M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Monsieur le sénateur Ludovic Haye, comme vous l’avez rappelé, la situation n’est pas la même qu’au printemps. En mars, nous avions demandé aux Français de rester chez eux et de faire ce qu’ils pouvaient en télétravail. De fait, une partie importante de notre activité économique s’était arrêtée.
Cette fois, nous avons voulu maintenir l’activité économique tout en posant des règles exigeantes en matière de télétravail. Cela fait maintenant deux semaines que ces règles s’appliquent. L’enquête que nous avons menée début novembre nous montre que, dans leur très grande majorité, les employeurs et les salariés jouent le jeu ; je les en remercie.
Premier enseignement : cette enquête confirme que tous les salariés ne peuvent pas télétravailler ; un tiers d’entre eux peut le faire facilement, mais plus d’un tiers est sur un poste qui n’est pas du tout télétravaillable.
Deuxième enseignement : l’enquête nous montre en outre que la très grande majorité de ceux qui peuvent télétravailler l’ont fait, et ils l’ont fait davantage que la semaine précédente.
Troisième enseignement : le télétravail cinq jours sur cinq représente un véritable effort pour les salariés, qui peuvent parfois souffrir d’isolement. C’est le cas pour quatre salariés sur dix. Dans les grandes entreprises, il existe des cellules d’accompagnement psychologique. Nous avons donc mis en place, pour les petites, un service d’assistance et de conseil, accessible par le numéro vert covid.
Au-delà, nous devons tirer tous les enseignements de cette expérience, pour que le télétravail joue pleinement son rôle, au cours des prochaines semaines et des prochains mois, dans la lutte contre le virus.
Enfin, il s’agit d’inscrire le télétravail comme une pratique durable, dans de bonnes conditions, pour les employeurs et pour les salariés.
C’est précisément le sens de la concertation engagée entre les partenaires sociaux en vue d’un accord national interprofessionnel. Nous souhaitons tous, me semble-t-il, que cette concertation puisse aboutir rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
situation sanitaire
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rachid Temal. Monsieur le Premier ministre, 1 328 537 décès dans le monde, 46 273 en France : tel est le bilan à ce jour de la pandémie causée par la covid. Je n’oublie pas non plus les femmes et les hommes sortis de nos hôpitaux qui vivent aujourd’hui avec des séquelles. Permettez-moi, à cet égard, de remercier les personnels de santé de leur engagement sans faille, malgré le contexte plus que difficile.
La crise planétaire affecte l’humanité tout entière sur les plans social, économique et démocratique. Pour autant, dans ce marasme, une lueur d’espoir vient de naître avec l’annonce, par plusieurs laboratoires, de la mise à disposition prochaine de vaccins efficaces. Il nous faut saisir cet espoir et nous y préparer.
D’ailleurs, la priorité absolue définie dès le 9 juillet dernier par le conseil scientifique est d’anticiper et de disposer d’un plan national de vaccination.
Aussi, monsieur le Premier ministre, mes questions sont les suivantes : quels engagements la France a-t-elle pris avec les laboratoires précités ? Quelle part des commandes européennes sera disponible pour les Français ? Quels sont les publics prioritaires ? Quel sera le coût ? Quid de la logistique et du calendrier de vaccination des Français ? Quelle est la mobilisation de la recherche française dans ce dispositif ? Quelle aide apporter aux pays en développement ? Enfin, quelle concertation mener avec l’ensemble des acteurs – je pense notamment aux personnels de santé et aux collectivités – pour faire en sorte que ce plan soit efficace ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Rachid Temal, je vous remercie d’avoir rappelé le bilan, ainsi que d’avoir évoqué – je crois que nous ne le faisons pas suffisamment – les séquelles importantes avec lesquelles nos concitoyens hospitalisés en raison de la covid-19 repartent chez eux. Nous disposons aujourd’hui de trop peu de recul pour savoir combien de temps ils garderont ces séquelles.
