Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, vous êtes revenue sur l’aide exceptionnelle que nous avons apportée aux jeunes durant le confinement.
Il est très difficile de toucher tout le monde lorsque l’on met en place une aide en urgence. Vous avez parlé de « trous dans la raquette ». Oui, il y a sans doute des jeunes précaires qui ne reçoivent pas l’aide, car ils « ne cochent pas les bonnes cases ».
Nous avons déployé cette aide très vite. Nous avons fait notre possible pour qu’elle bénéficie au plus grand nombre de jeunes concernés. Ainsi, les étudiants peuvent en faire la demande via les universités ; leur dossier est apprécié très finement. Les jeunes qui ne sont pas étudiants peuvent la percevoir via les APL.
Ce versement automatique est précieux. En effet, on sait que beaucoup de jeunes n’ont pas recours aux droits qui leur sont ouverts, pour des raisons d’informations ou d’éloignement. C’est un vrai problème. Dans cette mesure, l’automaticité du versement de l’aide à tous les non-étudiants bénéficiaires des APL est très efficace.
Pour ce qui concerne votre seconde question, je répète qu’il faut évidemment renforcer notre accompagnement financier pour lutter contre la précarité des jeunes, à un moment où les perspectives en matière d’emploi vont être compliquées.
J’ai parlé de la garantie jeunes, à laquelle je crois beaucoup. Je crois également au parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (Pacea), qui est lui aussi porté par les missions locales.
La crise que nous traversons exige sans doute des adaptations. Il est possible que des publics qui n’étaient pas habituellement accueillis dans les missions locales, qui peuvent être plus formés, plus qualifiés, aient besoin d’une aide financière d’urgence. Il faut alors développer des déclinaisons. Nous sommes véritablement en train d’y travailler.
Je le répète, je suis très preneur de contributions que vous pourriez m’adresser au regard de votre expérience.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Monsieur le secrétaire d’État, ma question concerne le dispositif déjà baptisé « Vacances apprenantes ».
J’ai bien conscience que, en dehors des déclarations, dans la presse, du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, aucun texte officiel n’a, à ce jour, formalisé ce dispositif. Pour rappel, le 15 avril dernier, Jean-Michel Blanquer, en annonçant le lancement de cette opération, a évoqué à la fois les colonies de vacances, des accueils de loisirs et des soutiens scolaires gratuits pour les décrocheurs. Vous avez vous-même indiqué à l’instant, monsieur le secrétaire d’État, que certains lycées professionnels pourraient rester ouverts.
Si nous saluons cette proposition, dont l’objectif est de permettre aux élèves de rattraper les lacunes liées à l’enseignement à distance pendant le confinement, nous souhaiterions en connaître les détails.
Le confinement a renforcé, je le crains, les inégalités sociales. Tous les enfants n’ont pas vécu de façon identique l’école à la maison. Dans le Nord, par exemple, seulement 20 % des collégiens vont retrouver le chemin de leur établissement scolaire. Les élèves les plus en difficulté ont souvent été injoignables durant cette période et les disparités entre les enfants ont pu s’accentuer.
Les collectivités et les professionnels du secteur se tiennent prêts. Ils sont dans l’attente de directives gouvernementales.
Il est urgent de définir le rôle des intervenants dans ces colonies de vacances éducatives et leur fonctionnement. Il faudra capitaliser sur nos acquis et peut-être s’inspirer du dispositif « École ouverte », qui a fait ses preuves depuis son lancement, en 1991.
Monsieur le secrétaire d’État, comment réussir à toucher les familles des décrocheurs, dont bon nombre de parents ne répondent pas ?
Comment imaginer que la capacité d’accueil – actuellement faible – des écoles ou des collèges puisse évoluer pour répondre à ce dispositif ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, Jean-Michel Blanquer et moi-même attachons une importance absolument capitale à ce qui va se passer cet été pour les enfants et pour les jeunes.
Ayant vécu une période très difficile de confinement, les jeunes auront peut-être plus que jamais le besoin de s’aérer, de s’évader, d’aller dans la nature, de sortir de chez eux et de leur quartier, d’aller au contact d’autres enfants. On sait aussi que, pour beaucoup de jeunes, la continuité éducative a été très difficile durant le confinement. Cet été peut donc aussi être l’occasion de procéder à un rattrapage ou de préparer la rentrée suivante.
