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Souhaits de bienvenue à une nouvelle sénatrice
M. le président. Je salue notre nouvelle collègue Mme Marie-Noëlle Schoeller, sénatrice du Doubs, qui remplace M. Martial Bourquin. Je lui souhaite la bienvenue dans notre assemblée. (Applaudissements.)
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Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Notre séance se déroule dans les conditions de respect des règles sanitaires mises en place depuis le mois de mars. L’hémicycle fait notamment l’objet d’un nettoyage et d’une désinfection avant et après chaque séance. J’invite chacun à veiller au respect des distances de sécurité.
Je salue la présence en tribunes de nombreux collègues, qui traduit l’engagement des sénateurs. La semaine prochaine, conformément aux orientations présentées par M. le questeur délégué en conférence des présidents, nous pourrons siéger à 189 dans l’hémicycle, dans le respect bien sûr des règles sanitaires. Les questions au Gouvernement redeviendront pleinement d’actualité, sous réserve que nous veillions à la protection sanitaire du Gouvernement.
Je rappelle que les sorties de la salle des séances devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle.
N’oublions pas les principes qui sont les nôtres : respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole. Seul le Premier ministre dispose d’une forme de liberté absolue à cet égard (Sourires.) ; pour les autres, le respect des deux minutes imparties est non pas un vœu pieux, mais une exigence !
inégalité dans la répartition de la prime pour les soignants
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Corinne Féret. Je souhaite associer à cette question ma collègue Gisèle Jourda, sénatrice de l’Aude.
Le décret du 14 mai 2020 prévoit l’attribution d’une prime aux professionnels des établissements publics de santé, qui ont mobilisé toutes leurs forces pour vaincre l’épidémie de coronavirus. Il a suscité de vives réactions de la part des personnels soignants, tant il est injuste et inéquitable dans son application, le montant de cette prime variant de 500 à 1 500 euros selon l’établissement ou la situation géographique.
Partout, cette distinction est très mal vécue par les personnels concernés, qui y voient un manque de reconnaissance de la Nation pour leur action, leur engagement pourtant sans faille, sans compter que certaines professions sont exclues de ce dispositif de prime. C’est le cas, par exemple, des aides à domicile, qui ont, malgré la quasi-absence d’équipements de protection individuelle au départ, continué à assumer pleinement leur rôle, en première ligne auprès des personnes âgées dépendantes ou en situation de handicap. Elles ont notamment aidé nos concitoyens les plus vulnérables à supporter l’isolement pendant le confinement. Ce sont ainsi 300 000 professionnels de l’aide à domicile qui sont exclus du bénéfice de la « prime Covid ».
Toutes les professions exposées au virus doivent être récompensées par la Nation. Or le Gouvernement a pris la décision de ne verser des primes qu’aux personnels d’État de la santé et du médico-social, laissant notamment aux collectivités locales le soin d’assumer les dépenses pour certains autres professionnels. Dans le contexte que nous connaissons, cela n’est pas acceptable !
Ma question est simple : que comptez-vous faire pour tenir vos promesses et garantir une équité de traitement entre tous les professionnels du secteur sanitaire, social et médico-social ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Corinne Féret, sans attendre les changements profonds qui feront suite au « Ségur de la santé », cette concertation historique qui aboutira, nous l’espérons tous, aux accords de la santé, nous avons en effet décidé de verser une prime exceptionnelle aux professionnels qui ont permis au système de santé de prendre en charge un afflux majeur de patients contaminés par le Covid-19.
Les différentes primes versées constituent bien un dispositif exceptionnel, destiné à reconnaître un engagement exceptionnel dans une période exceptionnelle. En parallèle, le Gouvernement s’est engagé à revaloriser les carrières et les compétences, ainsi que les parcours professionnels, à l’hôpital mais aussi au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). C’est bien dans le cadre du Ségur de la santé que les négociations sur les salaires, qui répondront aux besoins légitimes des soignants et des professionnels paramédicaux, concrétiseront la reconnaissance due par la Nation.
Tous les soignants mobilisés pendant la crise sanitaire bénéficient d’une prime défiscalisée et exonérée de cotisations sociales, quel que soit leur statut, public ou privé, ou leur activité. Dans les quarante départements les plus touchés par l’épidémie, cette prime est majorée et s’élève à 1 500 euros. Dans ces départements, ce sont un peu plus d’un demi-million d’hospitaliers qui percevront cette prime. Dans les autres départements, la prime s’élèvera à 500 euros au sein des services hospitaliers les plus mobilisés dans la prise en charge des patients atteints du Covid-19. Le directeur de l’établissement peut d’ores et déjà relever le montant de la prime à son maximum pour les services ou les agents les plus impliqués dans la prise en charge de patients contaminés.
