M. Philippe Bas, rapporteur. Oui !
M. François Patriat. Je souhaite leur répondre que, si cela peut sembler original, il n’en reste pas moins que c’est une nécessité. Celle de l’anticipation, celle de la précaution à l’égard de tous les Français.
Le Gouvernement nous présente donc un projet de loi complet, utilement enrichi par nos collègues députés, un texte à la hauteur des enjeux sanitaires, démocratiques et politiques. Hier, la commission des lois a fait le choix de supprimer les dispositions éventuelles qu’il prévoyait pour lui préférer des mesures certaines, qui répondent de façon pratique aux multiples complexités qui nous attendent.
Mes chers collègues, les apports de l’article 5 de ce texte sont véritables, puisqu’ils permettent de prévoir l’annulation et le report par décret en conseil des ministres du scrutin uniquement dans certaines communes dans lesquelles une recrudescence de l’épidémie adviendrait. C’est là une disposition tout à fait adaptée à la réalité mouvante des phénomènes de clusters.
Je veux également dire notre satisfaction devant l’article 4 de ce projet de loi, qui vise à reporter les élections consulaires au mois de mai 2021.
Ces dispositions répondent à l’attente légitime de tous les candidats aux élections de délégués et de conseillers consulaires, et plus largement de l’ensemble de nos compatriotes établis à l’étranger. C’est un choix prudent et une date raisonnable.
Nous soutiendrons aussi les dispositions précautionneuses qui nous permettent d’anticiper les corolaires d’une possible annulation du scrutin dans certaines communes.
Les règles de campagne et de financement pourraient ainsi être adaptées dans les communes où le scrutin serait annulé.
Le texte dont nous débattons aujourd’hui comprend également de nombreuses mesures pour un fonctionnement allégé des collectivités territoriales.
Je pense, par exemple, à l’extension de l’assouplissement des règles de quorum, à la possibilité de tenir les réunions de l’assemblée délibérante par visioconférence ou encore à celle offerte aux conseils municipaux et communautaires de se réunir en tout lieu.
Enfin, nous soutiendrons ce texte, car le Gouvernement a su tenir de nouveau son engagement de ne jamais oublier les territoires ultramarins. L’article 6 vise ainsi à satisfaire la demande de souplesse et de compréhension pour adapter le régime électoral à la réalité insulaire de Polynésie française.
Chers collègues, face au constat partagé de l’impérieuse nécessité de ne pas être pris de court, nous ne pouvons que nous satisfaire des solutions proposées dans ce projet de loi. C’est un texte cohérent et adaptable, que notre groupe votera.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, l’examen du présent projet de loi est atypique pour deux raisons.
D’une part, le Gouvernement nous appelait à débattre autour de dispositions perpétuant un récit politique parfois fictif – reconnaissez-le, monsieur le ministre de l’intérieur –, puisqu’une grande partie des dispositions de ce texte n’avaient pas vocation à être appliquées si le second tour a bien lieu le 28 juin, ce qui semble être en bonne voie, d’où notre approbation quant aux suppressions décidées par la commission des lois.
D’autre part, nous avons déjà débattu de ces sujets la semaine dernière dans le cadre de l’examen de la proposition de loi tendant à sécuriser l’établissement des procurations électorales et l’organisation du second tour des élections municipales de juin 2020, que le Gouvernement n’a pas choisie comme véhicule législatif. Espérez donc ne pas être trop répétitifs !
Alors que le Conseil constitutionnel se prononcera lundi prochain sur la constitutionnalité de la tenue des élections municipales, le Gouvernement poursuit avec ce projet de loi sa politique de gestion dans la précipitation et continue à faire le choix de l’instabilité quant à l’organisation de ce scrutin, comme c’est le cas depuis le début de la crise du Covid-19.
