Mme Valérie Boyer. Le ton employé est à lui seul une réponse !
rapprochement entre veolia et suez (ii)
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, ce qui s’est passé la semaine dernière au conseil d’administration d’Engie à propos de l’acquisition de Suez par Veolia est un camouflet sans précédent sous la Ve République !
À ce titre, votre immobilisme m’interpelle grandement, car, en temps normal, cet événement aurait dû déclencher un séisme et une réaction immédiate de l’État actionnaire.
Mme Laurence Rossignol. Absolument !
M. Thierry Cozic. Je m’interroge : comment l’État peut-il accepter d’être mis en minorité de cette façon sur une question aussi importante ?
De ce point de vue, votre attitude dans ce dossier est, pour le moins, très ambiguë : vous semblez avoir agi, si je puis me permettre, à l’insu de votre plein gré… En effet, non seulement vous n’avez pas fait grand-chose pour empêcher cette OPA, mais, en plus, vous vous êtes empressé de justifier votre impuissance dans la presse. Avec le macronisme, nous vous savions disruptif, mais tout de même ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Quelle étrange situation : le premier actionnaire d’un groupe, qui en nomme le président, n’est pas capable de se faire entendre… Nous pourrions presque en sourire, si la situation que votre immobilisme a créée n’était pas si grave : 10 000 emplois vont être détruits dans le monde à la suite de ce rachat.
À l’heure où la gestion de l’eau et des déchets représente des enjeux capitaux sur les plans économique, social et écologique, comment laisser faire la création d’une entreprise privée, que vous placez, par votre inaction, en position quasi monopolistique, privant ainsi les élus locaux de la possibilité de faire jouer une quelconque concurrence ?
En définitive, cette opération à la hussarde entraînera, de fait, les mêmes résultats que les précédentes : la disparition d’un groupe français et la fragilisation du second.
Monsieur le ministre, pouvez-vous rendre compte à la représentation nationale de votre inaction dans ce dossier ô combien stratégique ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et Les Républicains. – Mme Valérie Létard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Monsieur le sénateur Cozic, dans cette opération l’État a visé trois objectifs : la préservation de l’emploi et des implantations, le maintien d’une offre concurrentielle et le souhait qu’un accord soit trouvé entre les entreprises.
Les administrateurs d’Engie n’ont pas suivi la position de l’État, et nous le regrettons. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.)
M. David Assouline. Quelle détermination !
M. Patrick Kanner. Vous n’êtes pas convaincant !
M. Alain Griset, ministre délégué. Nous insistons pour que les dirigeants de ces entreprises s’entendent : c’est dans l’intérêt de leur entreprise, des salariés de Suez et des collectivités territoriales, pour lesquelles ces entreprises assurent un service public essentiel.
Nous sommes et resterons vigilants sur la suite des événements. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Ouh là là !
M. David Assouline. Les dirigeants concernés sont terrifiés !
lutte contre les violences à l’encontre des forces de l’ordre
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Sébastien Meurant. Monsieur le Premier ministre, la France subit une vague sans précédent de violences brutales et barbares : un commissariat attaqué à Champigny-sur-Marne, quatre policiers en civil attaqués, hier, en plein jour et à proximité d’une école maternelle, à Montbéliard ; cette nuit, à Savigny-sur-Orge, dans mon département du Val-d’Oise, deux policiers se sont fait tirer dessus par des individus qui, selon des avocats, les auraient « pris pour des gitans déguisés en flics »… Admirable et tragique illustration du fameux vivre-ensemble !
Pendant ce temps, au lieu d’agir, vos ministres s’empêtrent dans des querelles aussi irréelles que celles des théologiens de Byzance quand les Ottomans étaient aux portes de la ville : le ministre de l’intérieur parle d’ensauvagement, tandis que le garde des sceaux dénonce cette rhétorique qui ferait le jeu de l’extrême droite. (Mme Patricia Schillinger s’exclame.)