L’implication des personnels des services d’aide à domicile n’a jamais été mise en doute. Le principe est simple : l’assurance maladie prend en charge le versement de la prime pour tous les établissements et services tarifés par l’assurance maladie, y compris lorsque celle-ci n’est pas tarificateur unique. Ce mécanisme conduit des services de soins infirmiers à domicile à bénéficier de la prime. Les services d’aide et d’accompagnement à domicile n’étant pas, quant à eux, tarifés par l’assurance maladie, la compétence relève bien du département en ce qui les concerne.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Nous avons de très bons exemples à cet égard : le département de la Meurthe-et-Moselle, notamment, s’engage fortement pour ses propres salariés.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.
Mme Corinne Féret. J’entends votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais, visiblement, vous n’entendez pas, vous, la colère qui s’est exprimée hier encore pour réclamer plus de reconnaissance, plus de justice et moins d’inégalité. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
police française et contexte sécuritaire
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Alain Fouché. Monsieur le ministre de l’intérieur, malgré le terrorisme, les casseurs et la délinquance ; les policiers et les gendarmes assurent jour et nuit le maintien de l’ordre, souvent au péril de leur vie.
C’est dire à quel point est malvenue la campagne contre les violences policières menée par des identitaires racialistes, dont l’idéologie et les objectifs sont à l’opposé de l’antiracisme qu’ils font mine de professer.
Cette campagne vise à imposer une grille de lecture américaine sur la situation française, qui n’a pourtant rien à voir. Une grande majorité de nos concitoyens en sont choqués et refusent les antagonismes suscités par ceux que le Président de la République a appelés les « séparatistes ».
La vérité est que l’immense majorité des violences que constatent les Français portent atteinte à l’ordre républicain : je citerai les guets-apens tendus aux forces de sécurité, les trafics de drogue, l’incroyable guerre des gangs qui vient d’avoir lieu à Dijon.
Dans ces conditions, les discours scandaleux de certains agitateurs bien connus, pleins d’arrière-pensées, qui portent atteinte à la réputation des policiers et des gendarmes sont plus qu’inconvenants. La police française n’est pas raciste, et ses membres acceptent pleinement que les fautes de certains soient sanctionnées, car c’est la condition de leur exemplarité.
Les forces de l’ordre doivent savoir qu’elles bénéficient de l’entier soutien des institutions de la République, de leurs autorités de tutelle et de la très grande majorité du peuple français. Monsieur le ministre, les syndicats de policiers demandent que vous réarmiez la police juridiquement, moralement et matériellement. Comment comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Fouché, vous l’avez dit, chaque jour, chaque nuit, à chaque instant, la police et la gendarmerie interviennent sur nos territoires, urbains comme ruraux, dans des moments de tension, dans le quotidien, pour protéger les Français. Trop souvent, en effet, ils doivent faire face à des provocations, à des insinuations, à des menaces, à des injures et à des mises en cause incessantes.
Je vous remercie de votre témoignage, qui reflète l’expérience d’un homme de terrain et montre bien que, chaque fois qu’elles sont sollicitées, la police et la gendarmerie répondent présentes et s’engagent totalement. C’est la raison pour laquelle je suis fier de les défendre sans cesse depuis vingt mois. Je suis le premier défenseur de nos forces de sécurité intérieure, des femmes et des hommes qui les composent, parce qu’ils sont les gardiens de la paix et de ce que nous avons de plus précieux : le pacte républicain.
Vous avez raison, monsieur le sénateur : certains agitateurs, par jeu politique, cherchent à casser ce pacte républicain, en s’en prenant à ses gardiens, c’est-à-dire à nos policiers et à nos gendarmes. Nous avons bien évidemment l’obligation de défendre ceux-ci systématiquement. Nous le faisons en les réarmant, grâce un budget alloué aux forces de sécurité qui a augmenté d’un milliard d’euros depuis le début de ce quinquennat. Nous devons le faire techniquement, matériellement, mais aussi juridiquement.
À cet égard, nous proposons d’équiper de façon beaucoup plus massive nos forces de sécurité intérieure de caméras-piétons efficaces, dotées de batteries suffisamment durables, pour faire en sorte qu’ils soient protégés dans le jeu des images qu’on leur oppose si souvent.