Vous avez raison : dans ce contexte, les progrès réalisés par la recherche sont des lueurs d’espoir face à l’épidémie. Il faut le dire, parce que celles-ci sont rares.
Vous avez également raison de poser la question de la préparation de notre pays, comme de l’ensemble des pays du monde, à l’arrivée d’un vaccin qui permettra de vacciner la population.
Sur ce point, nous avons déjà avancé. Nous avançons avec prudence, parce que nous en sommes encore aux essais de phase III, avec des résultats préliminaires, dont les détails ne sont pas tous connus de nos agences de santé, qu’elles soient européennes ou françaises. Il nous faut donc être prudents. Oui à l’espoir, mais il ne faudrait pas « vendre du rêve » sur un court terme qui pourrait ne pas se concrétiser
D’abord, au niveau européen, plusieurs centaines de millions de doses de vaccin ont été préréservées auprès de cinq laboratoires, un sixième contrat étant en cours de finalisation. Quelque 90 millions de doses l’ont déjà été pour notre pays.
Ensuite, nous avons « mis de côté » 1,5 milliard d’euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, que le Sénat vient d’examiner, pour payer une première partie des vaccins.
Par ailleurs, un travail logistique est en cours pour garantir que le vaccin pourra être acheminé jusqu’à nos concitoyens. Il s’agit d’identifier des centres, des transporteurs, des conditions de transport, sachant que les différents vaccins ne nécessitent pas les mêmes conditions de stockage et de transport. À cet égard, nous travaillons sur plusieurs scénarios.
Enfin, vous avez posé la question importante des publics cibles et prioritaires. Sur ce point, nous avons saisi la Haute Autorité de santé et le Comité consultatif national d’éthique, qui nous rendront leurs conclusions dans les prochains jours. C’est à la lumière de leur travail que nous serons en mesure de communiquer des informations sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour la réplique.
M. Rachid Temal. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de ces premières réponses.
Personne ne parle ici de « vendre du rêve » !
Je note que le conseil scientifique évoque la nécessité d’un plan national de vaccination depuis le 9 juillet dernier et que, à ce jour, vous avez, certes, quelques premières réponses, mais encore beaucoup d’interrogations, dont certaines sont normales.
Cependant, je réitère ma question : les personnels de santé et les collectivités, par exemple, sont-ils d’ores et déjà associés ? Je pense qu’il serait peut-être nécessaire de réunir, sous l’autorité du Premier ministre, un « Grenelle » ou une forme de « convention citoyenne » sur la question du plan. C’est une nécessité absolue pour sortir de cette pandémie, mais aussi pour contrer le complotisme, qui ne cesse de progresser.
J’en appelle donc à l’organisation de cette grande convention. Elle est, à mon avis, importante. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)
assurance maladie des personnes placées en isolement à saint-pierre-et-miquelon
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Stéphane Artano. Madame la ministre chargée de l’autonomie, l’état d’urgence sanitaire autorise les préfets d’outre-mer à placer en quarantaine ou à l’isolement toute personne arrivant sur leur territoire depuis une zone de circulation du virus.
Depuis le début, j’ai défendu ardemment une sécurité sanitaire renforcée à l’entrée sur le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le 7 novembre dernier, après de nombreuses sollicitations, le préfet a décidé le placement systématique en quarantaine, suivi d’un second test PCR, de toute personne arrivant sur l’archipel. Ce dispositif permet d’identifier très tôt les cas suspects, de les isoler et d’éviter la circulation du virus.
Le décret du 31 janvier 2020 prévoyait, dans sa première version, qu’une personne placée en quarantaine ou en isolement et pour qui le télétravail était impossible était prise en charge financièrement par l’assurance maladie au titre d’un arrêt de travail dérogatoire.
Lors de cette seconde vague épidémique, la situation d’isolement ou de quarantaine n’est plus visée par la nouvelle version du décret. Je pense qu’il s’agit d’un oubli juridique. Il n’empêche que celui-ci expose financièrement les personnes placées en quarantaine et pour qui le télétravail n’est pas possible, lesquelles devront assumer sur leurs deniers personnels ces périodes d’inactivité.
