Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le ministre, le confinement a révélé les fractures qui minent l’éducation et les a, sans doute, aggravées. Dans certaines familles, du fait des difficultés d’accès à internet ou de l’exiguïté du logement, le retard scolaire des enfants s’est accru. L’école à la maison, ce n’est pas l’école !
Vous avez mentionné le taux de 5 % de décrocheurs au cours des deux derniers mois. Ce chiffre paraît pour le moins sous-estimé, quand on sait que 1,8 million d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté en France. On peut estimer à 20 %, et même davantage dans certains territoires ou quartiers défavorisés, la proportion des enfants qui se sont retrouvés en situation de décrochage scolaire.
À cela s’ajoute le fait que la rentrée scolaire du déconfinement, pourtant préparée consciencieusement par les équipes éducatives et certaines mairies, n’est pas à la hauteur de vos attentes et des nôtres : peu d’enfants retrouvent le chemin des classes, à commencer par ceux qui en auraient le plus besoin…
Monsieur le ministre, depuis la rentrée du déconfinement, les enseignants des quartiers populaires nous alertent : les victimes collatérales du confinement, à savoir les décrocheurs scolaires, ne reviennent pas à l’école ! La réouverture des écoles n’a donc pas permis de lever les inquiétudes pour ces familles qui craignent, plus que d’autres, une seconde vague de l’épidémie.
Cette situation rend encore plus nécessaire la mise en place d’une réflexion en vue de la rentrée de 2020. Des villes l’ont déjà entreprise, en s’appuyant sur les centres sociaux ou des associations. Monsieur le ministre, comment comptez-vous répondre à cette situation sur les plans pédagogique, psychologique et social ?
L’année scolaire 2020-2021 ne peut pas être préparée de la même façon les autres. Êtes-vous prêt à lancer avec toute la communauté éducative, les associations et les collectivités territoriales concernées – régions, départements, villes – une grande concertation déconcentrée pour élaborer une réponse à la hauteur de l’enjeu qui est devant nous, à mobiliser les moyens sans compter pour qu’aucun enfant ni aucun jeune ne soit abandonné ou ignoré ? La génération scolaire Covid-19 ne saurait être sacrifiée : ce serait une catastrophe pour toute la Nation et la République !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, je pourrais me contenter de vous répondre simplement : oui ! Je vais le faire, mais en développant un peu…
Il est évident que l’année scolaire 2020-2021 sera particulière, dans tous les cas de figure. Dans l’hypothèse la plus positive, où la société serait débarrassée du virus au moment de la rentrée, il faudrait de toute façon tenir compte des dégâts causés par le confinement. Dans l’hypothèse négative où le virus serait toujours présent, nous devrions continuer à nous adapter, comme dans l’hypothèse intermédiaire où le virus disparaîtrait en cours d’année scolaire.
Quelle que soit la configuration, nous devrons imaginer une école nouvelle en faisant d’un mal un bien, pour que nos élèves puissent travailler dans de bonnes conditions l’année prochaine.
Cela passera, d’abord et avant tout, par une vaste concertation ; je la mènerai tout au long des prochaines semaines pour préparer cette rentrée très particulière. J’y suis d’autant plus prêt que je suis convaincu de la nécessité de créer de l’unité autour de l’école. Nous avons besoin aussi de créativité, tant nationale que locale, et de la participation de tous.
Les premières pistes sont devant nous : accorder une place plus importante au sport et à la culture, donner sa juste place au numérique, avec des outils pertinents pour accompagner les élèves, et définir une nouvelle organisation du temps, ainsi que de l’aide individualisée, en partant évidemment du temps de l’élève.
Nous ne partons pas de zéro sur ces sujets, sachant que le Sénat, par le passé, a déjà avancé des idées. La rentrée prochaine nous oblige à passer au concret, dans le cadre d’un partenariat entre l’éducation nationale et les collectivités territoriales. Tout au long des prochaines semaines, nous allons préparer de manière très ouverte cette rentrée inédite.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Rouvrir ou ne pas rouvrir les écoles, et pour quel suivi pédagogique ? Rouvrir ou non les établissements scolaires, et pour quels élèves : ceux de maternelle, du primaire, les collégiens, les lycéens ?