L’ajout, lors de l’examen à l’Assemblée nationale, d’un article visant à permettre d’annuler partiellement le second tour dans les communes où la circulation du virus serait toujours trop intense pour que le scrutin puisse se tenir en est l’exemple, et nous regrettons que la commission ait conservé cet article. Il en va de même de l’oubli de recueillir l’avis du Congrès de Nouvelle-Calédonie sur certaines dispositions concernant ce territoire, qui a fait décaler l’adoption du texte.
Les conditions d’examen étaient déjà contestables la semaine dernière, mais ce report les a rendues d’autant plus compliquées, monsieur le ministre. Nous ne pouvons accepter de travailler de cette façon. L’exécutif veut assumer son choix du maintien du second tour en juin, mais dans son désir d’anticipation le Gouvernement manque de cohérence et perd du monde sur la route de la démocratie !
Pour revenir sur l’article que j’appelle « foyers épidémiques », pour ne pas reprendre le mot clusters, imaginons qu’il y ait des communes où l’on annule le second tour alors que celui-ci est maintenu pour le reste du territoire. On se retrouverait dans le schéma suivant : un premier tour en mars, un second tour en juin pour les communes qui le peuvent, deux nouveaux tours d’ici octobre 2020 pour les communes identifiées « foyers de transmission », sans parler des élections sénatoriales dont nous discuterons aussi dans un contexte incertain dans quelques jours et sur lesquelles une annulation même partielle aurait un impact. C’est une véritable usine à gaz !
Soyons optimistes et croisons les doigts pour que le 28 juin acte bien la fin de ce feuilleton essoufflant. Le feu plutôt orange du comité de scientifiques devrait passer au vert dans quelques jours, et tous les élus et candidats pourront enfin sortir de cet étrange entre-deux.
La commission des lois estime avoir « purgé » le projet de loi des dispositions « virtuelles », mais le maintien de l’article 5 implique le maintien de toutes les dispositions anticipant une annulation du second tour qui ne devraient pas être appliquées. Il en va ainsi du choix de fixer la prolongation des mandats et des entrées en fonction alors que de telles dates ne relèvent pas de notre compétence : elles dépendent d’un hypothétique futur sur lequel nous n’avons pas la main.
Les autres dispositions qui ont vocation à s’appliquer et qui ont été complétées en commission sont majoritairement de bon sens. Elles visent à favoriser la participation et à faciliter la vie démocratique locale, qui doit être conciliée avec les exigences sanitaires et les conséquences du report du second tour.
Néanmoins, nous nous opposons à ce qu’une procuration puisse être établie entre un mandant et un mandataire résidant dans des communes différentes, même s’ils ont un lien de filiation. La participation citoyenne ne doit pas reposer sur de telles bases.
En ce qui concerne les Français de l’étranger, qui ne pourront élire leurs conseillers consulaires et délégués consulaires au regard de l’hétérogénéité des situations à travers le monde, nous sommes favorables au report de ces élections en mai 2021.
Sur la forme, nous nous rallions à l’avis du Conseil d’État en déplorant la méthode utilisée par le Gouvernement et reprise par la commission des lois pour rédiger ce texte en décortiquant la loi d’urgence du 23 mars et les ordonnances passées, plutôt que de rassembler les nouvelles dispositions dans un texte autonome. Le fond du projet de loi étant déjà assez « alambiqué », cela nuit encore plus à sa lisibilité et complique le travail parlementaire déjà malmené par la façon dont ce texte a été inscrit à l’ordre du jour.
Nous nous abstiendrons sur ce texte, en cohérence avec notre position quant à la gestion gouvernementale des élections municipales. Selon la tournure de nos débats, nous nous réservons la possibilité de voter contre ce texte, notamment si la généralisation du vote par correspondance était adoptée.
Nous arrivons à la fin d’une longue litanie, ne la rendons pas plus complexe et exigeons plutôt ensemble – Gouvernement, collectivités territoriales et Parlement côte à côte – des assurances quant à l’organisation de la campagne. Même dans les conditions sanitaires actuelles, il faut examiner les conditions de la participation, et pas seulement la veille du scrutin ou l’avant-veille, avec des ouvertures sur les comportements, du point de vue de l’ensemble des listes.