Le b.a.-ba d’une politique efficace dans tous les domaines, c’est de poser un diagnostic clair et partagé par tous. Nous en sommes très loin… Même vos ministres les plus importants ne sont pas d’accord entre eux !
Ainsi, le garde des sceaux recycle la vieille idée socialiste du sentiment d’insécurité, évoquant même un fantasme : il ne doit pas beaucoup sortir des beaux arrondissements de Paris…
La réalité, monsieur le Premier ministre, c’est que, avec ce jeu de rôle convenu entre justice et intérieur, votre Gouvernement se paie de mots et refuse de regarder la réalité en face, avec courage et bon sens. Vous refusez plus encore d’agir par peur panique de remettre en cause votre idéologie multiculturaliste. Or, en politique, seuls comptent les actes !
Souvenez-vous de Gérard Collomb s’inquiétant de la montée de ce que l’on appelait alors le communautarisme : « Aujourd’hui, disait-il, on vit côte à côte, mais, demain, je crains que l’on ne vive face à face. » Depuis lors, rien n’a changé, ou plutôt, tout s’est aggravé.
Monsieur le Premier ministre, quel diagnostic votre gouvernement porte-t-il sur l’ensauvagement de la France et sur ses causes, et que comptez-vous faire pour rétablir la paix civile et la concorde ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Sébastien Meurant, le ministre de l’intérieur, M. Darmanin, aurait souhaité pouvoir vous répondre, mais il est en ce moment même à Juvisy, dans l’Essonne, pour apporter son plein soutien aux collègues du policier qui a été terriblement renversé et dont l’état est très critique. Je vous répondrai donc au nom du ministère de l’intérieur.
Depuis le début de l’année, 8 724 policiers ont été blessés, une grande partie au cours de leur mission. En zone de gendarmerie, on dénombre une agression toutes les deux heures. Au moment de la rentrée scolaire, nous avons rencontré des enfants qui nous ont expliqué que, à l’école, ils n’osent pas dire que leur père est policier, par peur d’être agressés… Voilà la réalité. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Face à cette réalité, le Gouvernement agit – non pas dans l’idéologie, mais dans le concret.
Ainsi, 325 millions d’euros supplémentaires sont alloués au budget de la police dans le cadre du projet de loi de finances et du plan de relance. Pour le matériel, ce sont 15 millions d’euros supplémentaires et, pour le parc automobile, 125 millions d’euros supplémentaires qu’a obtenus Gérald Darmanin. Par ailleurs, 740 millions d’euros sont mobilisés à travers l’appel à projets du plan de relance pour rénover les commissariats et les gendarmeries.
M. François Bonhomme. Avec quels résultats !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Demain, le Président de la République échangera lui-même avec les syndicats de policiers, que le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a déjà reçus.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Et alors ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Nous ne faisons pas d’idéologie : nous sommes dans l’action, dans l’action concrète et résolue. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Très simplement, au nom du gouvernement de Jean Castex, je souhaite rappeler que les forces de l’ordre sauvent des vies tous les jours : ce sont la police de la République et l’ordre républicain qui nous protègent de la loi des clans.
À tous les policiers, tous les gendarmes et tous les pompiers, je veux dire que le Gouvernement est avec eux ! (M. François Patriat applaudit. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour la réplique.
M. Sébastien Meurant. Madame le ministre, vous parlez budgets, mais c’est d’abord une question d’état d’esprit… Il faut réarmer, dans tous les sens du terme, nos forces de l’ordre !
Nous en avons assez des hommages verbaux, alors que la suspicion pèse en permanence sur les forces de l’ordre ; assez de l’impunité devenue la règle pour les voyous ; assez du relativisme général qui interdirait d’appeler un délinquant un délinquant. La peur doit changer de camp ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
impacts de l’épidémie de covid-19 sur les métiers du tourisme et des transports
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le ministre délégué chargé des transports, le sixième comité interministériel du tourisme, qui s’est tenu le 12 octobre dernier, s’est soldé par quelques avancées en matière d’accès au fonds de solidarité, de recours au chômage partiel et d’extension du plan tourisme aux entreprises de transport touristique, jusqu’alors écartées.
