Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, vous avez bien perçu, d’après mes réponses aux précédents orateurs, que je mesure pleinement l’enjeu pour les communes forestières et le rôle essentiel joué à cet égard par l’ONF – donc, par son truchement, par l’État. De fait, près des deux tiers du patrimoine forestier géré par l’ONF est constitué de forêts communales.
J’ai bien à l’esprit aussi les difficultés que rencontrent aujourd’hui certaines communes face à des crises conjoncturelles, comme celle des scolytes, ou plus structurelles, comme celle dont vous avez parlé sur le marché du bois, liée aux usages du bois et à l’adéquation entre l’amont et l’aval.
En ce qui concerne les scolytes, nous avons mis en place par décret, il y a environ un an, un système qui fonctionne plutôt bien, consistant à échanger les bois scolytés entre régions, pour pouvoir les mettre sur le marché. Cette solution, qui paraissait à première vue un peu complexe, s’est avérée efficace.
S’agissant du plan de relance, les 150 millions d’euros prévus permettront le repeuplement de nombreuses forêts communales, que les communes elles-mêmes n’auraient pas eu les moyens de reboiser. À cet égard, l’ONF est bien conscient de la nécessité d’accompagner les forêts communales.
Enfin, nous sommes en train de lancer une mission d’évaluation des conséquences financières de la situation actuelle pour les communes. Cette mission IGA-CGAAER, donc interministérielle, chiffrera les pertes financières des communes forestières liées aux crises conjoncturelles, ce qui permettra d’éclaircir le débat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Depuis deux ans, sous l’effet de sécheresses qui se succèdent, nos forêts de résineux sont touchées par une épidémie de scolytes qui ne cesse de s’aggraver : les volumes de bois touchés ont doublé chaque année entre 2018 et 2020.
Les régions Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est ont été les premières frappées par ce phénomène. Mon département, l’Ain, est touché dans les massifs du Haut-Jura.
À court terme, nous sommes face à un problème économique. De fait, comme il a déjà été souligné, de nombreuses communes forestières ont vu leurs ressources issues de la vente de bois baisser drastiquement. L’une d’entre elles m’a indiqué que ses produits forestiers étaient passés de 300 000 à 30 000 euros ! Les forestiers privés sont également touchés : les rendements s’effondrent sous l’effet d’une chute des cours, et les marchés régionaux sont saturés.
À long terme, nous sommes face à un problème de pérennité de nos couverts forestiers.
J’entends bien, monsieur le ministre, que vous avez mandaté une mission d’évaluation des conséquences pour les communes des baisses de ressources ; mais quelles mesures compensatoires envisagez-vous pour parer à ces déficits de recettes ?
Par ailleurs, il est nécessaire de renforcer le soutien aux coopératives forestières afin qu’elles trouvent des débouchés, notamment en pérennisant et en accroissant l’aide à l’évacuation des bois et en leur apportant une aide de trésorerie.
À plus long terme, quel soutien à la recherche prévoyez-vous en matière de lutte contre les parasites et d’essences susceptibles d’être implantées ?
Enfin, vous annoncez un plan de relance de 150 millions d’euros, mais l’Allemagne annonce un plan de 800 millions d’euros pour la forêt, avec une stratégie forestière pour 2050… Quels moyens allez-vous mobiliser, au service de quelle stratégie à long terme ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, le dispositif mis en place voilà un an pour l’évacuation et la commercialisation des bois scolytés fonctionne, je le répète, plutôt bien, en dépit de son apparence quelque peu complexe. Nous verrons s’il est nécessaire de l’adapter – j’y suis tout à fait ouvert.
En la matière, le vrai défi, c’est de couper et repeupler. Or, jusqu’à présent, on avait souvent « la boule au ventre », comme nombre de forestiers disent, devant une parcelle scolytée, faute d’avoir la capacité de repeupler. Dans le cadre du plan de relance, jusqu’à 80 % du repeuplement d’une parcelle scolytée pourra être financé : il s’agit donc d’une aide très importante. Les modalités seront les plus simples possible, pour que le dispositif soit effectif – comme il a été souligné par plusieurs d’entre vous, la temporalité forestière est essentielle.