Il faut également, c’est une évidence partagée, examiner les conditions de la sécurisation de la tenue du scrutin. Monsieur le ministre, vous le savez, 39 % du corps électoral est appelé à aller voter. Essayons donc de déconfiner « au mieux » la démocratie déjà bien trop souvent entachée. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus. (M. Loïc Hervé applaudit.)
M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 5 juin dernier, le président du conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, déclarait que l’épidémie semblait être sous contrôle. Avec un millier de nouveaux cas par jour, comparés aux 80 000 contaminations quotidiennes du début du mois de mars, notre pays a de bonnes chances de vaincre la pandémie.
Le Gouvernement soumet aujourd’hui à notre assemblée un projet de loi dont la majorité des dispositions sont incontestablement à contre-courant de cette actualité favorable.
Il s’agissait notamment, avant les modifications apportées par la commission des lois du Sénat, de prévoir les conditions de l’annulation des élections municipales pour le cas où le contexte sanitaire ne permettrait pas la tenue du second tour le 28 juin prochain.
Comme l’a parfaitement souligné le président Bas, il y a quelque chose de paradoxal à discuter d’un texte en espérant qu’il ne trouvera pas à s’appliquer. Mais ce n’est qu’une apparence de paradoxe : il faut envisager la situation que nous voulons éviter et faire preuve de pragmatisme. « Le vrai courage, c’est la prudence », disait Euripide avec raison.
Durant les derniers mois, nous avons entendu bon nombre de voix s’élever pour affirmer avec certitude ce qui aurait dû être fait pour éviter la crise. Certains ont aussi chanté les louanges de remèdes miracles, reconnus par tous, et surtout par ceux qui les proposaient ! Au-delà des théories du complot, la réalité nous incite à la prudence et à l’endurance. La résolution de la crise viendra plus certainement d’un travail et d’un effort dans la durée que de coups d’éclat.
La pandémie a fortement perturbé le fonctionnement de notre pays. Après la grave crise sanitaire qui, nous l’espérons, se trouve déjà derrière nous, nous allons devoir faire face à une crise économique historique.
Une fois de plus, les maires ont montré qu’ils sont des figures incontournables de la gestion de crise dans nos territoires. Ils ont tenté sans relâche de répondre aux attentes de leurs administrés dans des conditions particulièrement dégradées. Beaucoup d’entre eux ont pris des mesures permettant de ralentir la propagation du virus, notamment en assurant une distribution de masques à nos concitoyens.
Le virus a touché tous les aspects de l’activité de notre société. Les processus électoraux n’ont pas été épargnés. Alors que l’action de nos collectivités est plus nécessaire que jamais, près de 5 000 communes et 16,5 millions d’électeurs sont à ce jour dans l’attente d’un second tour.
Tout en veillant à préserver la santé des votants et des organisateurs du scrutin, nous pensons que la tenue du second tour est à cet égard impérative pour permettre aux équipes municipales d’agir avec une légitimité pleine et entière.
Dans cette optique, nous saluons l’assouplissement du régime de procuration de vote. Beaucoup de personnes fragiles, ou en contact avec des personnes fragiles, ne sont pas allées voter le 15 mars dernier. La participation s’en était ressentie. Nous devons créer les conditions d’une participation plus large pour les prochaines élections.
Le conseil scientifique a indiqué avant-hier, ce qu’il devrait confirmer le 14 juin prochain, que les circonstances sanitaires du second tour sont bien meilleures que celles du premier tour. Le virus semble être sensible aux saisons : c’est heureux pour nous à l’approche de l’été, mais nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle contamination ou même d’une nouvelle maladie. Il nous faut donc anticiper les situations dans lesquelles le vote classique peut être problématique.