Toutes ces questions sont légitimes et pertinentes, sachant que la rentrée du 11 mai reposait sur trois piliers totalement inédits : le volontariat parental, la mise en place dans tous les bâtiments accueillant les écoliers d’un protocole plus que draconien et la maîtrise encore fragile, ainsi qu’en attestent le vert apaisant et le rouge inquiétant qui teintent les cartes de France, d’une crise sanitaire majeure.
Dans mon département de l’Oise, qui fut le premier touché par l’épidémie et qui lui a payé un lourd tribut, tous les maires se sont interrogés. Parmi eux, 220 ont décidé de ne pas rouvrir leur école, de sorte que la moitié des écoles du département restent fermées. Pourquoi ces maires ont-ils pris ces arrêtés, souvent la mort dans l’âme et malgré la pression des autorités académiques ? Pour protéger leur population, alors qu’on ne cesse d’évoquer le risque d’une seconde vague. Parce que leur responsabilité était engagée par des préconisations ignorant souvent la réalité de leur territoire. Enfin, parce que la mise en œuvre du fameux protocole sanitaire est un véritable casse-tête, surtout dans les communes rurales où les classes sont souvent plus anciennes et moins fonctionnelles. Là où rentrée il y eut, ce fut à effectifs très restreints, des parents inquiets préférant que leurs enfants restent à la maison.
Cette reprise s’est-elle bien passée ? Pas toujours, notamment pour les plus petits, pour qui le retour à l’école s’est transformé en un nouveau confinement, dans leur classe.
Aussi une question revient-elle inlassablement chez les élus, mais aussi chez de très nombreux parents et enseignants : l’assimilation des gestes barrières n’est-elle pas plus facile par des adolescents ou des préadolescents que par des enfants de petite, moyenne ou grande section ? En d’autres termes, n’aurait-il pas été plus sage, plus simple, plus efficace de faire rentrer d’abord les lycéens et les collégiens, à l’instar d’autres pays ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, on peut tout à fait comprendre que l’inquiétude prévale dans un département comme le vôtre, compte tenu de ce qu’il a subi. Il n’est pas anormal que l’on y constate les plus grandes difficultés à rouvrir les écoles. Je le comprends et je le déplore à la fois.
Au reste, je ne considère pas que cette situation soit définitive. N’oublions pas que les écoles n’ont rouvert qu’il y a huit jours ! J’ai encore en tête les discours que certains tenaient voilà deux semaines, affirmant que, dans une grande majorité de communes, elles ne rouvriraient pas. Fort heureusement, cela ne s’est pas vérifié. Il faut parfois avoir le cœur bien accroché et savoir tenir le cap, sans écouter les Cassandre.
Je crois au cercle vertueux de la confiance. Nos discours et notre volontarisme finissent par produire des effets. À cet égard, j’espère que le pourcentage de réouverture des écoles aura évolué d’ici au mois de juin dans votre département. Je pense que vous le souhaitez aussi.
Certes, le protocole sanitaire est strict, mais on ne peut que souhaiter qu’il le soit dans un département comme le vôtre, dont la situation est particulière. Nous devons accompagner les maires, qui sont les partenaires de l’éducation nationale. C’est pourquoi j’approuve le volontarisme de l’autorité académique dont vous avez fait état. L’autorité académique est dans son rôle. Il lui faut désormais travailler à convaincre les collectivités et les aider, au côté du préfet, à faire face aux contraintes qui s’imposent à elles. Nous devrons également convaincre les familles, pour cette rentrée de mai-juin et en vue d’un retour à la normale au mois de septembre.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.
M. Olivier Paccaud. Je regrette que vous n’ayez pas répondu à ma dernière question : pourquoi avoir fait rentrer les petits avant les grands ? C’est un vrai problème. On a beaucoup évoqué les « perdus de vue » du confinement. Parmi eux, il y a des grands, notamment des élèves de lycée professionnel ! Vous avez dit, dans votre propos liminaire, que la critique est facile ; pour ma part, je veux simplement souligner une incohérence.
M. Jacques Grosperrin. C’est un arbitrage…
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Mercier. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie Mercier. Voilà deux ans, monsieur le ministre, vous exposiez, dans un long entretien accordé à un hebdomadaire, vos préconisations et vos objectifs dans cette noble tâche de ministre qui est la vôtre. Vous disiez alors que vous vouliez que les élèves progressent et qu’il ne fallait pas cacher les problèmes sous le tapis.