S’agissant de la recherche, nous y avons beaucoup travaillé ; M. Menonville a mentionné le rapport d’Anne-Laure Cattelot sur ce sujet très important. Dans le cadre du repeuplement, la question posée, incroyablement complexe mais très intéressante, est celle du choix des essences. Faut-il planter les mêmes essences, des essences cousines, d’autres essences ? Nous travaillons avec la filière pour répondre à cette question, en effet, essentielle.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. Julien Denormandie a déjà répondu en partie à la question, lancinante et immédiatement préoccupante, des forêts scolytées. C’est une réalité dans le Grand Est comme dans le reste de la France ; c’est une réalité dans la Meuse comme dans toute la Lorraine. Les coûts en sont sans doute supérieurs à ceux de la tempête de 1999…
Monsieur le ministre, le 29 juillet dernier, devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, vous vous êtes exprimé avec autant de compétence que de patience, ce qui est plutôt de bon augure pour les solutions que vous pourriez apporter à la forêt.
S’agissant du scolyte, le plus important est, en effet, que le plan de relance engage rapidement des solutions en matière de repeuplement. Les mesures prises pour le transport ont permis d’ouvrir et d’élargir le marché, de « péréquer » en quelque sorte, ce qui a permis d’amortir les baisses de prix, néanmoins bien réelles.
Je vous interrogerai sur l’avenir. Alors que le réchauffement climatique est jugé par la majorité de l’opinion comme une certitude absolue, la forêt étant une affaire de long terme, nous avons le devoir absolu, face à un horizon de long terme annoncé comme prévisible, d’agir en matière de repeuplement. En général, la forêt existe parce que d’autres solutions agricoles n’étaient pas possibles. Il est essentiel que nous sachions comment conduire des projets de forêts nouvelles, compte tenu des perspectives de réchauffement climatique, dont on peut penser, hélas, qu’elles sont certaines.
Par ailleurs, vous avez évoqué l’usage du bois. La filière étant un ensemble complet, de la production à l’utilisation, pourriez-vous nous expliquer de façon simple pourquoi la filière bois ne rencontre pas, dans la construction en France, les succès que nous attendons tous d’elle ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, les deux questions que vous posez sont intrinsèquement liées. Au fond, il s’agit de savoir quelle est notre vision de la forêt – c’est cette question qui forge ma passion pour le domaine forestier.
Nous avons à relever un défi extraordinairement complexe, avec une temporalité de très long terme et des enjeux multiples, parce que la forêt remplit de nombreuses missions pour le peuple français, environnementales, économiques et sociales. C’est déjà très compliqué pour le forestier ; imaginez pour le politique, pris dans le temps de l’émotion et du simplisme… On est loin de la temporalité longue et de la multifonctionnalité !
Puisque le plan de relance nous offre l’opportunité de reboiser massivement, il s’agit de savoir quelles essences planter. Je considère qu’il faut opter pour les essences les plus résilientes du point de vue du changement climatique et qui pourront être utilisées dans trente, quarante ou cinquante ans en fonction des usages que nous pouvons prévoir.
Au XVIIIe siècle, on faisait du feuillu pour l’usage militaire. Après-guerre, on a planté des résineux pour l’usage industriel. Je suis convaincu que, à l’avenir, un des principaux usages du bois sera la construction.
Pour résoudre cette équation, il faudra sûrement retenir plusieurs types d’espèces, en fonction des territoires et en tenant compte des erreurs du passé.
Vous me demandez pourquoi la filière construction bois n’est aujourd’hui pas assez développée. Je pense qu’il manque une articulation entre l’amont et l’aval : le second ne tire pas le premier, qui ne pousse pas le second.
Nous devons donc à la fois repeupler, financer l’aval et reconnecter les deux versants. C’est ce à quoi je m’attelle avec force.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Aux frontières de ma région, les Hauts-de-France, entre les départements de l’Oise et du Val-d’Oise, se trouve la forêt de Chantilly, concentré des richesses des forêts françaises, mais aussi de la complexité de leur situation. Cette forêt, c’est un véritable laboratoire à ciel ouvert !