Pour cela, nous pensons que le système de la procuration de vote pourrait être revu afin de mieux l’adapter aux contextes de crises. Tel est le sens d’un amendement que j’ai déposé : il vise à permettre au mandataire, et non plus seulement au mandant, de faire les démarches pour établir la procuration plus facilement auprès des autorités compétentes. Nous sommes à la veille des vacances scolaires et nos concitoyens ont été confinés pendant un long moment : certains d’entre eux auront donc énormément de mal à accomplir un certain nombre de démarches pour donner leur procuration de vote.
D’autres pistes, souvent évoquées, sont celles du vote électronique ou encore du vote par correspondance. La commission a ajouté à cet égard la possibilité du vote par correspondance sur support papier pour les conseillers représentant les Français de l’étranger. C’est une bonne chose.
Plus généralement, il conviendrait de lancer une étude approfondie sur les différents types de vote afin de déterminer leur pertinence et leur fiabilité. En effet, si l’épidémie recule, nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle dégradation des conditions sanitaires.
À ce sujet, nous remarquons que le texte vise à prévoir avec sagesse la possibilité d’annuler le second tour dans des communes qui seraient touchées par une résurgence du virus. Ce risque n’est pas à exclure et nous voyons dans cette mesure une prudente précaution.
En plus du vote, c’est l’ensemble des conditions du scrutin, notamment la campagne électorale, qu’il conviendrait d’ajuster aux contextes de crise.
Les dispositions contenues dans ce texte nous apparaissent nécessaires. Nous espérons et nous croyons que le recul de l’épidémie permettra de ne pas faire application de bon nombre d’entre elles.
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, l’intitulé officiel du projet de loi que nous examinons aujourd’hui est très long, mais il pourrait être assez aisément simplifié : ce serait alors un projet de loi « au cas où » : au cas où la situation sanitaire ne permettrait pas l’organisation du second tour des élections municipales le 28 juin prochain ! Mission assez inédite pour le législateur auquel le Gouvernement propose d’adopter des dispositions dont il ne sait pas si elles ont réellement une utilité et si elles entreront en vigueur un jour.
La situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui résulte, bien sûr, de la crise sanitaire sans précédent qui touche notre pays et l’ensemble du monde depuis plusieurs mois. Mais cette situation découle également des choix que nous avons faits, des choix du Gouvernement en réalité : fallait-il organiser le premier tour d’une élection sans savoir si nous aurions la capacité d’organiser le second ? Fallait-il même organiser une élection alors que la pandémie était déjà là et que nous étions à la veille d’un confinement généralisé ?
Je n’ai nullement l’intention d’alimenter des polémiques, mais une chose est certaine : depuis la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, nous avons examiné de très nombreuses et très complexes dispositions en matière électorale et d’organisation des collectivités territoriales dont nous aurions pu faire l’économie si nous avions décidé d’organiser ces élections une fois la pandémie maîtrisée. Et je ne parle pas du contentieux électoral qui, hélas ! ne manquera pas d’être multiplié par les différents éléments que je viens de rappeler…
Le texte transmis au Sénat, adopté par l’Assemblée nationale lundi après-midi, prévoyait donc ce qui se serait passé si les conditions sanitaires n’avaient pas été réunies pour organiser un second tour des municipales le 28 juin prochain.
Notre président-rapporteur de la commission des lois a brillamment exposé la stratégie qui a guidé les travaux de la commission hier matin : nous ne pouvions pas sérieusement continuer à faire du droit virtuel, du droit « au cas où ». Nous avons donc considéré que, à l’exception quelques zones ciblées où la situation sanitaire serait incompatible avec un second tour – les fameux clusters –, le scrutin aurait bien lieu le 28 juin.
Notre groupe tient à saluer le travail effectué par la commission. Une fois n’est pas coutume, elle a dû examiner ce projet de loi dans des conditions de temps extrêmement strictes qui, soyons honnêtes, ne permettent pas au législateur d’exercer sereinement sa mission, d’autant que cette méthode de travail ne se justifie par aucune contrainte calendaire réelle. Pour reprendre les mots de notre rapporteur, « elle ajoute inutilement de la confusion non seulement pour le Parlement, mais également pour les candidats et les électeurs appelés aux urnes dans une période déjà très incertaine ».
