compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
Mme Catherine Deroche.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement, sous le format adapté que nous avons défini en mars dernier, qui a évolué et qui évoluera encore.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre séance se déroule dans les conditions de respect des règles sanitaires en vigueur depuis le mois de mars.
J’invite chacun à respecter les gestes barrières. Je rappelle que les sorties de la salle des séances devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle. Pour les membres du Gouvernement, elles se feront par le devant de l’hémicycle.
Je salue ceux de nos collègues qui ont accepté de participer à cette séance depuis les tribunes qui leur sont réservées. Ils sont naturellement pleinement présents dans l’hémicycle.
Je rappelle également que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
amélioration des relations entre la police et les citoyens
M. le président. La parole est à M. Olivier Léonhardt, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Olivier Léonhardt. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, j’avais prévu depuis plusieurs jours de vous interroger sur les tensions grandissantes dans les relations entre la police et les citoyens. J’avais d’ailleurs signé durant le confinement, avec de très nombreuses personnalités, un appel dont vous avez été destinataire sur les problèmes de racisme qui existent au sein de la police (M. Bruno Retailleau s’exclame.) et qu’il me semble urgent d’affronter avec vigueur.
Cela étant, je veux aussi, bien sûr, affirmer avec force qu’il n’est pas possible de laisser toute une institution républicaine – la police nationale et ses agents – salie par les comportements intolérables d’une infime minorité. Nous savons l’importance des missions exercées par nos forces de l’ordre. La sécurité est en effet le premier des droits, notamment pour nos concitoyens les plus fragiles. (M. le Premier ministre acquiesce.) C’est également la garantie de notre liberté.
Nous savons aussi combien la mission de la police est difficile depuis malheureusement de trop nombreuses années, et ce quelle qu’ait été la couleur politique des gouvernements qui se sont succédé. Les conditions de travail de nos policiers se dégradent : manque de moyens, manque d’effectifs, manque de reconnaissance, pression liée au contexte politique mouvementé ou au terrorisme.
Dans ce cadre explosif, la dégradation des relations entre la police républicaine et nos concitoyens, qui n’a cessé de s’aggraver durant les semaines de confinement, a été malheureusement trop souvent reléguée au second plan.
C’est pour cette raison, mais aussi du fait du contexte international, que la manifestation d’hier devant le tribunal de Paris a trouvé un écho important. Je condamne bien entendu fermement les violences qui sont survenues à la fin de ce rassemblement. Il est pourtant impératif, voire urgent, à la fois de répondre aux inquiétudes des policiers et d’agir avec force pour garantir l’exemplarité de leur action.
Monsieur le ministre de l’intérieur, quels moyens sont prévus pour permettre aux forces de l’ordre de travailler sereinement ? Pouvez-vous nous préciser si le stock de plusieurs millions d’heures supplémentaires dues aux agents va enfin être payé ?
M. le président. Il faut conclure !
M. Olivier Léonhardt. Enfin, quelles nouvelles actions sont envisagées pour lutter contre les problèmes de violence et de racisme au sein de la police nationale ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Léonhardt, pour défendre cette institution de la police républicaine, que vous avez saluée dans son quotidien et à laquelle nous rendons tous hommage ici, il convient d’être particulièrement exigeant.
Il faut faire en sorte que chaque faute, et il peut y en avoir, chaque excès, chaque mot, y compris des expressions racistes, fasse l’objet d’une enquête, d’une décision et d’une sanction.
Je suis intransigeant sur le sujet des policiers qui fauteraient, car nous avons l’exigence de garantir la sérénité du travail de l’ensemble de la police et de la gendarmerie. Ce qui est essentiel, c’est d’assurer la défense de cette police républicaine qui, au quotidien, combat le racisme, l’antisémitisme et s’engage pour défendre l’honneur de la République.
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Christophe Castaner, ministre. Il s’agit non pas de faire des amalgames, mais de dénoncer tout propos ou tout comportement inapproprié. S’il y a faute, elle doit être sanctionnée, comme c’est d’ailleurs systématiquement le cas.
Le Défenseur des droits rendait, il y a quelques jours, un rapport sur des faits qui remontent à plusieurs années ; les policiers incriminés ont fait l’objet d’une peine d’emprisonnement de quatre mois !
