M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 1204, transmise à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Patrice Joly. Le plan Ma santé 2022 prévoyait le recrutement de 400 médecins généralistes dans les territoires fragiles, afin de pallier le manque de praticiens dans les zones dites « sous-denses ».
Le maire de Château-Chinon et moi-même avions interrogé à ce sujet la ministre de la santé. En avril 2019, elle nous a indiqué que Château-Chinon avait été retenue pour bénéficier de ce dispositif de recrutement de médecins généralistes. En 2015, cette sous-préfecture est restée quelque temps sans aucun médecin libéral, situation particulièrement préoccupante.
Sans nouvelle du suivi de ce dossier au bout d’un an, nous avons saisi le directeur général du groupement hospitalier de territoire, le GHT. Il nous a répondu que, faute de candidatures de médecins, pour lesquels de tels postes seraient financièrement peu attractifs, l’annonce de la ministre de la santé n’avait qu’assez peu de chances de se concrétiser…
Dès lors, s’agissait-il d’un simple coup de communication ou d’une annonce sans lendemain ? Les besoins dans nos territoires sont criants. Sur les 400 médecins annoncés, combien exercent effectivement sur le terrain, deux ans après l’annonce, qu’ils aient été recrutés par un établissement hospitalier ou qu’ils exercent à titre libéral ?
J’appelle également votre attention sur la situation du pôle de santé de Cosne-sur-Loire. La clinique qui existait à côté de l’établissement hospitalier a déposé le bilan à la suite d’une fermeture administrative pour non-conformité aux normes sanitaires. Elle est fermée depuis près d’un an et, pour les 200 000 habitants de ce territoire, les services médicaux font cruellement défaut, qu’il s’agisse des urgences ou de l’imagerie médicale. Le temps passe, les conditions d’une reprise deviennent de plus en plus difficiles et l’inquiétude va croissant. Quelles initiatives l’État compte-t-il prendre pour remédier à cette situation ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Patrice Joly, vous l’avez rappelé, le défi démographique que nous avons à relever aujourd’hui est grand.
Le nombre de médecins généralistes et de spécialistes en accès direct exerçant en libéral est en baisse régulière depuis 2010, et cette baisse est susceptible de se poursuivre jusqu’en 2025. Je suis, comme vous, très engagée sur ce sujet de la désertification médicale, et j’ai suffisamment milité pour faire changer l’état d’esprit des jeunes étudiants, y compris directement en faculté de médecine, pour savoir qu’il n’y a là aucune évidence et que les solutions doivent relever, sur les territoires, d’un travail de dentelle.
Nous avons pris dès 2017 des dispositions pour proposer un panel de solutions adaptables à chaque contexte local, car la réponse aux difficultés démographiques ne saurait être unique. Parmi ces solutions figurent l’exercice coordonné sous toutes ses formes, dont on sait qu’il représente un fort levier d’attractivité, ou encore la télémédecine, qui permet d’abolir les distances – on en a vu l’efficacité pendant le confinement.
Le déploiement de 400 postes de médecin généraliste en exercice partagé entre une structure hospitalière et une structure ambulatoire ou le salariat dans un centre de santé ou un établissement de santé fait effectivement partie des leviers supplémentaires annoncés dans le cadre de la stratégie Ma santé 2022 pour donner un nouvel élan à cette démarche, qui a permis d’engager assez vite une nouvelle dynamique.
L’année 2019 a été celle du lancement de la mesure « 400 médecins ». En fin d’année, 110 postes avaient été pourvus ou étaient en passe de l’être, grâce à l’engagement des ARS et de leurs partenaires pour proposer des offres attractives.
Un nouveau bilan national sera fait très prochainement. D’ores et déjà, il s’avère que ce dispositif a permis de recruter vingt-trois médecins en Bourgogne-Franche-Comté, dont, plus particulièrement, deux au centre polyvalent de santé de Nevers.
Pour ce qui concerne le secteur de Château-Chinon, l’agence régionale de santé et les acteurs locaux sont mobilisés afin de redonner du temps médical au département ; ces efforts devraient aboutir dans les mois qui viennent.