L’analyse juridique de la Caisse de prévoyance sociale démontre qu’elle ne disposerait pas des outils juridiques légaux pour répondre à cette situation. Elle reste toutefois dans l’attente de consignes nationales qui permettraient de débloquer la situation.
À ce titre, je souhaite que le Gouvernement réactive le dispositif d’arrêt de travail dérogatoire pour toute personne placée en quarantaine ou à l’isolement à son arrivée en outre-mer et pour qui le télétravail est impossible. Ma demande vaut pour Saint-Pierre-et-Miquelon, mais également pour l’ensemble de l’outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Stéphane Artano, vous m’interrogez sur les besoins en couverture par l’assurance maladie des pertes de revenus des personnes placées en isolement à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Le Gouvernement est très sensible aux conséquences, notamment économiques et sociales, de la situation sanitaire pour nos concitoyens qui résident en outre-mer. Mme la ministre Annick Girardin a ainsi participé aux discussions sur le sujet. Je pense en particulier aux spécificités insulaires.
La situation de Saint-Pierre et Miquelon appelle donc toute notre attention. C’est pourquoi une disposition réglementaire a été prise pour permettre de couvrir l’isolement des assurés sociaux arrivant sur l’île par des indemnités dérogatoires, afin notamment qu’ils ne soient pas concernés par le délai de carence.
Par ailleurs, le préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon s’est attaché à identifier les besoins pour assurer un dispositif de septaine qui réponde à cet impératif de protection, mais qui soit aussi pleinement opérationnel. Ce travail a été mené en concertation avec la Caisse de prévoyance sociale, de manière à adapter le dispositif national à cette situation particulière.
C’est à la suite de son alerte que consigne a été donnée, hier, à l’assurance maladie – elle lui a été rappelée aujourd’hui – de réactiver dès à présent le dispositif d’indemnités journalières dérogatoires, afin de permettre une prise en charge des personnes en isolement, sans délai de carence, dès leur arrivée sur le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon et leur mise en septaine.
Soyez donc assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est pleinement mobilisé pour que nos réponses à la crise sanitaire soient bien en phase avec la spécificité des territoires.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour la réplique.
M. Stéphane Artano. Je vous remercie, madame la ministre, de ces nouvelles rassurantes, qui démontrent la prise en considération de la situation par le Gouvernement.
Je tiens simplement à vous rappeler que c’est non pas le préfet de l’archipel qui a alerté le Gouvernement en premier, mais moi-même, dès le 5 novembre, deux jours avant qu’il soit autorisé à prendre un arrêté de placement en isolement systématique, soit tout de même trois semaines après la parution du décret ayant permis cette mesure ! Voilà déjà dix jours que des personnes sont placées en isolement. Il était temps que le Gouvernement se saisisse du problème !
tests salivaires
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Mandelli. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé ; elle concerne la politique de tests mis en œuvre pour détecter la présence de la covid-19.
Tests nasopharyngés, sérologiques et antigéniques ont démontré leur intérêt, mais aussi leurs limites en termes de délais et de fiabilité.
Le laboratoire Sys2diag, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le groupe Alcen-SkillCell ont développé, avec les médecins du CHU de Montpellier, un test salivaire appelé « EasyCOV ». Les essais cliniques sont achevés et les résultats sont éloquents, avec une sensibilité de 88 % et une spécificité de 99,4 %, largement plus élevées que pour les tests antigéniques.
Ce test présente quatre atouts majeurs : une grande simplicité de mise en œuvre sur le terrain, grâce à un appareil nomade appelé « EasyVID », lequel permet de mailler très rapidement le territoire en traitant les sites prioritaires, comme les Ehpad ; un délai d’obtention des résultats de quarante minutes ; un coût très faible ; une démarche 100 % française, de la recherche à la production du système, en Vendée (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.), par la société Tronico-Alcen. Je précise que ce programme est soutenu par la direction générale de l’armement et l’Agence de l’innovation de défense.