Il y a quelques semaines, à Marseille, des policiers ont eu un comportement et ont commis des gestes inacceptables. Sur décision de justice, un d’entre eux a été condamné à quarante mois d’emprisonnement, pour avoir transporté une personne contrôlée de force en dehors de la ville de Marseille. Ces faits sont inacceptables : ils font l’objet de sanctions.
Nous devons être vigilants, mais aussi attentifs, en nous engageant, pour répondre à votre question, auprès de la police et de la gendarmerie.
Depuis 2017, le budget de la police et de la gendarmerie a augmenté de 1 milliard d’euros, ce qui est significatif. Depuis 2017, nous avons lancé un programme de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires pour tous les services, qu’il s’agisse du renseignement, mais aussi de la police de sécurité du quotidien.
Monsieur le sénateur, pour clore mon propos, je vous renvoie non pas aux commentaires, mais à la réalité d’analyses sérieuses.
Récemment, l’université Savoie Mont-Blanc a travaillé sur le rapport entre les citoyens et la police : 48 134 personnes ont été interrogées dans ce cadre, et 85,3 % d’entre elles ont une opinion très positive ou positive de la police nationale et de la gendarmerie. C’est cela la réalité, ce ne sont pas les commentaires médiatiques. La réalité, elle ne se fait pas sur les réseaux sociaux ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Éric Bocquet. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Le groupe automobile Renault vient d’annoncer la suppression de 4 600 emplois dans notre pays. Bien au-delà des effets de la pandémie en cours, nous payons là le choix des délocalisations massives vers les pays à bas coûts pratiquées ces deux dernières décennies. Les menaces pesant sur l’avenir de certains sites suscitent, on l’a constaté, d’énormes inquiétudes dans les territoires concernés : Maubeuge, malgré les annonces récentes, mais sans réelle garantie au-delà de 2023, Choisy-le-Roi, Flins, Caudan ou encore Dieppe.
Le chiffre d’affaires de Renault fut de 55 milliards d’euros en 2019. L’État actionnaire a annoncé l’octroi d’une garantie publique de 5 milliards d’euros. M. Jean-Dominique Senard, président de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, a déclaré sur France Info, lundi soir, que cette garantie ne s’accompagnait pas de « contraintes difficiles ».
Madame la secrétaire d’État, quelles contraintes allez-vous imposer au groupe Renault ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Bocquet, je sais votre attachement à Renault : vous êtes un élu du Nord, et ce département compte deux sites extrêmement importants, Maubeuge et Douai. Le premier, qui produit notamment la Kangoo, est aujourd’hui l’un des sites français les plus productifs.
Bruno Le Maire a réuni hier l’ensemble des organisations syndicales et des élus pour faire prendre des engagements à Renault. Je vous rappelle que le prêt garanti par l’État n’était pas encore signé hier. Ce sont ces engagements-là que nous prenons en donnant cette garantie.
Jean-Dominique Senard a été très clair.
Premièrement, Renault est en grande difficulté, je crois que nous pouvons tous nous accorder sur ce point. L’entreprise aborde la crise en difficulté. Nous avions appris au moment de l’annonce des résultats pour 2019 qu’elle perdait beaucoup d’argent ; elle continue à en perdre dans le cadre de la crise du Covid-19.
Deuxièmement, Renault lance un plan mondial de réduction des coûts. Ce plan concerne certes la France, mais aussi d’autres pays. La question est non pas de délocaliser des productions, mais de faire face à une diminution du nombre d’achats de voitures. Renault peut produire 5 millions de voitures ; malheureusement, elle n’en vendra peut-être que 3 millions, 3,2 millions ou 3,4 millions cette année. On voit bien là l’écart de production par rapport aux capacités industrielles.
Troisièmement, Jean-Dominique Senard s’y est engagé, les suppressions d’emplois en France ne s’accompagneront pas de licenciements secs. C’est son engagement, et nous le suivrons de très près, car c’est notre travail. S’agissant du site de Maubeuge, il a pris là encore des engagements fermes visant à donner en 2023 un avenir à ce site et à continuer d’y maintenir des activités.
