compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi,
M. Daniel Dubois.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 8 juillet 2020 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Démission et remplacement d’un sénateur
M. le président. M. François Grosdidier m’a fait connaître qu’il se démettait de son mandat de sénateur de la Moselle à compter du lundi 13 juillet 2020, à minuit.
En application de l’article L.O. 320 du code électoral, il est remplacé par Mme Catherine Belrhiti, dont le mandat de sénatrice a commencé mardi 14 juillet, à zéro heure.
Je la salue et lui souhaite la bienvenue dans notre hémicycle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SOCR.)
3
Modifications de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, j’ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 10 juillet 2020 complétant le décret du 15 juin 2020 portant convocation du Parlement en session extraordinaire.
Ce décret prévoit une déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, en application de l’article 49, alinéa 1er, de la Constitution, ainsi qu’une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat devant le Sénat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
Par ailleurs, par lettre en date du 11 juillet 2020, le Gouvernement demande le report au jeudi 23 juillet, à quatorze heures trente, du débat sur l’orientation des finances publiques, initialement prévu le jeudi 16 juillet, à quatorze heures trente, et joint à la discussion générale du projet de loi de finances rectificative pour 2020.
Acte est donné de ces modifications.
4
Communication d’un avis sur un projet de nomination
M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des lois a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – 14 voix pour, 1 voix contre – à la nomination de Mme Claire Hédon aux fonctions de Défenseur des droits.
5
Communication relative à deux commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
J’informe également le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
6
Politique générale
Lecture d’une déclaration du Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle la lecture d’une déclaration de politique générale du Gouvernement.
La parole est à M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui va lire cette déclaration devant le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – MM. Pierre Louault et Loïc Hervé applaudissent également.)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous donne lecture de la déclaration de politique générale que M. le Premier ministre, en ce moment même, prononce à l’Assemblée nationale :
« Monsieur le président, mesdames, messieurs, c’est un immense honneur pour moi d’être à cette tribune. Je me présente devant vous dans un moment bien particulier de notre histoire. La France vient de subir l’une des plus graves crises sanitaires qu’elle ait connues.
« J’ai avant tout une pensée pour celles et ceux qui ont été frappés par la maladie, ainsi que pour les Françaises et les Français qui ont perdu un proche.
« Je veux aussi saluer l’action de tous ceux qui se sont mobilisés, qui se sont battus sans relâche, pour sauver des vies, protéger les plus vulnérables, assurer la continuité des services publics, mais aussi de la vie économique de la Nation. N’oublions pas ce que nous leur devons, alors même que la crise sanitaire n’est pas terminée.
« La meilleure façon de nous préparer à une reprise possible de l’épidémie est de renforcer nos actions de prévention. Cela passe nécessairement par le développement du port du masque et une intensification de notre politique de dépistage. Ce que nous devons par-dessus tout éviter, c’est un retour à des formes strictes et larges de confinement dont nous connaissons désormais le coût. Cela reposera sur la mobilisation de tous.
« Face à la crise, nous avons tenu bon, collectivement ; vous le savez, vous y avez contribué.
« Je veux ici rendre hommage au travail d’Édouard Philippe et de son gouvernement. L’histoire se souviendra des réformes ambitieuses qu’il a menées, avec le soutien sans faille de la majorité, que je salue. Les réalisations qui sont à son actif et à celui de l’ensemble de ses ministres sont considérables. Elles concernent tous les domaines de la vie de la Nation, qu’elles ont rendue plus forte, plus juste et plus solidaire. (Murmures sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
« Je veux rappeler que, lorsque la crise du coronavirus s’est abattue sur notre pays, le chômage était au plus bas depuis plus de dix ans, le pouvoir d’achat connaissait sa plus forte progression depuis longtemps et la France était devenue le pays le plus attractif d’Europe. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR.)
« Je veux également souligner l’œuvre de transformation engagée dans des secteurs aussi importants que l’éducation, le travail, les mobilités, le logement ou encore la santé. L’histoire retiendra aussi le courage et le sang-froid avec lesquels Édouard Philippe a affronté la crise ; j’en ai été le témoin direct au cours des derniers mois.
« À la crise sanitaire, qui n’est pas finie, succède dès maintenant une crise économique et sociale d’une ampleur probablement inégalée depuis la dernière guerre mondiale. Nous en connaissons les risques, et certains de nos compatriotes en subissent déjà les conséquences. Les pertes d’emploi, les plans sociaux, les faillites d’entreprises sont malheureusement des réalités que nous constatons déjà et qu’il va nous falloir combattre ensemble.