Dans l’attente de l’homologation en France, des évaluations sont en cours dans 16 Ehpad de la Vendée, sur l’initiative unique du département.
Le système est exporté aujourd’hui, mais ne peut être généralisé dans notre pays. Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que tout sera mis en œuvre pour obtenir en urgence son homologation par la Haute Autorité de santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Didier Mandelli, vous m’interrogez sur le déploiement de nouveaux tests de dépistage de la covid-19, en particulier le test EasyCOV, développé par l’entreprise vendéenne Tronico. Il s’agit d’un test de type RT-LAMP, technique d’amplification génique proche de la RT-PCR. EasyCOV puise spécifiquement sur des prélèvements salivaires.
La Haute Autorité de santé a validé l’utilisation de tests d’amplification génique sur prélèvement nasopharyngé le 6 mars dernier. Ces tests sont pris en charge à 100 % par la sécurité sociale depuis le 28 mai.
La RT-LAMP est une technique déjà employée aujourd’hui dans des laboratoires d’analyses médicales. En ce qui concerne les prélèvements salivaires, la Haute Autorité de santé a, à ce jour, validé son utilisation uniquement pour la RT-PCR chez les patients symptomatiques.
L’inscription sur la plateforme ministérielle des tests d’amplification génique, comme les tests EasyCOV, s’appuie sur deux critères non cumulatifs : ils doivent soit disposer d’un marquage CE, avec une déclaration préalable à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, soit disposer d’une évaluation favorable de leurs performances par le Centre national de référence des virus des infections respiratoires.
M. Bruno Retailleau. Quelle bureaucratie !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Le ministère n’a reçu aucun élément de ces deux institutions pour l’inscription du test EasyCOV.
À ce stade, des échanges ont lieu avec les chercheurs autour de la question des tests salivaires pour pouvoir en démontrer la fiabilité dans le diagnostic virologique. Des évaluations complémentaires sont en cours concernant l’utilisation de ces prélèvements. Cette technique intéressante est suivie de très près.
Je peux vous assurer, monsieur le sénateur, que le ministre des solidarités et de la santé est pleinement mobilisé pour mettre en valeur le savoir-faire de nos entreprises et s’assurer que nous disposons de tous les outils nécessaires pour poursuivre la politique de tests dans le contexte de l’épidémie. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.
M. Didier Mandelli. Madame la ministre, je ne sais pas si je peux me satisfaire de votre réponse. Au reste, nous n’avons pas obtenu de précisions quant à l’échéance de l’homologation.
En attendant, le département de la Vendée a pris l’initiative de réaliser, dans un premier temps, 3 000 tests dans 16 Ehpad.
J’espère que nous trouverons des solutions dès que possible, parce que le système, très bureaucratique – il faut le dire –, nous prive de résultats rapides en matière de tests salivaires. Je répète que ce système a été déployé dans un grand nombre de pays dans le monde ; la France, qui le produit à 100 %, n’est pas capable de le prendre en compte à très court terme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
avenir du site de bridgestone à béthune (ii)
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la direction de Bridgestone a annoncé, jeudi dernier, la fermeture de son site de Béthune, plongeant dans la colère et le désarroi les 863 salariés de cette entreprise.
Mme la ministre chargée de l’industrie, que je côtoie régulièrement à la table des négociations, le sait bien : aucune des options permettant de continuer l’activité n’a trouvé grâce aux yeux de la direction du groupe, qui, pendant toute cette période, a joué la montre, manifestant le plus grand mépris à l’égard des salariés, des sous-traitants et de leur famille.
Il est désormais évident que la fermeture de l’usine était cyniquement programmée depuis des années, faute d’investissements. Seule comptait la rentabilité du groupe Bridgestone, parfaite illustration de la logique destructrice du libéralisme.