Le dérèglement climatique, l’infestation par les hannetons et les dégradations causées par le grand gibier : en dix ans, les gestionnaires, dont évidemment l’ONF, ont pu identifier les causes majeures des problèmes de la forêt de Chantilly.
Une mobilisation importante s’est déployée pour agir et conserver une forêt vivante. Elle a permis de mettre autour de la table tous les acteurs : la population, les scientifiques, les associations environnementales, les chasseurs et les élus. Ainsi, les problèmes ont pu être identifiés, et les solutions dégagées.
Les solutions, nombreuses, s’inscrivent dans un schéma national : le reboisement, l’inclusion des chasseurs dans les discussions de régénération de la forêt, l’adaptation de la forêt par la recherche et le développement d’actions en faveur de la filière bois, dans le respect de ses particularités, afin d’assurer son avenir.
Pour établir un cadre et organiser au mieux cette action, l’idée a émergé de créer un groupe d’intérêt public. Loin d’être un comité Théodule, ce GIP met tout le monde autour de la table pour travailler à l’organisation et l’aménagement d’une gestion durable et adaptée au domaine forestier, avec un objectif principal : trouver des solutions face aux dangers qui guettent la forêt.
Je souhaitais attirer l’attention sur le combat mené pour la forêt de Chantilly, parce qu’il y a urgence ! Monsieur le ministre, cette pratique volontariste et la création de ce GIP ne pourraient-elles pas être dupliquées, en tenant compte des spécificités de chaque situation ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Verzelen, j’ai bien présente à l’esprit la situation particulière de la forêt de Chantilly. J’ai entendu les déclarations du général Millet et je mesure à quel point le plan d’action que vous avez brillamment décrit est très certainement en tout point exemplaire.
D’abord, il associe, comme vous l’avez expliqué, l’ensemble des parties prenantes, des citoyens aux gestionnaires en passant, entre autres, par les chasseurs.
Ensuite, il prend bien en compte l’ensemble des défis, grâce à une sorte de comité scientifique associant l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), AgroParisTech et France Nature Environnement, pour ne citer qu’eux.
Enfin, il établit de nouvelles pratiques sylvocynégétiques permettant de concevoir le développement de la forêt de Chantilly sur la durée.
Compte tenu de tout le travail réalisé, j’ai donné instruction à mes services que l’on tire parti des financements du plan de relance pour soutenir l’action en faveur de la forêt de Chantilly. Les acteurs n’ont pas attendu le Gouvernement et son plan de relance, mais celui-ci tombe à point nommé pour leur offrir de nouvelles possibilités de financement.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. On ne le dit jamais assez : on est mal parti… Oui, notre forêt est mal partie, le climat va mal, l’ensemble de notre biodiversité va mal également – tout cela étant lié.
Monsieur le ministre, quarante pesticides de synthèse sont encore autorisés en forêt, dont le glyphosate. Alors que nous arrivons presque à l’échéance du délai sur lequel le Président de la République s’était engagé pour la sortie du glyphosate en novembre 2017, la mise en œuvre de cette promesse semble, au fil des mois, toujours plus floue…
On pourrait imaginer, monsieur le ministre, que la sortie des pesticides en forêt constitue pour vous une priorité. Elle est en tout cas réclamée par les citoyens, qui ont été des milliers à signer un appel en ce sens lancé en 2019 par la très responsable ONG Noé, qui œuvre pour la biodiversité. En effet, les forêts sont des espaces de production, mais aussi des réserves de biodiversité et des lieux de promenade qu’il faut préserver des pollutions.
Les alternatives sont déjà là, puisque l’ONF a abandonné le glyphosate dès 2018, puis l’ensemble des pesticides en 2019. Nous avons reçu ses représentants au Sénat voilà un an, lors d’un colloque, pour qu’ils nous présentent leurs solutions. Pourtant, en septembre dernier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a écarté la quasi-totalité des alternatives au glyphosate en forêt, non pour des raisons d’impasse technique, mais du fait d’inconvénients pratiques et économiques.