Dernier point, Renault s’est engagé à relocaliser des productions en France, notamment en ce qui concerne la traction électrique, et à investir dans la batterie électrique, ce projet européen qui est si important pour notre industrie automobile. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.
M. Éric Bocquet. Madame la secrétaire d’État, les sites de production des modèles Twingo, Clio et Dacia sont implantés en Turquie, en Roumanie et en Slovénie. Ces usines tournent sept jours sur sept et sont surchargées.
Il faut décider de relocaliser la production de 300 000 de ces véhicules, afin d’apporter de la commande aux sites de production de notre pays. Il convient dans le même temps de réorienter la production vers des modèles hybrides, électriques et thermiques à prix modique, afin d’accélérer la transition énergétique. Cela pose aussi en creux la question du pouvoir d’achat.
Personne ne comprendrait que l’argent public ne serve qu’à accompagner les suppressions d’emplois. Notre industrie automobile mérite un autre développement, un autre avenir et un engagement fort et déterminé de l’État actionnaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
situation financière des collectivités territoriales en outre-mer à la suite de la covid-19
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Viviane Artigalas. Ma question s’adresse à Mme la ministre des outre-mer.
Membre de la délégation sénatoriale aux outre-mer, je me fais ici la porte-parole de mes collègues de Guadeloupe et de Martinique, qui s’inquiètent pour l’avenir budgétaire des collectivités des outre-mer.
C’est dans un contexte de chute brutale des rentrées fiscales que le Premier ministre a annoncé ce vendredi une garantie des recettes pour les outre-mer : 110 millions d’euros pour les communes ; 40 millions d’euros pour les régions et collectivités uniques. Ce sont des mesures que nous avions très tôt proposées et que nous sommes aujourd’hui satisfaits de voir actées.
Toutefois, vous nous proposez une enveloppe de 150 millions d’euros, alors que notre collègue sénateur Georges Patient, auteur d’un rapport sur le sujet, parle pour sa part de 200 millions d’euros, d’autres experts avançant même la somme de 240 millions d’euros. Nous sommes donc encore manifestement très loin du compte !
Outre ces premières mesures, des experts, mandatés par Bercy, ont également commis un rapport qui vous propose de remplacer l’octroi de mer par des points de TVA supplémentaires.
Madame la ministre, évitons-nous ce débat déstabilisant et anxiogène. Nos collègues vous demandent d’écarter cette option mortifère, qui n’a fait l’objet d’aucune consultation. Au lieu de réformer l’octroi de mer, ils vous proposent de rattraper le niveau des dotations de péréquations : versez, dès cette année, les 85 millions d’euros qui font défaut aux outre-mer.
Ils vous suggèrent également de préfinancer le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) pour toutes les collectivités ultramarines, et pas seulement pour Mayotte.
Ils souhaitent que soient versées de manière anticipée certaines ressources aux collectivités, comme la dotation globale de fonctionnement (DGF), et que soient intégralement compensés les allégements de taxe de séjour et de cotisation foncière, que vous encouragez par ailleurs.
Ils vous demandent enfin d’anticiper la crise sociale à laquelle feront face les départements et de supprimer les contrats du pacte de Cahors.
Madame la ministre, quelle réponse pouvez-vous faire à ces légitimes demandes ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Les mesures annoncées par le Premier ministre vendredi, et que vous avez évoquées, madame la sénatrice, sont des mesures exceptionnelles, historiques. Vous comme moi, nous sommes investies dans la vie politique depuis de nombreuses années. Pour ma part, je suis engagée depuis 2000, et je n’en ai jamais vu de telles, y compris après la crise de 2008. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est exceptionnel, c’est historique !
Pour les territoires ultramarins, l’effort est à la hauteur des besoins. Vous avez évoqué un certain nombre d’évaluations : ce ne sont que des évaluations. Nous nous sommes effectivement mis d’accord avec l’ensemble des collectivités pour les réaliser, mais nous avons aussi décidé que le rendez-vous serait fixé à la fin de l’année.
Qu’est-ce qui a été annoncé par le Premier ministre vendredi ? Il est important de rappeler que les communes des départements d’outre-mer (DROM) obtiendront une compensation des pertes, notamment sur l’octroi de mer et sur le carburant, qui sera totale.