Nous avons fait le choix de la confiance aux acteurs pour innover et mettre en place des solutions adaptées aux contextes locaux, et nous avons pu observer que cette stratégie était la meilleure : des dynamiques se sont nouées et des premiers progrès ont été enregistrés.
Je comprends bien sûr votre impatience, à double titre, mais certaines actions demandent un peu de temps pour produire pleinement leurs effets.
Concernant le cas de Cosne-sur-Loire, je vais m’enquérir du problème auprès du ministère afin que vous receviez une réponse écrite.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.
M. Patrice Joly. Nous souhaitons, sur nos territoires, que l’État soit proactif et s’inscrive dans des démarches de projets. Dans le cas de la clinique de Cosne-sur-Loire, il faut rechercher des repreneurs potentiels, accompagner le montage des modèles économiques et sanitaires. On ne peut pas se contenter de gérer des procédures sur le terrain – je pense en particulier à l’ARS.
installations temporaires à vocation économique
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteure de la question n° 1168, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, les dispositions de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, étaient destinées à assouplir les restrictions imposées par la loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.
L’article R. 121-5 du code de l’urbanisme autorise la réalisation d’aménagements légers dans les espaces remarquables ou caractéristiques du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Parmi ces aménagements figurent, entre autres, les équipements légers et démontables nécessaires à la préservation et à la restauration de ces milieux, les objets mobiliers destinés à l’accueil ou à l’information du public, ou encore la réfection des bâtiments existants et l’extension limitée des bâtiments et installations nécessaires à l’exercice d’activités économiques.
Ces dispositions sont certes bienvenues, mais elles ne laissent qu’une marge de manœuvre étroite aux élus locaux qui souhaiteraient stimuler l’attractivité de leur commune littorale. À titre d’exemple, les équipements légers et démontables destinés à la restauration sur place ou à emporter ne répondent pas aux critères fixés par l’article R. 121-5 du code de l’urbanisme. Les maires ne demandent rien d’autre que de pouvoir mettre en valeur les atouts de leur commune tout en préservant les caractéristiques patrimoniales et environnementales, ainsi que la biodiversité de leur littoral.
Ne pourrait-on donc, sous condition d’un respect strict de l’intégration paysagère et architecturale, voire de l’approbation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, étendre la liste des autorisations prévues par l’article R. 121-5 du code de l’urbanisme aux installations temporaires à vocation économique ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la sénatrice, vous appelez notre attention sur la liste des aménagements légers autorisés dans les espaces remarquables du littoral. Vous proposez d’étendre cette liste aux installations temporaires à vocation économique, pour répondre aux demandes des élus soucieux de l’attractivité de leur territoire.
Depuis plus de trois ans, nous sommes mobilisés auprès des élus locaux pour renforcer le dynamisme de leurs territoires ; nous ne pouvons donc que vous rejoindre sur ce point. Je citerai le programme Action cœur de ville et les opérations de revitalisation des territoires. Concernant spécifiquement les communes littorales, la loi ÉLAN a également permis de faciliter les projets des communes, s’agissant notamment de traiter la problématique des « dents creuses » dans les zones littorales, qui faisait débat depuis des années.
Les espaces remarquables du littoral sont parmi les plus sensibles. Ils sont à ce titre parmi les plus protégés et doivent continuer de faire partie de notre patrimoine le plus préservé.
Ce sujet mérite un traitement à part. C’est pourquoi la loi ÉLAN a récemment affirmé le caractère limitatif de ce qu’il est possible de faire dans ces espaces. À l’issue d’une concertation, une liste a ensuite été définie par décret, toutes les garanties permettant de protéger ces espaces y étant attachées. La protection des espaces remarquables doit rester un objectif majeur de la loi Littoral. C’est pourquoi il n’est pas envisagé d’étendre les possibilités de dérogation au principe d’inconstructibilité qui régit ces espaces à des équipements qui seraient destinés à de la restauration sur place ou à emporter. De telles activités peuvent facilement générer des stationnements, voire, dans certains cas, des dépôts sauvages de déchets, dans des milieux à préserver particulièrement sensibles.