Par ailleurs, on peut s’interroger sur le choix du Gouvernement consistant à décorréler l’examen de ce projet de loi du projet de loi organique que nous avons examiné ce matin en commission, et qui est fondamentalement lié au texte que nous examinons cet après-midi…
Cela a été rappelé, notre commission des lois a donc assez largement remodelé le texte transmis par l’Assemblée nationale en tenant compte des dernières conclusions du comité de scientifiques sur le contexte sanitaire, rendues lundi soir. Ce dernier constate, notamment, que « les indicateurs épidémiologiques rassemblés à la date du 5 juin […] ne témoignent pas d’une reprise de l’épidémie ». Il indique donc que la « seconde vague », tant redoutée, n’est pas là pour l’instant, ce dont nous devons nous réjouir.
Mais chacun a bien compris que nous devions continuer à nous protéger contre le virus qui, lui, n’a pas disparu. Il fallait donc que nos concitoyens les plus fragiles puissent exercer leur droit de vote sans risquer d’être inutilement exposés à un risque de contamination. Ce texte était donc l’occasion de reprendre un certain nombre de dispositions votées par la Haute Assemblée la semaine dernière tendant à faciliter, notamment, le recours aux procurations.
J’espère que les apports du Sénat sur ce point seront repris par nos collègues députés, car il s’agit de mesures de bon sens, qui n’ont qu’un seul objectif : faire en sorte que le maximum de nos compatriotes puisse voter tout en leur assurant le meilleur niveau de sécurité sanitaire. Il est important de les rassurer sur ce point.
Je me félicite aussi que le texte de la commission ait intégré plusieurs amendements déposés par des membres de mon groupe, notamment sur le fonctionnement des collectivités territoriales. Il était, par exemple, nécessaire d’adapter le calendrier de renouvellement de certaines instances comme les comités des syndicats mixtes. Le texte voté en commission vise à prévoir que le comité des syndicats mixtes fermés pourra tenir sa réunion d’installation jusqu’au vendredi 25 septembre, ce qui permettra d’éviter que ces réunions n’interviennent en plein mois d’août…
Je dirai un mot enfin sur le sujet qui devient pratiquement le cœur du texte, à savoir l’annulation des élections consulaires.
Notre commission a intégré plusieurs dispositions, dont certaines avaient déjà été adoptées par le Sénat dans le cadre de l’examen de récentes propositions de loi, afin d’assurer le bon déroulement des élections consulaires, mais aussi visant à mieux reconnaître l’engagement des élus représentant les Français de l’étranger.
Nous avons ainsi fixé une date certaine – en mai 2021 – pour les prochaines élections consulaires et autorisé le vote par correspondance sur support papier, dans des conditions garantissant la sincérité et le secret du vote.
Nous avons également amélioré les conditions d’exercice du mandat des conseillers des Français de l’étranger, notamment pour mieux concilier leurs fonctions électives et leur vie professionnelle : reconnaissance des acquis de l’expérience, autorisations d’absence, prise en charge des frais de transport, etc.
Reste la délicate question de l’élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France dont le report est prévu dans le projet de loi organique que j’évoquais précédemment et que le Gouvernement n’a pas souhaité nous faire examiner aujourd’hui…
C’est bien dommage, car, naturellement, la question du report des élections consulaires est profondément et intimement liée à celle des sénateurs représentant les Français établis hors de France. Mais je n’en dis pas plus sur ce thème aujourd’hui, car c’est la semaine prochaine que le Sénat devra délibérer sur cette question.
Je tiens une fois encore à saluer, mes chers collègues, le travail réalisé par le président Philippe Bas. Il nous a permis à la fois d’évacuer de ce projet de loi son caractère hypothétique et d’enrichir le texte en y intégrant des dispositions auxquelles Sénat avait marqué son attachement au cours des derniers mois, s’agissant aussi bien des Français de l’étranger que du vote par procuration.