Malgré tout, la situation demeure alarmante : 75 % des agences de voyages pensent déposer le bilan dans les prochains mois et les réservations ont chuté de 50 %, alors que le secteur représente 9 % de notre PIB et 2 millions d’emplois directs et indirects.
Au regard de ces enjeux, le plan de soutien à l’activité du secteur présenté en mai dernier, de 18 milliards d’euros, ainsi que les 50 milliards d’euros alloués au tourisme dans le plan France Relance, ne rassurent pas complètement le secteur, inquiet à l’approche de l’annonce de restrictions supplémentaires sur les déplacements et les rassemblements.
Les incertitudes qui entourent l’exonération des charges sociales et patronales et la perte de chiffre d’affaires de l’ordre de 73 % subie par les entreprises de transport touristique annoncent une fin d’année très difficile.
Face à cette situation, les collectivités territoriales, notamment les régions, se sont mobilisées, tout d’abord aux côtés de l’État, de Bpifrance et de la Banque des territoires dans le cadre du plan de relance, puis en vertu de leurs compétences, afin de soutenir le secteur touristique et les tissus économiques locaux.
Ainsi, les régions Normandie et Bretagne se sont associées à hauteur de 85 millions d’euros au plan de sauvetage de l’entreprise Brittany Ferries, alors que l’État n’a avancé qu’une aide de 15 millions d’euros. Il est inquiétant de constater que le sauvetage de ce fleuron du pavillon national, dont le redémarrage des lignes est menacé, n’est pas une priorité stratégique pour le Gouvernement.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous agir structurellement en faveur de ces secteurs, et, très concrètement, pour sauver Brittany Ferries ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Madame la sénatrice Morin-Desailly, je vous remercie de cette question, qui retient toute l’attention du Gouvernement, comme d’ailleurs de nombre de vos collègues parlementaires. En particulier, Mme Nadège Havet, alors députée, et Mme Nathalie Goulet, sénatrice, m’ont interpellée sur le même sujet.
La crise sanitaire a durement frappé le secteur des transports et du tourisme – nous en sommes collectivement conscients. À titre d’illustration, durant le confinement, Air France n’a opéré que dix vols quotidiens sur les mille qu’elle assure habituellement ! Pour sa part, Brittany Ferries a dû réduire ses rotations de plus de la moitié.
Le déconfinement progressif visait à permettre, avant tout, la reprise des trajets domicile-travail. L’offre de transport liée au tourisme a repris cet été, dans le strict respect des gestes barrières, afin d’accueillir de potentiels touristes.
Toutefois, le maintien de la fermeture de certaines frontières et les mesures de septaine ou de quatorzaine ont compliqué la reprise du trafic touristique.
S’agissant de Brittany Ferries, la décision unilatérale de quatorzaine des autorités britanniques a contraint la majorité des navires à rester à quai. Je pense aussi aux sociétés de transport de voyageurs, en particulier aux autocaristes et aux croisiéristes, ainsi qu’aux lignes ferroviaires qui devaient desservir la Tarentaise. Tous sont fortement touchés par la persistance de la crise sanitaire.
Pour aider le secteur du tourisme et des transports, nous travaillons autour de deux axes.
Tout d’abord, accompagner les acteurs frappés par la crise : c’était l’objectif des mesures de droit commun prises durant la crise, c’est aussi celui de l’élargissement, annoncé la semaine dernière, de l’accès au plan tourisme à tous les acteurs du transport routier, en plus de ceux du secteur aérien, ainsi que des aides annoncées par le Premier ministre au début du mois de septembre pour Brittany Ferries.
Ensuite, harmoniser les règles sanitaires, la politique de tests et les mesures de quatorzaine au niveau européen.