Vous avez souhaité obtenir des détails sur l’opération « Vacances apprenantes ». Celle-ci reposera sur trois grands dispositifs.
Premièrement, nous allons très fortement développer le dispositif « École ouverte », qui existe depuis maintenant plusieurs années. L’objectif est de multiplier par six le nombre d’enfants qui seront accueillis dans ce cadre. Je rappelle qu’il s’agit de maintenir des établissements scolaires ouverts avec, le matin, des cours de rattrapage et, l’après-midi, des activités artistiques, culturelles et sportives.
Deuxièmement, nous développons un dispositif, que Jean-Michel Blanquer a appelé « parcours buissonnier », qui consiste en de petites excursions, à proximité du domicile des élèves – peut-être à l’échelle du département –, avec, par exemple, la découverte d’un élément du patrimoine culturel ou une expérience de campement sous tente, en forêt par exemple, pour offrir aux jeunes la possibilité de s’évader un peu et de découvrir le patrimoine qui les entoure.
Troisièmement, un label « apprenant » sera créé à destination des colonies de vacances qui s’engageront dans notre objectif de rattrapage scolaire. Très concrètement, l’éducation nationale proposera des modules destinés aux jeunes, y compris en faisant intervenir des enseignants volontaires.
Les objectifs et les budgets qui seront consacrés à l’opération seront précisés d’ici à la fin de cette semaine.
Vous m’avez interrogé sur la manière de raccrocher les décrocheurs et ceux qui sont les plus éloignés de l’école au moment où celle-ci reprend. Je suis persuadé que la réponse réside dans les collectivités locales. Dans les dispositifs que nous mettons en place – avec un soutien financier pour le départ en colonies de vacances –, ce sont les collectivités locales, parce qu’elles connaissent les familles, qui pourront aller chercher les jeunes qui en ont le plus besoin. Le dispositif sera évidemment financé par l’État, mais nous travaillerons de manière très étroite avec les collectivités pour toucher les jeunes concernés.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.
M. Olivier Henno. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
Le confinement a fait la preuve des fractures sociales, territoriales et scolaires qui traversent notre pays. Et, à l’heure du déconfinement, on ne peut se satisfaire de ce qu’une partie seulement des jeunes souhaite retrouver le chemin de l’école, du collège ou du lycée.
Je pense comme vous que l’école est le lieu de l’égalité des chances, mais que les départements, les régions et les communes ont un rôle majeur à jouer en cette période cruciale pour celle-ci.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. La crise sanitaire liée à la Covid-19 sera bientôt – nous l’espérons tous – derrière nous. Il nous faut sans tarder nous attaquer au colossal chantier de la crise économique qui s’annonce.
Sur ce dernier point, vous en conviendrez sans doute, une attention particulière doit être portée à la situation des jeunes de 16 à 25 ans. Il ne s’agira pas seulement, comme M. Henno vient de l’évoquer, de récupérer les décrocheurs qui ont quitté prématurément l’univers de la formation. Sans sous-estimer les difficultés que vont rencontrer les jeunes non qualifiés, éloignés de l’emploi et de toute formation, je souhaiterais appeler votre attention sur un public qui n’est traditionnellement pas visé par les politiques publiques de soutien à l’embauche, à savoir les jeunes diplômés à bac+4 et à bac+5 qui vont arriver sur un marché du travail très fortement dégradé.
Ces jeunes, qui terminent généralement leur cursus par un stage donnant bien souvent lieu à une embauche, ont été privés de cette chance durant le confinement. À cela s’ajoute bien évidemment la récession importante dans laquelle est entré notre pays. L’absence de visibilité quant à l’avenir a contraint les entreprises à diminuer, sinon à geler complètement leurs embauches.