Le groupe Union Centriste soutiendra ce projet de loi dans la rédaction issue des travaux de notre commission des lois. (M. Hervé Marseille applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer l’ensemble des personnes qui se sont mobilisées le 15 mars dernier pour rendre possible le premier tour des élections municipales dans des circonstances si particulières et anxiogènes, qui ont provoqué une abstention sans précédent.
Nous le savons, en raison notamment du nombre de candidats et parce qu’il s’agit d’un mandat de proximité, il n’y a pas de mandat plus noble sur le plan de l’action politique que le mandat municipal. Cette affirmation peut sembler bizarre de la part d’un élu des Français de l’étranger, mais nous vivons cela aussi depuis 2013 avec les élections consulaires. C’est ainsi que nous pouvons faire vivre la politique de manière concrète.
Dans la crise sanitaire, le rôle des collectivités locales a été essentiel. L’État central a montré ses limites. Quand on se rappelle la convocation des électeurs le 15 mars et la déclaration du Premier ministre du 14 mars, on peut dire que, au moins au début de la pandémie, l’improvisation de l’État central n’avançait pas masquée ! (Sourires.)
M. Patrick Kanner. Très bien !
M. Jean-Yves Leconte. Depuis, les choses ont un peu évolué. Quoi qu’il en soit, nous avons eu besoin des collectivités locales au moment de cette crise et il faudra réfléchir à l’organisation de notre État à la suite de cela.
Le contexte actuel est meilleur et permet d’envisager le deuxième tour des municipales après trois mois finalement, alors qu’il s’agit de deux tours d’un même scrutin. Mais il existe tout de même quelques incertitudes.
La situation sanitaire continuera-t-elle à évoluer dans un sens favorable ? Par ailleurs, la campagne électorale ne pourra pas être traditionnelle. De surcroît, une question prioritaire de constitutionnalité a été déposée devant le Conseil constitutionnel sur l’ensemble de l’article 19 de la loi du 23 mars 2020, ce qui fait également peser un certain nombre d’incertitudes sur l’ensemble du scrutin. Enfin, le rapport du conseil scientifique du 8 mai dernier, même s’il signale une évolution globalement positive, note qu’il existe des difficultés spécifiques à Mayotte et en Guyane. Or la Guyane, comme les Français de l’étranger, doit procéder à un renouvellement sénatorial en septembre.
C’est donc en tenant compte de ces nombreuses incertitudes que nous devons nous décider aujourd’hui sur le projet de loi qui nous est présenté.
Les propositions du Gouvernement sont quand même quelque peu baroques, comme l’a souligné notre rapporteur, puisqu’il s’agit d’un texte mêlant des dispositions qui n’ont pas vocation à s’appliquer et des dispositions qui ont vocation à s’appliquer. C’est difficilement compréhensible et difficilement envisageable. Comment voter une loi qui s’appliquerait de manière partielle ? Si nous acceptions cela et qu’une telle loi était promulguée, ce serait tout simplement une démission totale et définitive du Parlement, puisque nous laisserions le Gouvernement décider par décret ce qui, dans la loi, pourrait s’appliquer !
Une chose est néanmoins certaine : nos élus consulaires, ceux qui depuis presque six mois en Asie, en particulier en Chine, vivent au quotidien la pandémie – nous la vivons depuis trois mois, nous savons maintenant ce que c’est ! –, ceux qui vivent également une tragédie sans précédent dans certains pays d’Amérique latine, en Amérique du Nord, au Moyen-Orient ou dans le sous-continent indien ne peuvent pas aujourd’hui participer à une campagne électorale. Il est donc absolument nécessaire de reporter les élections consulaires.
L’apport principal de notre rapporteur et de notre commission est de proposer de n’inscrire dans la loi que ce qui est certain. Cette clarification a engendré d’ailleurs dans la nuit une autre clarification, de la part du Gouvernement cette fois, par rapport au projet de loi organique. En effet, depuis le dépôt des amendements que nous avons reçus et examinés ce matin en commission, la proposition du Gouvernement a profondément changé puisque ce dernier n’envisage que le report des élections des sénateurs des Français de l’étranger pour une année, et non les autres.