Nous devons en outre les défendre juridiquement. Dans cette optique, j’ai demandé qu’un groupe de travail soit mis en place auprès des directeurs généraux de la gendarmerie nationale et de la police nationale pour que, systématiquement, quand ils sont victimes d’outrages, de violences, de menaces, ils bénéficient d’une procédure simplifiée et que nous puissions leur assurer la défense juridique à laquelle ils ont droit. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
sécurité
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, la société française va mal, à cause de la pandémie et de la crise économique, naturellement, mais aussi parce qu’elle est profondément fracturée. Elle se demande si, aujourd’hui, le pacte républicain, l’ordre républicain et le destin collectif de la nation France ont encore un sens. Face aux coups de boutoir non seulement de la délinquance, de plus en plus violente, mais aussi de la contestation de ce qu’est la France, de l’autorité de l’État par les Black Blocs, les racialistes, les indigénistes, les ultracommunautaristes, y a-t-il encore un destin commun pour ce pays ?
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous exposer en quelques mots devant la représentation nationale votre conception de l’autorité de l’État et de l’ordre républicain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur Karoutchi, la société française va mal, vous l’avez dit. À bien des égards, je suis d’accord avec vous. Pour autant, gardons-nous de dire ou de penser que tout irait mal en France, car ce n’est pas le cas. Nous avons des atouts extraordinaires ; ne tombons pas dans ce travers français du pessimisme et de l’autodénigrement.
Néanmoins, soyons lucides, comme vous l’êtes : en dépit de ces atouts, nous connaissons de sérieuses difficultés économiques, sociales et peut-être même aussi sinon morales – le sens de ce mot a depuis longtemps évolué –, du moins politiques.
Qu’est-ce qu’une nation, ce plébiscite quotidien, cette volonté quotidienne de s’inscrire dans une longue histoire, dont la complexité nous dépasse très largement, et de vivre ensemble, de construire quelque chose ensemble ?
Faire nation, ce n’est pas simplement considérer le passé pour ce qu’il est, c’est construire à partir de ce passé, c’est imaginer où nous voulons aboutir en tant que peuple. Or, de ce point de vue, nous avons manifestement une difficulté à nous projeter.
Certains remettent explicitement en cause les fondements du pacte républicain. D’autres, de façon plus insidieuse et probablement plus dangereuse, le font sans le dire, en revenant sur les idées de liberté et d’égalité en droit, sur le principe de l’État de droit, de l’autorité de l’État, sur les notions de respect dû à chaque citoyen ou de civisme.
Une des vertus cardinales de la République romaine, c’était précisément le civisme, c’est-à-dire non pas l’exemplarité de tel ou tel, mais la conviction que chacun, quelles que soient ses responsabilités, qu’il soit élu ou non, est dépositaire d’une parcelle du bien commun. Or le civisme nous apparaît comme progressivement dissous. Le respect de l’État se voit tous les jours remis en cause. Ce n’est pas parce que l’État serait irréprochable ou meilleur que les autres – cela se saurait ! – qu’il faut le respecter ; c’est parce qu’il est l’émanation de notre Nation et parce qu’il est là pour faire respecter un certain nombre de règles essentielles à l’intérêt commun.
L’autorité de l’État, c’est la capacité à faire respecter la loi. C’est la loi qui doit prévaloir dans un État de droit ; c’est la loi qui doit prévaloir dans la République. Or la force la met parfois en cause. Des bandes, des groupes, voire des individus, veulent la faire céder, la briser. Vous le savez bien, monsieur le sénateur, ce combat n’est pas récent, il est éternel, mais c’est un combat qui, aujourd’hui, dans notre pays, s’impose avec peut-être encore plus d’acuité que dans les années précédentes. C’est un fait. Face à cela, il faut non pas faire taire les débats politiques, car ils sont indispensables, mais essayer, au-delà de ces débats, d’atteindre à un esprit de concorde sur l’essentiel, à savoir les valeurs de la République. Il faut soutenir ceux qui mènent le combat de la République.
Le ministre de l’intérieur a ainsi mille fois raison de soutenir les forces de l’ordre. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.) Elles sont au cœur de ce combat pour la République, mais elles ne sont pas seules : n’oublions pas que la République est née aussi grâce aux professeurs, aux administrateurs, à ceux qui construisaient, qui organisaient. Nous leur devons à tous le respect. Nous avons le droit de les critiquer, mais parfois nous allons un peu au-delà en les dénigrant, sans toujours leur donner les moyens d’exercer leur mission.
La question que vous posez est très large, monsieur le sénateur ; vous et moi pourrions disserter des heures sur ce sujet, mais, à mes yeux, la République, ce sont des principes simples : l’État de droit, le respect de l’État, l’autorité de l’État et, au-delà et peut-être plus encore, le civisme. Être un citoyen, ce n’est pas simplement avoir des droits ; c’est avoir des droits et des devoirs.