Si, toutefois, certains projets respectant le caractère exceptionnel de ces espaces devaient se trouver empêchés, mes services sont disposés à étudier, en concertation avec la ministre de la transition écologique, ces difficultés et les exemples concrets que vous pourriez nous faire remonter.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, cette question se pose très concrètement dans mon département, la Seine-Maritime. Les élus locaux nous en ont saisis ; j’ai pu juger sur place et sur pièces du type de projets dont il est question. J’ai bien pris soin de vous dire qu’il conviendrait bien entendu d’être extrêmement respectueux de la qualité environnementale et patrimoniale des lieux, ainsi que de la biodiversité. C’est la présidente de la commission de la culture, qui a beaucoup travaillé à la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, qui vous parle ; elle est aussi la présidente suppléante de la commission régionale de l’architecture et du patrimoine !
Il me semble possible de procéder aux assouplissements que j’ai évoqués, en apportant toutes les garanties. Il y a suffisamment de commissions, dans notre pays, qui pourraient statuer pour autoriser, ou non, une installation temporaire. Faisons confiance, aussi, aux élus locaux ! Ils connaissent leur territoire.
redéfinition des espaces ruraux
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, auteur de la question n° 1233, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Madame la ministre, permettez-moi d’attirer votre attention sur l’importance d’associer les élus locaux et nationaux à la réflexion menée conjointement par l’Agence nationale de la cohésion des territoires et par l’Insee, en lien avec l’agenda rural, sur la redéfinition des espaces ruraux.
Le Gouvernement a en effet souhaité définir une « nouvelle géographie prioritaire » de la ruralité pour accompagner l’évolution des dispositifs visant à réduire les inégalités territoriales.
Le besoin de disposer d’une définition rénovée et positive des espaces ruraux est partagé, de même que celui d’une révision de certains zonages qui servent de base au soutien de l’État aux territoires, en particulier ruraux.
Alors que le Parlement, notamment le Sénat, a produit de nombreux travaux sur ces sujets, à l’instar du récent rapport d’information sur les zones de revitalisation rurale fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des finances du Sénat, je m’étonne que votre ministère et l’Insee n’aient pas sollicité les parlementaires impliqués sur le sujet pour les associer à la réflexion.
Vous connaissez l’attachement des élus à leurs territoires, ainsi qu’aux dispositifs zonés, qui marquent le soutien de la Nation à leur égard. Aussi serait-il souhaitable que les décisions déterminantes pour l’évolution de ces zonages soient prises d’abord à un niveau politique, impliquant une large concertation des élus locaux et nationaux directement concernés.
Pouvez-vous me confirmer que les parlementaires impliqués sur ce sujet seront effectivement associés à ces travaux et réflexions ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur, vous nous interrogez, d’une part, sur l’articulation entre la définition de la ruralité et l’évolution du zonage prioritaire, et, d’autre part, sur l’association des élus, locaux et nationaux, à ces réformes.
Conformément aux engagements pris dans le cadre de l’agenda rural, le Gouvernement a lancé conjointement deux exercices : un groupe de travail, piloté par l’Insee, est chargé de réfléchir à la définition statistique de la ruralité ; une mission inter-inspections, intégrant une large palette de compétences, doit proposer des pistes de réforme de la géographie prioritaire.
Les travaux de l’Insee sont en cours. Le groupe de travail qu’il pilote implique plusieurs ministères et services de l’État, mais aussi des associations d’élus, afin d’aborder la question de la ruralité d’une manière aussi complète que possible. Ses membres ont réfléchi à l’emploi de nouvelles méthodes pour définir le phénomène rural autrement que comme une négation de l’urbain.