M. Stéphane Piednoir. Cela faisait longtemps…
Mme Sabine Van Heghe. Sur le terrain, les territoires et leurs élus, les régions, les départements, les agglomérations se mobilisent et font preuve d’inventivité pour panser les plaies de l’exode de nos entreprises. Mais nous ne pouvons que constater l’absence d’une politique industrielle nationale solide, l’impuissance de l’Europe à nous protéger et l’incapacité de la France à faire bouger les lignes sur ce plan.
Ce scénario, qui s’est trop souvent reproduit dans notre pays au nom d’une mondialisation dite « heureuse », ce sont les salariés de Bridgestone, après tant d’autres, qui le subissent aujourd’hui.
Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes engagé auprès des salariés du groupe de Béthune à améliorer fortement le plan social et à trouver des solutions pour que le site continue à vivre. Qu’allez-vous faire pour tenir ces engagements ? Êtes-vous prêt à exiger le remboursement par le groupe Bridgestone des aides publiques octroyées sans conditions ni contreparties ?
Quand allez-vous tirer les leçons de ces échecs et donner enfin à la France les moyens de reconquérir cette souveraineté industrielle que les territoires ont tant besoin d’offrir à ceux qui travaillent et créent la richesse de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice Van Heghe, je sais combien vous êtes impliquée, comme votre collègue qui vient de poser une question sur le même sujet, aux côtés des élus du territoire, aux côtés de l’intersyndicale, aux côtés de la région et de l’agglomération, pour trouver une solution pour ces 863 hommes et femmes, pour ces 863 familles de Béthune qui ont été confrontées à cette décision brutale.
Vous avez raison, cette situation s’explique par des années de sous-investissement dans l’usine et dans les savoir-faire, par des années où n’a pas cherché à monter en compétence. Je peux vous dire que j’aurais préféré récupérer ce dossier il y a cinq ans : nous aurions alors su faire quelque chose de comparable à ce qui a été fait à Bari. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Qui était ministre de l’économie à l’époque ? Emmanuel Macron !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Aujourd’hui, il me semble que nous pouvons avancer justement grâce aux outils du plan de relance et à l’implication des élus du territoire et de l’intersyndicale, en travaillant sur des options de rebond professionnel pour l’ensemble des salariés du site. Nous sommes ainsi en train de recenser les possibilités d’emploi et de formation, et nous avons dit très directement à la direction de Bridgestone que le compte n’y était pas sur le plan social – vous connaissez l’implication de ma collègue Élisabeth Borne et de ses équipes sur ce sujet. Nous examinons de très près ce qui est proposé et nous aurons un observateur dans les négociations à venir à partir de demain.
S’agissant des possibilités de reprise, non seulement nous avons mis la pression sur Bridgestone pour trouver des solutions de reprise, mais nous travaillons également avec Business France et avec l’ensemble des équipes de l’État, de la région et de l’agglomération pour contacter nous-mêmes des repreneurs potentiels.
De fait, si nous voulons construire une politique industrielle, c’est en allant chercher des solutions, ces solutions qui nous ont permis de créer de l’emploi industriel en 2017, 2018 et 2019, ce qui n’était pas arrivé entre 2000 et 2016.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour la réplique.
Mme Sabine Van Heghe. Madame la ministre, je vous rappelle qu’il y a cinq ans, c’est M. Macron qui était aux commandes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Quoi qu’il en soit, nous sommes dans l’attente d’une véritable volonté politique. Nous serons alors à vos côtés ! (Mêmes mouvements.)
précarisation de la société
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Ma question s’adresse au Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, les associations caritatives tirent la sonnette d’alarme. Étudiants, jeunes, familles monoparentales, artisans, commerçants, extras, intérimaires, autoentrepreneurs, salariés fragilisés par le chômage partiel, voilà les nouveaux profils de ceux qui, aujourd’hui, basculent dans la précarité, nouveaux visages que je côtoie notamment en tant que bénévole à la Croix-Rouge d’Antibes.
Pour ces derniers, demander de l’aide est insupportable, mais ils n’ont pas le choix. Ils la demandent avec crainte et angoisse.
Vous le savez, la crise sanitaire a eu pour conséquence la précarisation de 1 million de Français. C’est une estimation basse. Ainsi, 800 000 pertes d’emplois sont attendues à la fin de cette année.