Je me suis toujours étonné de voir certains, à l’époque où le service militaire était obligatoire, donner des leçons longues comme le bras sur la République tout en ayant la faiblesse de vouloir échapper à la conscription. Ces tentations individualistes sont le contraire du civisme. Voilà ce que je voulais vous dire, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants, UC et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, la République, c’est la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité.
L’État est aussi le garant de l’unité de la Nation, et lorsque la société est de plus en plus violente et de plus en plus fracturée, il faut s’appuyer pleinement sur ceux qui défendent la République.
On ne peut pas, au nom de la liberté, accepter n’importe quel type de contestation, de critique ou de violence. Le rôle de la police et de la gendarmerie est essentiel pour soutenir la République, pour garantir l’autorité de l’État et l’avenir de l’ensemble des Français, nos forces armées jouant le même rôle quand elles interviennent à l’extérieur de nos frontières.
La seule chose que l’ensemble des Français vous demandent, monsieur le Premier ministre, c’est de faire respecter les forces de l’ordre. Les critiques violentes ne peuvent pas être acceptées. La police comme la gendarmerie sont, par définition, des corps au service de la République. Il peut y avoir des fautes individuelles, qui doivent être sanctionnées, mais le respect de ceux qui défendent la République doit toujours prévaloir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants, UC et RDSE.)
flambée de violence à dijon
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Catherine Loisier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et porte sur les terribles événements qui ont secoué des quartiers de Dijon et de Chenôve ces derniers jours.
Je voudrais d’abord souligner la présence de M. le secrétaire d’État Laurent Nunez hier à Dijon. Sa venue était essentielle après quatre jours de violences urbaines ; elle était attendue par une population sidérée par les rixes et les milices qu’elle a subies pendant plusieurs jours, avec parfois le sentiment d’être livrée à elle-même ; elle était attendue aussi par les forces de l’ordre et les services préfectoraux, qui ont, avec les moyens disponibles et beaucoup de sang-froid, contenu une situation sans précédent.
Vous avez annoncé des effectifs supplémentaires pour assurer le maintien de l’ordre et réaffirmé la détermination de l’État à poursuivre les auteurs des faits et à les sanctionner. Cela devait être fait. Pour autant, nous savons aujourd’hui, monsieur le ministre, que ces faits ne sont malheureusement pas isolés. Plusieurs villes de France connaissent des débordements, des représailles organisés par des communautés rivales, par ceux que M. le secrétaire d’État a qualifiés de « voyous » et qui, de plus en plus lourdement armés, se font justice eux-mêmes.
Lorsque l’État de droit et la République sont ainsi menacés dans leurs fondements, nous devons faire bloc, soutenir nos forces de l’ordre et adapter nos moyens d’action.
Comment un rassemblement de près de 200 Tchétchènes, Russes et autres venant de France et, semble-t-il, d’ailleurs, mobilisés via les réseaux sociaux, armés et organisés quasiment militairement, n’a-t-il pas été anticipé par les services de renseignement ? Pourquoi a-t-il fallu attendre trois jours avant que des renforts ne soient effectivement affectés ? Enfin, plus globalement, monsieur le ministre, face au développement de telles violences et au besoin de sécurité de nos populations, comment pensez-vous faire évoluer l’organisation et les moyens des forces de l’ordre ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, à travers votre témoignage, vous soulignez ce fait majeur : jamais nos forces de sécurité intérieure ne rechignent quand elles sont sollicitées.
Vous avez raison, l’apparition de ce groupe d’individus dans la ville de Dijon n’avait pas été anticipée en matière de renseignement. Pourtant, les forces de sécurité intérieure, qui n’étaient pas numériquement en mesure de faire face et n’étaient pas préparées, ont répondu présent. J’ai échangé avec le maire de Dijon et le préfet, et demandé à ce dernier de piloter personnellement la situation, pour faire en sorte que cessent ces échauffourées entre bandes – ou peut-être devrais-je plutôt parler de hordes sauvages.
Madame la sénatrice, il n’est pas question qu’il y ait un seul mètre carré dans notre pays où la République recule, y compris face à ces violences extrêmes. Nous devons faire en sorte qu’il n’y ait nulle part de zones de non-droit et que l’État soit toujours présent pour juguler ces dérives totalement insupportables et inacceptables. Même si, la nuit dernière, la situation était apaisée, j’ai demandé au préfet que près de 200 hommes et femmes de la gendarmerie et de la police, ainsi que les brigades de recherche et d’intervention et le Raid, restent sur place dans les jours qui viennent ; ils reviendront en tant que de besoin. J’ai en outre demandé à nos services de police de veiller, sous l’autorité du ministère de la justice, à ce que l’identification des auteurs des exactions commises dès samedi se poursuive : ils ne resteront pas impunis !