« Les crises ont ceci de singulier qu’elles jouent le rôle de révélateur. Celle que nous avons traversée a montré à quel point les Françaises et les Français ont des ressources. Ce que nous avons vu, ce sont des femmes et des hommes engagés, solidaires, inventifs et responsables. Mais, quand la tempête souffle, éclatent, aux yeux de tous, les fragilités qu’on préférait ignorer.
« La crise a mis en lumière, de manière très crue, nos difficultés et parfois nos défaillances, y compris au sein de l’appareil d’État.
« La crise a aussi souligné les faiblesses de notre économie, avec un appareil productif incapable de pourvoir à nos besoins en biens et ressources stratégiques. Nous avons atteint un niveau de dépendance qui n’est pas raisonnable, qui n’est pas acceptable.
« La crise a accentué la vulnérabilité des personnes éloignées du cœur de notre modèle économique et de protection sociale : les travailleurs précaires, les travailleurs handicapés, les contrats courts, les jeunes, les indépendants. Mais ce n’est pas tout.
« La crise est venue frapper une France en plein doute, une France qui se divise, une France qui se crispe et parfois se désespère, et cela depuis bien trop longtemps. Une France, ou à tout le moins une partie d’elle, qui se trouve gagnée par la peur du déclassement. Une France qui se sent parfois abandonnée.
« Oui, vous le savez, mesdames, messieurs, il y a beaucoup de France qui se sentent loin et laissées pour compte, France des banlieues, France rurale, France des vallées, France des outre-mer, France dite « périphérique », France de ceux, y compris au cœur de nos villes, qui n’ont pas droit à la parole. Ces France-là sont notre pays, autant que la France de la réussite, économique, scientifique, industrielle, ou culturelle dont nous sommes légitimement fiers.
« Notre première ambition, immense, sera de réconcilier ces France si différentes, de les souder ou de les ressouder, de faire que, de part et d’autre, on s’écoute, on se reconnaisse, on se comprenne, on contribue à restaurer la valeur cardinale qui soude les sociétés : la confiance – la confiance du peuple en ses élites, la confiance entre l’État et les corps intermédiaires qui structurent la société, la confiance en l’avenir.
« La France, c’est la République. Et celle-ci aussi se trouve aujourd’hui ébranlée dans ses fondements par la coalition de ses ennemis : terroristes, extrémistes, complotistes, séparatistes, communautaristes, dont les armes habituelles de la violence – dans la rue comme dans l’espace privé – et de la lâcheté – souvent garantie par l’anonymat permettant un recours dévoyé aux réseaux sociaux – ont pris ces dernières années une intensité inquiétante. Vous le savez, car vous en êtes régulièrement les victimes.
« Je suis, comme simple citoyen, comme maire de terrain depuis douze ans, engagé au service des autres. Je sais, pour la côtoyer tous les jours, qu’il existe une France qui ne dit rien, mais qui n’en pense pas moins et qui n’accepte pas cela. Une France du bon sens et de la raison,…
Mme Sophie Primas. Le Sénat !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … une France que nous devons aujourd’hui écouter et mieux considérer.
« Pour faire face à la crise, pour faire reculer les doutes, pour redonner l’espoir à celles et ceux qui n’en ont plus, l’ensemble des acteurs publics, au premier rang desquels l’État et le gouvernement de la République, doivent faire preuve d’une très grande humilité. Ils doivent également faire évoluer profondément et rapidement leurs modes d’intervention, pour les diriger vers la vie quotidienne de nos concitoyens.
« Je le sais bien, dans un pays qui excelle dans le débat d’idées, dans la conjugaison des grands principes, dont nos assemblées ont souvent été les grandes scènes, parler d’exécution, de mise en œuvre ou d’efficacité opérationnelle peut sembler trivial.
« Toutes ces notions sont depuis longtemps reléguées au rang de choses subalternes. C’est une affaire entendue : l’intendance suivra. »
Mme Éliane Assassi. On ne parle que d’intendance !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « Eh bien, mesdames, messieurs, depuis longtemps, vous le savez, l’intendance ne suit plus !
« Les lois que vous votez, les décrets que le Gouvernement promulgue, se perdent souvent dans des méandres opaques au point de ne toucher que de manière lointaine, incertaine et souvent incomprise la vie quotidienne de nos concitoyens. Et ce ne sont pas nos agents publics qui sont en cause ; ils sont bien souvent aussi les victimes d’une organisation collective inadaptée, dans laquelle se consument l’intelligence et les bonnes volontés.
« C’est le règne de l’impuissance publique qui a fait le lit du discrédit de la volonté politique. Il est tout à fait urgent de faire évoluer le logiciel de l’action publique.