En revanche, vous n’aviez pas parlé de la médecine scolaire, sauf au détour de la question des certificats médicaux. La médecine scolaire était pourtant déjà dans un état catastrophique, voire alarmant, avec moins de 1 000 médecins scolaires pour 12,5 millions d’élèves…
Or la médecine scolaire, c’est la prévention, l’éducation à la santé, l’hygiène, le bien-être. Nous allons en avoir besoin.
Le déconfinement aura révélé des drames. Des élèves ont décroché, des enfants ont été exposés aux écrans parfois jour et nuit, certains jeunes ont été témoins ou victimes de violences intrafamiliales. Comment les repérer ? Comment les aider ?
Pourquoi ne pas constituer des « équipes de santé » autour du médecin, de l’infirmière, de la psychologue, de l’assistante sociale et du chef d’établissement, pour effectuer des bilans et des suivis médicaux et assurer l’éducation sanitaire ? Si celle-ci existe aujourd’hui, elle est réservée aux cas les plus lourds, faute d’effectifs : il manque 500 postes de médecin scolaire. Le médecin scolaire est tout simplement invisible, en l’absence d’une véritable reconnaissance institutionnelle. Il a pourtant suivi une formation longue – neuf ans d’études –, au carrefour de la pédiatrie et de la psychiatrie. C’est un très beau métier, mais il manque du monde. Monsieur le ministre, allez-vous aider la médecine scolaire ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, j’adhère pour l’essentiel à vos propos.
Le problème de la médecine scolaire, en France comme dans d’autres pays, est aigu et complexe, depuis de nombreuses années. Il tient non pas au manque de postes, mais aux difficultés à recruter. Il est exact que nous devons encore progresser sur le sujet de la médecine scolaire.
Ces deux dernières années, nous avons pris des mesures, notamment pour inciter les étudiants en médecine à opter pour la médecine scolaire. Nous devons aller plus loin. La principale piste d’amélioration est celle que vous avez évoquée, à savoir la conclusion de partenariats aussi bien à court terme qu’à long terme.
À court terme, nous devons être capables de constituer des équipes associant la médecine de ville et, parfois, des médecins relevant d’autres collectivités locales. Je suis tout à fait prêt à mettre en œuvre cette logique d’équipes.
Deux points peuvent nous rendre quelque peu optimistes.
Premièrement, la relation entre l’éducation nationale et les agences régionales de santé s’est encore renforcée pendant cette période de crise, au travers, par exemple, de l’accueil dans les écoles des enfants de soignants. Les synergies seront plus fortes à l’avenir.
Deuxièmement, nous sommes en train de mettre sur pied le dispositif « sport, santé, culture, civisme » (2S2C). Il s’agit de veiller à l’épanouissement de l’enfant, y compris sur le plan psychologique, à l’éducation à la santé et à des enjeux voisins, comme l’éducation physique et sportive, pour aboutir à une démarche d’ensemble cohérente, centrée sur l’élève. Dès maintenant, le dispositif 2S2C peut être un moyen de s’approprier ces enjeux. Le défi est immense et la situation mérite d’être améliorée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Mercier, pour la réplique.
Mme Marie Mercier. Monsieur le ministre, l’éducation nationale est un ministère extraordinaire. Éduquer, c’est ex ducere, « emmener au-dehors » : il faut emmener dans la société des enfants en bonne santé.
Le ministère des solidarités et de la santé va mettre en place des brigades d’« anges gardiens ». Pourquoi ne pas instituer l’équivalent dans votre ministère ?
En tout état de cause, votre réponse montre, pour reprendre l’une de vos expressions, que vous ne mettez pas la médecine scolaire sous le tapis !
M. Philippe Bas. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Rapin. Monsieur le ministre, ma question porte sur l’organisation des concours d’entrée dans les grandes écoles qui recrutent à l’issue des classes préparatoires. Dans la plupart des cas, les épreuves de ces concours se passent dans les lycées.
La crise sanitaire que traverse le pays a conduit le Gouvernement à reporter les examens nationaux et les concours.
Concernant les trois filières de classes préparatoires aux grandes écoles, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Frédérique Vidal, a annoncé, le 17 avril dernier, que les écrits des concours seraient reprogrammés entre le 20 juin et le 7 août prochain.