Pour ces jeunes diplômés, le risque de déclassement est important : ne pouvant rester durablement sans revenus, ils pourraient être contraints de se tourner vers des emplois qui ne correspondent pas à leurs compétences ni à leurs qualifications. L’urgence à trouver un emploi sera d’autant plus grande pour eux qu’ils sont nombreux à devoir rembourser un prêt étudiant.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures prévoit le Gouvernement pour soutenir ce public spécifique et l’accompagner vers l’emploi ? Vous semble-t-il opportun d’envisager un report des premières mensualités des prêts étudiants ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Quand elles surviennent, les crises économiques touchent en particulier les jeunes, quel que soit leur niveau de qualification. Mme Mélot a rappelé les chiffres de l’APEC. De même, les perspectives d’insertion dans l’emploi semblent aussi très difficiles pour les jeunes très diplômés.
Vous avez raison de souligner que les difficultés auxquelles ces jeunes vont être confrontés sont assez nouvelles et qu’il n’existe pas de dispositifs « sur mesure » pour ces publics. Il nous revient donc, dans les prochaines semaines, de les inventer. C’était le sens de ma réponse, voilà quelques instants, à Mme Estrosi Sassone : il existe aujourd’hui des dispositifs d’accompagnement des jeunes vers l’emploi et vers l’insertion que proposent notamment les missions locales, mais qui ne correspondent sans doute pas, dans leurs modalités ou dans la manière dont ils se déclinent, à des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, beaucoup plus âgés que les jeunes généralement concernés.
À côté de ces nouveaux dispositifs, nous discutons aussi avec Bruno Le Maire d’une aide financière potentielle à l’embauche de jeunes. De même, la question des charges a été évoquée. D’autres dispositifs sont encore envisageables.
Ce temps que nous espérons le moins long possible, peut-être quelques mois seulement, voire un an, durant lequel le marché du travail va être particulièrement perturbé, pour les cadres comme pour les jeunes diplômés à bac+4 ou bac+5, nous voulons faire en sorte qu’il soit utile – pour eux et pour les autres – et formateur. J’ai déjà évoqué le service civique et le volontariat international. Nous pouvons développer ces dispositifs pour permettre aux jeunes diplômés d’avoir une activité, d’ajouter une ligne à leur CV et de percevoir une petite indemnisation – et non un salaire, car il ne s’agit pas d’un emploi, tout du moins pour le service civique.
Nous avançons sur deux volets : susciter des offres d’emploi en soutenant les entreprises et permettre aux jeunes d’accéder à des dispositifs utiles pour eux dans l’attente que le marché de l’emploi sorte des turbulences dans lesquelles il est entré.
Le report des premières mensualités des prêts étudiants est une idée très concrète qui peut répondre à une vraie problématique. Je vais l’examiner avec beaucoup d’attention.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.
M. Stéphane Piednoir. Merci de vos réponses, monsieur le secrétaire d’État, en particulier sur la question du report des mensualités des prêts étudiants.
Je vous rejoins sur le constat que nous avons besoin de mesures totalement nouvelles, disruptives. Il faut penser, au-delà du report de charges, à des annulations de cotisations salariales et patronales.
Bien évidemment, la tâche est colossale. Pour ne pas décevoir cette génération, pour éviter qu’elle ne soit sacrifiée, comme le disait Mme Estrosi Sassone, il nous faut mettre en place des dispositifs « sur mesure ». Nous comptons sur vous.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Corinne Féret. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant la pandémie de Covid-19, les jeunes étaient déjà les premières victimes de la pauvreté : un jeune sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Demain, ils subiront de plein fouet la crise économique et sociale qui s’annonce, en particulier la hausse sans précédent du chômage.
Dans ce contexte, ouvrir le RSA aux moins de 25 ans devient une absolue nécessité. Même Stanislas Guerini s’y est déclaré favorable pour « éviter d’avoir une génération sacrifiée ».
Mme Sylvie Robert. Stanislas Guerini ? Qui est-ce ? (Sourires sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Corinne Féret. Pour faire en sorte que certains ne se retrouvent en situation de grande précarité, sans aucune source de revenus, il faut ouvrir le RSA aux jeunes dès 18 ans. Dans les faits, il s’agirait d’un minimum social, un filet de sécurité en somme, qui ne serait accessible qu’à ceux qui sont sans ressources. Dans le même temps, il serait bien évidemment nécessaire de mener des actions ciblées en matière d’emploi, d’insertion, de lutte contre le décrochage scolaire.