« L’erreur serait de penser qu’il faudrait en cela remettre en cause l’État. Car l’État, c’est la France. Mais l’État ne s’est pas adapté à la France. Il a parfois donné l’illusion qu’il pouvait tout régler, alors qu’il doit surtout donner à tous les acteurs de notre société les moyens d’agir et de progresser.
« La France, c’est en effet celle des citoyens qui aspirent de plus en plus à participer à la chose publique sous des formes nouvelles, et nous devons en tenir compte, comme le Président de la République l’a fait avec la Convention citoyenne sur le climat,…
M. Jean-Paul Émorine. Et les élus ?
M. Albéric de Montgolfier. Les élus !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … et comme nous allons le faire à l’avenir, en transformant le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, en Conseil de la participation citoyenne. » (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Qu’est-ce que cela va changer ?
M. Albéric de Montgolfier. Gadget !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « Et il nous appartiendra ensemble de trouver les modalités de conciliation entre la démocratie directe et la démocratie représentative,…
M. Bruno Retailleau. C’est le fameux « en même temps » ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Encore heureux !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « La France, c’est aussi celle des forces vives et des partenaires sociaux qui structurent notre démocratie sociale. Le dialogue, l’écoute, la recherche du compromis : voilà les leviers d’une démocratie apaisée. Je crois, j’ai toujours cru, aux vertus du dialogue social : toute ma vie publique en atteste.
« Vendredi prochain, je réunirai à Matignon l’ensemble des partenaires sociaux pour tenter de nous accorder sur une méthode et un calendrier de discussions et de concertations sur l’ensemble des sujets qui sont sur la table pour les semaines et les mois à venir, à commencer par le plan de relance de notre économie.
« La France, mesdames, messieurs, c’est aussi celle des territoires, avec leurs identités, avec leurs diversités. C’est à cette France des territoires, à cette France de la proximité que nous devons impérativement faire confiance, car c’est elle qui détient en large part les leviers du sursaut collectif. »
M. Jean-François Husson. Avec ses élus !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « Les territoires, c’est la vie des gens. Libérer les territoires, c’est libérer les énergies. » (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. C’est nouveau, ça !
M. Roger Karoutchi. Libérer de quoi ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « C’est faire le pari de l’intelligence collective. » (M. Martin Lévrier applaudit. – Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR.)
M. Philippe Dallier. On est mal partis !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « Nous devons réarmer nos territoires ; nous devons investir dans nos territoires, nous devons nous appuyer sur nos territoires. » (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. Jean-François Husson. Des actes, pas des paroles !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « Pris par le haut, tous les sujets deviennent des objets de posture ou de division – sur le papier, on n’en fait jamais assez –,…
M. Stéphane Ravier. Pas seulement sur le papier !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … mais s’ils sont traités depuis le bas, par les gens, en donnant à nos concitoyens, notamment aux plus jeunes d’entre eux, l’occasion concrète, visible et mesurable de s’impliquer, alors cela change tout : la confiance revient, les résultats progressent, la Nation se ressoude.
« Cette confiance dans les territoires suppose que le droit à la différenciation soit consacré dans une loi organique. Elle passe également, comme l’a indiqué le Président de la République, par une nouvelle étape de la décentralisation. Elle repose tout autant sur une évolution profonde de l’organisation interne de l’État.
« Je m’étais fait le défenseur, à l’occasion de la mission qui m’avait été confiée par le précédent gouvernement sur le déconfinement, du couple “maire-préfet de département”. »
M. Albéric de Montgolfier. Il existe encore ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « Notre intention est de rendre rapidement plus cohérente et efficace l’organisation territoriale de l’État, en particulier au niveau du département.
« Toutes les créations d’emplois qui seront autorisées par le projet de loi de finances pour 2021 seront affectées, sauf exception justifiée, dans les services départementaux de l’État, et aucune dans les administrations centrales. (M. Jean-Claude Requier approuve.) C’est une révolution. (M. Martin Lévrier applaudit. – Marques d’ironie sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR.)
« Tout en ayant le souci de la mise en œuvre au plus près de nos concitoyens, l’État, dans le même temps, doit retrouver les voies de l’anticipation. L’action de l’État est trop souvent réduite à la simple gestion des crises et des urgences. »
M. Stéphane Ravier. Et encore !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « Nous avons progressivement perdu notre capacité à nous projeter dans le long terme, à planifier une politique économique, à identifier les gisements de croissance futurs, à définir une perspective, à fixer un cap.
« C’est la raison pour laquelle le Président de la République souhaite la création rapide d’un commissariat général au Plan,… (Exclamations amusées sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains.)