Le ministère suit les propositions de ce groupe de travail de près, et accorde une grande importance à ce que les territoires, dans toute leur diversité, puissent être définis conformément à leurs caractéristiques. Mieux définir pour ne pas opposer, telle pourrait être, en la matière, notre ligne de conduite, qui a vocation à être partagée. Nous avons bien conscience que ces définitions ne sont pas seulement des catégories statistiques complexes, des catégories d’experts, mais produisent des effets dans la réalité. Elles cristallisent en effet une certaine vision de notre géographie et des territoires de notre pays. Nous veillerons donc à ce qu’un échange sur ce sujet puisse avoir lieu à un niveau politique.
Le zonage prioritaire, qui est un zonage réglementaire, se distingue du zonage statistique ou d’étude. Les deux notions ont néanmoins vocation à être abordées simultanément, pour garantir la cohérence de l’action publique.
Quant à la mission inter-inspections chargée de proposer des pistes d’évolution de la géographie prioritaire, elle vient de rendre son premier rapport.
Constatant le caractère complexe, sédimenté, insuffisamment ciblé peut-être de notre géographie prioritaire, il a été conclu à la nécessité de la réformer.
Le rapport de la mission inter-inspections, qui était chargée de nous proposer des scénarios, accorde une place de premier plan aux zones de revitalisation rurale, mais traite aussi des zones de restructuration de la défense, des « bassins urbains à dynamiser », ou encore des « bassins d’emploi à redynamiser ». Il se concentre spécifiquement sur l’efficacité des exonérations, fiscales ou sociales associées au classement dans ces zones prioritaires. Il esquisse trois grands scénarios d’évolution de ces exonérations : les rationaliser, déconcentrer leur attribution ou les supprimer et les transformer en crédits budgétaires gérés de manière décentralisée. Ces pistes se retrouvent d’ailleurs dans différents rapports parlementaires.
Sur la base de ce travail, nous ne manquerons pas d’engager des concertations avec les élus, nationaux et locaux, pour déterminer la stratégie à adopter ; une place sera également réservée aux parlementaires, et ces consultations se verront accorder un temps suffisant.
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour la réplique.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. L’ensemble des parlementaires ont été saisis par l’Association des maires ruraux de France, qui les a invités à faire en sorte que le débat ne soit pas seulement, une fois de plus, un débat d’experts, de statisticiens : il faut veiller ce qu’il y ait vraiment un débat politique sur l’espace rural.
Il y a le périurbain, il y a l’espace rural, il y a les grandes villes ; tout cela nécessite une véritable concertation. Nous sommes toujours inquiets que les rapports soient présentés avant même que les parlementaires aient été saisis. J’espère que vous serez notre interprète auprès de Mme Gourault pour qu’une concertation soit organisée, avec la commission de l’aménagement du territoire et la commission des finances notamment, et que le travail qui a été fait par les sénateurs soit respecté.
application du droit local aux communes des départements du haut-rhin, du bas-rhin et de la moselle
M. le président. La parole est à M. René Danesi, auteur de la question n° 1240, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. René Danesi. Madame le ministre, je souhaite attirer votre attention sur des dispositions qui appellent une clarification quant à leur application dans les départements d’Alsace et dans celui de la Moselle.
Il s’agit, en premier lieu, de deux dispositions contradictoires de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, dispositions relatives aux seuils à partir desquels les communes sont tenues de se doter d’un règlement intérieur.
Avant cette loi, le droit local d’Alsace et de Moselle soumettait toutes les communes à l’obligation de se doter d’un règlement intérieur, mais l’article L. 2541-5 du code général des collectivités locales issu de la loi NOTRe a réservé cette obligation, en Alsace-Moselle, aux seules communes de 3 500 habitants et plus. Or l’article L 2121-8 du code général des collectivités territoriales, également introduit par la loi NOTRe, a fixé le seuil à 1 000 habitants à compter de l’actuel renouvellement des conseils municipaux. De prime abord, cette dernière disposition apparaît applicable en Alsace-Moselle, car l’article cité n’y prévoit pas sa non-application.