Comment rester imperméable à un drame pareil ? Les mois se suivent et apportent leur lot de statistiques effrayantes. L’aide alimentaire est l’un des thermomètres qui affichent les résultats les plus frappants : 8 millions de personnes en France n’arrivent plus à se nourrir. Les associations constatent une hausse de 25 % des demandes d’aide alimentaire. Le nombre d’allocataires du RSA et celui de demandeurs d’emploi connaissent une hausse sans précédent – dans mon département des Alpes-Maritimes, de respectivement plus de 18 % et 14 %.
Nous ne pouvons pas détourner le regard. Il faut désormais nous prémunir contre un autre mal, l’indifférence face à la vulnérabilité de nos plus fragiles.
Monsieur le Premier ministre, les sénateurs de notre groupe ont fait de nombreuses propositions pour leur venir en aide réellement et le plus rapidement possible. Les réponses à l’urgence sociale ne peuvent souffrir aucun clivage politique. Pourtant, nous n’avons guère été entendus jusqu’à présent. J’espère que ma question en sera l’occasion !
Le but de celle-ci n’est pas de vous entendre dresser la liste des actions temporaires mises en place au printemps dernier – nous les connaissons –, mais je n’aurai de cesse de vous alerter sur l’urgence d’intensifier notre combat contre la pauvreté de nos concitoyens.
Pouvez-vous nous dire clairement si le « quoi qu’il en coûte » s’adresse aussi à ces nouveaux visages de la précarité ? Ils sont 9,3 millions à ce jour. Combien seront-ils demain ? La pauvreté ne disparaît pas avec le virus, monsieur le Premier ministre : au contraire, elle ne fait que commencer ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Alexandra Borchio Fontimp, comme vous le soulignez, la situation sanitaire, économique et sociale est bien évidemment dramatique pour nos compatriotes les plus vulnérables.
La pauvreté, comme vous le dites, n’est pas morte avec le covid, mais elle n’est pas non plus née avec celui-ci. Si nous n’avons pas attendu la crise sanitaire pour apporter des réponses aux besoins des Françaises et des Français, notre politique de solidarité à destination de nos concitoyens a été renforcée pour permettre à chacune et chacun de surmonter la situation.
Je rappelle que nous avons défini une stratégie structurelle contre la pauvreté, déployée en 2018. Cette stratégie a bien sûr été renforcée au regard des conséquences de la crise.
Nous avons agi pour assurer l’accès à la santé sans barrière financière. Je pense notamment au reste à charge zéro pour l’accès aux soins optiques, dentaires et auditifs, qui sont intégralement pris en charge par la solidarité nationale. Le Ségur de la santé consacre 100 millions d’euros par an à la lutte contre les inégalités de santé.
Nous protégeons les plus fragiles, avec la reconduction automatique des minima sociaux et près de 3 milliards d’euros d’aides directes à nos concitoyens. Ce sont des dizaines de millions d’euros qui ont été mobilisés pour assurer la mise à l’abri, l’accès à l’alimentation, la mise à disposition de masques pour les plus précaires, parfois sans domicile.
Enfin, ce sont 100 milliards d’euros qui sont mobilisés dans le plan de relance pour permettre à notre économie de tenir le choc et d’assurer une relance créant des emplois pour nos concitoyens, en particulier pour les jeunes. Ce sont 6,5 milliards d’euros qui sont mobilisés dans le plan « 1 jeune, 1 solution », pour la formation, l’insertion et l’embauche de plusieurs centaines de millions de jeunes.
Vous l’aurez compris, madame la sénatrice, nous agissons concrètement pour apporter une réponse d’ensemble et, ainsi, permettre à nos concitoyens de faire face aux conséquences de cette crise sociale majeure, qui dure. Le Gouvernement veillera activement à ce qu’aucun de nos compatriotes en difficulté ne soit laissé sur le bord du chemin. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
nécessaire réouverture des commerces avant le « black friday »