M. Rachid Temal. Qui siégera à Pau !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … qui aura pour mission d’incarner et d’animer une telle politique. »
M. Vincent Éblé. Avec M. Bayrou, ça promet !
M. Jean-François Husson. M. Bayrou est sorti par la porte, il revient par la fenêtre…
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « C’est aussi le sens de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, qui sera présentée au conseil des ministres dès la semaine prochaine et qui permettra un réinvestissement massif de 25 milliards d’euros dans la recherche publique au long des dix prochaines années. »
M. François Bonhomme. Dans la recherche des solutions ?
M. Fabien Gay. Commencez par assurer la prochaine rentrée !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « C’est donc avec une méthode nouvelle que nous allons prendre ensemble à bras-le-corps cette crise, avec une obsession en tête : la lutte contre le chômage et la préservation de l’emploi, priorité absolue des dix-huit prochains mois.
« La première urgence, parce que ce sont les premiers touchés par la crise, parce qu’ils sont l’avenir, parce qu’ils sont nos enfants, ce sont les jeunes : 700 000 d’entre eux vont bientôt se présenter sur le marché du travail. Aucun d’entre eux ne doit se trouver sans solution. Des mesures très fortes ont d’ores et déjà été annoncées pour soutenir l’apprentissage. Il faut aller plus loin. Un plan pour la jeunesse sera discuté vendredi avec les partenaires sociaux.
« Premier impératif : favoriser l’embauche. L’État y aidera, comme l’a annoncé le Président de la République, avec un dispositif exceptionnel de réduction du coût du travail, à hauteur de 4 000 euros par an, pour les jeunes de moins de 25 ans, jusqu’à 1,6 SMIC, dans toutes les entreprises et pour une durée d’au moins un an.
« Deuxième impératif : lutter contre le décrochage durable des jeunes qui sont les plus éloignés de l’emploi. Quelque 300 000 parcours et contrats d’insertion permettront d’aller toucher les jeunes les plus en difficulté et 100 000 places supplémentaires seront affectées au service civique.
« Troisième impératif : soutenir les étudiants, notamment les plus modestes, qui se trouvent en difficulté avec moins d’accès aux petits boulots. Dès la rentrée, les repas dans les restaurants universitaires seront à un euro pour les étudiants boursiers. »
M. Roger Karoutchi. Et ils seront meilleurs ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « Mais au-delà de ces mesures d’urgence, nous devons recréer les conditions d’une croissance économique plus robuste, plus innovante, plus écologique et plus solidaire. C’est la finalité du plan de relance que nous mettrons en œuvre dès le début du mois de septembre prochain. Il portera sur 100 milliards d’euros et couvrira tous les grands secteurs économiques et tous nos territoires.
« Ce plan nous permettra d’investir prioritairement dans notre atout le plus précieux, les femmes et les hommes de ce pays. Tout d’abord en préservant l’emploi au travers des dispositifs d’activité partielle, qui mobiliseront 30 milliards d’euros cette année, et encore 8 milliards l’année prochaine, pour soutenir l’emploi et les salaires dans les entreprises confrontées à une baisse durable de leur carnet de commandes.
« Toutefois, la clé, encore et toujours, c’est la formation. Dans une économie qui évolue très vite, le développement des compétences est la meilleure des protections pour garder, trouver ou retrouver un emploi.
« Sur ce sujet, beaucoup a été fait depuis 2017. Mais nous devons faire plus encore, en investissant 1,5 milliard d’euros de plus dans la formation et en invitant les régions à amplifier leurs propres interventions. Les personnes qui s’orienteront vers les formations dans ces secteurs en tension verront leur compte personnel de formation abondé. Nous nous fixons un objectif de 200 000 places supplémentaires de formation en 2021, notamment au bénéfice des jeunes et des demandeurs d’emploi.
« Enfin, pour tenir compte du nouveau contexte, nous devrons aménager la réforme de l’assurance chômage. Ce sera l’un des points que nous aborderons vendredi dans le cadre de la conférence du dialogue social.
« Ce plan de relance sera un plan de reconquête économique et territorial. »
M. Jean-Pierre Sueur. Quel souffle ! (Sourires sur les travées du groupe SOCR.)
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « L’économie, c’est l’initiative et l’entreprise.
« Dès le début de la crise sanitaire, un soutien massif, sans précédent et sans équivalent en Europe, a été apporté aux entreprises de notre pays, avec des interventions ciblées sur les filières stratégiques, comme l’automobile et l’aéronautique. Cette mobilisation nous a permis d’éviter le pire ; elle doit nous permettre maintenant d’engager un travail de reconstruction.