La question des conditions et des lieux de leur organisation doit donc être résolue. Il s’agit notamment de préparer les centres d’examen ou lycées habituels pour accueillir les étudiants à ces dates, en s’assurant que les consignes sanitaires seront bien respectées, pour ne pas mettre les candidats ni les surveillants en danger.
Dans cette optique, le service des concours des écoles d’ingénieurs essaie d’ouvrir davantage de centres, afin de limiter les déplacements pour les étudiants. Au lieu d’ouvrir des centres, il a été envisagé, dans certaines académies, que les étudiants passent les épreuves de leur concours à Paris. On voit que, sur le terrain, la gestion du nouveau calendrier soulève d’importantes difficultés. N’aurait-il pas fallu vérifier que ce calendrier est concrètement tenable avant de l’imposer sur nos territoires et à nos lycées ?
À mon sens, il faut impérativement obtenir l’ouverture de lieux d’examen dans les différentes académies des candidats, pour limiter les frais de transport et d’hébergement, éviter une inégalité de traitement entre ceux qui subiraient le stress de l’organisation d’un déplacement et ceux qui seraient sur place, et, surtout, éliminer le risque sanitaire que représenteraient des allers-retours entre zone verte et zone rouge.
L’exemple concret des concours d’entrée aux grandes écoles montre les limites d’une organisation logistique gérée dans l’urgence, pour des raisons compréhensibles. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour éviter de tels dysfonctionnements ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, votre question relève davantage de la compétence de la ministre de l’enseignement supérieur, même si je m’intéresse de très près aux classes préparatoires.
Le sujet est important. J’ai beaucoup échangé avec Frédérique Vidal pour essayer de trouver la meilleure formule.
Nous avons défini des protocoles sanitaires pour l’organisation de ces concours. Ils ont été rendus publics sur le site du ministère lundi dernier, de façon à donner des points de repère.
En outre, nous avons établi que, si les lycées devaient rouvrir, ce que nous ignorons encore au moment où je vous parle, les élèves de seconde année des classes préparatoires ne rentreraient pas, afin de ne pas créer une situation d’inégalité entre zone verte et zone rouge, sachant que ces élèves sont suffisamment âgés pour suivre une préparation à distance.
Vous appelez à une organisation des concours par académie. Cette requête me paraît tout à fait audible, mais cela dépendra de notre capacité à rouvrir les lycées. Frédérique Vidal et moi-même devrions avoir éclairci la situation d’ici à la fin du mois de mai.
Conclusion du débat
Mme la présidente. Pour clore ce débat, la parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission. De très nombreux thèmes ont été abordés au cours de ce débat très riche, témoignant de notre vif attachement à notre école. Au-delà de la problématique du temps scolaire et des apprentissages, des questions ont porté sur l’organisation des concours, sur les temps périscolaires, sur l’accompagnement médical et psychologique des enfants, sur l’inclusion des élèves handicapés ou encore sur notre réseau d’établissements à l’étranger. Je sais, monsieur le ministre, que vous avez évoqué ce dernier sujet avec M. Jean-Yves Le Drian, et nous en parlerons tout à l’heure avec M. Jean-Baptiste Lemoyne.
Quid toutefois des conservatoires, qui se sentent oubliés de la reprise ? Interrogé sur ce point par notre commission, le ministre de la culture avait renvoyé aux collectivités territoriales. Cela ne suffit pas. Je rappelle que l’État dispose de la compétence pour les cursus, les diplômes et les classes à horaires aménagés musicales. Le Gouvernement dit vouloir relancer l’éducation artistique et culturelle. Il faut être cohérent et répondre aux demandes des directeurs.
Nos débats ont également montré la grande diversité des acteurs qui interviennent aux côtés de l’éducation nationale – équipes pédagogiques, familles, élus locaux, médecine scolaire, autorités académiques – et la nécessité d’un travail concerté.
Plusieurs collègues, en particulier Max Brisson et David Assouline, ont souligné l’importance de la rentrée de septembre. Elle est inédite, et son organisation devra nécessairement prendre en compte cette période très particulière qu’ont vécue les élèves. Les chefs d’établissement que nous avons rencontrés sur le terrain estiment que la reprise de l’école était nécessaire, parce qu’elle raccroche l’enfant à l’institution, mais aussi parce qu’elle constitue une forme de test dans la perspective de la rentrée de septembre. Bien évidemment, des adaptations des programmes et des apprentissages seront sans doute nécessaires.