Il en sera exactement de même pour les régions ultramarines, qui bénéficieront de cette garantie spécifique de prise en charge par l’État. Bien sûr, il faut une évaluation ; celle-ci a été chiffrée : le rapport du député Cazeneuve nous a servi de base, mais les débats continuent, et nous aurons l’occasion d’en reparler.
J’y insiste : aucune collectivité n’est oubliée. Je vous rappelle que la Nouvelle-Calédonie, comme la Polynésie française, a fait une demande de prêt garanti par l’État. Nous avons accordé 240 millions d’euros à la Nouvelle-Calédonie dans le PLFR 2. Nous sommes en train de négocier pour inscrire le cas de la Polynésie française dans le PLFR 3.
Par ailleurs, les petites collectivités régies par l’article 74 de la Constitution sont également prises en compte dans leurs spécificités, notamment quand elles ont des ressources qui proviennent d’une forme d’octroi de mer ou de taxes sur les carburants.
Par conséquent, c’est la première fois que l’on embrasse la totalité des territoires ultramarins et que l’on est aux côtés de tous les territoires. Il faut, je crois, s’en féliciter.
Néanmoins, je n’ai pas oublié vos autres demandes, madame la sénatrice. Bien sûr, nous sommes aux côtés des collectivités depuis le début. J’ai d’ailleurs fait en sorte que le fonds exceptionnel d’investissement (FEI) de 110 millions d’euros, soit attribué en totalité aux différentes collectivités dès le mois de février, soit dès le début de la crise, pour que ces dernières puissent agir, dès le déconfinement, afin de relancer les marchés publics et l’économie de leur territoire.
Avec l’Agence française de développement, nous avons annoncé un milliard d’euros de soutien aux collectivités et aux entreprises, somme disponible à partir de cette semaine. Nous avons mis en place d’autres formes d’accompagnement, et le Gouvernement n’a pas terminé l’ensemble de ses annonces en la matière, puisque le Premier ministre reprendra la parole sur ce sujet.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Annick Girardin, ministre. Pour l’outre-mer, notre réflexe est le suivant : nous sommes aux côtés des collectivités, comme cela n’était jamais arrivé dans l’Histoire !
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.
Mme Viviane Artigalas. Je vous remercie de vos réponses, madame la ministre. Nous comptons sur vous pour continuer en ce sens.
Je tiens tout de même à souligner que l’urgence est de prévenir tous les risques d’incapacité budgétaire, en permettant aux collectivités d’outre-mer de sortir de l’ornière et de retrouver des marges de manœuvre.
En effet, vous n’êtes pas sans savoir que l’investissement et l’économie des outre-mer dépendent essentiellement de la commande publique. Nous comptons sur vous pour aller plus loin. Et surtout, ne rouvrez pas le débat sur l’octroi de mer ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
étiquettes politiques des maires
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Jean-Pierre Decool. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
C’est un parlementaire quelque peu décontenancé qui vous interroge, monsieur le ministre, à propos de la reconnaissance des élus locaux sans étiquette. Ces derniers représentent, excusez du peu, près de 85 % des élus locaux dans le département du Nord.
Il y a quelques années, j’avais plaidé avec Alex Türk, mon prédécesseur, ainsi qu’avec la fédération des élus non inscrits du Nord, en faveur de l’instauration officielle de la qualité d’élu « sans étiquette ». C’était en 2003 !
En 2010, le Conseil d’État avait rejeté le recours formulé contre l’impossibilité pour les élus d’être reconnus et classés « sans étiquette ».
Ce combat ancien, nous pensions le partager avec vous, monsieur le ministre. Lorsque mon collègue Dany Wattebled vous a interrogé sur votre volonté d’intégrer cette rubrique dans les documents des élections municipales de 2020, vous sembliez ouvert à la discussion – « à notre écoute », pour reprendre l’expression que vous aviez utilisée !
Votre circulaire tant décriée du 10 décembre 2019 apportait un début de réponse, en supprimant le nuancement politique pour les candidats dans les communes de moins de 9 000 habitants.