Madame la sénatrice, vous l’avez dit, nos forces de sécurité intérieure ont fait face avec engagement et courage, et elles méritent d’être saluées pour cela. Je sais et partage l’émotion de la population. Ce qui s’est passé est inacceptable, insupportable. Sachez que, partout en France, nous ferons reculer ces pratiques de voyous. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.
Mme Anne-Catherine Loisier. Je salue bien évidemment moi aussi, monsieur le ministre, la réaction des services de la préfecture et des forces de l’ordre. Cependant, si nous n’avons pas eu à déplorer de plus graves conséquences, c’est parce que ces individus, Tchétchènes et autres, sont partis d’eux-mêmes au bout de trois jours. Qu’en serait-il s’ils étaient restés ? Nous devons y réfléchir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Julien Bargeton. Ma question s’adresse à M. Gabriel Attal.
Chacun a en mémoire ceux qui, hébergés dans les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes, ont été atteints par la maladie et sont parfois morts sans que leur famille puisse leur rendre visite, soutenus par un personnel courageux et épuisé.
Je voudrais, au travers de cette question, me tourner vers la jeunesse. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.) Nous avons choisi collectivement de faire passer l’économie après la santé. Ce choix nous fait honneur, mais il ne doit pas conduire à une rupture entre les générations, à un « décrochage » des jeunes.
Les jeunes actifs seront durement touchés par le chômage qui s’annonce : la masse salariale devrait baisser de 10 %, on s’attend à ce que peut-être 1,2 million d’emplois soient détruits. Derrière ces chiffres terribles, il y a des hommes et des femmes, notamment de jeunes actifs à qui nous avons rendu hommage. Je pense bien sûr aux internes en médecine, mais aussi à toutes les professions qui étaient en première ligne, ainsi qu’aux jeunes qui se préparent à entrer dans la vie professionnelle. Cette étape n’a jamais été simple, mais, avec la crise du coronavirus, l’inquiétude se transforme parfois en anxiété, de nombreux contrats précaires n’ayant pas été renouvelés.
Je suis très attaché au pacte entre les générations. C’est un thème qui m’est cher. Nous devons placer la jeunesse au cœur de la relance. Nous lui devons un plan d’investissement massif dans la formation, l’éducation et tous les domaines la concernant.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles solutions envisagez-vous pour faire face à la crise touchant les jeunes et, de manière générale, quels sont les contours de la relance pour la jeunesse de ce pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Bargeton, comme vous, je refuse que la crise puisse alimenter une fracture entre générations.
J’ai été frappé par certains discours qu’on a pu entendre pendant cette crise, présentant les jeunes comme un risque et les personnes âgées comme un poids. Pendant le confinement, on a vu précisément le contraire : des jeunes se sont engagés pour venir en aide à des personnes âgées ou vulnérables qui étaient isolées chez elles, en leur apportant leurs courses ou leurs médicaments ; des personnes âgées, confinées à leur domicile, ont donné de leur temps pour accompagner à distance des enfants, notamment en matière de soutien scolaire.
Ma conviction est donc que cette crise démontre encore davantage la nécessité du lien intergénérationnel et illustre les multiples possibilités de créer des ponts entre générations.
Évidemment, des inquiétudes existent pour les 700 000 jeunes qui doivent entrer sur le marché du travail, pour ceux qui veulent s’engager dans la voie de l’apprentissage, pour les centaines de milliers d’étudiants qui ont l’habitude de travailler l’été pour financer leur année universitaire.
C’est précisément pour répondre à ces inquiétudes, qui sont aussi celles des parents et des grands-parents de ces jeunes, que nous travaillons, avec Jean-Michel Blanquer, Muriel Pénicaud et Bruno Le Maire. De premières réponses, très fortes, ont été apportées par Mme la ministre du travail en matière d’apprentissage. Ces mesures massives seront suivies d’autres dans les prochaines semaines. Le Président de la République nous a invités, dans son allocution de dimanche dernier, à élaborer sous l’autorité du Premier ministre un grand plan de relance pour la jeunesse.
Il ne s’agit pas uniquement de protéger la jeunesse des risques économiques, mais bien, comme vous l’avez dit, de la placer au cœur de la relance. En effet, les entreprises et les secteurs d’activité d’avenir sur lesquels nous allons parier auront besoin de la créativité et de la mobilisation des jeunes pour relever le pays. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
emploi des jeunes