant plus de 5 000 personnes ne se tiendra cet été. Pour ces événements, l’unique question est désormais : comment l’État compensera-t-il le colossal manque à gagner ? Pour les autres, le Gouvernement doit se prononcer le 2 juin, avec la Fête de la musique en ligne de mire.
De nombreuses interrogations pèsent encore sur les deux semaines à venir.
Au Sénat, dans le cadre du groupe de travail « Création », et sous l’impulsion de notre collègue Sylvie Robert, nous avons auditionné M. Bertrand Munin, sous-directeur de la diffusion artistique et des publics à la DGCA (direction générale de la création artistique).
M. Munin dirige la cellule d’accompagnement des festivals, créée pour l’occasion, puisque le ministère n’avait pas d’approche globale des festivals. Il est parfaitement conscient des enjeux.
Les organisateurs souhaitent maintenant des informations précises : il est urgent que l’État fixe un cadre clair, pour la période courant jusqu’à la fin du mois d’août. Quelles règles de protection les structures devront-elles mettre en place pour leurs équipes, qu’elles soient administratives, techniques ou artistiques ? Quelles sont les conditions applicables en matière d’accueil du public ?
À ce stade, les annonces du Président de la République ne permettent pas de répondre à ces questions.
Le monde de la culture attend des réponses précises et pas des envolées lyriques.
Monsieur le secrétaire d’État, l’espoir est immense, la déception le serait aussi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, foin d’envolées lyriques : soyons concrets !
Un certain nombre de collectivités territoriales, qui accueillent de grands festivals, ont fait le choix de se réorganiser. C’est le cas de la ville de Nice, où Christian Estrosi procède à un redimensionnement : il a décidé de multiplier les petits événements, avec des jauges bien plus basses qu’envisagé initialement. Ces choix prouvent à la fois la créativité d’un certain nombre d’acteurs touristiques des territoires et le volontarisme des élus.
Même si cet été culturel sera différent, il sera réussi. Dès aujourd’hui, un certain nombre de sites culturels rouvrent leurs portes, comme le château de Chaumont-sur-Loire, dont le festival est bien connu.
S’agissant de la Fête de la musique, le ministre de la culture, Franck Riester, s’est exprimé vendredi dernier. Il souhaite que cet événement soit maintenu, même sous une forme différente : la réponse viendra dans quelques jours. Ce qui est sûr, c’est que, d’une façon ou d’une autre, la musique sera à l’honneur ce 21 juin.
Le ministère de la culture a tout fait pour être aux côtés des organisateurs, notamment via la cellule que vous avez évoquée. Cette structure est là pour les aider, les accompagner et les conseiller. Le Président de la République lui-même s’est mobilisé, et il a annoncé un certain nombre de mesures et de fonds.
Ce sont là autant de preuves de cet accompagnement, dont Franck Riester parlerait encore mieux que moi. Nous sommes au côté de ces personnes, qui font rayonner le meilleur de la culture française.
Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. Pour de nombreux départements, le tourisme représente une ressource vitale : dans l’Ardèche, territoire dont je suis élu, il constitue 13 % de la richesse produite, et cette activité se concentre sur la période courant d’avril à septembre.
J’aborderai la question singulière de l’hôtellerie de plein air, autrement dit des campings. Elle concerne tous les territoires, notamment le Pas-de-Calais, la Vendée et, tout particulièrement, le département que je représente, lequel compte 267 campings.
L’hôtellerie de plein air, c’est 22 millions de visiteurs par an. Je comprends tout à fait la nécessité d’adapter, comme on l’a fait, les autorisations préfectorales aux situations sanitaires locales. Mais je sais aussi que les gestionnaires de campings ont besoin, à très court terme, de clarifications, notamment pour savoir s’ils pourront rouvrir leurs portes dès à présent, pour les ponts de l’Ascension et de la Pentecôte.
Monsieur le secrétaire d’État, plus généralement, où en est la conclusion d’un accord avec les professionnels de l’hôtellerie de plein air ? Ces derniers vous ont proposé, il y a quelques jours, un protocole sanitaire adapté, et ils sont parfaitement conscients des efforts qu’ils devront fournir pour accueillir très prochainement du public.
En outre, les mobil-homes loués à l’année sont souvent utilisés comme des résidences secondaires à prix abordable. Accepteriez-vous d’autoriser leur réouverture, au moins pour les locataires domiciliés dans un rayon de 100 kilomètres ?
Enfin – ce sujet a déjà été abordé –, les communes touristiques vont être durablement et durement touchées par cette crise. Prévoyez-vous, dans le plan de relance, des mesures spécifiques et directes d’aides aux collectivités et, si oui, sous quelle forme ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)