La circulaire a été suspendue par le Conseil d’État. Celle du 3 février a rabaissé le seuil aux communes de moins de 3 500 habitants, hors chefs-lieux de canton. Nous n’avons pas crié victoire, mais nous pensions que le concept d’élu « sans étiquette » était acquis.
Or, depuis quelques jours, j’ai un horrible doute. Certains maires m’ont fait part de leurs déceptions et de leurs interrogations en remplissant le document de déclaration des résultats. Dans celui-ci, leur étiquette politique leur est demandée, y compris dans les communes de moins de 3 500 habitants.
Ma question est donc claire : votre circulaire du 3 février 2020 s’adresse-t-elle aux déclarations de candidature et aux documents de résultats des élections ou s’adresse-t-elle uniquement aux seules déclarations de candidature ? Il semble que les interprétations soient différentes selon les endroits.
Plus clairement, dans les communes de moins de 3 500 habitants, hors chefs-lieux d’arrondissement, les élus qui le souhaitent peuvent-ils choisir de ne pas avoir de nuance politique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, vous l’aviez bien compris, l’objet de la circulaire que j’ai signée était d’éviter que les préfets seuls ne décident du nuançage politique dans les communes de plus de 9 000 habitants (M. Philippe Dallier ironise.), c’est-à-dire dans un très grand nombre de communes.
En effet, la réalité, à laquelle j’ai été confrontée pendant les dix-sept ans où j’ai été maire d’une commune de 5 000 habitants, c’est que l’on peut avoir une étiquette politique personnelle, mais pas dans sa fonction, ni même dans le cadre de la liste que l’on conduit.
Le débat a eu lieu, il a été très médiatisé et très repris. J’ai essuyé quelques reproches…
M. Philippe Dallier. Justifiés !
M. Christophe Castaner, ministre. … et j’ai donc j’ai abaissé le seuil à 3 500 habitants, conformément à la décision du Conseil d’État.
Vous l’avez rappelé, il existe une différence entre l’étiquette politique, qui est déclarative, et le nuançage, qui relève depuis longtemps de l’appréciation des préfets. Effectivement, un certain nombre d’élus ne se retrouvent pas forcément derrière une étiquette politique. On les invite donc à en déclarer une. Ils peuvent effectivement ne pas y parvenir, mais les préfets – c’est l’usage, et je ne voudrais pas rouvrir ce débat – doivent nuancer.
La règle qui s’appliquera dans les jours qui viennent est la même que celle qui a été retenue en 2014 et dans les années précédentes.
Depuis 2014, les 37 165 maires qui ont été en fonctions, y compris en raison d’une démission, d’un décès ou d’un remplacement, ont fait l’objet de cette nuance par les préfets, et 26 689, soit 72 % d’entre eux, ont été classés « divers ».
Certes, il ne s’agit pas de l’appellation « sans étiquette », mais il me semble que vous vous retrouverez dans cette appellation « divers », qui ne permet pas d’identifier politiquement un candidat selon le schéma que nous connaissons au sein de la représentation nationale ou dans les partis politiques, mais qui correspond à l’expression des maires ne voulant pas se reconnaître dans telle ou telle étiquette politique.
L’instruction que je donne au moment où je vous réponds et que je confirmerai si c’est nécessaire est la suivante : les préfets doivent être à l’écoute des maires désignés par le conseil municipal ; la qualification « divers » relève de leur appréciation, et nous devons l’entendre. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
situation dans les banlieues
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour le groupe pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Arnaud Bazin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, il se développe en France chez certains de nos concitoyens un sentiment d’impunité, qui n’est d’ailleurs pas qu’un sentiment. Il se développe une réelle impunité, la violence et la menace ayant depuis longtemps pris la place de la loi et de forces de l’ordre de plus en plus spectatrices de situations qui leur échappent. L’autorité de l’État, à leurs yeux, n’est plus qu’un mot.
À force de laisser faire, d’excuser et de ne rien faire, l’État a perdu le contrôle. Nous récoltons les fruits amers de nos renoncements.