En attendant la nécessaire coordination législative entre ces deux dispositions, pouvez-vous me confirmer, madame le ministre, l’interprétation selon laquelle, en vertu de l’article L. 2541-5 du code général des collectivités territoriales, la règle spéciale prime sur la règle générale, de sorte que c’est bien le seuil de 3 500 habitants spécifique aux communes d’Alsace et de Moselle qui s’applique ?
En second lieu, j’aimerais que vous précisiez les modalités de convocation des conseillers municipaux à la séance du conseil municipal en Alsace-Moselle.
En effet, la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique dispose que la convocation des conseillers municipaux se fait par voie dématérialisée, aux termes de l’article L. 2121-10 du code général des collectivités locales. Mais l’application de cette disposition aux communes d’Alsace-Moselle est explicitement écartée par l’article L. 2541-1 du même code, et aucune disposition en la matière n’est prévue dans la partie du code consacrée au fonctionnement des communes de ces trois départements, ce qui semble inviter à privilégier la convocation écrite traditionnelle. Il semble donc prudent de continuer, en Alsace-Moselle, d’envoyer les convocations par courrier.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. René Danesi. Pouvez-vous confirmer, madame le ministre, que mon interprétation de la façon dont ces textes doivent s’appliquer en Alsace-Moselle est la bonne ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur l’application de certaines dispositions du code général des collectivités territoriales relatives aux conseils municipaux des communes des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, sachant que ces communes sont soumises à des règles de fonctionnement qui relèvent, pour certaines, du droit local.
Vous appelez notre attention, premièrement, sur les seuils à partir desquels les conseils municipaux sont tenus de se doter d’un règlement intérieur. Je ne rappellerai pas les modifications qui ont été apportées par la loi NOTRe – vous l’avez très bien fait dans votre question.
L’article L. 2121-8 du code général des collectivités territoriales prévoit l’obligation, à compter du renouvellement général de 2020, d’établir un règlement intérieur dans les six mois qui suivent l’installation du conseil municipal pour les communes de 1 000 habitants et plus. Cette obligation, comme vous l’avez souligné, ne s’imposait auparavant qu’aux communes de 3 500 habitants et plus.
Pour ce qui concerne les communes des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, l’article L. 2541-5 du même code fixe quant à lui ce seuil à 3 500 habitants et plus. Il est exact que, avant la mise en application de la loi NOTRe, cet article imposait au conseil municipal de ces communes, quelle que soit leur taille, d’élaborer un règlement intérieur sans condition de délai.
Même si aucune disposition du code général des collectivités territoriales n’écarte l’application de l’article L. 2121-8 aux communes de ces départements, il est en droit une règle fondamentale selon laquelle les lois spéciales dérogent aux lois générales. L’adoption d’un règlement intérieur n’est donc pas obligatoire pour les communes de moins de 3 500 habitants situées dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
Vous appelez en outre mon attention sur l’application des modalités de convocation des conseils municipaux prévues à l’article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales dans les communes des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
Cet article prévoit que la convocation au conseil municipal « est transmise de manière dématérialisée ou, si les conseillers municipaux en font la demande, adressée par écrit à leur domicile ou à une autre adresse ».
Ce dispositif introduit par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique vise en effet à ce que l’envoi dématérialisé des convocations devienne la norme, et l’envoi par courrier l’exception.
L’article L. 2541-1 du code général des collectivités territoriales écartant explicitement l’application de cet article dans les communes des départements que nous avons cités, l’envoi par courrier des convocations au conseil municipal dans les communes de ces départements reste la norme. Il sera toujours possible, via un prochain vecteur législatif, d’étendre cet envoi dématérialisé aux communes d’Alsace et de Moselle.
M. le président. À très longue question, très longue réponse ; j’invite chacun à respecter les deux minutes trente…
assouplissement de la loi littoral pour les constructions agricoles
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 1243, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Agnès Canayer. Ma question viendra en complément de celle de ma collègue Catherine Morin-Desailly, ce qui tend à prouver que le sujet de l’urbanisation du littoral dans notre département, la Seine-Maritime, est extrêmement prégnant.