Un arrêté étendant la loi Labbé à de nouveaux espaces doit être publié très prochainement. Je m’en réjouis, mais, selon nos échanges avec la ministre, la forêt ne sera pas concernée. Ce serait pourtant l’occasion d’agir dès maintenant.
Monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager pour une sortie rapide du glyphosate et de tous les produits phytosanitaires en forêt ?
M. Bruno Sido. Oh là là !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Labbé, nous avons souvent débattu ensemble de ces questions au cours des derniers mois.
J’ai en la matière une approche assez raisonnée. Comme je l’ai dit à la tribune, il nous faut absolument protéger l’environnement et considérer tout ce que la forêt offre d’important aux citoyens que nous sommes : un poumon vert, un écosystème environnemental, un espace qui se cultive.
Nous avons demandé à l’Anses, une autorité indépendante et à mes yeux l’instance la plus à même de déterminer les usages, d’établir les autorisations de mise sur le marché – lesquelles, je le rappelle, sont non pas signées par le ministre, mais données par cette agence –, y compris dans le milieu forestier.
Dans le cadre du bilan de l’usage des produits phytosanitaires que nous avons présenté voilà quelques jours, l’Anses a été très claire sur l’utilisation du glyphosate en forêt, en en limitant significativement tous les usages, exception faite de quelques situations spécifiques lorsqu’il n’y a pas d’alternative. Cette décision résulte d’une analyse non pas économique, mais holistique, prenant en compte l’ensemble des approches : environnementale, substitution mécanique au travail, faisabilité.
C’est grâce à ce travail très sérieux de l’Anses que nous pouvons tracer cette voie et sortir du glyphosate dès lors qu’une alternative existe. Nous nous y employons avec une grande détermination. D’ailleurs, nous avons prévu des moyens financiers importants pour investir dans la recherche, afin de trouver toutes les alternatives le plus rapidement possible.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
M. Bruno Sido. Il ne manquerait plus que ça !
M. Joël Labbé. … mais quand même… Ses membres n’ont pas pris leur décision, je le répète, pour des raisons d’impasse technique, mais d’inconvénients pratiques et économiques – vous pourrez le vérifier.
Derrière l’usage des pesticides en forêt, il y a tout un modèle d’industrialisation excessive des pratiques en forêt, que l’on retrouve d’ailleurs en agriculture. Le glyphosate est lié à la pratique des coupes rases, à ce jour toujours pas encadrée. (M. le ministre le conteste.)
Dans un contexte de chute de la biodiversité et de réchauffement climatique, cette industrialisation excessive est dangereuse. L’abandon du glyphosate et des produits phytosanitaires en forêt n’est pas seulement souhaitable : il est possible !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. En Guyane, la forêt couvre 8 millions d’hectares, soit 96 % du territoire. Or l’État a confié 6 millions d’hectares de son domaine privé au seul Office national des forêts.
Ainsi donc, l’ONF dispose en Guyane, et nulle part ailleurs, d’un rôle de conservateur gestionnaire, mais aussi d’opérateur, ce qui fait de ses agents des juges et parties dans bon nombre de dossiers.
En 2015, la délégation sénatoriale aux outre-mer a émis trente propositions pour « mettre un terme à une gestion jalouse et stérile du domaine public et privé de l’État en outre-mer ». Elle a proposé une nouvelle architecture propre à la Guyane, destinée à libérer du foncier d’État au service du développement local. Il s’agirait notamment d’accélérer les procédures de cession de terrains du domaine privé, de repousser vers l’intérieur des terres les limites du domaine forestier permanent et de transférer le foncier libéré à la collectivité unique de Guyane, charge à elle de le rétrocéder aux communes et aux acteurs économiques.
Monsieur le ministre, l’exploitation du bois et des produits de la forêt constitue une filière d’avenir pour la Guyane, mais l’accès à la ressource reste problématique, car l’ONF demeure l’unique fournisseur de bois pour les professionnels de la première transformation.