J’ajoute qu’un nouveau comité interministériel du tourisme s’est tenu lundi dernier, sous l’autorité du Premier ministre. Il a permis de rappeler que nous avions renforcé le fonds de solidarité, prolongé l’activité partielle à 100 %, étendu la durée du prêt garanti par l’État et exonéré de charges les entreprises fermées.
Vous le voyez, nous sommes aux côtés du secteur du tourisme ! (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Sachez, madame la ministre, que les parlementaires normands et bretons, nombreux sur ces travées, restent très mobilisés sur le dossier Brittany Ferries.
Vous m’avez répondu en termes de procédures ; je vous répliquerai en parlant chiffres : très concrètement, les sommes envisagées par le Gouvernement dans le cadre du plan de relance nous semblent nettement insuffisantes !
situation dans le haut-karabakh (ii)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Monsieur le Premier ministre, voilà dix-sept jours que nous sommes les tristes spectateurs de bombardements délibérés des populations civiles d’Artsakh et d’Arménie par l’Azerbaïdjan. Voilà près de trente ans que le Haut-Karabakh tente de protéger ses terres ancestrales, alors que l’Azerbaïdjan s’enfonce dans la dictature – rappelons que le régime d’Aliyev est l’un des plus répressifs de la planète…
Dans ces conditions, on imagine le sort réservé aux Arméniens du Haut-Karabakh, avec la complicité du président Erdogan.
Erdogan qui marchande ses migrants, massacre les Kurdes, que nous avons abandonnés, viole les espaces aérien et maritime grecs, dirige un pays qui occupe depuis 1974 Chypre, État de l’Union européenne, tente de déstabiliser encore plus la Libye et la Syrie, souffre d’amnésie dès que l’on parle du génocide des Arméniens et clame sa volonté de reformer l’Empire ottoman, Erdogan dont le régime va jusqu’à envoyer des djihadistes pour tuer des Arméniens !
On le sait : le président Erdogan cherche, pour masquer ses échecs, à s’offrir comme trophée l’Artsakh, puis l’Arménie, et à poursuivre le génocide culturel et ethnique des Arméniens.
Rester neutre face à l’injustice, c’est choisir son camp ! C’est pourquoi la neutralité et l’impartialité ne sont ni acceptables ni responsables : elles reviendraient à soutenir l’agresseur. Lorsque des innocents sont massacrés par des armes interdites, nous ne pouvons rester neutres.
Non, la France ne peut pas abandonner son allié, sa sœur : l’Arménie. Elle ne peut pas être spectatrice d’un génocide. Abandonner les Arméniens serait nous renier ; les ignorer, nous trahir.
L’indignation est nécessaire, mais ne sauve pas des vies. Il faut agir !
Il est urgent de sanctionner la Turquie et l’Azerbaïdjan, de mettre en place de vraies sanctions économiques, de rappeler nos ambassadeurs à Ankara et à Bakou, de cesser tout processus d’adhésion de l’Union européenne avec la Turquie et de lui dire qu’elle n’a plus sa place dans l’OTAN.
Il faut encore demander aux forces internationales d’intervenir au sol en Artsakh pour garantir la paix et reconnaître enfin l’État indépendant Artsakh, seul à même de protéger sa population.
Un nouveau génocide se met en place, et l’on ne pourra pas dire que l’on ne savait pas. Une partie de l’histoire de l’humanité est en train de s’écrire : faisons en sorte qu’elle ne s’écrive pas sans l’Europe et sans la France ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Boyer, j’ai déjà répondu sur ce sujet et rappelé, en réponse au sénateur Buis, l’urgence, le devoir et l’exigence qui s’imposaient à la France.
Vous avez parlé de la Turquie : je constate moi aussi que les actions et les provocations de ce pays sont un facteur de déstabilisation de l’ensemble de la région, de la Libye au Haut-Karabakh en passant par la Méditerranée orientale, l’Irak et Varosha. Venant d’un État membre de l’Alliance atlantique, c’est particulièrement grave. Nous n’acceptons pas cette logique globale du fait accompli.