Muscler, comme vous l’avez déclaré récemment, le service civique ou la garantie jeunes ne permettra pas de faire face aux enjeux humains et sociaux, conjoncturels, résultant de la crise.
Monsieur le secrétaire d’État, les grandes associations et collectifs de lutte contre la pauvreté qui œuvrent en direction de la jeunesse vous alertent. Il y a urgence ! Dans une société développée prônant l’égalité des droits, il convient de s’assurer de l’égal accès des jeunes à un niveau de ressources minimum. Il ne s’agit nullement, comme vous l’avez dit, de se placer dans un « esprit de défaite », mais bien d’apporter une aide vitale dans un moment de l’histoire exceptionnel à raison de sa gravité.
Cet hiver, vous aviez admis que le projet de revenu universel d’activité devrait nécessairement être ouvert aux jeunes de 18 à 25 ans. Continuez donc sur la voie du pragmatisme et tenez compte de la situation exceptionnelle. Monsieur le secrétaire d’État, dans le cadre du plan pour la jeunesse que vous souhaitez mettre en œuvre avant l’été, envisagez-vous d’accorder un revenu minimum au moins de 25 ans ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, nous avons déjà parlé de ce sujet en début de séance, notamment avec la question de Mme Brulin, mais vous me donnez l’occasion d’être de nouveau très clair : pour moi, il n’y a pas de débat sur le fait que la situation nous impose d’être davantage au rendez-vous dans l’accompagnement des jeunes. Je parle bien évidemment d’accompagnement humain, mais aussi financier, pour lutter contre la précarité.
Il existe aujourd’hui des dispositifs pour les étudiants comme les fonds sociaux des universités qui doivent sans doute être renforcés. Il en existe d’autres, en direction des jeunes, qui doivent aussi être renforcés.
Le quinquennat précédent, s’il n’a pas connu la crise que nous traversons, a rencontré de très grandes difficultés en termes de chômage et de précarité des jeunes. Pour y faire face, il a inventé la garantie jeunes, qui a très bien fonctionné avec des résultats très positifs. Nous avons fait le choix, dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, de continuer d’investir dans ce dispositif avec l’objectif d’atteindre 100 000 jeunes cette année.
Je crois beaucoup à ce dispositif et au Pacea pour accompagner les jeunes financièrement. Ce dispositif représente une aide qui correspond peu ou prou au RSA, mais avec un accompagnement humain, un accompagnement renforcé – quasiment sur mesure – vers l’emploi qui comprend des périodes de stage en milieu professionnel et des périodes de formation – sur la prise de parole en public, par exemple.
Lors de mes déplacements dans les missions locales, j’ai pu voir tout ce que ce dispositif apporte aux jeunes. Je crois profondément que beaucoup plus de jeunes doivent en bénéficier, et ce d’autant plus qu’ils seront plus nombreux à rencontrer des difficultés à la rentrée prochaine.
C’est donc sur ce dispositif et sur le Pacea que je parie, même s’il faut sans doute les adapter, comme je le soulignais en réponse à certaines questions, pour correspondre aux besoins d’autres jeunes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.
Mme Corinne Féret. J’entends votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, et je regrette votre refus répété, même si je ne mésestime pas les dispositifs déjà mis en place. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles !
Il faut une réponse urgente, une réponse concrète, pour ces milliers de jeunes qui se retrouvent sans ressources, sans emploi et en très grande difficulté.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2019, le nombre de jeunes entrés en apprentissage a quasiment atteint le demi-million. L’apprentissage est l’une des meilleures méthodes pédagogiques pour transférer connaissances et savoir-faire et sans doute aussi le meilleur levier d’insertion des jeunes – 75 %.
Les jeunes ont envie de travailler, ils veulent apprendre un métier. Avant la crise sanitaire, la dynamique était réelle. Il faut bien reconnaître que la situation était inédite.
Les jeunes sont les premiers touchés par le ralentissement de l’économie. Ils sont inquiets. Les entreprises vont-elles continuer à accueillir des apprentis à la rentrée ? Selon le Medef, il pourrait y avoir « 300 000 potentiels apprentis sur le carreau » en septembre.