L’État semble réticent à laisser une partie de la maîtrise foncière à la collectivité territoriale de Guyane, qui, en cas de rétrocession, disposerait d’un levier permettant de mettre en œuvre une véritable politique de développement économique. Pourtant, après les événements de 2017, l’État s’était engagé à transférer 250 000 hectares à la collectivité territoriale de Guyane. Malheureusement, ce transfert n’a toujours pas eu lieu, alors qu’il pourrait éviter certaines crispations au sein de la population sur des problématiques telles que la chasse ou l’orpaillage légal.
Monsieur le ministre, que compte faire le Gouvernement pour tenir cet engagement et ainsi aider au développement économique de la Guyane ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir soulevé cette question de la plus haute importance. Car si la forêt joue un rôle majeur dans l’ensemble des écosystèmes, la forêt guyanaise est tout à fait essentielle non seulement pour la Guyane, mais aussi pour une grande partie de la région, voire du monde. C’est un trésor, en même temps qu’une responsabilité collective : nous devons préserver la forêt guyanaise.
Le Gouvernement s’est engagé à procéder à des transferts importants – 400 000 hectares à la population, 250 000 hectares aux collectivités territoriales et 20 000 hectares à une société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer). Je suis d’accord avec vous : leur mise en œuvre n’a pas été assez rapide. Mais il me semble qu’une disposition a été introduite dans un texte récent – ASAP ou Ddadue, je vérifierai – pour accélérer ces transferts, consentis à titre gracieux – c’est là que se posait une difficulté juridique, comme vous le savez.
Madame la sénatrice, votre demande est légitime et même nécessaire : nous devons mettre en œuvre le plus rapidement possible les engagements que nous avons pris en matière de transferts. Croyez bien que j’y veillerai !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, pour la réplique.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse. Le peuple guyanais attend maintenant la concrétisation des engagements de l’État !
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Je poserai deux questions, monsieur le ministre.
La première porte sur le reboisement. À cet égard, permettez-moi de saluer la création et l’abondement, que nous espérions depuis si longtemps, du fonds de reboisement des forêts françaises et de soutien à la filière bois. Le défi consiste maintenant à en faire un bon usage, et ce rapidement.
Selon moi, monsieur le ministre, la question est de savoir non pas quelles essences nous devons planter – la nature offre de multiples richesses –, mais comment sortir du spectre assez limité de celles qu’utilisait l’aval jusqu’à présent.
La question de la disponibilité du matériel de reproduction, donc des plants, se pose également. Les plants seront-ils disponibles dans les délais impartis ? À cet égard, il vous faudra prévoir des modalités de mise en œuvre spécifiques, monsieur le ministre, car la forêt, vous l’avez dit, s’inscrit dans le temps long.
L’autre obstacle à une mise en œuvre rapide, de nombreux collègues l’ont dit, c’est l’autofinancement des communes forestières. Les communes qui vont devoir investir rapidement pour reboiser sont aussi celles qui ont malheureusement été les plus durement frappées par les attaques d’insectes, les fortes chaleurs et les déficits hydriques.
Leurs trésoreries étant sinistrées, il n’est pas sûr qu’elles aient les moyens de s’engager massivement ces deux prochaines années, d’autant que ces pertes financières forestières sont à ce jour exclues de toute compensation par l’État, monsieur le ministre. Il ne faudrait pas que les forêts publiques, ainsi pénalisées, rencontrent des difficultés pour accéder à ce fonds.
Ma deuxième question porte sur la RE 2020, qui est stratégique et déterminante tant pour l’avenir de la filière que pour la lutte contre le changement climatique. Des critères incitatifs et ambitieux sont nécessaires. Un seuil de 450 kilos de CO2 par mètre carré exigible dès 2021 paraît réaliste, surtout s’il est complété par un second indicateur de stockage de carbone, qui serait un véritable label biosourcé, à la fois pour les bâtiments neufs et la rénovation.
Quelle est votre position sur ces sujets déterminants, monsieur le ministre ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, je vous remercie pour les propos que vous avez tenus sur le plan de relance. Cela faisait en effet bien longtemps que l’on attendait des financements massifs pour reboiser nos forêts.