L’une de nos collègues, Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice du Val-d’Oise, est aujourd’hui victime de cette violence et de ces intimidations, qui touchent tous ceux qui représentent l’État ou les pouvoirs publics. Ceux qui n’acceptent pas une décision prise par la mairie de sa ville ont choisi de s’en prendre à notre collègue.
Vendredi dernier, elle a été copieusement insultée.
Lundi, un groupe d’une quarantaine de personnes a fait le siège de son domicile, l’empêchant de sortir de chez elle, allant jusqu’à la menacer de s’en prendre à sa mère âgée, qui habite un quartier d’HLM de la ville. Avant que ce groupe, qui déambulait dans la ville, n’arrive devant son domicile, la police municipale avait pourtant prévenu la police nationale de ses intentions.
Hier, ce même groupe a recommencé sa bruyante déambulation, bloquant la circulation, s’installant sur plusieurs giratoires, pour finir par revenir devant le domicile de notre collègue et y proférer des menaces.
Aujourd’hui notre collègue ne peut plus circuler librement dans sa ville.
Hier, une manifestation interdite en plein état d’urgence sanitaire, qui a réuni 20 000 personnes devant le palais de justice de Paris, a dégénéré. La justice y était accusée de couvrir la gendarmerie dans un dossier que, hélas, je ne connais trop que bien sur le plan local.
Quelle inversion des valeurs ! Ce sont désormais les voyous qui tiennent la dragée haute aux représentants de l’État, aux forces de l’ordre. L’impunité leur donne toute leur force. Ces voyous savent qu’ils ne risquent rien : la politique de votre gouvernement est de vider les prisons.
Monsieur le ministre, où est l’État ? Qu’est devenue l’autorité de l’État ? (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, je ne partage pas votre vision.
Certes, les faits que vous évoquez, notamment en ce qui concerne votre collègue sénatrice, sont totalement insupportables, inacceptables ! J’ai d’ailleurs demandé au préfet de prendre langue avec elle, afin que tous les moyens soient évidemment mis en place pour garantir sa liberté d’expression, sa liberté de dire et de combattre, comme elle le souhaite, comme elle le veut, non pas seulement parce qu’elle est sénatrice – ce serait déjà une excellente raison –, mais tout simplement parce que, dans ce pays, nous devons garantir la liberté d’expression de chacun.
Néanmoins, je ne peux pas vous laisser dire que les voyous tiennent aujourd’hui la dragée haute à notre police où à notre gendarmerie. Chaque jour, chaque nuit, chaque fois que la police est appelée, elle vient. Chaque fois, elle intervient.
On a beaucoup évoqué ces derniers jours, comme hélas depuis de longues années, la question des violences urbaines. Comme vous, je les dénonce, mais je fais en sorte que la police soit renforcée.
J’évoquais notre décision de procéder à 10 000 recrutements, qui sont nécessaires pour que nous soyons présents partout, y compris dans les quartiers. Et nous sommes présents partout, y compris dans les quartiers !
N’analysons pas les événements médiatiques comme une ligne ou une tendance en matière de violence urbaine. Par rapport à l’année dernière, nous nous situons sur une constante, y compris d’ailleurs pendant la période du confinement, excepté en Île-de-France, où nous avons connu une augmentation significative des incidents – cela n’a pas été le cas sur l’ensemble du territoire national.
Force est de constater que, chaque fois, la police et la gendarmerie, malgré le risque de guet-apens – quelque 120 guets-apens ont été identifiés pendant la période du confinement –, sont intervenues.
Je ne voudrais pas non plus laisser penser qu’il n’y a eu aucune interpellation. Au contraire, plus de 300 individus ont été interpellés pendant la seule période du confinement, dans le cadre de ces violences urbaines. Des condamnations à la prison ferme ont déjà été prononcées, avec dépôt immédiat et écrou immédiat ; voilà la réalité !
Il n’empêche que c’est un combat que nous devons mener, pas seulement, monsieur le sénateur, par l’interpellation, mais aussi par la prévention et par la présence policière. Je ne souhaite pas opposer la nécessité d’une police de sécurité du quotidien, qui s’appuie sur le travail des élus pour porter une ambition pour les quartiers les plus difficiles de notre pays, et la légitime répression. Les deux doivent aller de pair.
avenir du groupe renault