Maintenant que nous connaissons la position du Gouvernement sur ce sujet, nous pourrons en débattre, ce que nous ferons la semaine prochaine, mais nous aurions préféré disposer d’un véritable projet de loi organique, avec avis du Conseil d’État avant de nous prononcer.
Les apports de la commission, in fine, sont assez complets. D’abord, elle a voté quelques amendements permettant d’élargir les possibilités de recourir à des procurations et de faciliter leur établissement.
Elle a ensuite adapté le démarrage des nouveaux conseils communautaires et comités de syndicats de communes devant s’installer dans la foulée des municipales, dans une période aux contraintes sanitaires particulièrement compliquées.
Enfin, concernant les élections consulaires, notre commission considère – et c’est heureux – qu’il convient de respecter à la fois les électeurs et les candidats qui font vivre la démocratie locale, en fixant définitivement une date pour les élections de 2021. Ces élections ont déjà été reportées une fois de fin mai à fin juin. Il conviendra maintenant de dire quand elles auront lieu.
Je rappelle que les élections précédentes de l’Assemblée des Français de l’étranger, prévues en 2012, ont été reportées en 2013, puis en 2014. Cette fois, les élections sont également reportées deux fois : il faudrait leur donner davantage de stabilité, même si je reconnais que la période actuelle est particulière. À l’étranger, nos compatriotes ne bénéficient pas des mêmes filets de sécurité qu’en France et nombre d’entre eux se sont retrouvés dans une situation sanitaire et sociale compliquée. Ils avaient donc franchement autre chose en tête que de penser à une campagne électorale, même si les conseillers consulaires ont eu beaucoup de travail aux côtés des services consulaires.
Monsieur le rapporteur, je veux aussi saluer l’introduction de dispositions votées au moment de l’examen de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi Engagement et proximité, et dont l’application était prévue lors du prochain renouvellement des élus consulaires. Elles sont avancées au 1er octobre 2020. C’est heureux, même si c’est un peu étonnant.
Finalement, cette commission fait une application de l’article 45 de la Constitution quelque peu variable. Sur ce texte qui vise le code électoral, on peut parler du statut des élus, mais je rappelle que, lors de l’examen du projet de loi Engagement et proximité, nous n’avons pas pu débattre de ces éléments, la commission des lois ayant considéré que les élus des Français de l’étranger n’étaient pas des élus qui méritaient d’être insérés dans le débat !
Quoi qu’il en soit, ne boudons pas notre plaisir, puisque des élus pourront présider les conseils consulaires dès le mois d’octobre, ce qui est une bonne chose.
Deux ou trois sujets encore soit méritent un débat, soit ont été laissés tels quels. Nous nous sommes posé la question, par exemple, de savoir s’il était souhaitable de nous en tenir à la proposition du Gouvernement de prévoir une dérogation d’un mandat de cinq ans pour les élus consulaires. Au regard de l’élection présidentielle qui devrait se présenter en 2027, nous avons préféré opter pour cette solution, d’autant que nous avons tous en tête les élections sénatoriales, pour lesquelles il ne serait pas bon que les mêmes élus votent trois fois !
Nous avons besoin, monsieur le ministre, de quelques éclaircissements concernant le vote électronique, compte tenu de la mise en liquidation judiciaire du prestataire du ministère des affaires étrangères chargé de l’organiser pour les élections consulaires. Nous débattrons aussi peut-être de la manière dont pourra être complété le collège des grands électeurs pour les élections des sénateurs des Français de l’étranger, au cas où elle se tiendrait en septembre 2020.
En tout état de cause, compte tenu des clarifications apportées par la commission – ce ne sont dorénavant plus des suppositions qui figurent dans la loi, mais ce que nous souhaitons voir appliquer en totalité – dont nous saluons le travail, et malgré quelques amendements que nous défendrons, nous voterons ce projet de loi dans la rédaction issue des travaux de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)