Les centres de formation des apprentis sont également préoccupés dans la mesure où leur financement dépend du nombre de contrats signés.
Monsieur le secrétaire d’État, la crise sanitaire a fait éclater au grand jour la désindustrialisation de la France, ce qui pose des problématiques de pénurie, d’expertise et de qualification.
Aujourd’hui, il est essentiel de déployer des solutions en matière de transfert de compétences, de formation et d’attractivité des métiers. Il faut donc investir massivement dans la jeunesse afin de répondre à ses craintes quant à l’avenir.
La filière de l’apprentissage attend des mesures fortes du Gouvernement. Quel est votre plan pour relancer l’apprentissage et comment encourager les entreprises à embaucher des apprentis ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Chevrollier, nous avons eu l’occasion d’aborder la question de l’apprentissage et je vous remercie d’avoir rappelé que les chiffres que nous avons connus l’an dernier en matière d’entrée en apprentissage étaient absolument inédits. Nous avons réussi à faire décoller cette voie d’excellence.
De même, vous parlez de désindustrialisation, mais les chiffres et données dont nous disposions avant le confinement en matière de créations nettes d’emplois dans le secteur industriel et d’ouverture d’usines sur notre territoire étaient très favorables – les plus favorables depuis une dizaine d’années. Il en allait également de même pour les investissements étrangers.
L’enjeu, pour nous, et cette question sera au cœur de la réunion de demain entre les partenaires sociaux et le Président de la République, est de ne pas casser cette dynamique globale. Nous voulons qu’elle se poursuive.
Des mesures extrêmement fortes et concrètes seront annoncées pour l’apprentissage afin de soutenir à la fois les entreprises qui recrutent des jeunes en apprentissage et les centres de formation dont le modèle économique serait en danger si le nombre de jeunes apprentis chutait brutalement.
Comme je l’ai déjà souligné, je ne peux anticiper les annonces qui seront faites demain à l’issue de la rencontre du Président de la République et de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, avec les partenaires sociaux. Sachez que l’État sera au rendez-vous de l’apprentissage, comme il l’a été depuis trois ans, parce que nous devons maintenir cette dynamique : nous le devons aux entreprises qui ont besoin de compétences et de talents pour l’avenir et pour développer leur marché et nous le devons aussi aux jeunes qui trouvent dans cette voie une manière de construire leur avenir, de se construire et de prendre du plaisir dans ce qu’ils font. Nous serons au rendez-vous de cette exigence.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.
M. Guillaume Chevrollier. Merci de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Je profite de ce débat pour relayer les attentes de cette jeunesse qui est inquiète pour la formation à la rentrée. Les portes se ferment pour les emplois de demain et même pour ceux de cet été. Nous essayons de transmettre ces préoccupations.
Nous, parlementaires, serons vigilants face aux propositions du Gouvernement, quitte à les amender. Dans une période difficile, je crois qu’ouvrir un chemin pour la jeunesse et pour le pays passe par la formation. Cela permettra de muscler la population active de demain, de valoriser les atouts de notre pays et de le réindustrialiser, ce qui constitue aussi un enjeu majeur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Viviane Artigalas. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, puisque nous débattons des nouvelles politiques publiques qu’il conviendrait de mettre en place pour aider les jeunes face à cette crise sans précédent, je voudrais aborder la question de la fracture numérique.
On croit à tort que l’illectronisme et l’exclusion numérique ne frappent que nos aînés. Grossière erreur ! Certes, un jeune entre 18 et 24 ans maîtrisera peut-être l’usage des réseaux sociaux sur son téléphone portable, mais cela n’implique pas pour autant qu’il sache naviguer correctement sur un site de l’administration publique ou une plateforme de réservation ni qu’il sache effectuer une recherche efficace sur internet pour s’informer sans être victime de fake news.
La crise du Covid-19 a particulièrement mis en lumière d’importantes inégalités dans l’accès aux outils numériques et dans leur utilisation, singulièrement chez les jeunes. Pour les étudiants, le confinement a entraîné une rupture : les cours ont dû être suivis à distance, les ressources en ligne privilégiées et l’aide des professeurs a pu, le cas échéant, s’avérer plus difficile à obtenir.