L’urbanisation dans les communes littorales de ce département est une question sensible, complexe, qui nécessite la recherche d’un équilibre constant entre la préservation justifiée de l’environnement et une urbanisation maîtrisée.
Strictement encadrée, l’urbanisation dans les communes littorales a fait l’objet d’assouplissements, introduits par les dispositions de la loi du 23 novembre 2018, dite loi ÉLAN.
Or l’interprétation stricte de ces dispositions, sans prise en compte des spécificités locales ou de la réalité économique, suscite de nombreuses incompréhensions chez les élus locaux concernés, ceux de la Seine-Maritime notamment.
Deux sujets illustrent particulièrement ces difficultés.
D’une part, il est impossible, pour les exploitants agricoles, de construire des locaux pour mettre en commun leurs productions et faire de la vente directe, au motif que cette activité n’est pas considérée comme « nécessaire » à l’activité principale !
D’autre part, il est impossible, pour les maires, d’autoriser des constructions dans les « dents creuses » des hameaux, au motif que ceux-ci ne peuvent être considérés comme des « secteurs déjà urbanisés ». Or, dans le pays de Caux, les communes sont toutes constituées de nombreux hameaux, résultante du bocage normand. Ces hameaux sont d’ailleurs souvent beaucoup plus peuplés que le centre-bourg.
Si l’urbanisation des communes littorales doit se faire dans le respect de notre patrimoine naturel, elle doit aussi prendre en compte les particularités locales des bourgs normands et l’évolution des pratiques agricoles. Les maires des communes littorales, pourtant conscients des enjeux pour leur commune et de la nécessité d’en préserver la biodiversité, l’identité et le patrimoine, sont souvent peu consultés par les services de l’État s’agissant de l’application des dispositions sur leur territoire.
Ma question est simple : comment mieux prendre en compte l’avis des élus locaux pour, sans déroger aux règles d’urbanisme, tenir compte des spécificités locales dans l’urbanisation des communes littorales ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la sénatrice, vous nous interrogez sur l’assouplissement de la loi Littoral pour les constructions agricoles. Pour répondre à la préoccupation de maintenir des activités agricoles en zone littorale, la loi Littoral a prévu une dérogation au principe de l’extension de l’urbanisation en continuité.
Avant la loi ÉLAN, cette dérogation était soumise à une double contrainte : la construction ou l’installation devait être liée aux activités agricoles ou forestières et être incompatible avec le voisinage des zones habitées.
Par ailleurs, les cultures marines n’entraient pas dans le champ d’application de cette dérogation, ce qui faisait obstacle au développement de cette activité.
Devant ce constat et afin de répondre aux besoins des communes littorales de maintenir et de développer les activités réellement agricoles traditionnelles de leur territoire, nous avons, avec la loi ÉLAN, assoupli cette dérogation à deux titres : d’une part, en supprimant la condition selon laquelle les constructions en cause doivent être incompatibles avec le voisinage des zones habitées ; d’autre part, en étendant le bénéfice de cette dérogation aux activités de culture marine, y compris dans les espaces proches du rivage.
Il s’agit là d’assouplissements importants. En contrepartie, la loi ÉLAN a circonscrit le bénéfice de cette dérogation aux constructions ou installations réellement nécessaires, et non à celles qui sont simplement liées aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines. L’objectif est donc bien de favoriser les activités agricoles stricto sensu. Je rappelle d’ailleurs que, dans les communes non concernées par la loi Littoral, les dérogations à ces principes au profit des constructions simplement liées à l’activité agricole sont très ponctuelles. Il ne faudrait pas que nous soyons plus souples dans les zones littorales, alors que nous souhaitons les protéger davantage.
Nous sommes conscients des difficultés que la mise en œuvre de cette rédaction, comme celle de toute nouvelle réglementation, peut poser. Mes services sont disposés à étudier, en concertation avec ceux de mes collègues chargés de l’agriculture et de l’écologie, les difficultés et les exemples concrets que vous pourriez nous faire remonter.