Au Haut-Karabakh, la Turquie a été la seule à ne pas appeler au cessez-le-feu, qui a été conclu, même s’il est difficile à mettre en œuvre. Elle a été la seule à encourager et à soutenir le recours à la force. Le déploiement par Ankara de mercenaires syriens contribue aussi à l’internationalisation du conflit et fait peser une lourde menace sur la région.
Dans cette circonstance, nous devons agir vis-à-vis de la Turquie, en demandant des clarifications et des vérifications. Toutefois, nous devons agir aussi comme membre coprésident du groupe de Minsk pour mettre fin au conflit, par tous les moyens à notre disposition, mais en respectant notre signature.
Je maintiens la position que j’ai affirmée il y a quelques minutes ; nous sommes donc en désaccord, madame Boyer.
Si nous revenions sur nos engagements de responsables des accords de 1994 et du groupe de Minsk, nous créerions les conditions permettant à la Turquie de remettre en cause l’impartialité de ce groupe et de s’insérer dans le règlement diplomatique d’un conflit dont elle est aujourd’hui partie prenante. Il s’agit d’une logique que nous ne souhaitons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Corinne Féret. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, à la veille de la journée nationale de mobilisation dans la santé, je veux relayer ici les inquiétudes, le découragement, voire la colère des personnels soignants de l’hôpital public, mais aussi des établissements médico-sociaux.
Avec la progression de l’épidémie de covid et l’arrivée de la deuxième vague, vous avez annoncé l’ouverture possible de 12 000 lits de réanimation. Mais vous n’avez pas précisé quels moyens humains supplémentaires seraient prévus pour prendre en charge les malades.
Les personnels soignants manqueront, car non seulement ils quittent aujourd’hui l’hôpital public, mais les recrutements sont de plus en plus difficiles. Et ce ne sont pas les mesures du Ségur de la santé qui rendront ces métiers attractifs, ni les annonces de renoncement aux congés qui motiveront les personnels.
Je tiens à insister sur la situation particulière des personnels des établissements sociaux et médico-sociaux, exclus des récentes revalorisations salariales. Ce sont près de 40 000 agents de la fonction publique hospitalière qui ne bénéficieront pas du bonus de 183 euros ! Cette différence de traitement suscite un sentiment d’injustice, alors même qu’elles et ils ont été très mobilisés pendant la crise sanitaire.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous répondre aux attentes de ces personnels, de tous ces hommes et de toutes ces femmes dont le dévouement et le grand professionnalisme ne sont plus à démontrer, mais qui sont aujourd’hui épuisés et inquiets ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le porte-parole du Gouvernement.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Corinne Féret, je vous prie d’excuser Olivier Véran : après avoir répondu à Mme Cohen sur le même thème, il a dû quitter cette séance de questions.
Comme il l’a souligné, le Ségur de la santé marque un progrès majeur pour notre système de santé et pour nos personnels hospitaliers.
On peut considérer qu’il faudrait faire encore davantage ou qu’il faudrait faire autrement, mais on ne peut pas nier qu’une augmentation de 200 euros net pour tous les agents, et encore plus importante pour certains, soit un progrès majeur et un moyen de renforcer l’attractivité de l’hôpital public. On ne peut pas nier non plus que financer la création de 15 000 postes et de 4 000 lits supplémentaires à l’hôpital soit un progrès.
Vous le savez, sous le précédent gouvernement, j’étais conseiller au ministère de la santé. Ces moyens supplémentaires, nous en aurions rêvé ! (Protestations sur les travées du groupe SER.) Oui, j’assume de le dire : nous aurions rêvé de pouvoir donner ces moyens supplémentaires à l’hôpital public !
Aujourd’hui, nous y arrivons, à la faveur, certes, de cette crise. Sans doute celle-ci a-t-elle permis à la société, au Gouvernement, aux responsables politiques d’ouvrir davantage les yeux sur la situation de l’hôpital. Peut-être est-elle une occasion d’avancer encore plus vite que prévu dans la stratégie Ma santé 2022.