Ce sont les élèves issus de milieux défavorisés qui ont fait les frais de cette distanciation pédagogique. Bénéficiant de conditions de vie moins confortables, d’une connexion internet parfois défaillante, ils connaissent les plus grandes difficultés pour étudier ou préparer leurs concours.
D’après une étude sur l’école à la maison durant le confinement, 24,3 % des parents d’origine modeste jugeaient leur équipement et leur accès internet insuffisants contre 17 % des familles plus aisées. Les chiffres sont encore plus marquants en ce qui concerne le sentiment de compétence informatique : 45 % des parents des classes supérieures se sentent tout à fait capables de répondre aux exigences techniques numériques de l’école à la maison contre seulement 31 % des parents appartenant aux classes populaires.
Face à la nécessité d’avoir au quotidien accès aux outils numériques, que ce soit dans sa vie professionnelle, privée ou citoyenne, cette inégalité numérique est un symptôme de toutes les autres inégalités sociales que connaissent certains de nos concitoyens, voire un facteur aggravant particulièrement inquiétant chez les jeunes. Sachant que près de 20 % de ces derniers, par manque de maîtrise, renoncent à faire une démarche administrative sur internet, à envoyer un mail important ou à faire un achat, on comprend que l’illectronisme n’est pas qu’une question de manque d’équipement performant. On observe de la même manière de nombreuses inégalités dans d’autres domaines pour cette tranche d’âge.
Réduire cette fracture est un objectif essentiel des politiques publiques, car les inégalités numériques en engendrent d’autres. Il ne sert à rien de distribuer des tablettes aux étudiants si l’on n’intègre pas la formation à ces outils dans la scolarité obligatoire. Monsieur le secrétaire d’État, quelle est votre réponse face à ce défi de société ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame Artigalas, vous avez raison : quand on décide de confiner le pays, de fermer les établissements scolaires et que les enfants ne sont plus face aux enseignants, la grande priorité doit être de permettre à tous les élèves de bénéficier de la continuité éducative, laquelle ne remplacera jamais, par définition, la relation d’un enfant avec son enseignant, son professeur, dans une salle de classe. Il faut alors être le plus efficace possible et toucher le plus grand nombre possible de jeunes.
En ce qui concerne le premier point, je crois que nous avons été au rendez-vous : quand la fermeture des établissements scolaires de l’Oise a été annoncée, nous avons immédiatement mis en œuvre le dispositif « Ma classe à la maison ». Il en a été de même lorsque la fermeture de tous les établissements de France a été décidée, le 12 mars, avant le confinement généralisé. Nous avons pu proposer cette solution parce que nous avions travaillé avec le CNED depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, pour être capables de réagir immédiatement au cas où surviendrait ce type d’événement. La plupart des autres pays européens ont mis plusieurs semaines, parfois plusieurs mois, avant de proposer une solution numérique aux enfants. Nous avons pu le faire tout de suite.
Notre deuxième défi consistait à atteindre le plus d’enfants possible. Et encore une fois, vous avez raison : il est impossible d’assurer la continuité pédagogique dans les familles modestes qui ne sont pas équipées. C’est la raison pour laquelle nous avons débloqué 15 millions d’euros, en lien avec les cités éducatives et les collectivités locales, pour financer des tablettes et ordinateurs. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons conclu un partenariat avec La Poste pour livrer à domicile à 10 millions d’enfants des outils éducatifs sur papier pour compenser l’absence d’accès au numérique.
Nous devons bien évidemment poursuivre dans cette voie. Cette situation doit nous amener à nous interroger sur ce que nous pouvons faire en amont pour réduire la fracture numérique. Comme vous l’avez souligné, on a tendance à penser que tous les jeunes, ceux que l’on appelle les digital natives, maîtrisent parfaitement le numérique. Ce n’est pas vrai : l’illectronisme touche aussi les jeunes. Nous devons aller plus loin. Des états généraux du numérique dans l’éducation se tiendront à la rentrée. Ce sera l’occasion de travailler ensemble pour trouver des solutions qui s’ajouteront aux nouveaux enseignements – je pense aux sciences informatiques et numériques – développés dans le cadre du nouveau lycée.