En réponse à votre première question, mon objectif est clair : je souhaite mettre en œuvre le plan de relance le plus rapidement possible. Cela suppose de faire au plus simple, ce qui n’est pas évident, car le diable se cache dans les détails. Sur les types d’essence, j’estime qu’il faut faire confiance à l’intelligence des forestiers.
Par ailleurs, comme vous l’avez dit, il existe de grandes différences entre les forêts communales, les forêts domaniales et les forêts privées. Or toutes doivent avoir accès au plan de relance. C’est pourquoi nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt afin de recueillir l’avis de toutes les filières sur le caractère fonctionnel et opérationnel du dispositif proposé et sur la possibilité de le mettre en œuvre rapidement. Nous recueillons actuellement leurs réponses en vue de lancer le plan dès le mois de décembre et de commencer les plantations en tout début d’année. Ce plan doit être simple et massif.
Sur la RE 2020, vous prêchez un convaincu. Lorsque j’étais ministre du logement, j’ai fait en sorte que 50 % des matériaux utilisés pour la construction des établissements publics administratifs (EPA) soient du bois ou des matériaux biosourcés, de même que pour celle des immeubles construits pour les JO 2024. J’ai par ailleurs œuvré au lancement d’un grand plan bois construction, auquel j’avais d’ailleurs commencé à travailler il y a longtemps avec certains acteurs de la filière.
La RE 2020 est un enjeu historique. La priorité est de réaliser l’analyse du cycle de vie du bois. Certains estiment encore que le béton est meilleur que le bois pour l’environnement. Je ne le pense pas. La RE 2020 doit le démontrer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le ministre, votre engagement sur la RE 2020 sera déterminant. À cet égard, vous êtes notre avocat, nous le savons tous.
Permettez-moi d’aborder rapidement un autre sujet. Un véritable et grand débat sur l’ONF est aujourd’hui nécessaire. Les mesures prises rapidement dans la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), qui, finalement, instillent de la défiance, ne sauraient se substituer à un véritable projet d’avenir sur le partenariat public-privé ni à une véritable stratégie amont-aval, laquelle est absolument essentielle pour dessiner un avenir pour la filière et l’ensemble des acteurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le ministre, le plan de relance du Gouvernement prévoit d’adapter la forêt au changement climatique. L’enveloppe de 200 millions d’euros prévue permettra d’assurer la régénération de nos forêts, d’approvisionner les industries de la filière bois, et surtout d’accroître la capacité des forêts à capter du carbone, lesquelles contribueront ainsi au respect des engagements climatiques de la France.
Le Gouvernement a rappelé à juste titre que la filière bois permettait de compenser environ 20 % des émissions françaises de CO2 et qu’elle jouait ainsi un rôle majeur en matière d’atténuation du changement climatique. Pour autant, ce rôle repose sur la résilience des forêts, notamment sur leur capacité à s’adapter à ce changement.
Vous avez donc prévu un grand plan de reboisement allouant 150 millions d’euros à la plantation de 45 000 hectares de forêt afin d’augmenter les surfaces plantées, de régénérer les surfaces existantes et de reconstituer celles qui ont dépéri, notamment en raison des attaques de scolytes.
J’attire néanmoins votre attention sur le fait que l’attribution de ces crédits à la plantation ne semble à ce stade ni conditionnée à une certification de gestion durable ni même bonifiée dans ce cas. Or dans le contexte actuel, nous observons de fortes interrogations sociétales sur la gestion forestière. Il me semble particulièrement important de donner à nos concitoyens la certitude que l’État a tout mis en œuvre pour s’assurer que le propriétaire forestier qui bénéficiera de cette importante aide publique au reboisement l’utilisera en respectant des critères de durabilité inscrits dans la démarche de certification forestière.
Pour ce faire, le Gouvernement pourrait conditionner l’attribution des aides publiques à l’adhésion à une certification de gestion durable des forêts, comme le programme de reconnaissance des certifications forestières (PEFC) dans lequel 70 000 propriétaires privés, détenteurs de plus de 5,5 millions d’hectares, sont déjà engagés.
Aussi, monsieur le ministre, envisagez-vous de faire de la certification de la gestion durable une écoconditionnalité, et si oui, sous quelle forme ?