« La crise en a apporté une nouvelle confirmation : il faut transformer notre appareil productif. Notre industrie s’est affaiblie. Nous avons vu certains de nos fleurons industriels et technologiques passer sous pavillon étranger sans que nous puissions, ou souhaitions, réagir. Nous sommes aujourd’hui trop dépendants de nos partenaires extérieurs et insuffisamment présents dans certains secteurs stratégiques.
« Nous consacrerons 40 milliards d’euros pour que cela change. Nous allégerons les impôts qui pèsent sur la production en France. Nous développerons sur notre territoire les technologies d’avenir. Nous réduirons notre empreinte carbone, nous accélérerons la numérisation des entreprises et des administrations.
« Dans de nombreux domaines, notre souveraineté économique doit également se construire à l’échelle de l’Europe. Nous travaillerons à une adaptation des règles de la concurrence européenne, afin de favoriser l’émergence de champions industriels européens.
« L’économie, mesdames, messieurs, c’est aussi les territoires. Nous allons soutenir les investissements des collectivités territoriales orientées vers le développement durable et l’aménagement du territoire. Nous accélérerons en particulier tous les projets sur les réseaux qui permettent de structurer et de développer nos territoires : déploiement du très haut débit, modernisation des réseaux d’eau et d’assainissement, sauvegarde des petites lignes ferroviaires.
« En ce qui concerne le plan de rénovation urbaine visant à restaurer la République dans les quartiers et à permettre l’émancipation de leurs habitants, il faut que les travaux aient effectivement commencé, d’ici à la fin de 2021, dans 300 des 450 quartiers concernés.
« L’agenda rural sera également accéléré, en donnant notamment la priorité au déploiement du programme Petites villes de demain.
« Ce plan de relance sera un accélérateur puissant de la transition écologique. Ce gouvernement veut gagner la bataille pour le climat, la protection de la nature et la biodiversité. Il entend faire de l’économie française la plus décarbonée d’Europe. » (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Bizet. En supprimant Fessenheim, c’est bien parti !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « L’écologie n’est pas l’apanage d’une génération, d’une classe sociale, des quartiers de certaines villes ou d’un parti. »
M. Jean-Pierre Sueur. Je le sentais venir…
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. « L’écologie, c’est notre affaire à tous. Elle doit être créatrice de richesses. Je crois en la croissance écologique, pas en la décroissance verte.
« Le plan de relance intervient au moment où la Convention citoyenne sur le climat vient de remettre, au terme d’un remarquable travail, ses propositions. Celles-ci vont désormais faire l’objet de travaux associant les groupes parlementaires, les partenaires sociaux et les administrations. Comme l’a annoncé le Président de la République, un projet de loi spécifique sera présenté à la concertation au début de l’automne.
« Le plan de relance proposera de mobiliser plus de 20 milliards d’euros pour mener la rénovation thermique des bâtiments, réduire les émissions des transports et de nos industries, produire une alimentation plus locale et durable, soutenir les technologies vertes de demain comme les batteries, mieux recycler et moins gaspiller.
« Nos entreprises doivent évoluer. Les investissements massifs du pacte productif vont les y aider. Nous pouvons redevenir une grande nation industrielle grâce et par l’écologie.
« Néanmoins, la transition écologique interroge aussi le quotidien de chaque citoyen, sa façon de consommer, de se déplacer, de se loger. Rien ne serait plus inefficace ou injuste que de demander à certains de nos concitoyens, qui n’en ont tout simplement pas les moyens, de changer brutalement leur mode de consommation ou de déplacement. À nous de concilier transition écologique et pouvoir d’achat.
« La solution, c’est d’accompagner individuellement les Français, en matière de logement, en finançant leurs projets de rénovation thermique, en matière de transport, grâce à la prime à la conversion, en structurant mieux le marché de l’occasion et en s’appuyant sur la location de longue durée. Tous les investissements dans les filières agricoles seront accélérés, afin de développer une alimentation de qualité, locale, accessible dans toutes les villes et villages de France.
« Pour lutter contre l’artificialisation des sols et promouvoir les circuits courts et les petits commerces, nous mettrons en place un moratoire pour l’installation de nouveaux projets de centres commerciaux dans les zones périurbaines.
« Le plan de relance prévoira des montants significatifs et inégalés en faveur d’un plan Vélo très ambitieux et contractualisé avec les collectivités territoriales, qui en seront les maîtresses d’ouvrage ; cet investissement dans des infrastructures dédiées et dans les vélos électriques va révolutionner l’usage de ce moyen de locomotion propre et excellent pour la santé dans toutes les villes et villages de France, et pas seulement dans les grandes villes. » (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)