Au-delà de l’aspect pédagogique, je veux insister sur la nécessité de prendre en compte les conséquences psychologiques et sur le développement de l’enfant de la période de confinement. Je pense notamment aux enfants qui ont vécu très difficilement cette période, en raison de violences familiales, sujet cher à Marie Mercier et à Dominique Vérien, ou, parfois, du décès d’un membre de leur famille. Un certain nombre de familles risquent, en outre, d’être confrontées, dans les semaines et mois à venir, à des difficultés économiques ou à des licenciements.
Plus généralement, tous les enfants ont été affectés par l’indisponibilité de leurs parents à cause du télétravail, l’impossibilité de voir leurs camarades de classe et de jouer avec eux, une trop grande exposition aux écrans, une forte limitation des activités en plein air. Il est donc nécessaire de remettre l’enfant en situation d’apprentissage et de lui redonner confiance.
Vous avez vous-même évoqué, monsieur le ministre, devant la mission d’information sur les conséquences de l’épidémie de Covid-19 de l’Assemblée nationale, la nécessité de « développer une vision fondée sur ce que vit l’élève » et indiqué, à cette occasion, que, « plus que jamais, le droit aux vacances est un enjeu majeur de l’été » pour les enfants. Nous ne pouvons que souscrire à l’opération « Vacances apprenantes ». Nous savons que vous travaillez actuellement, en partenariat avec les collectivités locales et les fédérations d’éducation populaire, à la mise en place de ces colonies de vacances et séjours de loisirs. Bien évidemment, de nombreuses questions demeurent, tenant à l’évolution de l’épidémie et des traitements, ainsi qu’aux modalités d’organisation et aux moyens humains et financiers pour les collectivités territoriales.
Cette crise sanitaire a également entraîné une accélération considérable de l’entrée du numérique dans la pédagogie. L’éducation nationale s’est adaptée à marche forcée, les enseignants essayant de trouver des solutions pour garder le contact avec leurs élèves et continuer à faire cours, en se formant parfois « sur le tas ». L’expérience que nous avons vécue nous conforte dans l’idée qu’il est indispensable de renforcer la formation au numérique, pour laquelle je plaide de longue date. C’est le sens du rapport que j’ai rédigé, au nom de notre commission, en 2018, insistant sur l’urgence et l’impérieuse nécessité d’assurer la formation aux outils numériques, ainsi que sur l’importance de la formation continue « pour permettre aux enseignants de compléter et d’actualiser leurs connaissances scientifiques, didactiques et pédagogiques ». C’est dans cet esprit que, avec Max Brisson, nous avions renforcé le volet numérique de la loi pour une école de la confiance.
Cette période a également été l’occasion, monsieur le ministre, d’innovations pédagogiques, de mise en place de nouvelles façons de travailler, de modifications des relations entre parents, élèves et enseignants. Elle a aussi permis l’émergence de nouvelles idées pour assurer un suivi plus personnalisé des élèves. Ce sont des éléments positifs à analyser, à valoriser et à développer.
Toutefois, sans accompagnement ni réflexion, l’intégration du numérique à l’école risque, malgré elle, de creuser les inégalités entre élèves, entre professeurs et entre territoires. L’apprentissage à distance mis en place depuis le 16 mars dernier a malgré tout montré la très forte mobilisation des enseignants, qu’il faut saluer.
Vous avez rappelé la tenue, à la rentrée, d’états généraux du numérique éducatif. Nous saluons évidemment cette initiative et nous formons le vœu que ceux-ci rassemblent très largement, au-delà du seul champ scolaire, le monde éducatif, les collectivités locales, les entreprises du numérique, les responsables d’infrastructures, les professionnels du développement de l’enfant, les professionnels de santé, les parlementaires… Notre commission, dans le cadre notamment du groupe de travail animé par Jacques Grosperrin, sera très mobilisée sur ce sujet.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission. Monsieur le ministre, nous vous remercions des réponses précises que vous avez apportées à nos questions non moins précises. Je le répète, il ne s’agissait que d’un point d’étape. Nous ne sommes qu’au début de la reprise, avec des effectifs réduits dans les écoles. Nous espérons que la situation évoluera à mesure que la confiance reviendra. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur les modalités de réouverture des établissements d’enseignement ainsi que sur les conditions d’organisation des concours et examens et de préparation de la prochaine rentrée scolaire.
Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.