En tout cas, il faut reconnaître le progrès majeur, historique, qui a été accompli. Il n’y a pas eu ces dernières années, ni même ces dernières décennies, un tel progrès, aussi rapide, pour l’hôpital public, ses moyens de fonctionnement et les conditions salariales de ses personnels. Ce sont des raisons d’espérer que notre système hospitalier et notre système de santé avancent avec confiance vers l’avenir. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.
Mme Corinne Féret. Monsieur le ministre, je ne voudrais pas vous manquer de respect, mais entendez-vous les alertes des professionnels de santé ? Entendez-vous leur inquiétude, au-delà de leur colère ? Oui, leur inquiétude face à la deuxième vague qui arrive, ainsi que leur questionnement sur les moyens humains qui manquent ? En Île-de-France et partout ailleurs, dans nos départements, ils nous en parlent !
Dans quelques jours, nous aurons à débattre des moyens alloués à la santé publique dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous vous attendons, nous attendons le Gouvernement sur des annonces essentielles pour concrétiser des moyens supplémentaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
occupation illicite de terrains par des gens du voyage
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cyril Pellevat. Madame la ministre, voilà près de deux ans que la loi relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites, issue de la proposition de loi de mon collègue Loïc Hervé et de celle du regretté Jean-Claude Carle, a été adoptée. Si ce texte, sur lequel nous avons travaillé avec la ministre Jacqueline Gourault, a marqué une avancée dans la lutte contre les installations illicites, force est de constater qu’il n’a pas été suffisant.
De fait, pas un mois ne passe sans que je sois contacté par des élus désespérés par des installations illicites sur leur commune et hors d’état de lutter contre celles-ci, qui s’accompagnent la plupart du temps de nombreuses incivilités. La situation n’est plus soutenable pour les élus, mais aussi pour les agriculteurs et les chefs d’entreprise qui font face, eux aussi, à ces installations illicites.
L’État a bien évidemment des devoirs envers ces communautés, mais ces dernières en ont aussi envers la société : elles doivent notamment participer au vivre-ensemble et ne pas se prévaloir uniquement de leurs droits. En l’absence de respect de ces règles, des mesures et sanctions efficaces et dissuasives doivent être prises.
Pour améliorer la gestion de ces situations, ce qui est souhaitable pour tous, et atteindre un certain niveau d’apaisement, plusieurs leviers s’offrent au Gouvernement. J’espère, madame la ministre, que vous saurez les saisir.
Tout d’abord, il me paraît important d’organiser une évaluation de l’application de la loi n° 2018-957. Cette démarche permettrait, dans un premier temps, de mieux se rendre compte des faiblesses, mais aussi des forces de ce texte. Avoir ainsi une vision claire de son efficacité ouvrirait la porte, dans un second temps, à un texte complémentaire renforçant les dispositifs en vigueur et en créant de nouveaux, pour combler les lacunes constatées.
À ce sujet, l’expérience du terrain fait apparaître une réactivité variable des services de l’État en matière d’expulsion des gens du voyage en cas d’occupation illicite. De ce fait, il serait opportun d’adresser aux préfets une circulaire leur demandant de répondre à ces situations dans les meilleurs délais.
Par ailleurs, il convient de noter que les schémas départementaux d’accueil sont pour l’essentiel respectés, alors même que les aides de l’État sont en nette diminution.
Madame la ministre, plusieurs dispositions figurant dans le texte initial de notre proposition de loi avaient été refusées par le Gouvernement et supprimées par l’Assemblée nationale, au motif qu’elles étaient trop répressives. Il avait été avancé que les dispositions retenues seraient suffisantes pour lutter contre les installations illicites.
M. le président. Il faudrait en venir à votre question…
M. Cyril Pellevat. Il serait malhonnête de continuer à affirmer que ces mesures sont pleinement satisfaisantes. Madame la ministre, quelle sera la position du Gouvernement pour accompagner les élus confrontés à ces situations qui restent intenables ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Très bien !